• Aucun résultat trouvé

1. L’autorisation des techniques d’AMP

a) L’autorisation des procédés permettant d’améliorer l’efficacité et la sécurité des techniques d’AMP

À l’issue des débats ayant conduit à l’adoption de la loi de bioéthique du 6 août 2004, la définition de l’assistance médicale à la procréation avait été modifiée afin de prévoir qu’un arrêté du ministre de la santé, pris après avis de l’Agence de biomédecine, fixerait les listes des « techniques d’effet équivalent permettant la procréation en dehors du processus naturel ».

Cette modification constituait une solution de compromis : d’un côté, il était apparu nécessaire de prévoir un système d’autorisation des techniques d’AMP, reposant sur une évaluation préalable de leur efficacité et de leur innocuité. Pour autant, toute évaluation complète d’une nouvelle technique aurait supposé de braver deux interdits, également introduits par la loi de 2004, celui de la constitution d’embryons à des fins de recherche et celui du transfert d’embryons à des fins de recherche.

La liste des techniques d’effet équivalent avait donc pour objet d’autoriser les techniques d’AMP dans la mesure où celles-ci ne comporteraient que des risques acceptables, et d’éviter l’écueil de ce que le ministre de la Santé de l’époque, M. Jean-François Mattéi, avait qualifié « d’essais d’hommes ».

Mais cet arrêté n’a jamais été pris, la difficulté à définir le degré d’innovation permettant de distinguer une nouvelle technique d’une technique existante n’ayant pu être surmontée.

Ainsi, comme le note l’ABM dans son bilan d’application de la loi de bioéthique, « la congélation des embryons ou des ovocytes par la méthode de la vitrification, qui permet d’accélérer fortement la descente en température, peut être vue soit comme une nouvelle technique de congélation, soit comme une évolution de la technique de congélation qui ne justifie pas de qualifier une nouvelle technique ».

Cette situation aboutit à figer l’état des techniques d’AMP et interdit la mise en œuvre de techniques mises au point et testées à l’étranger, empêchant ainsi l’amélioration de ces techniques et donc des taux de succès de l’AMP.

b) L’article 19 prévoit une nouvelle procédure d’autorisation des procédés d’AMP

L’ensemble des rapports consacrés au bilan de la loi de bioéthique de 2004 et aux perspectives ouvertes par le projet de loi conclut à la nécessité de sortir de cette impasse, même s’ils ne s’accordent pas sur les solutions juridiques à mettre en œuvre.

Le rapport de la mission d’information de notre assemblée affirme quant à elle deux principes essentiels : le premier concerne le maintien de l’interdiction de constitution d’embryons à des fins de recherche et de transfert d’embryon ayant fait l’objet de recherches. La mission a estimé que revenir sur ces deux principes conduirait à « franchir un seuil dans la réification utilitariste du vivant » et à

« restreindre la portée d’un principe qui garantit que des essais sur l’homme ne puissent se transformer en "essai d’homme" »

Le second principe est celui de la nécessité d’un régime d’autorisation des techniques d’AMP reposant sur des critères de qualité, d’innocuité, d’efficacité et de reproductibilité. Ainsi, même « si ces critères excluent de valider toute technique dont le caractère innovant apparenterait son application à une expérimentation, ils ne [devraient] pas écarter des techniques validées scientifiquement, auxquelles des professionnels à l’étranger recourent en tant que pratiques de routine et qui ont fait l’objet d’évaluations conduisant à considérer comme acceptable, parce que minimal, le risque encouru. »

L’article 19 du projet de loi s’inspire de la solution proposée par la mission d’information en prévoyant un dispositif d’autorisation reposant sur trois piliers.

Le premier est celui de la définition de l’AMP par le législateur, définition modifiée puisqu’elle inclurait désormais non seulement les pratiques de conception in vitro, de transfert d’embryons et d’insémination artificielle, mais également de conservation des gamètes, des tissus germinaux et des embryons.

Le deuxième est celui de l’autorisation des procédés d’AMP inscrits sur une liste fixée par arrêté du ministre de la santé, pris après avis de l’ABM. Un décret en Conseil d’État fixera les critères d’inscription sur cette liste, critères qui auront trait à l’efficacité du procédé, à sa sécurité pour la femme et l’enfant à naître, ainsi qu’au respect des principes fondamentaux de la bioéthique. Notre commission a complété ces critères afin d’y ajouter celui de la reproductibilité, qui concerne la capacité du procédé à être mis en œuvre sur le plus grand nombre possible de patientes.

Le troisième concerne les techniques qui ne constituent que de simples déclinaisons des procédés autorisés : lorsque ces techniques auront pour objet d’améliorer l’efficacité et la sécurité d’un procédé, elles pourront bénéficier d’un régime d’autorisation simplifié par le directeur général de l’ABM, après avis du Conseil d’orientation.

