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L’entreprise à Bamako et le fondement de son profit

Investissements, rentabilité et régulation formelle

Section 2 L’entreprise à Bamako et le fondement de son profit

La participation de capitaux privés à l’EDM en 2000 est précédé entre 1994 et 1998, par une expérience de délégation de gestion globale soutenue par les prêts de la banque mondiale et de l’agence française de développement. A l’époque, un consortium privé franco-canadien est sélectionné, il implique déjà la SAUR. En décembre 2000, l’EDM est privatisée. La nouvelle société est détenue à 60% par un partenaire stratégique SAUR-IPS (Industrial Promotion Services du groupe Aga Khan) et à 40% par l’Etat malien. Cette participation de capitaux privés fait partie de la réforme du cadre juridique et institutionnel du secteur eau potable et électricité. Le désengagement de l’Etat des activités opérationnelles, l’amélioration de la productivité et de l’efficacité, la participation du secteur privé en sont les principaux termes (cf. ordonnance 020/P-RM 15/3/2000 et décret 00-183/P-RM 14/4/2000, sur l’organisation secteur eau). La participation de capitaux privés dans l’EDM modifie ses objectifs et la façon d’exercer l’activité en changeant la composition de la direction de l’entreprise. La préférence pour le court terme conduit les capitaux privés à privilégier la rentabilité à court terme au détriment d’une rentabilité à plus long terme qui passerait par la réalisation d’investissements. Pourtant dans le contrat

de concession l’opérateur doit exploiter le service et construire les infrastructures15. L’accroissement de la rentabilité passe par un redressement des performances de la gestion mais aussi par des avantages négociés dans le contrat. Nous présentons les avantages conquis par l’entreprise privée, en termes fiscaux, en terme d’exploitation et d’investissement, qui soutiennent son profit. Nous exposons ensuite la façon dont l’entreprise optimise ses recettes grâce à sa politique tarifaire, et ses choix en matière de répartition de valeur ajoutée.

Les termes du contrat et les réalisations

Nous nous penchons sur les termes du contrat entre la SAUR et l’Etat afin de comparer les réalisations de l’EDM privatisée à ce qui était convenu.

Le service public de l’eau (la production, le transport et la distribution d’eau potable) est délégué à des exploitants dans le cadre de délégations de gestion de service public (article 3 de l’ordonnance n°00-020/P-RM du 15 mars 2000). Le contrat établit une concession de 20 ans, mais l’Etat conserve la domanialité publique des installations de production, de transport et de distribution d’eau. Les objectifs explicitement mentionnés dans le contrat portent sur l’amélioration de la desserte mais également sur la mise en œuvre d’une tarification fondée sur le coût réel de fourniture de service devant assurer la pérennité financière du service concédé. Le concessionnaire a l’obligation « à son initiative » de réaliser tous les travaux nécessaires au bon fonctionnement du service concédé. Il s’agit des travaux d’entretien, de grosses réparations, de travaux relatifs aux branchements et compteurs, travaux de renouvellement, de renforcement et d’extension. Tous les ouvrages, équipements et matériels permettant la bonne marche de l’exploitation du service concédé y compris les branchements et compteurs, seront entretenus en bon état de fonctionnement et réparés par les soins du concessionnaire à ses frais.

Le contrat mentionne que : « le concessionnaire s’engage à atteindre les objectifs de desserte fixés dans le cahier des charges. La non réalisation des objectifs de desserte pour des raisons imputables au concessionnaire constatée à l’issue de chaque période quinquennale, constitue une faute contractuelle grave qui sera sanctionnée ». Les objectifs de desserte sont mesurés par le nombre de branchements des ménages et le volume d’eau

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C’est de la responsabilité du concessionaire de réaliser les travaux de premier établissement, travaux de renouvellement, et d’entretien, il se rémunère sur les recettes sur les usagers, c’est sur lui que pèse le risque d’exploitation (Troger, 1995)

facturé aux branchements individuels (ménages) et collectifs. Nous verrons que le nombre de branchements collectifs a augmenté de façon importante (voir aussi chapitre 5), ce qui permet au gestionnaire d’accomplir l’objectif de desserte en volume plus rapidement que si seule la consommation aux branchements individuels était comptabilisée.

