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I. INTRODUCTION BIBLIOGRAPHIQUE 1

3.   L’axe endothéline et son implication dans la physiopathologie cardiovasculaire et les

3.2.   Principaux rôles physiopathologiques de l’axe endothéline 83

3.2.2.   L’axe endothéline dans les vaisseaux sanguins 84

En 1988, l’ET-1 a été découverte à cause de ses propriétés vasoconstrictrices uniques, 10 fois plus puissantes que l’adrénaline ou l’angiotensine. Depuis, le rôle de l’axe endothéline dans le maintien de l’homéostasie du tonus vasculaire à été largement étudié et de nouvelles fonctions physiopathologiques associées aux vaisseaux ont été découvertes. L’ET-1 est abondamment sécrétée par les cellules de l’endothélium vasculaire et, en situation inflammatoire, par les cellules musculaires lisses [378]. Du fait de sa sécrétion basolatérale, la

concentration en ET-1 dans la paroi vasculaire est 100 fois supérieure à celle retrouvée dans le plasma [352, 379]. L’ET-1 interagit avec les récepteurs ETA présents sur les cellules

musculaires lisses (CML) et avec les récepteurs ETB présents à la fois sur les cellules endothéliales et les CML. En fonction du type de vaisseau, le ratio ETA/ETB sur les CML est variable ; il est généralement plus faible sur les veines que sur les artères [380]. L’action de

l’ET-1 sur les vaisseaux se compose de deux phases : une vasodilatation transitoire (quelques minutes) puis une vasoconstriction forte et prolongée (jusqu’à 1h) [381]. Cet effet biphasique

différente sur les cellules endothéliales et les CML. La première phase de vasodilatation est due à l’action autocrine de l’ET-1 sur les cellules endothéliales via le récepteur ETB [382]. La

fixation de l’ET-1 sur ETBR induit le relargage de NO et de prostacyclines (PGI-2) qui vont permettre la relaxation des CML sous-jacentes. La deuxième phase vasoconstrictrice implique l’activation des récepteurs ETA localisés sur les CMLs et le déclenchement d’une voie de signalisation calcique aboutissant une contraction forte et persistante. De manière surprenante, l’administration d’inhibiteurs spécifiques du récepteur ETA a un effet relativement modeste sur la pression artérielle d’individus sains [383]. En revanche, le blocage du récepteur ETB

déclenche une augmentation importante de la pression artérielle, à cause de la suractivation des récepteurs ETA, de l’inhibition de la vasodilatation indirecte par le biais du NO et du blocage de l’élimination pulmonaire de l’ET-1 via ETBR. Ainsi, parmi les deux récepteurs, ETBR constitue le principal régulateur du tonus vasculaire basal et permet de limiter les effets vasoconstricteurs de l’ET-1 suite à l’activation d’ETAR (Figure 36) [383].

En plus de ses actions sur la pression sanguine, l’axe endothéline joue aussi un rôle important dans les phénomènes de remodelage vasculaire [384]. Le récepteur ETA est associé

à la prolifération des CMLs mais aussi à l’activation et la différenciation des fibroblastes en myofibroblastes [385], des cellules productrices de matrice extracellulaire intervenant dans le

processus de cicatrisation. L’ET-1 a également un rôle immunomodulateur par ses actions chimiotactiques sur les monocytes liées à la régulation de l’expression de certaines molécules d’adhésion nécessaires à l’infiltration leucocytaire [386, 387].

L’identification des propriétés vasoconstrictrices des endothélines a suscité beaucoup d’études concernant le rôle potentiel de l’axe endothéline dans l’hypertension artérielle. Chez des patients atteints d’hypertension artérielle systémique, les taux plasmatiques d’ET-1 sont généralement normaux [388]. En revanche, dans des cas particuliers d’hypertensions liées aux

régimes alimentaires salés, à une insuffisance rénale, ou à une pathologie vasculaire, les taux plasmatiques d’ET-1 peuvent être augmentés d’un facteur 10 par rapport aux taux normaux et servir de biomarqueur pronostique. Quoi qu’il en soit, la plupart des individus hypertendus, possédant un taux plasmatique d’ET-1 élevé ou non, présentent des concentrations d’ET-1 excessives au niveau des parois vasculaires [389]. Ceci entraîne une inflammation du tissu

vasculaire caractérisée par le recrutement de leucocytes et la production de cytokines par les CMLs et les cellules endothéliales [390]. L’ET-1 favorise également la prolifération des

CMLs et la synthèse de matrice extracellulaire par les fibroblastes, ce qui aboutit à une rigidification et à un épaississement de la paroi vasculaire.

