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En règle générale, l’ensemble des services procède de la même manière. Ils sont saisis par téléphone, soit spontanément par le bénéficiaire ou par un signalement. Le premier dispositif, considéré comme étant déjà de l’intervention, est celui d’écoute (via l’accueil téléphonique), avec pour certains services un protocole de questions très organisées pour identifier la demande. L’écoute peut durer un certain temps et les renseignements collectés sont mis en fiches qui pour être ensuite ventilées auprès des responsables de secteurs territoriaux ou à défaut, gérées directement par le chef d’agence. La procédure générale de fonctionnement veut qu’il s’ensuive l’envoi d’une documentation complémentaire qui peut être plus ou moins accompagnée d’une prise de rendez-vous au domicile ou, plus rarement, au service. Cette visite à domicile s’accompagne d’un devis de l’intervention qui est laissé à la personne et aux aidants s’il y a lieu. Le client potentiel rappelle pour confirmer, refuser, ou encore pour des renseignements complémentaires. Lorsqu’il y a accord, celui-ci porte sur la tarification, le nombre d’heures et bien sûr, les tâches à effectuer. Dans le meilleur des cas, lorsque le contrat est conclu, le responsable de territoire vient à domicile faire la présentation de la personne chargée de réaliser l’intervention, le plus souvent un(e) auxiliaire de vie social(e). Celle-ci est munie d’une feuille de mission qui décrit l’ensemble de sa tâche. Cette feuille de mission, ou appelée encore feuille de route, va devenir sa référence en cas de différend sur les tâches à accomplir (et celles qu’il n’y a pas à accomplir) entre le bénéficiaire et l’intervenante. À cette suite, en règle générale, il est de coutume que l’auxiliaire de vie intervienne sur une période de 8-10 jours ou d’un mois au maximum, puis un point d’ajustement de la mission est opéré avec le responsable de secteur, le client et l’auxiliaire de vie. Cet ajustement consiste à vérifier si le travail effectué

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correspond aux attentes et aux besoins du bénéficiaire, et de vérifier si les deux personnalités, celle de l’auxiliaire de vie et celle du bénéficiaires, s’accordent.

Il se peut qu’un peu plus tard, le service procède à une vérification, en l’absence de l’auxiliaire de vie, auprès du client pour s’enquérir de son degré de satisfaction sur la prestation réalisée, et étudier si éventuellement les compléments à apporter. La périodicité du suivi est variable selon les services. Certains directeurs disent réaliser un suivi une fois par mois, mais à l’autre extrême, chaque service dit appliquer la législation en la matière et s’astreint à envoyer un questionnaire de satisfaction au moins une fois par an.

Concernant les fins d’intervention, celles-ci peuvent avoir lieu lorsque la bénéficiaire est arrivé en fin de convalescence par exemple ou lorsqu’il passe en placement institutionnel ou encore lors du décès de la personne accompagnée. Parfois, il y a des ruptures de contrats du fait du bénéficiaire ou du service, mais ces exemples sont rares. On se rend compte dans les entretiens avec les directeurs que le travail de maintien à domicile mobilise auxiliaire de vie et client sur la longue durée.

Autre caractéristique évoquée par les directeurs : l’intervention sociale est toujours subordonnée ou au mieux s’articule à celui de la santé, c’est-à-dire qu’il y a toujours l’hypothèse selon laquelle l’accompagnement social peut être réalisé dans un cadre horaire souple alors que l’organisation et le passage des soins se fait à des horaires relativement précis Il revient toujours aux intervenants sociaux de s’organiser à partir de l’intervention du soin.

Toujours s’agissant du suivi à domicile, on peut noter que les pratiques d’intervention et surtout les relations au sein de ces pratiques varient selon que les interventions sont très ponctuelles et de courtes durées ou selon qu’elles concernent la longue durée. Les interventions de courtes durées, concernent en règle générale des GIR du type 6 ou 521. Ces interventions sont en générale

accepter par le Conseil Général pour un volume de 10 heures par mois, soit 2 à 3 heures d’intervention par semaine au maximum, soit une heure tous les deux jours etc.. Etant donné la configuration horaire des prestations, les personnels intervenants sont toujours très pressés et ils doivent réaliser un maximum de choses dans le temps qui leur est imparti, alors que sur des interventions à fréquences et amplitudes horaires plus importantes (par exemple, trois heures par jour), le temps consacré à la relation sociale est sans doute sans commune mesure. C’est la raison pour laquelle on peut faire l’hypothèse que les bénéficiaires se déclarent plus satisfaits de la qualité du lien lorsqu’il s’agit d’interventions fréquentes et de longues durées, parce qu’il s’établit un lien personnalisé entre personnels et eux-mêmes, alors que les bénéficiaires de prestations de courte durée doivent se déclarer plus satisfaits de la qualité de la prestation technique de service que du lien qu’ils ont pu instaurer avec le personnel.