Le contrat précise aussi les sommes à affecter aux investissements. Toutefois, il dénature cette astreinte en spécifiant que : « l’insuffisance des investissements par rapport au programme ci-dessus ne saurait constituer une des raisons de sanction du concessionnaire que dans le cas où les engagements du concessionnaire au niveau des objectifs de desserte ne sont pas tenus ». La desserte peut dès lors être améliorée en faisant fonctionner l’entreprise au maximum de sa capacité de production et en réduisant les fuites sur le réseau, en reportant l’investissement à plus tard. Les critères de performances ne font pas intervenir l’accroissement du volume d’eau produit, mais celui du volume vendu. Aussi, l’entreprise peut miser sur la hausse du rendement sans avoir à accroître la capacité de production. La progression du nombre de branchements individuels peut, quant à elle, ne refléter que la régularisation des branchements clandestins.

Compte tenu des objectifs de desserte, de qualité du service et des performances générales fixées par le cahier des charges, les montants prévus sur les premières années du contrat (2001-2006) étaient estimés au minimum à 24 milliards de FCFA et pour la période 2007-2011, ils s’élevaient à 3,5 milliards de CFA.

Tableau 21. Investissements relatifs au service eau conformément au contrat (Mds CFA)

Période 2001-2005 2006-2020 Total

Production, adduction, stockage, distribution 38,4 103,6 142,0

Etudes et supervision de travaux externes 1,2 3,1 4,3

Compteurs 1,2 3,2 4,4

Total 40,8 109,9 150,7

Le principe de couverture des coûts, stipulé dans le contrat, reporte le financement des investissements sur les usagers (quantité vendue et prix). Aussi, parallèlement aux objectifs de vente en volume, le contrat prévoit des hausses de prix. En dehors d’une hausse de prix de 10% prévus à deux dates fixées à la signature du contrat (janvier 2001 et janvier 2003), une révision annuelle a lieu en fonction des variations de prix de certains facteurs d’exploitation. La formule est révisée si l’indice de l’ajustement des tarifs a augmenté de plus de 20%, si l’un des indices de la formule a augmenté de plus de 50%, à

l’occasion de chaque revue quinquennale, ceci afin de tenir compte de l’évolution du poids de chaque facteur constituant le prix de l’eau. Le contrat mentionne explicitement la modification de la subvention croisée entre villes.

Tableau 22 Les objectifs de desserte à Bamako

Année n N+5 N+10 N+15 N+20 Nombre de branchements individuels 32 705 42 520 61 595 83 140 111 221 Vol facturé aux ménages (milliers m3/an) 17 071 21 258 30 341 40 080 52 357

Tableau 23 Evolution des ventes d’eau (milliers m3/an)

2000 2001 2002 2003 2004 Objectif 2005 Bamako 18 666 19 885 22 374 24 957 28 849 21 258

Croissance/2000 5% 19% 33% 49% 38% Source : EDM-SA

Les objectifs de volume vendu de l’EDM ont été dépassés dès 2004 (28 849 000 m3 atteints contre 21 258 000 m3 prévus). La facturation a progressé : en effet, entre 2000 et 2004, la production a augmenté de 30% alors que les ventes ont augmenté de 55%. Le rendement atteint même 69,7% en 2005. Toutefois, cette performance de la gestion est discutable en termes de progrès de la desserte. En effet, la consommation moyenne par abonnés diminue, le rapport entre la production vendue et le nombre d’abonnés se dégrade entre 2000 et 2004. Cette évolution traduit le fait que la production d’eau ne suit pas le rythme de la demande. Les investissements qui auraient conduit à une meilleure prise en compte des consommateurs n’ont pas été réalisés.

