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L’autorégulation de la cognition des demandeurs d’aide

Chapitre 5. L’interprétation des résultats

5.1.2 L’autorégulation de la cognition des demandeurs d’aide

En nous appuyant sur le processus de la demande d’aide que nous avons élaboré en mettant en relation le modèle de la demande d’aide de Puustinen (2013) et celui de l’apprentissage autorégulé de Pintrich (2003, 2004), nous avons identifié les indicateurs d’autorégulation suivants dans les demandes d’aide des étudiants : la prise de conscience du besoin d’aide (98 traces identifiées chez 57,1 % des demandeurs d’aide), le travail préliminaire sur la tâche (93 traces identifiées chez 65,3 % des demandeurs d’aide), les demandes instrumentales (43 traces identifiées chez 44,9 % des demandeurs d’aide), la capacité à restreindre ses demandes à ce qui est nécessaire (165 traces chez 93,9 % des demandeurs d’aide), la présence de demande d’aide explicite (200 traces identifiées chez 89,8 % des demandeurs d’aide) et la capacité à réinvestir l’aide instrumentale obtenue dans des tâches analogues (4 traces identifiées chez 4,1 % des demandeurs d’aide).

Dans son modèle, Puustinen (2013) a aussi identifié les indicateurs d’illusion de compétence, d’autoquestionnement, de temps de réflexion moyen précédant la demande d’aide et de performance de l’élève après l’obtention d’une aide. Or, nous n’avons pas trouvé ces

indicateurs dans les communications des participants à notre étude. Une explication possible est que nos données ont été recueillies dans des cours en ligne et il se pourrait que ces indicateurs ne conviennent pas à ce contexte.

Mentionnons que les indicateurs dans les messages des participants à notre étude diffèrent de ceux de Puustinen (2013). Ainsi, dans les communications des étudiants, nous avons observé qu’une majorité de demandeurs d’aide ont pris conscience de leur besoin et qu’ils l’expriment de manière explicite et précise alors que Puustinen (2013), dans le contexte d’études menées en classe, a mesuré la prise de conscience du besoin d’aide en calculant le coefficient de corrélation entre la performance attendue par l’élève et sa performance réelle. En ce qui concerne les demandes de confirmation, Puustinen (2013) considère qu’elles reflètent le manque de confiance en soi des étudiants et ne sont donc pas autorégulées. Or, parmi les messages que nous avons analysés, il semble que certaines demandes de confirmation pourraient être considérées comme étant autorégulées, car les étudiants justifient leur démarche de confirmation de leur compréhension par leur souhait de faciliter la tâche de répondre de l’enseignant. Ici, nous pouvons avancer deux explications possibles. La première est que les participants à notre étude, plus âgés que les élèves de Puustinen (2013), pourraient avoir davantage conscience d’être dans une situation de communication hiérarchique, dans laquelle ils demandent un service à leur enseignant. La seconde est que notre étude a pour contexte des cours en ligne au cours desquels les étudiants doivent écrire et justifier leur démarche de demande d’aide.

La comparaison entre les adolescents âgés de 11 à 15 ans de Puustinen (2013) et les étudiants universitaires de notre recherche permet d’établir des différences entre ces deux publics. Puustinen (2013), qui a mené des études sur les demandes d’aide envoyées sur un forum de soutien scolaire en mathématiques, souligne que les élèves âgés de 15 ans donnaient généralement des informations plus variées que ceux de 11 ans, comme l’énoncé du problème à résoudre, une demande d’aide explicite ou des traces d’un travail préliminaire, qui sont des éléments qui rendent la demande compréhensible, ou des formules d’ouverture (« Bonjour » par exemple) ou de fermeture, des informations sur l’identité de l’élève ou sur le contexte, qui incitent l’expert à répondre favorablement à la demande. Plus précisément, les élèves de 15 ans produisaient des messages constitués d’au moins trois à six éléments, tandis que les

seconds envoyaient des messages constitués d’un seul élément, par exemple l’énoncé du problème à résoudre, ce qui est insuffisant pour que l’interlocuteur puisse répondre au besoin d’aide. Les participants à notre étude sont une majorité à avoir envoyé des communications compréhensibles pour leur enseignant ou leurs pairs, constituées le plus souvent d’une demande d’aide explicite, de traces d’un travail préliminaire sur la tâche, mais aussi souvent de l’énoncé du problème à résoudre. En outre, les adolescents les plus jeunes des études de Puustinen (2013) envoient parfois des communications qui ne répondent pas aux règles de politesse, tandis que les demandes que nous avons analysées sont formulées de manière courtoise. Par conséquent, les étudiants universitaires semblent avoir davantage conscience d’être dans une situation de communication hiérarchique, dans laquelle ils doivent formuler leur besoin de manière compréhensible et acceptable du point de vue social, et s’autorégulent davantage pour obtenir une réponse à leur demande.

Une explication possible aux différences soulignées précédemment est que Puustinen a étudié la demande d’aide dans un contexte en ligne mais aussi en classe, auprès d’enfants et d’adolescents. Le contexte de la classe pourrait permettre d’accéder à des traces d’autorégulation (comme l’autoquestionnement) difficiles à percevoir dans un contexte à distance. La matière du cours pourrait aussi influencer les indicateurs d’autorégulation que nous avons détectés. Par exemple, Puustinen a étudié la demande d’aide dans un forum de soutien scolaire destinés à des élèves âgés de 11 à 15 ans environ et qui concernait les mathématiques en général, soit un contenu assez concret, mais dans le cadre de notre recherche, les cours sont de niveau universitaire et reposent sur l’étude de concepts, soit un contenu plus abstrait. Finalement, le public auquel s’intéresse Puustinen (2013) est plus jeune que celui des étudiants universitaires, ce qui pourrait expliquer que les indicateurs d’autorégulation apparaissent moins souvent chez les apprenants adolescents que chez les étudiants universitaires. En outre, Puustinen (2013), dans une étude sur les liens entre la demande d’aide autorégulée, l’âge et la réussite scolaire d’enfants de 7 et 9 ans, a montré que les élèves de 9 ans et les bons élèves ont adopté plus que les autres un comportement autorégulé lorsqu’ils ont demandé de l’aide, bien que l’effet de l’âge sur l’autorégulation dans la demande d’aide ait été moins important que celui de la réussite scolaire. Pour d’autres auteurs aussi, l’autorégulation se développe avec l’âge (Letalle, Longobardi et Courbois,

participé à notre recherche soient davantage autorégulés que les élèves de Puustinen (2013), peut-être parce qu’ils sont plus âgés ou parce que l’étude de concepts à l’université et le contexte en ligne requièrent d’être davantage autorégulé.

Finalement, nous avons mentionné plus haut que les étudiants expriment leurs demandes personnelles par courriel exclusivement et non sur le forum du cours, ce qui peut apparaitre comme une marque de leur autorégulation. Nous abordons maintenant l’autorégulation du comportement des demandeurs d’aide de notre étude.