21 Concernent les personnes très peu dépendantes. Pour plus de détail sur les GIR voir annexe III. 60

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Les services se disent en mesure de faire ce dont on parlait plus haut « une offre globale », lorsqu’ils concentrent plusieurs services diversifiés sur un même territoire avec la « quantité » de personnel qui se doit, et surtout lorsque les cadres ont dans leur mission la coordination des services. Cette fonction de coordination est mise à contribution pour effectuer le suivi du personnel mais aussi et articuler « correctement » les interventions sociales et les interventions de soins. Cette situation privilégiée leur permet aussi de prendre certaines initiatives en matière de coordination avec les partenaires extérieurs.

À défaut de pouvoir réaliser ce type de suivis, certains services établissent des grilles mensuelles dites des « grilles de qualité », que les bénéficiaires sont invités à remplir, comme par ailleurs les professionnels doivent remplir leurs tableaux de bord (tableaux de présence — cela concerne surtout ceux qui travaillent en mode mandataire — tableaux de réalisation des tâches…) pour suivre la production et le travail du personnel. Le suivi s’effectue dans un double registre : le bénéficiaire exprime directement son degré de satisfaction sur la prestation (et sur le personnel implicitement), puis directement sur le personnel en le mettant à contribution pour tenir à jour la liste des tâches réalisées.

Le suivi peut être aussi réalisé à travers la pratique des réunions (dites de coordination par exemple pour le service C) mensuelles internes aux services. Les comptes-rendus qui en résultent deviennent des outils de capitalisation pour guider les interventions ultérieures.

Autre type d’outil de suivi, — l’entreprise H l’utilise —, le « Cahier de vie », qui lui reste chez le bénéficiaire et dans lequel l’ensemble des intervenants consigne ce qu’il fait au domicile. En même temps ce cahier permet d’y relater les problèmes qui peuvent apparaître dans l’exercice quotidien. Ce cahier est sous la responsabilité soit du responsable d’agence, soit du responsable de secteur. Ce cahier est la mémoire (on dirait aujourd’hui qu’il est l’outil de la traçabilité des interventions) de tout ce qui a pu se passer au domicile. Ces suivis sont en général l’occasion de faire l’évaluation du travail avec le professionnel, mais aussi de faire des retours auprès des bénéficiaires sur l’évaluation faite du travail de l’auxiliaire. Parfois, sans que cela soit systématique, et si la chose est opportune et souhaitée, un retour peut être fait auprès des aidants familiaux.

L’ensemble des services organisés sur le mode mandataire dispose d’outils de suivis administratifs, de logiciels spécialisés pour le suivi du travail réalisé par le personnel. On peut relever, s’agissant les dispositifs de suivis, de régulation etc., une grande différence entre le secteur associatif autorisé et le secteur mandataire agréé. Effectivement, la fréquence des réunions de coordinations est plus fréquente qu’ailleurs dans le secteur associatif et notamment dans le secteur du soin dont le dispositif de régulation est quasiment hebdomadaire avec l’ensemble du personnel de soins. Il est un peu moins fréquent pour le personnel d’auxiliaires de vie. Nombre de directeurs du secteur associatif offrent la possibilité d’avoir tous les mois des groupes de parole qui sont supervisés par des intervenants extérieurs etc... Alors que le mode

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mandataire dit avoir des difficultés à organiser un suivi cohérent du fait qu’ils ne sont pas les employeurs du personnel. Le problème de la coordination se pose de la même manière. Les mandataires disent être peu en capacité de participer à une coordination étant donné la structuration de leur fonctionnement à l’égard du bénéficiaire. Certains services, dont la SARL, effectuent un suivi au coup par coup, à la demande du personnel ou lorsqu’ils sont saisis par le client. Pour les mandataires, la règle générale, est la réalisation d’une enquête de satisfaction annuelle avec une visite à domicile.