Tableau 24 Evolution d’indicateurs de performance

Année 2000 2001 2002 2003 2004 Ventes m3 18 655 701 19 884 837 22 373 776 24 957 429 28 849 037 Rendement Prod./vente (%) 56 56 56,8 62,9 66,1

Nombre d’abonnés 27 856 32 164 41 907 44 538 48 612 Conso. moyen./abon. (m3/an) 670 618 534 560 593

Source : EDM, 2005

En nous intéressant maintenant aux investissements programmés sur la première période 2001-2005, on constate un écart important entre ce qui était prévu et ce qui a finalement été réalisé à fin 2004, aussi bien pour le secteur électrique que pour l’eau potable. Ce déficit d’investissement se traduit par une baisse de la quantité disponible pour chacun et par la mauvaise qualité de la desserte (coupures) (cf. entretiens avec les

gérants de bornes-fontaines au chapitre 5). La stratégie de l’entreprise éclaire les constatations ci-dessus.

Tableau 25 Objectifs d’investissements prévus et réalisés (en milliards FCFA)

Objectifs 2001-2005 Réalisations 2001-2004 Ecart % Infrastructures d’électricité 91,9 32,4 -65

Infrastructures eau 39,6 12,36 -69

Source : EDM 2005 ; contrat

2.1 Externalisation des coûts

L’externalisation des coûts est une source de profit pour la multinationale SAUR installée à Bamako. Pour financer le réseau, l’Etat malien a fait appel à une multinationale afin d’alléger le budget public. Toutefois, les programmes d’investissement effectués sont inférieurs à ceux prévus dans le contrat.

Les investissements sont pris en charge par d’autres entités que l’entreprise privatisée. Le réseau s’étend parce que les usagers, les promoteurs immobiliers et aménageurs paient à la place de l’EDM les coûts d’extension du réseau. L’agence ACI a installé le réseau16 dans les quartiers de Bamako qu’elle devait aménager puis elle a vendu les parcelles suivant les frais qu’elle y avait engagé. La tendance au report des coûts de l’extension du réseau existe depuis les années 1990. L’Etat, propriétaire du réseau, contournait alors le problème du financement de l’extension du réseau en s’en remettant aux usagers et aux approvisionnements palliatifs. L’EDM privatisée n’a pas davantage endossé la charge financière de l’extension du réseau, elle a continué à autoriser l’installation de bornes- fontaines bien que la capacité de production d’eau ait été insuffisante17. L’impact de ce sous investissement dans la capacité de production du réseau n’est pas identique selon les quartiers. Les populations ont des moyens alternatifs traditionnels d’avoir de l’eau. Mais la densification de l’habitat et de l’activité s’est accompagnée de l’augmentation de la pollution des puits et cours d’eau. Par conséquent, cela rend plus nécessaire les efforts pour la production et la distribution d’eau potable. Au moment où l’EDM privatisée reprend l’activité elle est dans ce contexte de fortes pollutions. Les ménages continuent à

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De 1992 à 2005, elle a installé 191 km de canalisations et 12 bornes-fontaines.

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Dans certains quartiers Djicoroni Para et Kalabancoura qui ont l’infrastructure, il n’y a pas d’eau parfois pendant 72 heures en saison sèche. La station de Bamako participe aussi à la desserte de la ville de Kati.

utiliser l’eau du puits ou du marigot qu’ils complètent avec l’eau de forages autonomes. L’existence de ces moyens alternatifs permet à l’EDM de se décharger d’une distribution généralisée.

La capacité de production n’a pas évolué entre 2002 et 2005 alors que la population a augmenté de 16% entre 1998 et 2006.

Tableau 26. Evolution de la capacité de production

1980 1995 1998 2002 2005

36 000m3 /j 70 000m3/j 156 000m3/j 120 000m3/j 120 000m3/j

Source : EDM, 2005.

