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I. INTRODUCTION BIBLIOGRAPHIQUE 1

2.   Les anticorps monoclonaux thérapeutiques 19

2.5.   Les anticorps anti-RCPGs 73

Les RCPGs constituent une des familles protéiques les plus importantes pour l’industrie pharmaceutique. On estime qu’environ 30% des médicaments actuellement sur le marché ont pour cibles des RCPGs [314]. Cette famille comprend environ 900 membres et

plus du tiers (environ 370) représentent des cibles thérapeutiques potentielles [315, 316].

Parmi ces 370 candidats, seulement une cinquantaine est efficacement ciblée par des agents chimiques ou des analogues des ligands naturels, et ce malgré une recrudescence des publications scientifiques mettant en lumière le rôle de ces récepteurs dans diverses pathologies. En fait, depuis une dizaine d’années, la découverte de molécules actives contre de nouveaux RCPGs stagne et certaines sous-familles de RCPGs semblent totalement réfractaires aux méthodes classiques utilisées pour la découverte de nouveaux médicaments

[317]. En effet, certains RCPGs sont les récepteurs de ligands protéiques complexes dont les

pharmacophores ne sont pas définis, ce qui empêche l’application des stratégies basées sur le criblage in silico ou sur la chimie combinatoire, deux approches très utilisées par l’industrie pharmaceutique pour trouver de nouveaux composés actifs. Par conséquent, de nouvelles approches comme le ciblage des RCPGs avec des anticorps monoclonaux sont en train d’émerger [318]. A la différence des petites molécules chimiques, les anticorps monoclonaux

présentent l’avantage de cibler de nouveaux épitopes, éloignés des sites orthostériques et inaccessibles aux analogues chimiques des ligands naturels, ce qui permet d’envisager de nouvelles propriétés pharmacologiques incluant la modulation allostérique des fonctions du récepteur. Les anticorps offrent également la possibilité de cibler des épitopes conformationnels étendus, ce qui les rend plus à même d’interférer efficacement avec la liaison de ligands protéiques complexes et leur confère une grande spécificité même s’il existe plusieurs sous-types du RCPG ciblé [318]. Enfin, les anticorps pourraient aussi être mis

à profit pour cibler sélectivement des RCPGs homo ou hétérodimériques [319].

L’oligomérisation des RCPGs est un axe de recherche émergeant dans lequel les anticorps seraient des outils très précieux pour mieux comprendre la pharmacologie et l’intérêt thérapeutique de ces oligomères qui jouent probablement un rôle dans diverses pathologies

[320]. Ainsi, les anticorps semblent être des molécules de choix pour développer de nouveaux

agents thérapeutiques originaux contre les RCPGs. Cependant, la production d’anticorps contre de tels récepteurs reste, à l’heure actuelle, un véritable défi technique. En effet, à cause de leurs 7 passages transmembranaires, les RCPGs sont des molécules très difficiles à manipuler in vitro. Une fois sortis de leur contexte membranaire, ces récepteurs sont instables,

majoritairement non fonctionnels et leur production en quantité et qualité suffisantes pour réaliser des immunisations est souvent laborieuse [321]. De plus, les approches alternatives

consistant à immuniser avec des fragments de séquences extracellulaires recombinantes, plus faciles à produire que le récepteur complet, se révèlent souvent infructueuses car les anticorps générés sont, la plupart du temps, incapables de reconnaître le récepteur dans son environnement physiologique à la surface cellulaire [322]. De même, l’immunisation avec des

RCPGs entiers, stabilisés et renaturés grâce à des détergents, est envisageable mais les probabilités de succès sont faibles et les conditions expérimentales mises au point pour un récepteur sont rarement généralisables à d’autres RCPGs. Par conséquent, d’autres stratégies d’immunisation ont été envisagées afin de favoriser l’obtention d’anticorps reconnaissant la conformation native des RCPGs. Parmi les plus prometteuses, on trouve l’immunisation génique. Cette technique consiste à immuniser les animaux avec l’ADNc codant l’antigène (contenu dans un plasmide), qui est ainsi directement produit in vivo, dans un contexte physiologique. Différentes voies d’administration sont possibles : (i) par voie cutanée, en propulsant des particules métalliques complexées à l’ADN grâce à un « pistolet à gène » ou « gene gun », (ii) par injection intramusculaire, couplée ou non à des agents chimiques ou à l’électroporation pour augmenter la transfection in vivo, (iii) par injection intraveineuse, en réalisant un choc hémodynamique entraînant une transfection massive au niveau hépatique (technique d’hydroporation) [323]. Appliquée aux RCPGs, l’immunisation génique permet

