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Dérives socio-économiques et risques politiques ?

La régulation du secteur de l'eau à Cuba

Section 1 Dérives socio-économiques et risques politiques ?

La crise économique a divisé la société cubaine entre les ménages qui peuvent payer des produits en devise et les autres, entre les entreprises qui ont la possibilité de gérer des devises (et de disposer d’une liberté de gestion effective) et les autres, entre les territoires privilégiés et les autres2, qui sans être totalement exclus du circuit n'y participent qu'à la marge. Quoique limités par la faiblesse des finances publiques, des rééquilibrages partiels s’opèrent par les transferts de l’Etat aux entreprises et aux ménages ; le secteur informel agit par défaut. Il n’empêche pas la propagation du « système D ». Ce

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Les inégalités territoriales résultent des activités qui s’y implantent, dynamiques ou traditionnelles. (Dilla Alfonso, 2000).

dernier suppose un circuit informel des biens, la généralisation de biens mal acquis qui interfèrent avec l’action étatique.

Les insuffisances du budget et les désordres provoqués par l’informel peuvent faire vaciller le système. L’émergence d’inégalités est un puissant facteur de déstabilisation de la société cubaine (Dilla, 1999). Après quelques échauffourées dans la municipalité de Regla en 1993, en Août 1994 a eu lieu à La Havane, une manifestation contre le régime (Campa ; Perez, 1997) connue comme « la marche du Malecon ». Situation extrême pour des habitants qui certes se plaignent mais plutôt en petit comité, et qui, accoutumés aux restrictions, privilégient la débrouille pour résoudre les difficultés quotidiennes. L’esprit de sacrifice ne trouve plus écho auprès de la population, le fameux esprit révolutionnaire devient inopérant, à mesure qu’augmentent les inégalités. Pour faire face à la dégradation des conditions de vie la population se tourne vers la recherche de devises. Le tourisme joue à cet égard un rôle clé aussi bien pour les individus que pour le gouvernement.

1.1 L’irruption de l’économie informelle

Pendant la «Période Spéciale en Temps de Paix », les difficultés à obtenir des intrants se sont répercutées sur le niveau de la production et sur le niveau d’emploi. Les entreprises licencient ou ferment. De nouvelles formes d’emploi non public ont surgi et le marché parallèle s’est étendu. Pour atténuer l’impact de l’accroissement du chômage, l’Etat autorise l’activité à son compte à partir de 1993. Il allège ainsi la charge salariale liée aux travailleurs en surnombre dans le secteur public. Il redynamise l’emploi en permettant à 134 activités de service de se développer3. Cependant, les impôts prélevés sur l’activité à son compte ont un impact dissuasif sur l’inscription des travailleurs sous ce statut. Aussi, le nombre d’inscrits officiellement est inférieur à ceux qui officieusement possèdent ce statut et les revenus que les travailleurs déclarent sont bien inférieurs à ce qu’ils perçoivent effectivement. En 1997, il y avait des centaines de milliers de travailleurs officiellement inscrits et autant exerçant de façon non officielle. Une autre raison s’ajoute à la sous déclaration de l’activité, la mauvaise perception du secteur des travailleurs à leur compte. Il est en effet considéré comme politiquement et

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Des services rendus à la population que n’assure pas le secteur public, et le soutien au développement du tourisme où se portent la plupart des investisseurs étrangers (Vilariño, 1997).

idéologiquement instable. Ces travailleurs sont l’objet d’une condamnation idéologique à cause de la manière dont ils s’enrichissent4.

Les autorités ont présenté l’ouverture économique comme un mal nécessaire à la reprise économique et à la sauvegarde d’un modèle social mais les mesures décidées ne coïncident pas avec le modèle socialiste. La préoccupation affichée pendant la crise reste celle de la cohésion sociale. Celle-ci continue grâce au maintien du niveau de vie et à la limitation des inégalités, mais l’objectif est difficile à tenir. Certes, les chômeurs ont été indemnisés, les soins ont été pris en charge par la dépense publique, et l’éducation a été maintenue mais la qualité de la prise en charge a diminué et les obstacles se sont multipliés pour l’accès à ces services. Cette ouverture ciblée et contrôlée a pourtant instillé des comportements individualistes ou de repli vers le groupe, la famille. Ces modifications mettent en péril le modèle protecteur cubain avec un possible effritement des valeurs et des comportements et l’émergence de revendications chez les nantis. Les revenus deviennent une source de pouvoir à partir du moment où des groupes socio- économiques se constituent et revendiquent une libéralisation plus grande qui leur profite.

