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2.3 – L ES EFFETS DE L ’ ACCUEIL SUR LE DEVELOPPEMENT DE L ’ ENFANT

L’intérêt pour l’enfant de fréquenter une structure de la petite enfance est notamment de lui permettre de vivre des expériences diversifiées avec des partenaires variés, enfants et adultes, en lui offrant des formes d’expression et d’interaction multiples (Florin, 2003). Pour les enfants ayant un retard global de développement, la fréquentation d’un mode de garde extra-familial facilite les apprentissages et son évolution sur l’ensemble des domaines développementaux (O’Brien, 2001 ; Palacio-Quintin & Coderre, 1999). Cependant, les effets d’un mode d’accueil varient parfois selon l’aspect du développement de l’enfant considéré et la méthodologie utilisée (Shpancer, 2006), c’est pourquoi il reste difficile à évaluer. Par ailleurs, ces effets ne peuvent être interprétés sur la seule base des caractéristiques du mode d’accueil mais doivent prendre en compte celles relevant du contexte familial (Boyer, 2002). Aussi, l'accueil des enfants en situation de handicap au sein des établissements de la petite enfance restant peu abordé dans la littérature scientifique française, nous nous appuierons également sur des recherches internationales réalisées auprès d'enfants tout- venants ainsi que sur des études menées auprès d'enfants en situation de handicap scolarisés en milieu ordinaire.

2.3.1 – Les effets sur le développement cognitif et langagier

Le développement cognitif correspond à l’acquisition de capacités et de connaissances précises liées à l’organisation de la pensée permettant à l’enfant de s’adapter à son environnement et de mieux le comprendre (Gaux & Boujon, 2007 ; Bigras, Lemire, & Tremblay, 2012).

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L’apprentissage de ces habiletés s’effectue à partir des interactions entre l’enfant, les personnes, et les objets de son milieu. Le développement des fonctions cognitives nécessite donc que l’enfant évolue dans un contexte stimulant c’est-à-dire qui l’amène à découvrir, à expérimenter, et à persévérer pour acquérir de nouveaux savoirs et savoir-faire (Gouvernement du Québec, 2007). Cette stimulation implique que l’adulte favorise et valorise l’engagement actif de l’enfant dans son propre développement. De nombreux travaux soulignent l’importance des expériences vécues par l’enfant durant la petite enfance ainsi que de l’environnement comme déterminant dans leurs apprentissages et leur développement global (Davies, 2002 ; Sylva et al., 2004 ; Tayler & Nuria, 2007 ; Thorpe et al., 2004). En effet, Cadoret, Bouchard et Cantin (2011, in Bigras, Lemire, & Tremblay, 2012) ont observé une variation des capacités des enfants en fonction, d’une part, des expériences qui leur sont offertes lors des premiers mois de vie, période de grande plasticité cérébrale, et d’autre part, de leur tempérament. Plus largement, les deux premières années apparaissent fondamentales dans la création et le déploiement de connexions neuronales intervenant dans l’attention, la perception, la mémoire, les habiletés motrices, la régulation des émotions, mais aussi au niveau des compétences sociales et du langage (Tayler & Nuria, 2007). C’est d’ailleurs pendant la période de la petite enfance que l’enfant apprend à maîtriser les différentes composantes du langage (la phonologie, la phonétique, la morphologie, la sémantique, la syntaxe et la pragmatique) pour à la fois comprendre ce qui est dit et pour s’exprimer de façon appropriée (Blain-Brière, Bouchard, Eryasa, & Boucher, 2012).