Figure 36. Régulation du tonus vasculaire par le système endothéline. Les récepteurs ETB situés sur

l’endothélium vasculaire ont un effet vasodilatateur et permettent de contrebalancer les actions vasoconstrictrices et mitogènes des récepteurs ETA majoritairement exprimés par les cellules musculaire lisses.

Tous ces phénomènes ne sont pas seulement dus à une surproduction d’ET-1 mais également à une dérégulation des niveaux et des profils d’expression des ETRs dans la paroi vasculaire. En effet, dans un contexte d’hypertension, les ETRs sont surexprimés par les CML et les fibroblastes et la proportion de récepteurs ETB sur ces mêmes cellules est augmentée par rapport à celle observée dans une situation non pathologique [391]. Ainsi, toutes ces

dérégulations de l’axe endothéline participent fortement au maintien de l’hypertension artérielle et au déclenchement de complications fréquemment associées à l’hypertension telles que l’athérosclérose, l’hypertrophie du ventricule gauche et l’insuffisance rénale.

Le bénéfice de l’administration d’inhibiteurs des ETRs dans des cas d’hypertension systémique a été démontré cliniquement. En effet, l’administration de bosentan (un inhibiteur mixte ETAR/ETBR) ou plus récemment de darusentan (un inhibiteur sélectif d’ETAR) chez des patients hypertendus, a permis de diminuer significativement la pression artérielle chez ces derniers [392, 393]. Cependant, aucun bénéfice significatif par rapport aux autres

traitements antihypertensifs n’a pour le moment été rapporté, et l’incidence plus importante d’effets secondaires justifie la non utilisation des inhibiteurs d’ETRs pour l’hypertension artérielle systémique. D’autres études cliniques, portant sur des groupes de patients plus susceptibles de répondre aux traitements, comme des individus atteints d’hypertension résistante ou d’hypertension liée au diabète, devraient permettre de mieux évaluer l’intérêt du

blocage des ETRs dans ces cas particuliers d’hypertension. Il existe tout de même un type d’hypertension particulier pour lequel les inhibiteurs des ETRs ont prouvé leur intérêt : l’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) [394]. L’HTAP est caractérisée par une forte

augmentation de la pression artérielle pulmonaire et donc une résistance vasculaire augmentée, ce qui conduit à la défaillance rapide du ventricule droit. Les individus atteints de formes sévères d’HTAP présentent une moyenne de survie de 2 à 3 ans sans traitement. Chez ces individus, ainsi que dans des modèles animaux de HTAP, les taux plasmatiques d’ET-1 sont élevés et sont corrélés à la sévérité de la pathologie [395]. Il a été montré que cette

surproduction d’ET-1 est principalement due à une biosynthèse excessive au niveau de l’endothélium vasculaire pulmonaire. Parallèlement, une augmentation de l’expression des ETRs au sein des parois vasculaires pulmonaires a également été observée [396] et contribue

probablement à la réponse vasoconstrictrice excessive à la stimulation par l’ET-1. L’influence de l’axe endothéline dans l’HTAP a été confirmée avec l’utilisation d’inhibiteurs mixtes ou spécifiques d’ETAR dans différents modèles animaux. Par ailleurs, des essais cliniques chez l’homme ont également eu lieu et se sont révélés très concluants. En effet, une étude de phase III avec le bosentan a permis d’améliorer significativement le taux de survie à trois ans (de 48% à 86%) chez des individus atteints de HTAP [397]. Ainsi, à l’heure actuelle, deux

molécules ciblant les ETRs sont utilisées pour le traitement de l’HTAP : le Bosentan (TracleerTM) et l’ambrisentan (LetairisTM).