L’ensemble des services traite du droit à la réclamation et du droit à la plainte. Les bénéficiaires ont le droit et sont encouragés à écrire leur plainte et tous les services disent s’engager à la traiter. C’est notamment ce dispositif de régulation (la plainte téléphonique) qu’utilise le secteur agréé. On le voit, en l’absence relative de régulation institutionnelle (pour cause de coût et de système de gestion), celle-ci s’opère par la saisie de la plainte du bénéficiaire. Ici, la régulation du système repose sur le feed-back collecté auprès du client. A l’inverse, dans le secteur autorisé, les services disposent d’outils de régulation positionnés du point de vue de leurs exigences à l’égard des professionnels et non uniquement du point de vue de celles des clients.

La régulation est bien sûr aussi très présente lorsqu’il s’agit des SAVS et des SAMSAH comme on l’a évoqué pour les associations qui s’en étaient dotées à Paris et en banlieue parisienne. Il semble — mais ce point mériterait d’être confirmé —que plus les organisations sont importantes et plus les dispositifs de régulation sont formels et, moins les organisations sont importantes et moins ces derniers le sont. Cela étant dit, les directeurs évoquent cependant l’importance des relations qu’ils entretiennent avec le personnel lorsqu’ils se croisent dans les couloirs autour de la photocopieuse, la machine à café, etc.. Le dispositif informel est toutefois présent aussi dans les grandes institutions. A contrario, l’entreprise H qui emploie un nombre important de personnels, utilise un dispositif informel important parce qu’elle a fait le choix de faire fonctionner son organisation en réaction aux plaintes des bénéficiaires et se satisfait d’un contrôle qualité une fois par an. Ce thème concernant le suivi des bénéficiaires comme d’ailleurs le suivi du personnel suggère et révèle des niveaux d’atomisation des professionnels variables selon les catégories de services. Ce point renvoie plus largement au choix de management des services. Est-ce que les organisations s’attachent à intégrer le personnel dans l’organisation, et si oui, avec quels moyens ; ou est-ce que le personnel est fondamentalement à la disposition du bénéficiaire au point qu’il pourrait presque en oublier son appartenance à une organisation. On pourra se poser la même question pour ce qui est des relations que le service cherche à établir avec le bénéficiaire : est-ce que l’organisation est étroitement en contact avec le bénéficiaire, ou est-ce qu’elle délègue aux professionnels le fait d’en être les représentants auprès du bénéficiaire.

Ces considérations ne sont bien sûr pas anodines au regard du thème de la désocialisation et de l’isolement même si ce thème est plutôt abordé par celui du

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risque d’atomisation du personnel dans son rapport au bénéficiaire du fait de la recherche de gains de productivité que certains services sont amenés à réaliser pour se tenir sur ce marché.

Tous ces dispositifs de régulation et de coordination sont beaucoup plus difficiles à organiser en milieu rural et la directrice du service E le souligne amplement (éloignement géographique du personnel, mission très éclatée sur le territoire), d’où la difficulté de réunir l’ensemble du personnel en un point central.

Au-delà du suivi perçu sous sa forme d’outil de contrôle du personnel et de mesure de la satisfaction des clients, les directeurs de services insistent toutefois sur d’autres dimensions. Le suivi contient une forte dimension de régulation, ce thème étant plus fréquemment évoqué par les services autorisés. Elle permet de réguler dans un moindre délai les tensions entre le personnel et les partenaires mais surtout entre le personnel et les bénéficiaires. Les problèmes pouvant être du fait des bénéficiaires comme des professionnels. Les directeurs ne sont pas dupes des situations, ils savent très bien, pour connaître leur personnel, où se trouvent les responsabilités. Mais il faut souvent à tout prix satisfaire le client. Certains directeurs sont amenés à penser que cette régulation se fait souvent au détriment des personnels, même si parfois, certains retirent et arrivent à changer le personnel de poste pour cause d’attitudes abusives de la part de certains bénéficiaires etc.. Mais bien souvent c’est le personnel « qui encaisse » comme le dit l’un des directeurs, c’est-à-dire qu’il doit plier sous les récriminations du bénéficiaire. Personnel mal payé, mal reconnu et en plus très exposé aux caprices, à la versatilité de certains bénéficiaires.