Ces éléments ont contribué à susciter l’intérêt des chercheurs pour l’étude des effets des modes de garde de la petite enfance sur le développement cognitif et langagier des enfants. Votruba-Drzal, Coley et Chase-Landsdale (2004) montrent que lorsque les enfants fréquentent un mode de garde extra-familial, ils obtiennent de meilleures performances dans la persistance à la tâche et la résolution de problèmes, de même que dans la confiance en soi. Néanmoins, ces effets semblent temporaires car davantage influencés par le milieu familial (Kontos, 1991) et par la sensibilité des professionnels à répondre aux besoins émotionnels de l’enfant et leurs capacités à le stimuler, qui apparaissent comme les facteurs influençant le plus le développement cognitif et langagier de l’enfant (Burchinal & Cryer, 2003 ; Clarke-Stewart, Vandell, Burchinal, O’Brien, & McCartney, 2002). Martinaud et Florin (2002) se sont intéressés aux effets différenciés des modes d’accueil (crèche, halte-garderie, et assistante maternelle) sur le développement de 65 enfants âgés de 32 à 43 mois. Les chercheurs ont notamment étudié la participation verbale de l’enfant au cours d’une interaction langagière ainsi que ses habiletés socio-cognitives. D’après les données observées, l’expérience de la collectivité favoriserait la participation verbale de l’enfant, l’attribution d’un état

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mental à autrui et la prise en compte d’un autre point de vue que le sien. Les enfants accueillis en structure collective auraient ainsi une production verbale plus élargie et plus complexe comparée à celles des enfants en garde intra-familiale (Aureli & Procacci, 1992 ; Vandell, 2004). Au Royaume- Uni, plusieurs recherches indiquent que les enfants ayant fréquenté un mode de garde extra-familial, quel qu’il soit, ont de meilleurs résultats dans leur langue d’enseignement à 6 ans que ceux qui n’ont pas fréquentés de mode de garde (Melhuish, Moss, Martin, Hennessy, & Mooney, 1992 ; Melhuish et al., 2008 ; Sammons et al., 2008). Aux Etats-Unis et au Canada, la comparaison des effets des différents types de mode de garde sur le développement de l’enfant est effectué à partir de la distinction entre les milieux de garde dits « structurés », c’est-à-dire ayant un programme éducatif, des horaires plutôt fixes, une fréquentation stable, etc., et les milieux de garde « non structurés ». Les études mentionnent alors que les enfants fréquentant des milieux de garde structurés développent de meilleures habiletés langagières (NICHD, 2002, 2005) et suggèrent que les variabilités observées peuvent être davantage associées à une différence dans la qualité de l’accueil plutôt qu’au mode d’accueil lui-même. Bigras, Lemire et Tremblay (2012), ont réalisé un état des lieux des études portant sur le développement cognitif des enfants accueillis en structure petite enfance, réalisées entre 2000 et 2010. Sur les 28 recherches recensées, les auteurs constatent que la totalité d’entre elles (28 sur 28) rapportent des effets positifs sur les dimensions cognitives évaluées telles que le raisonnement, l’attention, la mémoire, la planification, les habiletés scolaires et le vocabulaire. Néanmoins, les travaux précisent que ces effets positifs sont tributaires de certaines variables comme le contexte socio-économique des familles, la qualité éducative de la structure d’accueil et l’intensité de l’accueil (durée et fréquence).

Dans les conclusions des études, le statut socio-économique des familles semble interférer sur les bénéfices tout comme sur les limites que l’enfant peut retirer de la fréquentation d’un lieu de garde extra-familial. Certains écrits indiquent que les enfants issus de milieux défavorisés feraient ainsi davantage de progrès concernant les composantes du développement cognitif en comparaison aux autres enfants (Bassok, French, Fuller, & Kagan, 2008 ; Crosnoe, Leventhal, Wirth, Pierce, & Pianta, 2010 ; Loeb, Bridges, Bassok, Fuller, & Rumberger, 2007 ; Peisner-Feinberg et al., 2001) notamment lorsque les mères possèdent des habiletés verbales élevées ou que les enfants présentent un attachement de type insécurisé (Spieker, Nelson, Petras, Jolley, & Barnard, 2003). En revanche, certaines situations particulières associées au contexte de la précarité, comme la sous-scolarité des parents, les familles monoparentales, et lorsque les mères travaillent la première année de vie de l’enfant, génèrent des effets plutôt négatifs sur le développement cognitif des enfants accueillis en structure petite enfance (Brooks-Gunn, Han, & Waldfogel, 2002). Notons également que des travaux mentionnent l’absence d’effets selon la situation socio-économique des familles (Burger,

