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3. REVUE DE LITTÉRATURE

3.2 Enjeux en développement durable

3.2.11 L’embellissement et la création de valeur

Depuis les années 2000, plus de la majorité de la population mondiale vit dans les villes. En plus d’être marqué par un développement rapide et soutenu, le poids démographique explique que leur croissance s’accélèrera au fil du temps (Gehl, 2012). Les édifices ainsi que les infrastructures comme celles liées au transport occupent une grande partie de l’espace urbain. Rappelons qu’en termes d’occupation du sol, c’est près de 80 % du territoire urbain de la Ville de Montréal qui serait minéralisé, c’est-à-dire transformé en milieu bâti (Nerenberg, 2005). Dans le cas des toitures par exemple, l’espace est souvent sous- inutilisé, inutilisé ou inaccessible. Brenneisen affirme d’ailleurs qu’« aucune surface en ville n'a aussi peu de concurrence pour son usage que le toit d'un immeuble tout en étant en même temps si peu exploitée » (Brenneisen, 2005).

De manière générale, l’histoire des villes montre aussi que la planification et la structuration de l’espace urbain influencent les comportements humains ainsi que la façon dont les activités s’y déroulent (Gehl, 2012). L’environnement bâti crée une séparation entre l’intérieur et l’extérieur ce qui par conséquent, réduit la connexion de l’humain avec la nature. Dans une perspective biophilique, cette séparation de la nature en milieu urbain dense où la population est entourée de matériaux artificiels comme le béton, la brique et l’asphalte expliqueraient que les citoyens d’une ville ressentent le besoin de vie et de nature, notamment à travers le design (McLennan, 2004). Cela dit, il a été observé précédemment que le retrait et l’altération des milieux naturels au bénéfice du milieu bâti peuvent compromettre le développement tout comme la santé des citoyens. La préservation de la biodiversité tout comme la mise en valeur des milieux naturels deviennent donc des enjeux importants à considérer afin de créer un milieu de vie de qualité permettant de soutenir le développement des villes et permettant d’assurer la santé et le bien-être de la population (Boucher et Fontaine, 2010). Or, décider d’optimiser l’utilisation du sol pour soutenir la croissance des villes, cela tout en garantissant l’intégration de la dimension humaine dans les pratiques urbanistiques et architecturales est l’un des grands défis à relever (Gehl, 2012).

En misant sur la végétalisation du bâtiment, cela permet non seulement d’optimiser l’utilisation de l’espace disponible, mais aussi de créer de la valeur au bâtiment. À vrai dire, la végétalisation permet d’intégrer des éléments naturels à travers le milieu bâti où en règle générale, les surfaces disponibles au niveau du sol sont plus rares pour créer des espaces verts (Bernier, 2011). Dans le cas des toitures végétalisées par exemple, certains aménagements vont bonifier les usages du bâtiment en créant des espaces de vie supplémentaires, cela dans la mesure où ils sont accessibles aux gens. Les toits-terrasses comme lieu d’échanges, les jardins thérapeutiques comme lieu de détente et les potagers comme lieu de production alimentaire en sont quelques exemples (Landreville, 2005). Dans le cas des murs verts, ils nécessitent souvent très peu d’espace ce qui constitue un avantage dans l’optimisation de l’espace disponible. Par exemple, les plantes grimpantes d’une façade végétale peuvent atteindre jusqu’à 30 m de hauteur et requièrent un espace minimal au sol de 15 cm2 (Garant, Geoffroy, Hutchinson et Poisson, 2013).

La végétation augmente également l’esthétisme visuel et accroit la qualité des milieux de vie ce qui conséquemment, peut accroitre valeur au bâtiment. À titre d’exemple, des évaluations effectuées à la ville de Montréal montrent que les propriétés immobilières se trouvant dans les zones plus végétalisées auraient une valeur pouvant atteindre jusqu’à 18 à 20 % de plus comparativement aux autres secteurs (Bélanger Michaud, 2013). En ce sens, lorsque l’emplacement offre un important couvert végétal aux alentours, ces proportions peuvent même s’élever jusqu’à 37 % (Wolf, 2007). Pour une municipalité, l’amélioration de la qualité de vie peut accroitre l’attractivité du milieu ce qui par conséquent, pourrait occasionner une augmentation des revenus fonciers en raison de l’augmentation de la valeur des propriétés. La végétalisation est un moyen contribuant à rendre le bâtiment plus écologique. Or, une étude économique a révélé que les primes sur les baux dégagées pour édifice ayant ce type de certification peuvent atteindre plus de 5 à 25 % du prix des baux des bâtiments conventionnels (IMT and Appraisal Institute, 2013). Pour le propriétaire et le promoteur immobilier, la végétalisation apparaît donc comme une avenue permettant de maintenir sa compétitivité en bonifiant le produit offert aux acheteurs ou aux locataires éventuels. En misant sur des espaces de qualité en raison d’un confort accrus et de l’esthétisme par exemple, il est possible que cela accroisse l’attractivité tout comme la valeur marchande de la propriété. Les surfaces végétalisées deviennent littéralement un attribut permettant au vendeur de se démarquer dans le marché immobilier. Cela constitue un avantage autant pour le vendeur que pour la municipalité, car ces aménagements permettent de dégager une image citoyenne positive pouvant renforcer leurs engagements tout comme leur crédibilité écologique et sociétale (Vivre en Ville, 2014b).