L’ouverture économique a créé des opportunités d’enrichissement, lesquelles se perçoivent à travers la concentration des dépôts bancaires : 84% des dépôts des banques correspondent à 13% des comptes d’épargne. Les inégalités apparaissent en partie provoquées par le vide laissé par l’Etat. Pendant la crise, celui-ci n’a plus été en mesure de continuer son haut degré d’implication sur le plan social (Vilariño, 1997). Dans la période qui a précédée la crise, plus de 44% du budget revenait aux services sociaux.

A la fin des années 1990, le salaire moyen était de 245 pesos or, pour vivre, il fallait entre 250 et 350 pesos. La consommation de 20 produits a été à nouveau rationnée et la consommation sociale d’aliments (cantine à l’école ou au travail) a été réduite. Les mesures étatiques devaient garantir un niveau de vie et de protection sociale décents en maintenant les emplois et les salaires nominaux de ses travailleurs (95% de la main d’œuvre 1989) (Ferriol Muruaga, 1998). Elles assuraient l’alimentation via le carnet de rationnement et par la consommation sociale. En fait, ce carnet ne parvient pas à satisfaire les dépenses alimentaires d’une famille. La population est obligée d’aller sur le marché

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Nouveau décret-loi nov. 1997 infligeant des peines personnelles plus lourdes (retrait des licences pour 2 ans) en cas de fraudes.

libre où les prix sont beaucoup plus élevés donc les produits moins accessibles5. Pour maintenir leur niveau de vie, les cubains ont diversifié leurs revenus (les salaires publics n’ont représenté ces dernières années que 56% des revenus des familles contre 75% dans les années 1980). L’Etat n’est plus le seul employeur même s’il reste le principal pour de nombreux cubains. En 2002, le secteur privé (14%), et les autres sources (36%) complètent le revenu des cubains (salaires 49%). Le salaire moyen vaut 261 pesos, mais le salaire réel a diminué de 32% entre 1989 et 2002 (Togores Gonzales, 2004). En 2003, la consommation sociale est renforcée par la priorité donnée à des programmes sociaux tournés vers l’éducation, la santé (réparation de pharmacies et de polycliniques). Cette orientation prise par Fidel Castro s’intègre à la stratégie de développement : le renfort du capital humain et des compétences en terme d’économie de la connaissance (cf. DGTPE, 2007 enquête auprès d’experts).

Le politique a préconisé la solidarité dans la précarité ; or c’est la tendance au repli individualiste pour la survie qui domine et rompt totalement avec les valeurs du système socialiste (Romero, 2002). A ce titre, la « débrouillardise » est une des manifestations de l’individualisme. Ce n’est pas un phénomène nouveau, elle a toujours accompagné le développement de l’économie planifiée. Cependant, elle s’est amplifiée avec le durcissement des pénuries et la création d’un circuit d’accès aux biens-dollars. La possession de dollars est devenu un enjeu majeur pour les familles cubaines. L’obtention de compléments de revenu (en pesos ou en devises) se fait, y compris par le vol et la revente des biens d’entreprises. Pour subsister, des stratégies individuelles et collectives d’obtention de revenus en dehors de ceux que procurent l’Etatse mettent en place (Temas, 1998). Elles comprennent :

- La diversification du travail familial lequel prend diverses formes d’insertion sur le marché du travail. Dans une même famille, il y a des travailleurs salariés du secteur public, d’autres travaillent à leur compte dans le secteur revitalisé de l’économie. Quelques membres de la famille sans emploi vivent de ce qu’on appelle “résoudre” ou “inventer” ce qui signifie des formes de travail précaire ou illégal ;

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Les experts cubains estimaient que les achats hors des marchés directement régulés formaient plus de 65% des dépenses des familles en 1996 (dont 35% en devises et 30% sur les marchés libres ou parallèles). La ration alimentaire a donc diminué (CEPAL, 1997).