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2010). Ainsi, les différentes recherches soumettent des résultats pouvant être contradictoires, certains révélant des effets positifs, d’autres négatifs, ou encore une absence d’effet d’un mode de garde non parental sur le développement cognitif des enfants issus de milieux défavorisés. Si cette diversité des conclusions peut être imputable aux différentes méthodologies utilisées, elle peut aussi être occasionnée par la non prise en compte de variables fondamentales comme la qualité éducative de la structure.

La majorité des études qui se sont intéressées aux effets de la qualité de l’accueil sur le développement cognitif et langagier des enfants ont montré des résultats significativement différents selon le niveau de qualité éducative de la structure (Dearing, McCartney, & Taylor, 2009 ; Duncan & NICHD, 2003 ; Lee, 2005 ; Mc Cartney, Dearing, Taylor, & Bub, 2007 ; NICHD, 2000 ; Maxwell, 2007). La fréquentation d’une structure d’accueil aurait une influence positive sur le développement de l’enfant à condition que celle-ci mette en œuvre un projet éducatif de qualité élevée. Cette condition s’avère particulièrement déterminante pour les enfants vivant en milieu défavorisé et pour certains aspects spécifiques du développement cognitif tels que la maturité scolaire (Dearing, McCartney, & Taylor, 2009 ; Mc Cartney, Dearing, Taylor, & Bub, 2007 ; Peisner-Feinberg et al., 2001). Dès lors, il apparaît primordial de soutenir la qualité éducative au sein des établissements de la petite enfance pour favoriser le développement cognitif et langagier des enfants (Bigras, Pomerleau, Malcuit, & Blanchard, 2008 ; Bouchard, Trudeau, Bigras, & Sutton, 2008).

Enfin, un autre paramètre, qui émerge comme décisif dans les résultats portant sur les effets éventuels de la fréquentation d’une structure de la petite enfance sur le développement cognitif et langagier des enfants, concerne la durée de l’expérience d’accueil (Belsky, 2006 ; Bigras, Pomerleau, Malcuit, & Blanchard, 2008 ; Hickman, 2006 ; Shpancer, 2006 ; Vandell, 2004). Tout d’abord, plusieurs études indiquent des apports cognitifs plus importants lorsque que la durée de l’accueil est élevée (Bassok, French, Fuller, & Kagan, 2008 ; Duncan & NICHD, 2003 ; Lee, 2005 ; Loeb, Bridges, Bassok, & Rumberger, 2007 ; Tran et Weinraub, 2006 ; Votruba-Drzal, Coley, & Chase- Landsale, 2004). Cela semble particulièrement se vérifier chez les enfants issus de milieu défavorisé accueillis plus de 30 heures ou 45 heures par semaine (Burger, 2010 ; Geoffroy et al., 2010 ; Lee, 2005 ; Loeb, Fuller, Kagan, & Carrol, 2004 ; Loeb, Bridges, Bassok, & Rumberger, 2007 ; Votruba- Drzal, Coley, & Chase-Landsale, 2004). Cependant, pour Adi-Japha et Klein (2009), plus que l’intensité de la fréquentation du lieu d’accueil, c’est la qualité de la collaboration qui s’établirait entre les professionnels et les parents qui pourrait expliquer ce résultat. En effet, selon eux, les échanges entre les familles et les professionnels permettraient à ces parents d’accéder à des pratiques éducatives plus adaptées à l’enfant. De plus, en ce qui concerne la durée de l’accueil, il