D’après l’étude d’impact accompagnant le projet de loi, « l’impact des nouvelles dispositions introduites par le projet de loi pourrait être considérable s’il s’avérait qu’un procédé de conservation des ovocytes réponde aux critères édictés dans le décret mentionné à l’article L. 2141-1. En effet, la mise en œuvre en routine d’un tel procédé pourrait notamment permettre d’éviter la constitution d’embryons surnuméraires qui sont actuellement conservés par les laboratoires

pour un transfert in utero ultérieur. La recherche pour la mise en œuvre de nouveaux procédés dans le domaine de l’AMP devrait être favorisée. »

2. La mise en œuvre des techniques d’AMP a) Le fonctionnement des centres d’AMP

Notre commission spéciale a adopté plusieurs dispositions afin de simplifier et d’améliorer le fonctionnement des centres d’AMP.

Elle a tout d’abord adopté un amendement de votre rapporteur supprimant l’agrément individuel des praticiens intervenant dans les centres d’AMP et de DPN, conformément aux conclusions de la mission d’information de notre assemblée.

La commission spéciale a donc supprimé cet agrément dans le domaine de l’AMP et du DPN, tout en le maintenant dans le domaine du DPI, compte tenu de ses spécificités. Elle a complété le dispositif actuel en prévoyant que les centres d’AMP et de DPN devront faire appel à des praticiens « en mesure de prouver leur compétence ». Cette condition serait vérifiée lors de la visite de conformité réalisée par les services déconcentrés dans les établissements autorisés.

La commission spéciale a également, sur l’initiative de votre rapporteur, autorisé les sages femmes à intervenir dans les centres d’AMP. Le code de la santé publique n’autorise pas les sages femmes à travailler dans les centres d’AMP. Pourtant, sur les 20 000 sages-femmes en exercice en France, une centaine (dont 80 dans des CHU) travaillerait actuellement dans les 110 centres cliniques d’AMP. Elles procèdent à des échographies de monitorage de l’ovulation ou à des échographies folliculaires ; elles font des consultations au moment du démarrage du traitement de stimulation, de l’information sur les dons d’ovocyte et des échographies de début de grossesse ; elles suivent l’évolution des courbes des hormones de grossesse ; elles assurent le suivi des « issues de grossesse », elles s’occupent aussi de l’informatisation, notamment pour les bilans statistiques et ministériels ; enfin, elles gèrent des réunions d’information des couples en vue d’une fécondation in vitro (FIV), et des receveuses en vue d’un protocole de don.

Cette situation semble à l’origine de difficultés en matière de codification des actes et de tarification à l’activité (T2A). En effet, selon l’ordre des sages femmes que notre mission d’information avait reçu, « les sages-femmes ne pouvant pas coter en acte externe les échographies et les consultations pré-FIV qu’elles réalisent, soit leurs actes ne sont pas cotés et ne rapportent pas d’argent à l’hôpital, ce qui pose problème, soit leurs actes sont cotés en actes de médecins, mais il s’agit alors en quelque sorte d’une fraude à l’assurance maladie, puisque les sages-femmes n’ont pas le droit de pratiquer ces actes »

Dès lors, afin de mettre en concordance le droit et les pratiques, la commission spéciale a autorisé les sages-femmes à exercer leurs activités dans des centres d’AMP, sous certaines conditions définies par voie réglementaire.

Enfin, la commission spéciale a complété les missions de l’Agence de la biomédecine, en reprenant deux propositions de la mission d’information de notre assemblée : l’Agence de la biomédecine devra ainsi assurer la publication régulière des résultats de chaque centre d’AMP, selon une méthodologie prenant notamment en compte les caractéristiques de leur patientèle et en particulier l’âge des femmes et est invitée, au vu de ces données, à diligenter des missions d’appui et de conseil dans certains centres, voire à proposer des recommandations d’indicateurs chiffrés à certains centres. Elle pourra en outre lancer des appels à projet dans le domaine de la recherche sur les causes de l’infertilité.

b) La constitution d’embryons surnuméraires et le champ du consentement des parents aux recherches sur ceux ne faisant plus l’objet d’un projet parental

Le code de la santé publique prévoit que « compte tenu de l’état des techniques médicales, les membres du couple peuvent consentir par écrit à ce que soit tentée la fécondation d’un nombre d’ovocytes pouvant rendre nécessaire la conservation d’embryons ». Ainsi, quand le nombre d’embryons obtenus lors d’une FIV est supérieur au nombre d’embryons transférés in utero, les embryons restant dont le développement est satisfaisant, dits « surnuméraires », sont congelés. La loi n’impose aucune limite quant au nombre des ovocytes à féconder.