- Le travail à son compte est une autre solution. Mais c’est aussi devenu un moyen d’accumuler de la richesse à travers des mécanismes illégaux, tel que le détournement de ressources, le commerce illicite de produits, le vol ;

- L’intensification de l’aide via les réseaux familiaux émigrés qui envoient des devises (apports matériels mais qui amènent aussi des changements en matière de référents, de style de vie) ;

- L’augmentation de la recherche de réseaux informels d’appui au détriment des formels i.e. la famille élargie, les amis, les voisins, coreligionnaires ;

- La conversion de la famille en une micro entreprise, comme dans le cas d’ouverture de restaurants chez les particuliers (‘paladares’)

- Le cumul d’emplois, publics ou privés ;

- La recherche d’emplois bien rémunérés en espèces (dollars ou pesos) ou en nature dans le secteur mixte ou privé ;

- La recherche de travail temporaire à l’étranger6 ;

- Le recours aux moyens illégaux (marché noir, proxénétisme).

Les individus tirent parti de leur accès aux biens des entreprises (revente de biens dans la rue en dehors des circuits de détail). Tous les employés du secteur mixte, ou ceux du secteur public sont soumis aux difficultés économiques et sollicités par leur entourage, les uns comme les autres sont insérés dans des relations sociales. Un système d’échanges de services, de renvois d’ascenseur (un ami peut rendre tel service) s’élabore.

Les différences sociales ont été introduites même au niveau de la consommation de biens publics comme l’éducation. En effet, la recherche de compléments de revenu amène les enfants scolarisés à y participer. Ces derniers consacrent alors moins de temps et d’années à l’éducation. La dévalorisation de l’éducation a été nourrie par la dollarisation de l’économie. Elle provoque l’arrêt des études pour pouvoir occuper un emploi peu qualifié mais bien rémunéré. C’est la conséquence de la pyramide inversée des salaires. Les salariés les mieux payés ne sont plus ceux qui ont le plus étudié mais, par exemple, ceux qui étaient au plus près des touristes pour capter les pourboires ou les plus proches du pouvoir politique pour se faire attribuer ces emplois (une récompense) (Muruaga, 1998). La population a préféré entrer dans le secteur du tourisme, dans les

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Les candidats à l’émigration sont nombreux, d’ailleurs certains politologues ont évoqué la délivrance d’autorisation de migration comme d’une soupape de sécurité pour le pouvoir

entreprises mixtes ou recevoir des transferts privés plutôt que de rester employée du secteur public. Les envois d’argent de l’étranger, les « remesas », fournissent davantage de revenus que les salaires payés par l’Etat ou par les entreprises mixtes. Les inégalités auxquelles l’Etat a faiblement remédié rejaillissent dans la société. Les cubains commencent à ne plus compter sur l’Etat pour maintenir leur niveau de vie et certains pensent qu’ils pourraient avoir une vie meilleure sans son intervention excessive. Parmi eux, on trouve les micro-entrepreneurs, les directeurs d’entreprises mixtes ou d’entreprises publiques décentralisées.

1.2 Dévoiement des ressources préjudiciable économiquement et socialement

L’Etat redistributeur, n’est plus en mesure de contrôler toutes les ressources du pays, bien que la planification reste en vigueur. Des déviations par rapport à ses décisions se sont accrues pendant les années de crise, la corruption n’a pas disparu. Elle a été accentuée par la dualité de l’économie. A la fin des années 1970 et dans les années 1980, Fidel Castro dénonçait les fraudes, la corruption, la diminution de la discipline au travail, les vols de matériel d’entreprises, et le fait que des fonctionnaires profitaient de leur position pour bénéficier de revenus des entreprises sous leur responsabilité. La prédominance des relations administratives, l’insuffisance de l’offre ont attisé la corruption. Dans les années 1980, les instruments de contrôle étaient basés sur la conscience révolutionnaire des citoyens cubains via les CDR (Comité de Défense de la Révolution) ou les délégués du pouvoir populaire. Dans les années 1990, ni les activités policières, ni les initiatives politiques n’avaient donné les résultats escomptés pour combattre le marché noir et l’irruption de l'économie informelle (Didac i Guillén, 1998). Plus récemment (2007), les experts interrogés par la DGTPE ont à leur tour souligné l’ampleur de la petite corruption cubaine (annexe B).

