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Cadre théorique

2.4. L'AXE ENSEIGNANT-ORDINATEUR 129 3.5 Macro-tâche plurimodale

Nous proposons ici la notion de macro-tâche plurimodale qui correspondrait à une macro-tâche aboutissant à la construction de deux (ou plusieurs) produits langagiers dis-tincts, étroitement liés en termes de contenu, mais selon des modes diérents : par exemple, un produit langagier en interaction permettant aux apprenants d'échanger, de poser cer-taines bases communes et de prendre une décision ou résoudre un problème, suivi d'un produit langagier écrit permettant à chaque apprenant de formaliser de façon individuelle l'aboutissement de la tâche (la solution au problème ou bien la mise en application de la décision prise en groupe). En eet, nous partons du principe selon lequel le produit langagier  intermédiaire  (l'interaction orale) correspond bien à une macro-tâche dans le sens où

 le coût cognitif est beaucoup plus important que pour une micro-tâche de type QCM ou appariement ;

 l'interaction orale relève d'une activité du monde réel (real world activity) ;  l'accent est mis sur la communication du sens, non sur la langue.

La tâche d'interaction orale, si elle est bien une étape intermédiaire qui aide à la réalisation de la tâche de production écrite, pourrait être une n en soi et ne pas néces-sairement mener à la tâche de production écrite. Nous considérons donc la macro-tâche comme plurimodale dans la mesure où elle donne lieu à plusieurs productions langagières selon des modes diérents. C'est, par exemple, le cas des macro-tâches proposées dans le cadre des scénarios utilisés pour le CLES (Certicat de Compétences en Langues de l'Enseignement Supérieur), à la diérence que ceux-ci invitent à construire un produit langagier écrit avant le produit langagier oral (CLES 1) ou en interaction (CLES 2).

2.4.3.6 Conception des tâches

Ellis (2003 : 21) propose un cadre descriptif ayant vocation à servir de garde-fou lors de la conception de tâches. Ce cadre comprend cinq caractéristiques principales que nous résumons ci-dessous :

1. But : Quel est l'objectif général de la tâche proposée ?

2. Input : Quelle information verbale et/ou non-verbale va être fournie dans le cadre de la tâche ?

3. Conditions : De quelle manière l'input est-il présenté ? De quelle manière l'input doit-il être utilisé/réinvesti ?

4. Procédures : Selon quelles procédures méthodologiques la tâche doit-elle être ac-complie ? (travail de groupe, en binôme, individuel, etc.)

5. Résultats attendus : A quel produit langagier la tâche va-t-elle aboutir ? Quels pro-cessus langagiers et cognitifs la tâche va-t-elle permettre de mettre en ÷uvre ? Il est important de garder à l'esprit certains principes fondamentaux lors de l'élabora-tion de macro et micro-tâches. A cet eet, nous nous référerons à Guichon (2004 : 133) et à ses cinq conditions pour rendre la situation d'apprentissage opérationnelle. Tout d'abord, la macro-tâche doit être réaliste et contextualisée. Ensuite, la situation devra permettre à l'apprenant  de faire une expérience , ce qui suppose qu'il ait le droit à l'erreur et que la tâche laisse une place à l'imprévu. De plus, la situation devra proposer un  univers de référence  pour l'accomplissement de la tâche, ce qui correspond à la scénarisation que nous développerons plus loin. Il faudra également veiller à ce que le dispositif soit à entrées multiples pour laisser le choix à l'apprenant, selon ses besoins, de commencer par la macro-tâche ou bien par une micro-tâche spécique. Enn, la situation d'apprentissage devra inclure un obstacle que l'apprenant devra surmonter.

Lorsqu'il s'agit de concevoir des micro-tâches, Guichon (2006 : 84) propose de tenir compte des capacités opératoires  dénies comme  les opérations subalternes entrant en

2.4. L'AXE ENSEIGNANT-ORDINATEUR 131 jeu dans une compétence langagière   mises en ÷uvre : ainsi, la compréhension peut, par exemple, être considérée comme un ensemble de capacités opératoires relevant de connaissances phonologiques, lexicales, grammaticales et pragmatiques (Guichon 2006 : 85). Les micro-tâches orent ainsi la possibilité de  spécialiser l'apprentissage sur un aspect de la langue  (Guichon 2006 : 87) en permettant à l'apprenant de développer certaines capacités opératoires.