d’éviter les étapes complexes, sans garantie, et chronophages, relatives à la production et à la renaturation in vitro des RCPGs. De plus, elle favorise la présentation d’un récepteur fonctionnel au système immunitaire de l’hôte, ce qui augmente les probabilités d’obtenir des anticorps reconnaissant la conformation native des RCPGs et possédant des activités pharmacologiques [324-326]. Par ailleurs, cette technique présente également l’avantage

d’être simple et potentiellement généralisable à n’importe quel RCPG, sous réserve d’une expression in vivo suffisante pour induire une réponse immune.

Toutes ces difficultés techniques, liées à la nature transmembranaire des RCPGs et à l’importance de leur conformation tridimensionnelle dans leur fonctionnalité, ont pour le moment limité le développement des anticorps monoclonaux anti-RCPGs. Ceci est d’ailleurs corroboré par le fait qu’il n’existe aucun anticorps anti-RCPGs, ni parmi les 39 anticorps monoclonaux thérapeutiques (et dérivés) sur le marché, ni dans la quarantaine d’anticorps actuellement en phase III. Malgré cela, la modulation pharmacologique de ces récepteurs devient une option de plus en plus attractive dans divers domaines et particulièrement en

oncologie. En effet, depuis une dizaine d’années, les preuves décrivant l’implication des RCPGs dans les phénomènes tumoraux s’accumulent [327-329]. Les RCPGs semblent

notamment importants pour les interactions hôte/tumeur et sont impliqués dans les processus de dissémination métastatique, d’angiogenèse, d’inflammation et d’immunoévasion [327- 329]. Ils sont également souvent impliqués dans la progression des tumeurs neuroendocrines, qui sécrètent fréquemment des neuropeptides mitogéniques dont les récepteurs sont des RCPGs. Parmi les RCPGs les plus pertinents pour l’oncologie, souvent cités dans la littérature et dont certains inhibiteurs sont en phase clinique avancée, on trouve les deux sous-types de récepteurs des endothélines ETAR et ETBR, et les récepteurs de chimiokines comme CXCR4 ou CXCR2 [327] (voir tableau 5). Dans le cas de CXCR4 et d’ETBR, des anticorps

monoclonaux à activité antitumorale ont été décrits récemment [330, 331].

Au vu de ce dernier paragraphe et de toutes les observations mentionnées plus haut, l’approche développée dans cette thèse, qui consiste à générer des anticorps anti-ETBR pour le traitement des cancers via la méthode d’immunisation génique, semble tout à fait pertinente.

Dans la dernière partie introductive qui suit, une synthèse des connaissances sur les endothélines et leurs récepteurs et plus particulièrement sur leur implication dans les processus tumoraux est présentée. Ces données permettront d’apprécier plus en détail la validité de ce modèle en tant que cible thérapeutique pour le traitement des cancers.

Agents Chimiques Anticorps monoclonaux

RCPGs Phase clinique Exemples Phase clinique Exemples

ETAR II /III Zibotentan, Atrasentan _ _

ETBR II Bosentan préclinique 5E9 (Genentech)

CXCR4 I / II BKT140, AMD 3100,... I ALX0651, AT009, MDX1338

CXCR2 II AZD5122, SB265610 _ _ Smoothened I / II IPI-926, BMS-833923,... _ _ GnRHR I / II Approuvé Abarelix, teverelix,... Leuprolide, Goserelin _ _ CCK2 II Z-360 _ _ LGR5 _ _ préclinique KM4056 SSTR Approuvé Octéotride _ _

Tableau 5. RCPGs ciblés par des anticorps monoclonaux ou des agents chimiques en phase clinique pour le traitement des cancers. GnRH : Gonadotropin Releasing Hormone ; SSTR : récepteurs de la somatostatine

3. L’axe endothéline et son implication dans la physiopathologie