Une enquête réalisée dans la seconde moitié des années 1980 (Michalowski ; Zatz, 1990) décrit les formes prises par le secteur informel dans l’économie socialiste. L’étude

distingue les activités illégales menées à l’intérieur de l’économie formelle et celles exercées dans l’informel. La première correspond à des échanges de faveurs entre détenteurs d’accès à des produits de par leur place dans la prise de décision en matière de production. Un circuit de biens se crée entre ceux qui en ont un accès privilégié. Les administrateurs publics, exerçant une autorité sur des entreprises, occupent des positions

qui leur permettent ces échanges de faveurs. Ils peuvent monnayer leur intervention au profit de certaines entreprises ou alors favoriser leur famille ou leurs amis et en tirer un certain prestige ou bénéfice social. Au sein du circuit formel, l’activité illégale consiste à mener des transactions sur le marché noir de la nourriture et des biens de consommation durable. La fraude porte par exemple sur les quantités ; le vendeur donne moins que le poids normal d’un bien et vend le surplus «en dessous de table » ou alors des biens sont subtilisés de magasins d’alimentation ou du marché destiné à l’exportation. Concernant les biens durables, les biens sont volés des magasins d’Etat pour la revente (ces vols étaient peu fréquents). Le marché noir a été relancé par les pénuries des années de crise (l’offre publique est en chute libre dans les années 1990) et la baisse des salaires. Ces vols au sein d’entreprises ont eu en retour un impact négatif sur l’efficacité de la production et sur la répartition (Togores Gonzalez, 2004).

Le marché noir de devises permettait aux cubains d’acquérir des biens payables en devises dans des boutiques pour touristes ou diplomates (boutiques créés à la fin des années 1970) qui étaient généralement très chers dans la monnaie nationale, ou alors en quantité insuffisante. Pour contourner ces obstacles, les cubains échangeaient leurs pesos contre des dollars et se fournissaient dans les hôtels de touristes. La majorité des biens achetés dans les hôtels étaient destinés à la consommation personnelle. Les contrôles exercés pendant les années 1980 par les Comités de Défense de la Révolution (CDR) semblent avoir joué un rôle dissuasif sur le marché parallèle de devises (Zatz et Michalowski, 1990). Une certaine tolérance conduisait à réprimer moins sévèrement les fraudes individuelles que le crime organisé7.

Dans la deuxième moitié des années 1980, la lutte contre la corruption et la délinquance économique et administrative est lancée ; le code pénal instaure de nouvelles infractions rapportées par la Police économique (vol de matériel de l’entreprise). Mais la corruption atteint aussi les responsables politiques. En 1990, une enquête sur les délégués du Pouvoir Populaire a montré qu’ils profitaient de leur position pour obtenir des produits et services dont manquait la population. L’Etat a fait appel à la conscience des gens pour

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« Le Comité de Défense de la Révolution est un élément important du contrôle social du marché noir. Les CDR émettent les libretas décident des allocations spéciales et supervisent le système de rationnement. Les plus actifs des CDR sont ceux qui sont le plus intégrés à la Révolution et dévoués à ces objectifs. La pression morale des CDR et leur surveillance est assez dissuasive même si tous les cubains fraudent plus ou moins » (Zatz ; Michalowski, 1990).

surveiller et dénoncer tout niveau de vie anormalement élevé par rapport à l’activité exercée, du boucher à l’administrateur. Cette solution ne fonctionne que si la corruption est l’affaire d’un petit nombre mais elle devient moins efficace si elle s’est généralisée. Le marché parallèle est largement accepté par la population (Didac Fabregas, 1998) d’autant plus que personne n’en est totalement éloigné. Il est alors plus difficile de dénoncer les écarts de son voisin. Fidel Castro a dénoncé la façon dont les ménages contournaient la faiblesse de l’offre des magasins d’Etat. Un ménage qui se procure un bien en dehors du circuit formel, en réalité, en dépossède un autre ou suscite le vol dans les entreprises, mais il feint d’ignorer la provenance du bien recherché, satisfait d’avoir résolu son problème. C’est un système d’appropriation privée des biens publics qui se généralise (Perez-Lopez, 1995).