Mais la régulation du personnel consiste aussi à essayer de prendre en charge le double jeu que celui-ci est amené à jouer avec l’institution. Fondamentalement, le professionnel est attaché à une structure, s’agissant notamment des services autorisés, puisqu’il en est le salarié. Mais en même temps, il veut travailler librement, il veut, comme on le dit dans le champ du travail social, se gérer comme s’il exerçait en profession libérale, c’est-à-dire avoir une relation forte et indépendante avec le client sans avoir à en rendre compte à l’institution. Les espaces de régulation ont pour fonction de l’aider, parfois malgré lui, à se mettre en situation de distance (du risque de fusion) avec le bénéficiaire. Certains services exigent, par exemple, que leur personnel porte la blouse au domicile du bénéficiaire, qu’il lui est interdit de communiquer son numéro de téléphone personnel aux bénéficiaires. Autant de consignes que le personnel semble transgressé pour le bien de la relation (besoin de se rapprocher l’un de l’autre, avoir la possibilité de secourir, etc.). Ce besoin d’être en relation, pour des raisons de sympathie réelle avec les bénéficiaires, doit toujours être repositionné et mis au regard de l’attitude professionnelle à tenir. La régulation du travail entre professionnels et hiérarchie aurait fondamentalement cette

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fonction d’accompagnement à la mise à distance des émotions à l’égard de la souffrance ou de la situation du bénéficiaire.

Ces outils d’animation, de régulation mais aussi de contrôle remplissent fondamentalement une fonction dynamique : ils sont des supports à la vie et à la vitalité de l’organisation. On l’a traité plus haut, le métier d’aide à domicile a tendance à atomiser le professionnel au domicile du bénéficiaire. La conséquence en est que l’organisation peut apparaître, aux yeux du professionnel, comme extraordinairement abstraite. Le personnel, comme le bénéficiaire, selon les directeurs, a besoin de percevoir une organisation solide ; et plus l’organisation est solide aux yeux des professionnels et plus ceux-ci sont en capacité de la faire vivre symboliquement auprès des bénéficiaires. Lorsque cette capacité à se représenter l’appartenance à l’organisation fait défaut, le risque est que le bénéficiaire et le professionnel aient le sentiment que l’intervention à domicile ne concerne personne d’autre qu’eux.

C’est la raison pour laquelle les réunions, les journées d’études à thèmes, des temps d’analyses de la pratique, etc. sont quasiment ritualisées dans certaines organisations. Ces dispositifs ont tous pour fonction de contribuer à la professionnalisation et au renforcement de l’identité professionnelle sur le site de travail des professionnels et de leurs interventions. Soutenir ainsi les intervenants favorise la création d’ambiances et des conditions de travail propices à la fidélisation du personnel. Ces dispositifs de réunions sont les lieux privilégiés de la professionnalisation grâce aux contacts que les personnels récents nouent au contact des anciens. Les réunions sont le lieu de capitalisation et d’actualisation du savoir collectif mais aussi d’échanges sur des situations. Les professionnels mettent parfois en place, avec d’autres, des dispositifs de co- construction du savoir afin de prendre la juste mesure de leur savoir constitué. Les échanges ont donc aussi une fonction d’actualisation des cadres des savoirs et de l’organisation.

Les directeurs font preuve d’une vision assez constructiviste de la vie leur service. Pour eux, les professionnels contribuent tous les jours à la construire. Du fait de ce caractère instable, Il faut en parler souvent, il faut, à travers la parole, faire vivre en permanence la réalité du service. Il est évident que les dispositifs de régulation visent à faire vivre l’institution et à professionnaliser les personnels, mais ils font d’eux des ambassadeurs des organisations auprès des bénéficiaires. Car les professionnels se construisent une représentation de ce qu’ils véhiculent par la suite auprès des bénéficiaires. Pour les directeurs ces temps de régulations sont du temps de gagner et non un temps improductif, donc perdu. Le temps de réunion, parfois considéré par des conseils généraux finalement comme hors temps direct de production auprès des bénéficiaires, semble nuire à la productivité du système de l’aide à domicile. Pour les directeurs, ces temps de régulations (appelons les comme on voudra), sont aussi des outils de lutte contre la précarité du personnel. Outre que, par leur existence,

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ils montrent une certaine attention et considération au personnel, les dispositifs de régulations contribuent à stabiliser un personnel économiquement précaire et bien souvent en situation de vulnérabilité sociale. Ces régulations sont aussi des dispositifs de soutien au personnel (qui par ailleurs sont intéressés puisque l’hypothèse des directeurs consiste à penser que le personnel stable est celui qui est en capacité d’élaborer sur sa pratique professionnelle).