2.2 Extension de la ville

La ville a été fondée sur la rive gauche (Nord) du fleuve Niger par l’installation de plusieurs familles commerçantes au 17e siècle. Elle devient un lieu d’échanges économiques entre les commerçants du nord du continent apportant le sel et ceux du sud vendeurs de cola, et d’or. A partir de 1883, la conquête militaire française en fait progressivement la capitale de la colonie du Haut Sénégal-Niger et y développe l’administration coloniale. C’est sur le Plateau de Koulouba surplombant la ville que s’installent les administrateurs coloniaux. La notoriété de la ville augmente grâce à la construction du chemin de fer Dakar-Niger, reliant la colonie d’Est en Ouest (du fleuve Niger au port de Dakar). Sa vocation commerciale s’affirme et les commerçants français s’installent effectivement à Bamako, se livrant au commerce de traite. La zone occupée correspond aux quartiers des communes 2 et 3 et reste, aujourd’hui, le cœur de la ville. En 1945, un premier plan d’aménagement et d’urbanisme est réalisé à Bamako (le gouverneur Louveau réalise de grands travaux)18. L’activité commerciale de la ville attire, la population croît de 8% par an entre 1945 et 1960.

La pratique de l’administration coloniale en matière foncière consiste à établir une législation répondant à ses besoins d’expansion. Les quartiers qu’elle s’approprie deviennent le centre actuel, tandis que les autochtones sont déplacés autour. Les quartiers

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les plus anciens sont le centre commercial, Koulouba, Point G qui correspondent aux zones d’installation des colons. Les quartiers maliens sont : Niarela, Bozola, Dravela, Bamako coura, Dar salam, Medina coura, Ouolofobougou, Bolibana. La population est modeste, elle compte 37 000 habitants en 1945.

Tableau 27. Evolution de la surface occupée par Bamako (ha)

1918 1960 1974 1996 2005 210 ha 3400 ha 5000 ha 12 800 ha 26 700 ha

Source : Diarra, 2003, site internet de la mairie de Bamako

La ville s’étend sur la rive gauche et quelques villages gravitent autour dès 1918. Ils sont aujourd’hui intégrés à la capitale, il s’agit de : Missabougou, Yirimadio, Sirakoro, Sébéninkoro, Kalabancoro, Sénou. L’installation sur la rive Sud (droite) a lieu à partir des années 1960 (indépendance en 1960), moment où la pression sur le centre commence à être forte. La surface occupée par la ville fait plus que doubler en 20 ans (1974 à 1996), mais en 1983, c’est encore 2/3 de la population qui vit au nord du fleuve. Enfin en 1996, ce sont 12 800 ha qui sont occupés avec une extension due essentiellement à l’installation des populations sur la rive droite.

Tableau 28. Evolution de la population de Bamako

Année Population Taux d’accroissement/an 1884 2 500 1945 37 000 4,5% 1960 130 800 8,8% 1968 170 000 4,08% 1976 419 239 12% 1987 658 275 4,4% 1998 1 016 167 4,03%

Source : (Diarra et al, 2003)

Entre 1960 et 1968, sous la présidence de Modibo Keïta, la population de Bamako augmente peu. Sa politique socialiste, freinant l’exode rural, connaît un certain succès, la population n’augmente que de 4%/an sur la période. Les fonds publics servent à réaliser des investissements dans le secteur agricole pour maintenir les ruraux dans leur localité. A Bamako, l’Etat lotit quelques quartiers situés au nord du fleuve : Korofina ancien, Djielibougou, Hippodrome, Djicoroni para, Badalabougou, Quizambougou. Mais c’est bien inférieur au développement des nombreux quartiers nés avant l’indépendance et dont

l’administration coloniale n’avait pas maîtrisé la création. Ils sont pour l’essentiel au nord du fleuve19. En 1960, les quartiers en création comprennent l’Hippodrome, Lafiabougou, Djicoroni dontomé I et II, Djelibougou, Korofina, Quizambougou extension, Quartier Sema, Badalabougou, Torokorobougou, Kalabancoura, Faladie, Sogoniko, Magnambougou villa, Daoudabougou, Djicoroni20.

