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L’empathie qui guérit

Dans le document LES MOTS SONT DES FENÊTRES (Page 140-143)

« Lorsque quelqu’un vous entend vraiment sans vous juger, sans essayer de vous prendre en charge ou de vous enfermer dans un moule, cela fait un bien incroyable… À partir du moment où j’ai été écouté et entendu, je parviens à percevoir mon univers sous un jour nouveau et à aller de l’avant. Il est étonnant de voir à quel point tout ce qui semblait insoluble trouve une issue dès lors que quelqu’un écoute. À quel point ce qui semblait irrémédiablement confus se dénoue de façon relativement claire lorsque l’on est entendu. » C’est en ces termes que Carl Rogers décrivait les effets de l’empathie sur ses destinataires.

L’empathie nous permet de « percevoir notre univers sous un jour nouveau et d’aller de l’avant ».

À cet égard, l’une de mes histoires préférées est celle que me rapporta la directrice d’une école alternative. En revenant de déjeuner, elle trouva un jour dans son bureau Milaine, une élève de

primaire, qui l’attendait, l’air abattu. Elle s’assit près d’elle et la petite fille lui dit :

— Madame Anderson, vous est-il déjà arrivé de passer toute une semaine où chacun de vos actes causait du tort à quelqu’un, alors que vous n’aviez aucune intention de faire du mal ?

— Oui, répondit la directrice. Je crois comprendre ce que tu veux dire.

Sur ce, Milaine lui raconta sa semaine. « Quand elle eut fini, poursuivit la directrice, j’étais très en retard à une réunion importante. Je n’avais pas retiré mon manteau, et je ne voulais pas faire attendre une salle pleine. J’ai donc demandé : “Milaine, que puis-je faire pour toi ?” La petite s’approcha de moi, m’attrapa par les épaules et me regarda droit dans les yeux : “Madame Anderson, je ne vous demande pas de faire quoi que ce soit. Je vous demande simplement d’écouter.” Ce fut l’un des moments les plus riches d’enseignements de ma vie. Et il me fut donné par une enfant. “Tant pis pour tous ces adultes qui m’attendent !” me dis-je, allant m’asseoir avec Milaine sur un banc. Je passai mon bras autour de ses épaules, elle posa sa tête sur ma poitrine et me dit tout ce qu’elle avait sur le cœur. Et cela prit peu de temps, somme toute. »

« Ne te contente pas d’agir… »

L’un des aspects les plus satisfaisants de mon travail est d’entendre comment les gens ont mis en pratique la CNV pour renforcer leur capacité à établir une relation d’empathie avec d’autres. Laurence, une amie suisse, me raconta qu’elle fut un jour exaspérée de voir son fils de six ans, furieux, partir en claquant la porte, sans même lui laisser le temps de finir sa phrase. Isabelle, sa fille de dix ans, qui l’avait accompagnée à un atelier de CNV, dit alors : « Tu es très en colère, maman. Tu préférerais qu’il te parle au lieu de partir, quand il est en colère. » Laurence constata avec émerveillement que les paroles de sa fille l’avaient immédiatement détendue, et elle parvint à se montrer plus compréhensive envers son fils lorsqu’il revint.

De même, un professeur de lycée nous expliqua comment les rapports entre les élèves et les enseignants avaient évolué après que

plusieurs de ses collègues eurent appris à écouter avec empathie et à s’exprimer plus sincèrement, sans dissimuler leur vulnérabilité.

« Les élèves étaient de plus en plus ouverts et nous parlaient des divers problèmes personnels qui affectaient leurs études. Plus ils en parlaient, plus ils étaient efficaces dans leur travail. Ce type d’écoute était très prenant, mais nous étions ravis d’y consacrer tout ce temps.

Le proviseur n’était malheureusement pas convaincu. Il estimait que nous n’étions pas des conseillers psychologiques et que nous devions passer moins de temps à discuter avec les élèves et davantage à enseigner. »

Je lui demandai comment ses collègues et lui avaient réagi. « Nous avons écouté les inquiétudes du proviseur avec empathie, répondit-il.

Nous avons entendu qu’il se faisait du souci et qu’il voulait s’assurer que nous ne nous mêlions pas de ce qui nous dépassait. Nous avons aussi compris qu’il avait besoin d’être rassuré sur le fait que le temps que nous passions à discuter n’empiétait pas sur le programme. Il sembla soulagé par la façon dont nous l’avions écouté. Nous avons continué de dialoguer avec les élèves, car nous voyions que plus nous les écoutions, meilleurs étaient leurs résultats. »

Lorsque nous travaillons dans le cadre d’une institution hiérarchisée, nous avons tendance à entendre des ordres et des jugements de la part de nos supérieurs. Or, s’il nous est relativement facile de témoigner de l’empathie à ceux qui occupent un rang égal ou inférieur au nôtre, il n’est pas rare que nous soyons sur la défensive ou que nous tentions de nous justifier face à ceux que nous identifions comme nos « supérieurs ». C’est pourquoi je fus particulièrement content de constater que ces enseignants s’étaient souvenus qu’ils pouvaient offrir autant d’empathie à leur directeur qu’à leurs élèves.

Il est plus difficile de manifester de l’empathie à ceux qui paraissent détenir plus de pouvoir que nous, avoir davantage de moyens ou un statut plus élevé.

Dans le document LES MOTS SONT DES FENÊTRES (Page 140-143)