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existerait des seuils minimaux et maximaux pour que les effets observés perdurent dans le temps (Sphancer, 2006 ; Vandell, 2004), sans que ceux-ci soient définis de façon consensuelle, et qui justifieraient l’intérêt de travaux longitudinaux (Zaslow, Martinez-Beck, Tout, & Halle, 2011). Par ailleurs, l’âge d’entrée des enfants au sein de la structure semble accroître les effets positifs sur le développement de l’enfant. Certaines études révèlent des effets négatifs sur le développement cognitif de l’enfant lorsque ce dernier est accueilli avant l’âge de 9 mois ou 1 an (Brooks-Gunn, Han, & Waldfogel, 2002), d’autres avancent que les gains sont particulièrement perceptibles lorsque l’accueil a lieu vers 1 an (Lee, 2005) et d’autres évoquent la tranche de 2-3 ans (Loeb, Bridges, Bassok, & Rumberger, 2007). Cependant, la disparité des conclusions suggère la prise en compte d’autres facteurs car l’intensité de l’accueil et l’âge d’entrée de l’enfant au sein de la structure ne permettent pas à eux seuls d’obtenir des résultats probants.

En ce qui concerne les travaux portant plus spécifiquement sur les enfants en situation de handicap, un certain nombre de recherches montrent que le milieu spécialisé et le milieu ordinaire apportent des bénéfices équivalents dans les domaines du développement cognitif et langagier (Buysse & Bailey, 1993 ; Lamorey & Bricker, 1993 ; Odom, 2000 ; Odom & Diamond, 1998). Toutefois, d’autres études rapportent que les enfants en situation de handicap évoluant en milieu ordinaire ont de meilleures performances dans ces domaines de développement (Hundert, Mahoney, Mundy & Vernon, 1998 ; Jenkins, Odom, & Speltz, 1989). Ainsi, certaines recherches témoignent des effets différenciés de l’inclusion sur le développement de l’enfant. Pour leur part, Mills, Cole, Jenkins et Dale (1998) se sont intéressés aux effets de différents degrés d’inclusion des enfants en situation de handicap sur leur développement cognitif et langagier. L’échantillon était composé de 66 enfants, 49 garçons et 17 filles, âgés de 31 à 75 mois, qui relevaient tous de l’éducation spéciale. Ce critère est défini par un retard d’au moins 1.5 écart type sur un test normé dans au moins deux domaines de développement (motricité globale, motricité fine, langage, cognition, développement socio-affectif) ou un retard d’au moins 2 écarts types dans un des domaines cités. 70% des enfants ayant participé à l’étude présentaient un retard au niveau de la motricité globale, 83% du langage, 55% au niveau cognitif, et 85% un retard de développement au niveau socio-affectif. Les enfants ont été répartis au hasard dans trois groupes de degré d’inclusion différent. Le premier groupe représentait le milieu spécialisé et était uniquement constitué d’enfants en situation de handicap (N = 14). Le deuxième groupe fonctionnait sur le principe de l’inclusion inversée, c’est-à-dire avec un nombre majoritaire d’enfants en situation de handicap, soit 11 enfants en situation de handicap et 3 enfants au développement normal. Enfin, le troisième groupe comptait une majorité d’enfants sans handicap (N = 9) et 5 enfants en situation de handicap. Pour