La constitution et la conservation de ces embryons surnuméraires peuvent être nécessaires compte tenu du faible taux de grossesse après fécondation in vitro et de la nécessité fréquente de refaire plusieurs tentatives: elles permettent d’éviter l’implantation de la totalité des embryons conçus et de réduire le risque de grossesses multiples pour les femmes ; elle permet également, tant que la vitrification ovocytaire ne sera pas devenue une procédure de routine autorisée, d’éviter la constitution d’un faible nombre d’embryons et, en cas d’échec, la multiplication des procédures de stimulation ovarienne et de ponction ovocytaire chez la femme.

Les couples sont consultés chaque année sur le maintien ou non de leur projet parental. Lorsque les embryons ne font plus l’objet d’un projet parental, le couple peut choisir de consentir à ce que ces embryons fassent l’objet d’une recherche, à ce qu’ils soient accueillis par un autre couple ou à ce qu’ils soient détruits. En cas de désaccord, ou lorsque l’un des deux membres du couple, consulté à plusieurs reprises, ne répond pas sur le point de savoir s’il maintient son projet parental, l’embryon est détruit s’il a été conservé pendant au moins cinq ans.

Selon l’Agence de la biomédecine, au 31 décembre 2008, 149 191 embryons seraient conservés, dont 66 % faisant l’objet d’un projet

parental, 14,5 % ne faisant plus l’objet d’un projet parental et 19,5 % faisant l’objet d’un désaccord du couple sur le maintien du projet parental ou pour lesquels les couples n’ont pas fait connaître leurs intentions.

L’article 21 du projet de loi étend le champ du consentement des couples qui décident que les embryons ne faisant plus l’objet d’un projet parental peuvent faire l’objet de recherche. En effet, ce consentement ne concerne pour l’heure que les recherches menées dans le cadre des dérogations au principe d’interdiction des recherches sur l’embryon, et autorisées par l’ABM.

L’article 21 étend le champ du consentement du couple aux essais cliniques qui pourraient être menés en utilisant des préparations de thérapie cellulaire contenant des cellules spécialisées dérivées de cellules souches embryonnaires.

Votre commission spéciale, si elle partage l’objectif de permettre au couple de donner le consentement le plus éclairé possible sur la totalité des recherches qui peuvent être menées sur l’embryon, a toutefois estimé qu’une clarification du régime de ces recherches était sans doute nécessaire.

Les essais cliniques utilisant des préparations de thérapie cellulaire peuvent être menés, dans le droit commun, après autorisation de l’AFSSAPS, donnée avec l’avis de l’ABM. Mais s’agissant de préparations de thérapie cellulaire utilisant des cellules dérivées de cellules souches embryonnaires, n’est-il pas légitime d’imaginer une procédure spécifique ? La commission spéciale a donc choisi d’ouvrir le débat en adoptant un amendement qui prévoit une autorisation systématique de l’ABM, préalable à l’autorisation de l’AFSSAPS, pour « tout protocole de soins impliquant le recours à des cellules souches embryonnaires arrivant à un stade de recherche clinique ».

Par ailleurs, la commission spéciale a souhaité souligner le problème éthique que soulève la constitution d’embryons surnuméraires, et que la mission d’information de notre assemblée avait résumé dans son rapport sous forme de question : « est-il éthique de permettre la conception en surnombre d’embryons humains pour des raisons techniques de rendement de la FIV » ?

La mission d’information avait souligné que cette pratique est très encadrée : le couple est informé des possibilités de devenir des embryons et son consentement à la constitution d’embryons surnuméraires doit être recueilli. Un couple ne peut bénéficier d’une nouvelle FIV avant le transfert in utero des embryons conservés.

Elle avait également rappelé qu’une interdiction ou une limitation de la conception et de la conservation des embryons surnuméraires soulèverait des difficultés, car la création et la conservation des embryons surnuméraires offrent aux couples une chance supplémentaire de réussite ; elles permettent également de différer le transfert in utero avant un traitement potentiellement stérilisant, dans le cadre de la préservation de la fertilité. Enfin, limiter la conservation des embryons

aboutirait soit à leur destruction, soit à leur implantation, ce qui fait courir à la femme les risques lourds inhérents aux grossesses multiples.

La commission spéciale a donc adopté un amendement à l’article 19 disposant que la mise en œuvre de l’AMP privilégie les pratiques et procédés qui permettent de limiter le nombre des embryons conservés et chargeant l’ABM de rendre compte dans son rapport annuel des méthodes utilisées et des résultats obtenus. Elle a ainsi souligné les espoirs que soulève la vitrification ovocytaire, qui devrait permettre de limiter la conception d’embryons surnuméraires.

Elle a par ailleurs adopté un amendement limitant à trois le nombre d’ovocytes fécondés lorsqu’une AMP est mise en œuvre.

B. LES CAS PARTICULIERS DES AMP AVEC TIERS DONNEUR ET AVEC