Pour mieux illustrer l’incidence des végétaux sur la valeur d’une propriété, une étude du Sustainable Cities Institute a révélé que la proximité d’infrastructures vertes influencerait le consentement du prêt à payer des particuliers. Ceux-ci seraient d’ailleurs prêts à payer jusqu’à 33 % plus cher dans ces conditions (Tavin et Leseur, 2016). Ainsi, en plus de promouvoir une architecture plus responsable, la végétalisation du milieu urbain confère une valeur ajoutée au milieu de vie ce qui renforcerait l’aspect identitaire de

l’entité désirant se distinguer par ces valeurs écologiques (Landreville, 2005). Le célèbre architecte et urbaniste danois, Jan Gehl (2012), avance qu’au-delà de l’esthétisme :

« […] la verdure urbaine a une valeur symbolique. Sa présence en dit long sur l’importance qu’une ville accorde aux activités récréatives, à l’introspection, à la beauté, à la durabilité et à la biodiversité. […] L’amélioration des conditions de vie dans l’espace urbain est intimement liée au développement de villes animées, sûres, durables et saines. » (Gehl, 2012)

Ceci dit, les multiples bienfaits du verdissement semblent avoir un effet positif sur la qualité de vie de la population. En plus de renforcer la fonction sociale de l’espace urbain (Gehl, 2012), le propriétaire d’un bâtiment muni d’une surface végétalisée envoie ainsi un message clair exposant sa responsabilité à l’égard de l’environnement et de la société (Trottier, 2008).

Par ailleurs, les espaces verts peuvent devenir des lieux de rencontres consacrés aux échanges et aux loisirs. Or, les espaces urbains végétalisés peuvent accroitre la cohésion sociale d’une communauté (Beckley, 1995) ainsi que l’attachement communautaire (Arnberger, 2012). En renforçant le sentiment d’appartenance à l’égard d’un groupe, d’une communauté ou d’une collectivité, ces espaces contribuent à accroire la socialisation et à réduire le sentiment de solitude des gens (Marques et Bouzou, 2016). C’est d’ailleurs ce qui a été observé dans une enquête effectuée auprès de 10 000 résidents hollandais. Les résultats indiquent qu’une faible densité de verdure serait liée à un sentiment plus régulier de solitude et de manque de soutien ressenti auprès des gens, cela plus particulièrement auprès des enfants, des personnes âgées et des individus ayant un faible niveau d’éducation (Maas et al., 2009).

Pouvant aussi générer de la richesse sur le plan économique, l’implantation et l’entretien d’espaces verts contribuent à la création et au maintien d’emplois directs et indirects (Marques et Bouzou, 2016). Cette stimulation de l’économie locale peut concrétiser des relations d’affaires avec des services-conseils et de maintenance mandatée afin de faire naitre et/ou maintenir ce type de projet (Tavin et Leseur, 2016). Par exemple, plus de 28 600 entreprises du paysage ont soutenu les infrastructures vertes en France en 2014 ce qui correspond à 63 500 salariés, à un chiffre d’affaires de près de 5,3 milliards€ et à des investissements de près de 285 millions€ (Marques et Bouzou, 2016). Néanmoins, il faut prendre ces données à la légère puisque ces retombées ne sont pas spécifiques à la végétalisation du bâtiment.

Tout bien considéré, l’ensemble de ces éléments montre qu’en plus d’embellir le milieu de vie, d’optimiser l’utilisation de l’espace disponible et de contribuer à la création de valeur du bâtiment à plusieurs égards, la végétalisation génèrerait des retombées socioéconomiques significatives tout en renforçant l’attractivité.