2.4.3.7 Tâches et TIC

Comme le note Narcy-Combes (2005 : 173) à propos des macro-tâches,  les fonction-nalités des TIC permettent de concevoir et de généraliser des tâches qui seraient trop complexes à mettre en ÷uvre autrement . Guichon (2004 : 108110) illustre cette po-sition avec trois exemples de macro-tâches complexes intégrant les TIC et considérées comme des activités dites  de haut niveau  : les micromondes (ou simulations médiati-sées correspondant à un scénario dans lequel les apprenants doivent jouer un rôle au sein d'une communauté dénie), la cyberenquête (recherche d'informations sur Internet dans le but de résoudre un problème / mener une enquête sur le mode collaboratif) et les si-tuations problèmes (projet s'articulant autour de la recherche d'informations sur Internet et comportant un obstacle à surmonter). Le point commun entre ces trois exemples est le fait qu'ils  partagent une mise en situation préalable au traitement de l'information, la recherche ou la production d'informations et une collaboration plus ou moins impor-tante entre les apprenants  (Guichon 2004 : 110). Nous notons cependant que ces trois macro-tâches intègrent les ressources qui les composent et la scénarisation de la situation d'enseignement-apprentissage à des degrés variés. Les TIC permettent donc de  renforcer le réalisme  des macro-tâches tout en accentuant l'implication de l'apprenant (Demaizière & Narcy-Combes 2005 : 58).

Grosbois (2006 : 85) note également le fait que les TIC peuvent jouer un rôle important dans la mise en place de macro-tâches, car elles orent désormais  la possibilité d'accéder

à des matériaux nombreux en L2, de communiquer plus facilement à distance (de manière synchrone ou asynchrone) ainsi que d'échanger des documents qui peuvent d'ailleurs être créés en commun grâce à elles .

D'autre part, lorsqu'il s'agit de tirer prot des TIC, l'approche par les tâches a l'avan-tage de permettre de contourner la logique algorithmique (procédures gées et résultats prédéterminés) des systèmes informatisés (de type questionnaires à choix multiples, exer-cices d'appariement, etc.) et de ne pas tomber dans le travers consistant à opérer un retour vers une approche behavioriste qui se résumerait uniquement à conduire les apprenants à développer certains automatismes (Guichon 2006 : 56). Ainsi, même si les micro-tâches mises en place proposeront des activités autocorrectives dites  de bas niveau  (Guichon 2004 : 107)  le coût cognitif pour l'apprenant étant moindre  de type vrai/faux, QCM, etc., il n'en demeure pas moins que la macro-tâche présentée  activité de  haut niveau   proposera une approche diérente qui permettra de contourner la logique algorithmique inhérente à ce type d'activités. Demaizière & Narcy-Combes (2005 : 5860) parlent ainsi de l'apport des  technologies récentes  aux macro-tâches et de l'apport des  technologies anciennes  aux micro-tâches.

Selon Guichon (2006 : 87), les micro-tâches médiatisées permettent à chaque apprenant de pratiquer certaines capacités opératoires à son rythme, jusqu'à leur automatisation re-lative, et de prêter attention à certains aspects formels de la L2. La possibilité oerte par la médiatisation de répéter une même activité autant de fois que nécessaire peut ainsi être mise en avant. Grosbois (2006 : 86) mentionne certaines potentialités des TIC   le sur-lignage, l'hypertextualité et l'hypermédia, la rétroaction (sous diverses formes : visuelles, sonores, textuelles), la répétition, le suivi des opérations et la gestion des résultats   qui représentent, selon elle, des atouts pour la conception de micro-tâches. Elle insiste également sur le fait que les TIC permettent à ces micro-tâches d'être accomplies de fa-çon individuelle et individualisée ce qui serait une approche plus ecace pour ce genre de

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