En 2005, des mesures étaient prises pour freiner la corruption des employés de l’entreprise CUPET. L’entreprise distribue du carburant, elle appartient à la firme CIMEX une entreprise pseudo privée (dites de capitaux 100% cubains) qui mène à Cuba son activité en devise. Le rationnement de l’offre de carburant est imposé par la monnaie de paiement, l’essence se paie en devise et a engendré un circuit parallèle. Pour arrêter la corruption des employés par les automobilistes, l’Etat a placé, en 2005- 2006, des brigades d’universitaires, de travailleurs sociaux, des étudiants dans les stations services, travaillant par roulements. Depuis le 10 octobre 2005, 10 500 travailleurs sociaux ont été mobilisés, avec pour effet immédiat, la multiplication en moyenne par 2,5 des recettes journalières des stations service et des camions de distribution de combustible (Granma año 42 ; No.109 ; 8 mai 2006 suplemento especial). Mais, le carburant disponible sur le marché parallèle s’obtient aussi en siphonnant les camions et véhicules des entreprises ou administrations.

En économie socialiste, la stimulation par les prix est faible, à cause des détournements. Ceux-ci sont une réallocation informelle qui répond à d’autres principes que ceux formulés par la puissance publique, laquelle défend des visées collectives ou nationales. Aussi, la lutte contre le gaspillage (ou pour raffermir la gestion des ressources) qui procéderait par des hausses de tarifs est vaine tant que persistent les détournements et que sont différées les travaux de maintenance et renouvellement d’équipements au sein des entreprises. Les hausses de tarifs provoquent seulement davantage de défauts de paiement dans les entreprises et les administrations.

Les contradictions s’expriment sur le plan social

L’opinion qui consiste à présenter le pouvoir politique commedépassé par l’ouverture économique et l’émergence d’une nouvelle forme de transmission de pouvoir à travers la valorisation et la transmission du capital économique, ignore l’imbrication entre les détenteurs du pouvoir politique et ceux du pouvoir économique. Cette option qui présente un pouvoir légèrement en retrait par rapport aux changements sociaux introduit par sa politique économique est étayée dans une certaine mesure, par les remarques de Juana Elvira Suarez Conejero (2001). Elle souligne le lien étroit entre politique, économique et sociale et les perceptions de la population. En distinguant un avant et un après crise, elle note qu’avant 1989 une absence de frontières entre les différents groupes sociaux prédomine sur le plan des représentations grâce à des politiques égalitaristes8. Elle constate donc que les mesures des années 1990 ont remis en question ces perceptions suite aux stratégies que les populations ont dû élaborer. Toute la population n’a pas vécu l’ouverture économique comme un ‘mal nécessaire’. L’économique a un poids plus important que par le passé où les relations sociales étaient fortement politisées. Des différences sont apparues entre les agents et les groupes sociaux en termes de volume et de structure de leur capital économique. Toutefois, elle indique la présence de garde-fous contre la « réapparition des classes ». Prenant l’exemple des dirigeants cubains d’entreprises mixtes, Suarez Conejero souligne l’impossibilité pour ces derniers de tirer parti de leur position. Même en accumulant des dollars, ils demeurent salariés de l’Etat. Le fait que la propriété reste soit étatique, soit étrangère ou mixte empêche aussi la constitution d’une classe capitaliste. A ces systèmes de verrouillage, s’ajoute la nécessaire appartenance du dirigeant à des institutions politiques (Jeunesse communiste révolutionnaire, retraités de l’armée…). Les experts interrogés par la DGTPE ont également mis en avant le caractère concentré de l’élite cubaine.

Elle remarque toutefois que la constitution d’une classe sociale peut advenir : « En

reprenant Bourdieu, les conditions sociales d’existence sont intériorisées chez l’individu sous la forme de principes inconscients d’action et de réflexion, de manières de percevoir, de structures subjectives : les habitus. Mais l’habitus, une fois structuré par ces