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équilibrer les effectifs d’enfants en situation de handicap dans les différentes conditions, les groupes ont été dupliqués. Ainsi, les analyses portent sur un total de 22 enfants en situation de handicap pour chacun des trois groupes. La recherche s’est déroulée sur trois ans, à raison de 5 séances par semaine de 2 heures 15, pendant 180 jours. Les rencontres étaient organisées à partir des programmes éducatifs Mediated Learning (Osborn, Sherwood, & Cole, 1991, in ibid.) et Direct Instruction (Becker, Engelmann, & Thomas, 1975, in ibid.) et encadrées par trois adultes en moyenne (un enseignant, un éducateur spécialisé et un étudiant stagiaire). L’évaluation du développement cognitif des enfants a été réalisée à l’aide du test d’intelligence McCarthy Scales of Children's Abilities (McCarthy, 1972, in ibid.) et la mesure des compétences linguistiques grâce au Preschool Language Assessment Instrument (Blank et al., 1978, in ibid.). Les deux outils ont été administrés en pré et post- test entre octobre et mai. Les résultats indiquent des progressions significatives entre le pré-test et le post-test pour les trois groupes à la fois sur le développement cognitif et langagier. Tout comme les conclusions d’autres travaux (Buysse & Bailey, 1993 ; Odom & McEvoy, 1988), les enfants font des progrès comparables qu’ils soient en milieu spécialisé ou en milieu inclusif. Cependant, les enfants du groupe de l’inclusion inversée rapportent des progrès entre les deux recueils de données qui dépassent de manière significative la croissance normale. De plus, des différences émergent également en fonction du degré de handicap de l’enfant. En effet, les enfants présentant une déficience modérée tiraient davantage profit d’une inclusion inversée alors que les enfants ayant une déficience sévère profitaient davantage d’un accueil en milieu spécialisé ou d’un accueil inclusif classique, c’est-à-dire quand les enfants sans handicap sont majoritaires. La présence d’un nombre élevé d’enfants au développement normal changerait la dynamique du groupe d’une manière qui ne favoriserait pas les enfants en situation de handicap ayant une déficience modérée. Les hypothèses émises suggèrent d’une part, que les exigences scolaires au sein des groupes inclusifs dépassent peut-être les capacités des enfants en situation de handicap, et d’autre part, que les relations entre enfants sans handicap dans le groupe d’inclusion classique affectent les schémas d’interactions de telle sorte que les enfants en situation de handicap autant que ceux qui ne le sont pas restent chacun de leur côté. Sur la base de leurs résultats, Mills, Cole, Jenkins et Dale (1998) rappellent donc l’importance de ne pas prôner un modèle unique d’inclusion que ce soit pour des raisons philosophiques, juridiques et sociales, mais de considérer avant tous les besoins des enfants et d’adapter les pratiques d’inclusion pour qu’ils en tirent le maximum de bénéfices (Bricker, 1995).

Si des études montrent que l’accueil des enfants en situation de handicap dans les structures de la petite enfance influence positivement leur développement en favorisant les apprentissages au

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niveau cognitif, elles témoignent surtout de bénéfices dans l’acquisition de compétences sociales (Guralnick, 2001 ; Julien-Gauthier, 2008 ; Odom, 2000).

2.3.2 – Les effets sur le développement social

La majorité des recherches portant sur les effets des modes d’accueil s'est centrée sur le développement d’enfants tout-venants. Plusieurs auteurs attestent de l’importance de la période d’âge pré-scolaire comme propice au développement des habiletés sociales telles que l’expression des désirs et des besoins, la communication avec les pairs et les adultes, le partage, la coopération et la collaboration aux jeux et aux tâches communes (Brown & Conroy, 2002 ; McCormick, Noonan & Heck, 1998). Les enfants accueillis dans les structures collectives de la petite enfance semblent ainsi développer de meilleures habiletés sociales, être plus indépendants vis-à-vis des adultes, plus sûrs d’eux-mêmes, ils communiquent, jouent, parlent et coopèrent plus facilement avec des enfants inconnus (Melhuish, Moss, Martin, Hennessy & Mooney, 1992 ; Aureli & Procacci, 1992 ; Howes & Sanders, 2006 ; Lemay, Bigras & Tremblay, 2008 ; Vandell, 2004). La collectivité et la précocité de son expérience favoriserait donc l'autonomie, la socialisation, la bonne communication avec les autres enfants, l'adaptation et l'intégration rapide et naturelle au sein du groupe de pairs (Boulanger-Balleyguier & Melhuish, 1995 ; Belsky, Vandell, Burchinal, Clarke- Stewart, McCartney, Tresch Owen, & The NICHD, 2007 ; Bouchard, Trudeau, Bigras & Sutton, 2008, Votruba-Drzal, Coley, & Chase-Lansdale, 2004).

