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L‟effet résultant d‟une moindre croissance ou effet de revenu moyen

2. Trois canaux par lesquels les instabilités agissent sur la survie des enfants

2.1 L‟effet résultant d‟une moindre croissance ou effet de revenu moyen

Les pays en développement sont souvent caractérisés par une forte instabilité macroéconomique. Ce constat a conduit à une importante littérature sur la relation entre instabilités et croissance (pour une vue d‟ensemble voir Guillaumont 2006). Ainsi, de nombreux travaux ont testé soit l‟effet négatif de l‟instabilité de la croissance sur son niveau moyen (Ramey et Ramey 1995, Hnatkovska et Loayza 2005, Norrbin et Yigit

2005), soit l‟effet des « instabilités primaires » (des exportations, des termes de l‟échange, du climat) sur la croissance (pour le traitement simultané de plusieurs instabilités, voir par exemple Guillaumont, Guillaumont Jeanneney et Brun 1999). Le courant de recherche le plus ancien et le plus abondant est celui qui se rapporte aux effets de l‟instabilité des exportations. Dans ces divers travaux, les auteurs supposent soit un effet de l‟instabilité à travers l‟incertitude et l‟innovation, soit une asymétrie de la réponse aux chocs positifs et négatifs93. De plus, plusieurs de ces travaux examinent au moyen de variables interactives les facteurs qui conditionnent l‟impact des instabilités sur la croissance (Hnatkovska et Loayza 2005 pour la qualité des institutions, la profondeur financière et l‟ouverture observée, Guillaumont 1994, Combes et Guillaumont 2002 pour la politique d‟ouverture).

Si les instabilités ont un effet sur le niveau moyen du revenu, elles influencent par ce canal la mortalité. La relation entre le niveau de revenu moyen et les indicateurs de mortalité, en particulier l‟espérance de vie, a été étudiée depuis longtemps (Preston 1975) et abondamment (cf. chapitre 1). Si elle ne fait en son principe aucun doute, sa forme fonctionnelle a été récemment débattue (Grigoriou 2005) : compte tenu du caractère borné de la variable de survie, la forme logistique doit être préférée à la forme logarithmique traditionnellement utilisée.

Dans ce chapitre, nous portons notre attention sur les effets de l‟instabilité autres que ceux qui résultent d‟un moindre revenu moyen. Nous ne revenons pas sur la relation entre instabilité et croissance du revenu et n‟avons donc pas à considérer à ce titre la relation entre revenu moyen et mortalité. En revanche, nous allons voir que la forme fonctionnelle de la relation entre revenu moyen et mortalité a des implications quant aux effets de l‟instabilité sur la mortalité.

93 Notons que l‟hypothèse d‟asymétrie est plus particulièrement utilisée dans l‟analyse des effets des instabilités primaires.

2.2 L’effet résultant d’une moindre contribution de la croissance économique à la réduction de la pauvreté et à l’amélioration de la santé

L‟abondance des travaux relatifs aux effets positifs de la croissance du revenu sur la pauvreté (Ravallion et Chen 1997, Dollar et Kraay 2002, Bourguignon 2003, Adams 2004) contraste avec la rareté de ceux qui concernent les effets de l‟instabilité de la croissance sur la pauvreté ou sur la mortalité. Certes l‟effet de l‟instabilité sur le niveau de pauvreté est souvent envisagé dans la littérature, notamment dans la littérature microéconomique, mais la relation entre l‟instabilité du revenu et la réduction de la pauvreté pour une croissance moyenne du revenu a rarement été testée directement (Guillaumont 2006). Or, il est raisonnable de supposer que, pour une croissance donnée du revenu moyen, l‟instabilité affecte le niveau de pauvreté, mesuré soit par son étendue, soit par sa profondeur. En effet, pour un niveau de croissance donné, l‟instabilité a des effets asymétriques permanents sur les conditions de vie des pauvres (personnes dont le revenu se situe en dessous du seuil de pauvreté) et des « presque pauvres » (personnes proches de la ligne de pauvreté). Les pauvres et « presque pauvres » sont particulièrement exposés aux chocs négatifs, dont les effets ne sont pas totalement compensés par les chocs positifs. L'instabilité macroéconomique peut ainsi affecter le niveau de vie des plus pauvres sans nécessairement modifier le revenu moyen, et, par là, agrandir les inégalités au sein de la population. Par exemple, la déscolarisation des enfants dans les ménages ayant subi un choc, ou la perte de capital humain associée au licenciement, ou encore la liquidation d‟actifs productifs sont asymétriques en ce sens qu‟ils sont difficilement réversibles. Cette idée est directement héritée de la littérature microéconomique sur le « piège de la pauvreté », dont, en raison des conditions micro et macroéconomiques, il est difficile de sortir.

En influençant la répartition des revenus, l‟instabilité est susceptible d‟agir sur la pauvreté, et plus particulièrement sur la mortalité, sans nécessairement modifier le niveau moyen de revenu. L‟effet de l‟instabilité sur la distribution des revenus a fait l‟objet de quelques rares études économétriques transversales (Breen et Garcia-Peñalosa 2005, Laursen et Mahajan 2005). De façon cohérente avec le résultat des études microéconomiques plus nombreuses (pour une revue, cf. Dercon 2006), Agénor (2002, 2004) ainsi que Laursen et Mahajan (2005) examinent les principales raisons pour

lesquelles les pauvres sont plus vulnérables que les « non-pauvres » : les pauvres ont des sources de revenu peu diversifiées, ils sont peu qualifiés et moins mobiles entre les secteurs et entre les régions, ils ont peu d‟accès au marché du crédit et de l'assurance et ils dépendent plus largement des transferts publics et des services sociaux. Toutefois, les analyses des effets de l‟instabilité sur le revenu parmi les différents groupes de revenu montrent que ce ne sont pas toujours les plus pauvres, mais plus souvent les populations de l‟avant dernier quintile de revenu qui paraissent les plus affectées. C‟est pourquoi nous supposons que les « presque pauvres » peuvent devenir durablement pauvres sous l‟effet de l‟instabilité.

L‟effet des instabilités sur la répartition des revenus et sur la pauvreté monétaire est susceptible d‟avoir des conséquences sur la mortalité dans la mesure où, au sein d‟un même pays, la fonction de survie est concave : si l‟instabilité modifie la répartition dans un sens plus inégalitaire, elle aura pour effet d‟accroître la mortalité moyenne à revenu moyen donné. Or, la forme attendue de la relation entre survie infanto-juvénile et revenu est logistique, c‟est-à-dire successivement convexe puis concave. Le point d‟inflexion, situé à 500 pour mille, est atteint et dépassé par tous les pays de l‟échantillon. Cela revient par conséquent à étudier uniquement la partie concave de la relation. Cela implique un effet négatif de l‟inégalité sur la survie, pour un niveau moyen de revenu donné (Figure 4. 1).

Figure 4. 1 Le niveau de survie associé à un revenu égalitaire (stable) est supérieur à celui associé à un revenu inégalitaire (instable)s y( )s

Source: Auteurs.