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Deux types de coordinations plus poussées ont été observés en régions, basés sur la volonté d’acteurs locaux d’engager une approche territoriale de la mobilité internationale et de s’inscrire dans une logique de réseau. Bien que ceux-ci présentent des points de divergence significatifs au niveau de leur mode de construction – entre logique top-down (descendante) et bottom-up (ascendante) –, de la manière d’envisager le travail collaboratif – entre logique intrasectorielle et logique intra et intersectorielle –, de leur positionnement par rapport à l’objet – prégnance de la mobilité dans le cadre non formel ou dans le cadre formel –, de leur échelle d’intervention – départementale ou régionale – et de leurs modes de faire (voir encadrés 17 et 18), ils ont tous deux pour finalité de favoriser le « basculement » des jeunes en difficulté vers une expérience de mobilité internationale en systématisant les relations entre acteurs dans la durée et en conjuguant leurs compétences. Quel que soit leur niveau de formalisation et de structuration, les coordinations et réseaux d’acteurs engagent généralement un travail collaboratif basé sur une mutualisation des savoirs et savoir-faire entre des professionnels

au contact des jeunes vulnérables, qui ont des compétences dans l’accompagnement socioprofessionnel et un haut niveau de connaissance des publics en difficulté – les conseillers emploi-formation des missions locales par exemple –, et ceux qui disposent d’une expertise dans les dispositifs et programmes de mobilité internationale à destination des jeunes. Il s’agit de s’appuyer sur la diversité des compétences présentes dans les territoires pour développer la mobilité internationale sans pour autant démultiplier les structures porteuses de projets. Dans ces cas de figures, le territoire – développé et enrichi – devient une ressource mobilisable pour les parcours des jeunes.

« Ça sert à rien. On a tous des compétences différentes, eh bien, autant qu’on se mette tous ensemble et qu’on avance tous ensemble. […] Moi, je dis toujours aux jeunes : “La mission locale, c’est une grande caisse à outils. Tu peux te saisir de tous les outils à ta disposition. Si tu les saisis pas, moi, ça ne va pas changer ma vie, mais ça peut changer la tienne.” Donc ça [la mobilité internationale] en fait partie. C’est plutôt Marie qui est en contact avec eux en permanence. […] C’est Marie. Moi, je ne m’occupe de rien. Du moment où je les oriente vers l’association, s’il y a quelque chose à mettre en place, c’est Marie qui prend le relais. Et c’est là que je me dis : “C’est comme ça qu’on devrait arriver à bosser. Toi, t’as ces compétences, moi je les ai pas bon sang de bonsoir !” […] Pour moi, c’est un peu paradoxal parce qu’effectivement je ne connais pas tous les dispositifs et je les maitrise pas, par contre, expliquer à un jeune les possibilités d’aller rejoindre l’association, oui. Mais je file le bébé à Marie quoi, clairement. Je lui dis : “Voilà, il y aurait une possibilité de partir.” Alors j’ai toujours ces petites choses sous le nez : le service civique européen, jeune fille au pair, etc. Je vais leur en parler comme ça. Et puis je vais leur dire : “Mais le mieux, c’est d’aller voir la personne qui s’en occupe. Si vous voulez, je l’appelle tout de suite. On fixe un rendez-vous ?” Je fais comme ça. Parce que sinon, l’Erasmus, le machin, le truc, non, je ne maîtrise pas. Je sais qu’on peut partir seul, en groupe… ça, je le sais. Mais elle le présente vachement mieux que moi, Marie, donc je lui laisse le bébé. ». (Michèle, conseillère de mission locale.) « Et on fait confiance aussi aux conseillers des missions locales, aux référents mobilité. Parce que nous, les jeunes, on les connaît pas finalement, donc on n’essaye pas non plus d’être catégoriques sur : Ce jeune-là, il ne peut pas partir, ce n’est pas possible ! Donc on discute aussi avec leurs référents mobilité de la mission locale qui, eux, les suivent depuis plus longtemps que nous, qui peuvent nous dire comment ils le sentent, eux. On demande qu’eux-mêmes nous conseillent. Donc, ça nous permet d’avoir deux avis. Et de dire : “Toi oui ; toi non ; toi, on verra plus tard.” […] L’idée, c’est qu’ils nous envoient les jeunes. Non, [la mobilité internationale] c’est pas du tout leur métier ». (France, coordinatrice de projets de mobilité internationale, structure intermédiaire.)

ENCADRE 17.UNE COORDINATION INTRA-SECTORIELLE A L’ECHELLE D’UN DEPARTEMENT

Au sein d’un département, une mission locale est tête de réseau et centre de ressources et de projets sur la mobilité internationale pour les missions locales implantées dans tout le département. Cette mission locale s’apparente véritablement à un opérateur de la mobilité : elle informe et oriente les jeunes, et monte des projets de séjours à l’étranger, principalement dans le domaine de l’éducation formelle (stages professionnels, découvertes du monde de l’entreprise, formations, etc.).