Bien que ces études ne portent pas spécifiquement sur des enfants en situation de handicap, nous pouvons cependant faire l'hypothèse que l'expérience de la collectivité pourrait également avoir une influence sur l'acquisition de certaines compétences sociales chez les enfants au développement atypique. Certes, ce sont des enfants privés d’une partie de l’expérience dont bénéficient de façon ordinaire les autres puisqu’ils perçoivent et reçoivent différemment les stimuli de leur environnement, mais ils se structurent d’une autre façon en mettant en place des modes de fonctionnement leur permettant d’agir et d’évoluer au mieux avec leur handicap (Ajuriaguerra & Marcelli, 1982, in Vasquez & Martinez, 1991). En effet, des travaux menés auprès des enfants en situation de handicap s'accordent à dire que le principal intérêt pour l'enfant de fréquenter la crèche ou l'école est fondamentalement celui de la socialisation (Aubert & Morel, 1993 ; Assistance Educative et Recherches, 1981 ; Lantier, Lantier, Vérillon, Auble, Belmont & Waysand, 1994 ; Florin, 1995 ; Bonjour & Lapeyre, 2000 ; Gardou 2008 ; ACEPP, 2011) mais aussi de la

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communication (Conroy & Brown, 2002 ; Guralnick, 2001). Les habiletés communicatives apparaissent, dans plusieurs études, comme déterminantes dans l’éducation préscolaire des enfants en situation de handicap car elles jouent un rôle clé dans les apprentissages cognitifs et sociaux (Conroy & Brown, 2002 ; Guralnick, 2001). En effet, il s’avère que les difficultés comportementales que rencontrent les enfants ayant des retards de développement sont souvent occasionnées par de faibles compétences communicatives (Van der Schuit, Segers, Van Balkom & Verhoeven, 2011). En outre, les problèmes de communication sont souvent associés à des troubles comportementaux et émotionnels (Tardif, Coutu, Lavigueur, & Dubeau, 2003). L’accueil des enfants en situation de handicap au sein de collectivités de droit commun se veut réduire ou limiter les « incapacités secondaires ou associées » (Plaisance, Bouve, Grospiron, & Schneider, 2005, 48) des enfants qui se voient encore exclus des institutions éducatives et scolaires ordinaires. A partir d’une revue de la littérature scientifique réalisée par Guralnik (2001), de nombreuses recherches indiquent que, par rapport au milieu spécialisé, le milieu ordinaire offre davantage de situations interactives aux enfants en situation de handicap car sources de stimulations sociales, verbales, motrices, sensorielles et intellectuelles de meilleures qualités (Buysse & Bailey, 1993 ; Guralnick, Connor, Hammond, Gottman & Kinnish, 1995 ; Terrisse et Nadeau, 1994 ; Bonjour & Lapeyre, 2000 ; Odom, 2000). L’expérience du milieu ordinaire offre aux enfants une diversité d’interactions avec de multiples partenaires, pairs et adultes, qui influencent positivement leur participation aux activités proposées (Hanline, 1993 ; Hauser-Cram, Bronson & Upshur, 1993 ; Levine & Antia ; 1997). Pour Guralnik (2001), cela est essentiellement dû à la demande sociale des enfants au développement typique envers leurs pairs en situation de handicap, précisant aussi que les enfants en situation de handicap sont plus engagés dans des jeux solitaires et interagissent moins que leurs pairs au développement typique (Kopp, Baker, & Brown, 1992). Dans leur étude, Odom, McConnell, et Chandler (1993), rapportent que les enseignants signalent que les trois quarts des élèves des classes spécialisées ont besoin d’être aidés et accompagnés pour mobiliser leurs compétences sociales. Le handicap pourrait limiter l’enfant dans ses tentatives d’engager des jeux avec ses pairs mais la capacité des autres à initier et à soutenir les interactions permet de créer plus d’opportunités d’échanges entre