• Aucun résultat trouvé

Outre l’AMP intraconjugale, les couples répondant aux conditions d’accès à l’AMP peuvent également bénéficier d’un don de gamètes ou d’un don d’embryon ne faisant plus l’objet d’un projet parental.

1. L’AMP avec tiers donneur : le problème du don d’ovocytes.

D’après les chiffres rappelés dans le bilan d’application de la loi de bioéthique établi par l’ABM, « l’activité d’AMP avec tiers donneur est peu importante au regard de l’AMP en intraconjugal » : le nombre d’enfants nés en 2006 à la suite d’un don de spermatozoïde est stable autour de 1122 enfants, soit 5,6 % des enfants issus d’une AMP. L’AMP avec don d’ovocytes progresse peu, et 0,56 % des enfants issus d’une AMP sont nés à la suite d’un don d’ovocyte.

Chargée par la loi d’assurer la promotion du don de gamète, l’ABM souligne toutefois que « la demande de don d’ovocytes en France n’est pas satisfaite. Une enquête nationale menée par l’ABM en 2005 a dénombré plus de 1300 couples en attente d’ovocytes. Environ 400 nouveaux couples ont besoin chaque année d’un don d’ovocytes ».

En dépit d’une légère augmentation du nombre de ponctions (247 en 2007, contre 228 en 2006 et 168 en 2005), ce nombre reste insuffisant dans la mesure où, à raison de 1,8 couple en moyenne pouvant bénéficier d’ovocytes issus d’une même donneuse, il aurait fallu 700 donneuses supplémentaires en 2007 pour résorber totalement la liste d’attente (1). Il en résulte que les couples peuvent attendre de deux à cinq ans un don d’ovocytes, alors même que les chances de succès s’amenuisent avec l’âge de la demandeuse. Or, comme l’avait indiqué à la mission d’information de l’Assemblée nationale sur la révision des lois de bioéthique Mme Hortense de Beauchaine, membre de l’association Pauline et Adrien, « il ne faut pas oublier qu’un couple qui a recours à un don a souvent un

(1) Chiffres cités dans le rapport d’information n°2235 sur la révision des lois de bioéthique.

parcours long derrière lui. L’homme et la femme ne sont souvent plus très jeunes.

Un couple receveur pour un don d’ovocyte a cinq ans d’attente. Si une femme en fait la demande à 35 ans, elle aura 40 ans lorsqu’elle y aura droit. Leurs chances sont donc vraiment diminuées. »

La pénurie de spermatozoïdes existe également, mais pas dans des proportions aussi dramatiques.

La pénurie d’ovocytes explique que de nombreux couples se rendent à l’étranger, en particulier en Espagne, pour bénéficier d’un don de gamètes. Ainsi, Mme Hélène Letur-Konirsch, co-présidente du Groupe d’études des dons d’ovocytes (GEDO), avait-elle souligné devant la mission que « en 2006, l’Agence de la biomédecine notait l’inscription de 647 nouveaux couples demandeurs. Or, ce chiffre ne prend absolument pas en compte les couples qui choisissent de se rendre à l’étranger, soit après une première consultation dans les centres autorisés, soit après avoir été directement orientés vers un autre pays par leur praticien libéral ou leur association. Si l’on prend en compte les couples qui se sont inscrits en 2006 en Espagne, en Grèce et en République tchèque, la demande annuelle peut être estimée à 2 000 nouveaux couples. »

En outre, cette pénurie d’ovocytes explique l’apparition de pratiques contestables, comme le rapport n°2235 précité l’a mis en évidence : si l’article L. 1244-7 du code de la santé publique dispose que « le bénéfice d’un don de gamète ne peut en aucune manière être subordonné à la désignation par le couple receveur d’une personne ayant volontairement accepté de procéder à un tel don en faveur d’un couple tiers anonyme », il semble bien que certains centres incitent des couples demandeurs à venir accompagnés d’une donneuse d’ovocytes, au profit d’un autre couple demandeur, en contrepartie d’un délai d’attente plus court.

