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De l’enjeu de l’accès à la mobilité internationale à la problématique du retour…

Si l’accès des jeunes avec moins d’opportunités à la mobilité internationale peut s’apparenter à un parcours semé d’obstacles, le retour du séjour à l’étranger est rarement vécu comme une expérience heureuse ; il constitue très régulièrement une étape délicate et difficile à vivre. En règle générale, les jeunes expriment un sentiment mêlé de mélancolie et de mal-être, et sont nombreux à utiliser le mot « dépression » pour qualifier leur état d’esprit à l’issue de leur mobilité. Ce trouble semble lié à l’effet conjoint, d’une part, de la fin d’une expérience relationnelle positive, riche et intense qui conduit à une impression de « changement de soi » chez certains et, d’autre part, au retour dans un environnement quotidien où les difficultés multiples et multidimensionnelles qu’ils ont cherchées à mettre en suspens sont toujours présentes (inactivité, recherche d’emploi infructueuse, relations familiales compliquées, situation financière difficile, etc.), voire augmentées par la détérioration de leur environnement relationnel ; les ruptures amoureuses et la distanciation de certaines relations amicales ne sont pas rares après une mobilité internationale notamment de plusieurs mois. Dès lors, une impression déroutante de « retourner à la case départ » dans un environnement offrant finalement peu d’opportunités peut marquer l’expérience vécue des jeunes quand ils reviennent en France.

À ce propos, l’étude révèle deux comportements typiques au retour du séjour à l’étranger. N’étant pas intégrés dans un parcours d’emploi ou de formation – contrairement aux étudiants ou aux apprentis – et se retrouvant généralement dans une situation d’inactivité, certains jeunes éprouvent de grandes difficultés à se remobiliser dans les premiers jours, voire dans les premières semaines, suivant la fin de leur mobilité et tombent ainsi dans une période d’errance112. D’autres envisagent directement – et le plus rapidement possible – de repartir à

l’étranger, à peine leurs valises posées en France. À ce sujet, si l’émergence ou le renforcement d’un goût pour le voyage peut s’apparenter à un effet positif de la mobilité internationale, elle peut cacher un comportement de fuite chez certains jeunes incapables d’affronter à nouveau leur quotidien. Ces derniers deviennent parfois de véritables utilisateurs compulsifs des dispositifs afin de rester dans cet univers protégé et bienveillant des expériences de mobilité internationale réalisées dans un cadre non formel.

Dès lors, la mobilité internationale n’est pas une fin en soi et n’a aucune vertu magique. Elle n’est qu’un outil dont les effets explicités ci-dessus peuvent être inhibés – a minima retardés –, s’ils ne sont pas travaillés au retour par la continuation du cheminement. La conversion des effets de la mobilité internationale dans le parcours d’insertion sociale et professionnelle du jeune semble dépendre de la qualité de l’accompagnement au retour et de son anticipation. Elle repose ainsi la question de la coordination des acteurs au niveau local et du soutien financier pour l’accompagnement des jeunes à l’issue de leur séjour à l’étranger, aujourd’hui largement absent des dispositifs et des autres formes d’appuis institutionnels.

112 Il faut cependant préciser que quand le jeune est happé au retour par une dynamique liée à la concrétisation d’un

nouveau projet – un emploi, une formation, etc. (voir encadré 5, p. 24) –, ces deux comportements typiques sont beaucoup plus rares.

Pour aller plus loin….

ENCADRE 19.QUELQUES RENSEIGNEMENTS ET PISTES DE REFLEXION

Au terme de ce travail d’étude, plusieurs enseignements peuvent être tirés et des pistes de réflexion pour l’action proposées dans l’optique de favoriser l’accès des jeunes avec moins d’opportunités à la mobilité internationale dans un cadre non formel :

• La prise en compte des attentes, des besoins et des obstacles rencontrés par les jeunes, ainsi que de la signification qu’ils accordent à leur expérience de mobilité internationale à ses différentes étapes (motivation au départ, sens de l’accompagnement, de la préparation au départ et du soutien au retour, apports du séjour à l’étranger, etc.) dans l’élaboration des réponses institutionnelles (critères d’accès aux politiques publiques, logiques d’action au sein des structures, pratiques d’aide et de soutien, etc.) mérite une plus grande attention. • La nécessité d’informer, de sensibiliser et de former les professionnels sur la mobilité internationale dans un cadre non formel, sur ses apports, ses dispositifs et ses programmes, de renforcer le travail partenarial au niveau local entre les structures de l’insertion sociale et professionnelle et de l’animation socio-éducative, et les opérateurs de la mobilité internationale pour favoriser la mutualisation des compétences, des ressources et structurer l’offre au niveau territorial, s’impose. Dans cette perspective, le rôle des politiques publiques régionales est crucial.

• Le caractère décisif de l’accompagnement et l’importance du soutien institutionnel – notamment financier – en direction des professionnels pour accompagner les jeunes avec moins d’opportunités dans leur expérience de mobilité internationale est patent : de la construction du projet et de la préparation au départ, jusqu’à l’identification et la valorisation des acquis de l’apprentissage au retour, dans l’optique d’inscrire l’expérience de mobilité dans leur parcours d’insertion sociale et professionnelle. Il s’agira toutefois de rester attentif aux effets pervers de certains mécanismes institutionnels liés à la commande publique (réduction de la diversité des profils des jeunes pouvant prétendre à certaines actions financées, etc.).

• Enfin, la reconnaissance institutionnelle de la mobilité internationale non formelle – comme source d’apprentissages – dans le cadre législatif et réglementaire est également un levier essentiel pour favoriser l’accès des jeunes vulnérables à ce type d’expérience. L’instauration d’un droit à la mobilité internationale a déjà été avancée, sans succès. On pourrait à défaut s’inspirer de la reconnaissance des acquis accordée dans le cadre de la loi égalité-citoyenneté. Une autre forme de reconnaissance pourrait passer, par ailleurs, par l’inscription de la mobilité dans le cadre des conventions pluriannuelles d’objectifs (CPO) des missions locales.

ANNEXES