Comme indiqué plus haut, l’endothéline est impliquée dans le remodelage vasculaire, un processus dont la dérégulation peut aboutir à la formation de plaques d’athérome, notamment chez les individus hypertendus, diabétiques ou présentant une hypercholestérolémie. Il a été montré que l’ET-1 et l’ECE-1 sont surexprimées dans les plaques d’athérome [398] et que l’administration d’antagonistes des ETRs permet de

diminuer les lésions athéromateuses [399]. De même, l’expression d’ETBR est également

plus élevée à proximité des plaques d’athérome [400]. L’implication de l’ET-1 dans

l’athérosclérose est due au fait que son expression est augmentée par des taux élevés de cholestérol. En effet, les LDL oxydés sont capables de stimuler la production d’ET-1 par les cellules endothéliales et les macrophages [401, 402], ce qui induit une inflammation de la

paroi vasculaire et un remodelage de la matrice extracellulaire (Figure 37). L’ET-1 surexprimée dans la paroi vasculaire va ensuite déclencher la prolifération des CML et des fibroblastes, le relargage de cytokines pro-inflammatoires et de facteurs de croissance, ainsi que l’infiltration de nouvelles cellules inflammatoires [390].

Figure 37. Dérégulation de l’axe endothéline au niveau vasculaire et complications associées. La

dérégulation de l’axe endothéline participe à la pathogenèse de nombreuses maladies vasculaires comme l’hypertension ou l’athérosclérose. L’augmentation de l’expression des composants de l’axe endothéline dans la paroi vasculaire contribue à l’instauration d’un état inflammatoire, à la prolifération des CMLs et au remodelage de la matrice extracellulaire par le biais des fibroblastes. Tous ces phénomènes sont associés au développement de plaques d’athérome et à l’installation d’une hypertension artérielle. LDL : Low Density Lipoprotein ; oxLDL : LDL oxydé ; ROS : Reactive Oxygen Species; CRP : C reactive protein ; ECM : extracellular matrix.

Le récepteur ETB semble jouer un rôle important dans certains de ces phénomènes pro- athérogéniques. Par exemple, il a été montré que l’activation d’ETBR sur les monocytes/macrophages infiltrant les vaisseaux, favorise l’accumulation de LDL dans ces cellules et leur transformation en cellules spumeuses [403]. Par ailleurs, ETBR semble

également impliqué dans l’augmentation de l’expression des molécules d’adhésion sur l’endothélium vasculaire. Sur le long terme, tous ces processus vont aboutir à la dégénérescence de la paroi vasculaire : les fibroblastes activés vont sécréter du collagène et induire une fibrose du tissu vasculaire, les CMLs vont se multiplier et s’hypertrophier, des cellules inflammatoires gorgées de lipides vont s’infiltrer et tous ces éléments vont s’agglomérer pour former un amas fibro-lipidique instable ou plaque d’athérome.

Enfin, l’ET-1 a également été impliquée dans d’autres pathologies vasculaires ciblant les coronaires ou les vaisseaux cérébraux. Des taux élevés d’ET-1 sont retrouvés chez des individus ayant subi des infarctus du myocarde [404] ou des accidents vasculaires cérébraux [405]. La concentration plasmatique d’ET-1 est même corrélée avec la survie des patients

après la survenue de l’infarctus [406]. Dans ces deux pathologies, l’administration

d’inhibiteurs des ETRs a permis d’augmenter la survie et de limiter les lésions tissulaires dans des modèles animaux [407, 408]. Une élévation de la concentration plasmatique en ET-1 est

également observée chez des individus atteints de diabète de type II et semble liée aux complications vasculaires de la maladie [409, 410]. Des résultats cliniques prometteurs ont été

obtenus avec des antagonistes du récepteur ETA qui ont permis une amélioration de la microcirculation cutanée et de la perfusion vasculaire périphérique chez des patients diabétiques [411, 412].