Certes aucun centre ne rend la présentation d’une donneuse obligatoire ni ne refuse d’enregistrer la demande d’un couple qui ne satisferait pas cette demande. Mais lorsqu’une femme de 39 ans se présente dans un centre, compte tenu des délais d’attente, de la limite d’âge de 43 ans pour la prise en charge des traitements, la présentation d’une donneuse devient une condition sine qua non si ce n’est en droit sinon en fait, de l’accès à l’AMP. Dès lors, le risque est grand d’une rémunération occulte des donneuses, contraire au principe de non patrimonialité du corps humain.

Afin de favoriser le don d’ovocyte, la mission d’information de notre Assemblée avait identifié plusieurs des freins qui peuvent expliquer la pénurie actuelle, et avait formulé plusieurs propositions. Certaines ne revêtaient pas de caractère législatif : poursuite des actions d’information et de promotion du don de gamètes ; amélioration du remboursement des frais engagés par les donneuses et précision sur les modalités de prise en charge des frais médicaux ; accroissement du nombre de centres pratiquant le don d’ovocytes et réforme du financement des actes qui y sont réalisés.

D’autres relevaient de l’intervention du législateur : c’est le cas de l’ouverture aux donneuses d’ovocytes d’un droit à autorisation d’absence ou à un congé spécifique pour se rendre aux examens et consultations nécessaires pour le don.

En outre, deux autres modifications législatives avaient été évoquées afin de favoriser le don de gamètes.

La première concernait la possibilité d’instituer une rémunération du don de gamètes. Cette option a été écartée car elle mettrait en cause le principe de la non-commercialisation du corps humain, qui constitue l’un des piliers des lois de bioéthique et vise à protéger la dignité de la personne.

La seconde consistait à autoriser les donneuses n’ayant jamais procréé à consentir un don de gamètes.

Les dispositions de l’article L. 1244-2, en vertu desquelles le donneur doit avoir procréé, sont issues de la charte des CECOS ; elles concernaient à l’origine le don de spermatozoïdes et concernent désormais tous les dons de gamètes.

D’après le bilan d’application de la loi de bioéthique réalisé par l’ABM, « elles protégent le donneur vis-à-vis de la possibilité de développer une stérilité ultérieure au don, évitent le recrutement de donneurs trop jeunes ou souhaitant tester leur fertilité ou se "donner" un enfant en donnant leurs gamètes ».

Ces règles, qui constituent une spécificité française, ont cependant deux conséquences : elles restreignent le champ des donneurs potentiels et s’agissant plus particulièrement du don d’ovocytes, ont pour effet que les dons proviennent de femmes plus âgées dont les ovocytes sont de moins bonne qualité. L’Agence de la biomédecine a de ce fait proposé la levée de la condition de procréation antérieure, en soulignant que ces dispositions ont pour effet de diminuer l’efficacité du don.

Le principal argument objecté à la levée de cette condition tient au fait qu’un donneur devenant incapable de concevoir pourrait regretter amèrement son choix d’avoir donné ses gamètes.

En réalité, et indépendamment des aléas de la vie qui peuvent entraîner une stérilité chez les hommes comme chez les femmes, celles-ci encourent un risque spécifique lié à la procédure même du don d’ovocytes, aux traitements préalables de stimulation ovarienne et à la ponction d’ovocytes.

D’après la brochure éditée par l’ABM sur le don d’ovocytes, les donneuses, après avoir donné leur consentement et eu un entretien avec un psychologue ou un psychiatre, reçoivent pendant 10 à 12 jours des injections destinées à stimuler les ovaires. Pendant cette période, trois ou quatre prises de sang sont effectuées, ainsi que des échographies ovariennes. Le prélèvement a lieu à l’hôpital, 35 ou 36 heures après la dernière injection, par voie vaginale et sous analgésie ou anesthésie. La donneuse peut ressentir quelques effets indésirables

dans les jours qui suivent l’intervention, et plus rarement ces symptômes peuvent persister ou s’intensifier en raison d’une réponse excessive des ovaires à la stimulation (syndrome d’hyperstimulation). Dans des cas très exceptionnels, l’hyperstimulation est plus sévère et se traduit par une prise de poids rapide, des troubles digestifs et parfois une gêne respiratoire. Ces signes doivent conduire la donneuse à contacter sans attendre le centre qui l’a suivie pour le don ou un service d’urgences. Elle sera immédiatement prise en charge. D’autres complications peuvent être liées au geste chirurgical de prélèvement (hémorragie, infection, problème anesthésique…), mais sont rarissimes.