Mais au début des années 1970, la sécheresse frappe le pays et provoque un afflux de population vers Bamako qui n’est plus contraint par une politique étatique de limitation des migrations. En effet, le nouveau président Moussa Traoré laisse faire les migrations sans pour autant contrôler la façon dont elles ont lieu. La population fait plus que doubler entre 1968 et 1976 pour atteindre 419 000 habitants, soit un taux d’accroissement de 12%/an. Les installations ont lieu sur la rive nord du fleuve pour la plupart car c’est là que se concentrent les activités économiques.

2.3 Situation du peuplement

Tableau 29. Répartition de la population par commune en 2004 ; densité en 2006 (hab/km²)

Commune 1 Commune 2 Commune 3 Commune 4 Commune 5 Commune 6 Total

227 061 147 094 116 118 216 728 218 315 257 625 1 182 141 6 785 8 342 6 203 5 503 5 777 3 100

Source : PNUD. 2006. Profil de pauvreté des communes du MalietDirection Nationale de la Population

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il s’agit de : Meguisikoro, Banconi, Fadjiguila, Doumanzana, Zone Industrielle I et II, Bakaribougou, Magnambougou, Makanbougou, Moussablena, Boukalssoumbougou, Bombolibougou, Samé, Djicoroni para, Sebeninkoro, Djiandjiguila, Missabougou, Sokorodji, Yirimadio, Sonsorobougou, Niamakorobougou, Sabalibougou.

Carte 5 Densité de population à Bamako en 2006 (hab./km²)

Entre les communes de Bamako, les taux d'accroissement de la population et sa répartition diffèrent. Les communes densément peuplées en 2006 sont les commune 2, 1 et 3. Les communes moyennement ou faiblement peuplées sont les communes 4, 5 et 6. D’une part, les communes 2 et 3, communes du centre ville qui ne disposent que de très peu ou pas d'espace habitable ont des taux d'accroissement très faibles (respectivement 1,53% et 0,68% entre 1992 et 1997). D’autre part, les communes 1 et 6, disposent de grandes réserves de terrains, et ont des taux d'accroissement très élevés (7,5% et 7,98% dans la même période). Les communes 4 et 5 présentent des taux d'accroissement du même ordre que ceux de l'ensemble du District. L'estimation des taux d'accroissement annuels pour la période 1997 - 2002 pour les communes 2 et 3 (respectivement 2,26% et 3,68%) est remarquable, si on les compare avec les estimations des taux d'accroissement pour les périodes précédentes (pour la période 1987 - 1992 (respectivement 0,49% et

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Les quartiers anciens sont densément peuplés et comprennent en plus des noms cités plus hauts : Bagadadji, Missira, N’tomikorobougou, Badialan, Hamdallaye, d’après le groupe 8.

Commune 5 Commune 5 Commune 1 Commune 2 Commune 3 Commune 4 Commune 6 Fleuve Niger

0,46%)). L'explication de cette évolution pourrait être la présence de quelques quartiers non viabilisés récents mixtes et récents viabilisés dans ces communes21. L’urbanisation de Bamako se poursuit, la ville s’étend. Cet étalement est source de coûts croissants pour l’entreprise gestionnaire du réseau qui doit augmenter sa capacité de production et étendre le réseau. Cette nécessité entre en contradiction avec les objectifs de court terme de l’entreprise privatisée. L’absence de rigueur dans la gestion de l’espace urbain (cf. chapitre 5) freine l’essor qualitatif du service.