Les conseillers implantés dans les territoires de proximité sont invités à envoyer leurs jeunes intéressés par une expérience de mobilité à la mission locale chef de file et à s’investir dans la construction et la mise en œuvre de projets communs. En cas de départ pour un séjour à l’étranger, les échanges d’information sont constants entre les missions locales structurées en réseau pour garantir la continuité du suivi des jeunes. La mission locale référente propose également des sessions de formation et d’échange de pratiques à destination des professionnels. Cette collaboration est née de la volonté d’une structure locale et d’acteurs militants particulièrement convaincus des effets positifs de la mobilité internationale pour le parcours d’insertion sociale et professionnelle des jeunes. Si la mission locale tête de réseau a rencontré de nombreuses difficultés financières au lancement de ses actions de collaboration, elle bénéficie aujourd’hui du soutien du conseil départemental principalement pour le financement d’un poste de référent mobilité internationale et d’un dispositif qui permet notamment aux conseillers de rendre visite aux jeunes à l’étranger en cas de problème.

Enfin, ce réseau est construit selon une logique clairement intra-sectorielle, marquée par l’absence de partenariat formalisé avec les structures intermédiaires spécialisées dans la mobilité internationale. La mission locale chef de file souhaite envoyer elle-même les jeunes les plus en difficulté, revendiquant par-là une forme de légitimé et d’expertise dans l’accompagnement de ce public.

ENCADRE 18.UNE COORDINATION INTRA ET INTERSECTORIELLE A L’ECHELLE D’UNE REGION

Impulsée par les politiques publiques locales – le conseil régional et les services déconcentrés de l’Etat en région –, une structuration en réseau des missions locales à l’échelle régionale autour des questions de mobilité internationale s’est progressivement mise en place, animée par la coordination régionale des missions locales.

Des référents « mobilité internationale » ont été installés dans chaque structure implantée sur le territoire et des partenariats ont été noués avec les associations supports spécialisées dans les séjours à l’étranger pour les publics vulnérables, les missions locales n’envoyant pas directement de jeunes en mobilité internationale. Cette coordination d’acteurs locaux s’est ainsi positionnée plus particulièrement sur les expériences réalisées dans le cadre non formel (échanges de jeunes, SVE, services civiques à l’international, etc.).

Le travail en collaboration entre les structures de l’insertion sociale et professionnelle et les opérateurs de la mobilité internationale s’applique non seulement aux jeunes bénéficiaires mais également aux professionnels. Il se compose d’un large éventail d’actions : diffusion régulière d’informations sur la mobilité internationale et les opportunités de séjour, organisation de réunions à destination des jeunes, coconstruction d’outils, interventions dans les missions locales pour sensibiliser les directions et le personnel, formation des référents « mobilité internationale », échange de pratiques, etc.

Ce travail de coordination intra et intersectoriel concerne également l’accompagnement des jeunes aux différentes étapes de leur projet, de la prise de décision au retour en France. Le(la) conseiller(ère) « mobilité internationale » de la mission locale informe les jeunes individuellement et les appuie dans l’élaboration de leur candidature. Le relai est ensuite pris par les professionnels de la mobilité internationale dans les structures supports qui effectuent la préparation au départ et l’accompagnement lors du séjour à l’étranger. Au retour en France, les jeunes reprennent contact, en théorie, avec leur mission locale106. Les échanges d’informations entre les acteurs

restent toutefois constants au cours des différentes phases du projet.

Au-delà des divergences illustrées ci-dessus, ces deux exemples de coordinations d’acteurs mettent en évidence la portée de la structuration en réseau pour favoriser l’accès des jeunes avec moins d’opportunités à la mobilité internationale. Les acteurs interrogés observent généralement une augmentation des effectifs des jeunes partant en séjour à l’étranger, depuis la mise en place de leurs actions collaboratives. À titre d’exemple, le travail en réseau entamé depuis 2011 dans une région étudiée a permis le départ de plus de 500 jeunes en mobilité internationale.

La structuration en réseau des acteurs de l’insertion sociale et professionnelle, et de la mobilité internationale, permet en effet de rapprocher l’information des publics et de contribuer ainsi à la réduction des disparités territoriales et des inégalités entre jeunes. Sur ce point, il faut rappeler que la variable géographique est particulièrement influente dans l’accès des jeunes aux expériences de mobilité internationale. Les structures intermédiaires spécialisées dans ce domaine – et les services proposés – étant souvent situées dans les grandes agglomérations, les habitants de milieu rural et ceux des périphéries

106 Les jeunes ne retournent pas forcément rapidement vers leur conseiller mission locale au retour de leur expérience de

mobilité. À ce sujet, l’accompagnement au retour reste un point critique pour l’ensemble des acteurs de l’insertion sociale et professionnelle et de la mobilité, les structures peinant fréquemment à trouver des solutions financières pour le mettre en place.

urbaines se trouvent souvent pénalisées107. Par ailleurs, généralement éloignés des dispositifs de mobilité

internationale, les jeunes vulnérables s’orientent rarement directement vers ce type d’acteurs108.

En outre, la nomination de référents « mobilité internationale » dans les structures de l’insertion sociale et professionnelle, les formations et les réunions régulières de sensibilisation des acteurs de proximité constituent une clé pour garantir la continuité des actions mises en place dans le champ de la mobilité européenne et internationale (information et orientation des jeunes, élaboration de projets, etc.) ; elles contribuent en effet à atténuer l’impact des changements de personnel – que cela soit au niveau des conseillers/animateurs ou de la direction. Ces actions, en produisant une forme d’acculturation globale et diffuse à la mobilité internationale, permettraient enfin de remédier à la problématique de l’influence des représentations et des trajectoires individuelles dans l’information, la sensibilisation et l’orientation des jeunes109, un des obstacles au creuset des inégalités.