Votre rapporteur entend ces objections, mais constate que le statu quo n’est pas satisfaisant et s’agissant du don d’ovocyte, porte en germe des dérives contraires aux principes fondamentaux de la bioéthique et notamment à la gratuité du don.

C’est pourquoi la proposition faite par le Professeur René Frydman au cours de son audition a éveillé son intérêt : afin de favoriser le don d’ovocyte, on pourrait imaginer « d’offrir à ces jeunes femmes l’assurance de pouvoir disposer pour elles-mêmes, en cas de nécessité, d’une partie de leurs ovocytes ainsi congelés. C’est une clause qui n’existe pas dans les pays voisins, et qui, je crois, vaut la peine d’être examinée. »

La commission spéciale a donc adopté un amendement permettant à une femme nullipare de donner ses gamètes même si elle n’a pas d’enfant, en lui offrant dans le même temps la possibilité de conserver ses gamètes en vue d’une éventuelle utilisation autologue dans le cadre d’une assistance médicale à la procréation.

Votre rapporteur tient à souligner qu’il ne s’agit donc pas d’offrir la possibilité aux donneuses de conserver leurs ovocytes et de se les faire réimplanter à n’importe quel moment, à n’importe quel âge et dans n’importe quelle condition.

Ces ovocytes ne pourraient être utilisés que dans le cadre de l’AMP, c’est-à-dire en cas d’infertilité médicalement constatée, lorsque la femme est en couple et qu’elle est en âge de procréer.

En outre, cet amendement créé une autorisation d’absence en faveur des donneuses d’ovocytes, inspiré de celui dont bénéficient les femmes enceintes, afin qu’elles puissent s’absenter pour se rendre aux examens et se soumettre aux interventions nécessaires à la stimulation ovarienne et à la ponction ovocytaire.

2. L’accueil d’embryons

Lorsque des embryons ne font plus l’objet d’un projet parental, le couple peut consentir à ce que ces embryons fassent l’objet d’une recherche, à ce qu’ils soient accueillis par un autre couple, ou à ce qu’il soit mis fin à leur conservation.

L’article L. 2141-5 du code de la santé publique précise toutefois que ce n’est qu’à titre exceptionnel que les deux membres du couple peuvent consentir à ce que les embryons conservés soient accueillis par un autre couple.

L’article L. 2141-6 dispose également que « à titre exceptionnel, un couple répondant aux conditions prévues à l’article L. 2141-2 et pour lequel une assistance médicale à la procréation sans recours à un tiers donneur ne peut aboutir peut accueillir un embryon. Le couple accueillant l’embryon est préalablement informé des risques entraînés par la mise en œuvre de l’assistance médicale à la procréation pour l’enfant à naître. » L’accueil d’embryon est subordonné à une décision de l’autorité judiciaire.

Dans le cas du couple donneur, la mention du caractère exceptionnel du don d’embryon ne faisant plus l’objet d’un projet parental semble faire des deux autres options offertes dans ce cas de figure, recherche ou destruction, les options de droit commun. La hiérarchie établie par cette mention paraît extrêmement problématique.

S’agissant du couple « receveur », la rédaction ambiguë de l’article définissant les conditions de recours à l’accueil d’embryon conduit à des difficultés d’interprétation, ainsi que l’a souligné l’Agence de la biomédecine.

La loi du 6 août 2004 avait en effet assoupli les conditions de recours à une AMP avec tiers donneur. Celle-ci peut être mise en œuvre si l’AMP intraconjugale ne peut aboutir ou si le couple, dûment informé, y renonce. De ce fait, il est difficile de déterminer si l’accueil d’embryon est subordonné à l’échec de l’AMP intraconjugale ou si le couple peut également demander un accueil d’embryon après avoir simplement renoncé à une AMP sans tiers donneur.

La commission spéciale a donc adopté un amendement de votre rapporteur qui supprime les dispositions relatives au caractère exceptionnel de l’accueil d’embryon et prévoit qu’il peut être mis en œuvre si l’AMP intraconjugale ne peut aboutir ou si le couple, dûment informé, y renonce.