Procédure de régulation de l’EDM privatisée : la CREE

Le retrait de l’Etat de la gestion du service de l’eau et de l’électricité en faveur de partenaires privés pose la question de la régulation du service. Comment, en effet, s’assurer d’un fonctionnement de l’entreprise privatisée qui évite les abus de la position de monopole ? Une solution réside dans la création d’instances de régulation comme nous l’avons vu au premier chapitre. Au Mali, la participation de capitaux privés s’accompagne de la création d’une commission de régulation de l’électricité et de l’eau (CREE). Créée auprès du premier ministre, celle-ci a été dotée de la personnalité juridique et de l’autonomie financière. Ses ressources proviennent d’un prélèvement d’une redevance de régulation perçue sur les opérateurs du secteur eau et électricité22. A titre exceptionnel, elle peut recevoir des subventions de l’Etat, des collectivités territoriales et d’organismes publics nationaux ou internationaux. En 2004, la CREE soulignait l’insuffisance de la redevance sur les opérateurs en regard du besoin de renforcement de ses capacités (CREE, 2004). L’évaluation temporaire des besoins a conduit à fixer le niveau des redevances à : 0,6 FCFA/kWh pour l’électricité et 1,8 FCFA/m3 pour l’eau. Le montant annuel total de la redevance ne peut excéder 1% du chiffre d’affaires des services publics de l’électricité et de l’eau soumis à la TVA. Donc à la différence de l’OFWAT en Grande-Bretagne, dont les financements sont suffisants, l’agence de régulation malienne travaille dans des conditions plus difficiles.

Les membres de cette commission sont nommés par décret au conseil des ministres. Ils sont en place pour un minimum de 5 ans et ne peuvent pas être démis de leur fonction avant la fin de leur mandat (sauf manquement grave). On remarquera que l’activité de

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A savoir Bakaribougou, Hippodrome, TSF et Zone Industrielle dans la commune 2, et Point G, Koulouba, Sogonafing et Badialan 3 dans la commune 3.

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cette commission n’a pas débuté en même temps que la participation de capitaux privés de l’EDM mais un an après (janvier 2002). Or la commission était chargée de veiller au déroulement de la mise en concession de l’EDM (textes législatifs et réglementaires)23. Ceci a généré de graves lacunes qui sont apparues au cours de l’activité de l’EDM privatisée.

Les missions de la CREE consistent en : un soutien au développement du service public de l’eau et de l’électricité, la défense des intérêts des usagers et de la qualité du service public, la promotion et l’organisation de la concurrence entre les opérateurs, l’arbitrage des conflits entre opérateurs et entre opérateurs et maître d’ouvrage. La CREE dispose d’un pouvoir d’injonction et de sanction à l’égard des opérateurs. Elle veille à l’application de la politique tarifaire. Elle est habilitée à contrôler et discuter des prix de l’EDM (notamment la formule d’indexation tarifaire)24. Or, en 2003, elle a suspendu temporairement l’application des formules d’indexation tarifaire. La demande d’augmentation des prix formulée par l’EDM a été l’objet d’un débat. La CREE (2004) a estimé que l’origine de la controverse sur les prix résidait d’abord dans « une persistance d’une variation de plus de 50% de l’indice relatif aux hydrocarbures ». Ensuite, elle a soulevé le problème créé par « l’imprécision des textes [du contrat] qui donnent lieu à des

divergences d’interprétation, et enfin par l’existence dans les formules d’indexation d’indices ou de coefficients inappropriés ou non spécifiés ». Ces difficultés auraient pu

être atténuées si la CREE avait été mise en place avant la participation de capitaux privés. Par ailleurs, l’activité de la CREE est entravée par l’imprécision des moyens réglementaires qui lui sont conférés pour imposer ses décisions.

Les stratégies de l’EDM retardent l’équipement de la ville

L’entreprise a réussi à contourner la contrainte à investir car il n’y a pas dans le contrat de montant contractuel pour l’investissement dès lors que les objectifs de desserte