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L’ASSIMILATION JUDICIEUSE DES DÉPENDANCES AU DOMICILE PERSONNEL DE LA PERSONNE PHYSIQUE

Les juridictions judiciaires ont, de manière pertinente, intégré les dépendances du domicile personnel de la personne physique dans leur conception de ce dernier. En effet, bien qu’elle adopte une interprétation large de la notion de dépendance du domicile (§ 1), elles en fixent toutefois des limites (§ 2). L’étude de cette extension permet d’affiner la compréhension des critères de la définition générale du domicile instauré par le juge judiciaire, dans la mesure où elle est la résultante de l’ensemble de sa jurisprudence portant sur sa conception du domicile. Son interprétation des dépendances du domicile a par conséquent aussi influé sur la rédaction de cette définition.

§ 1 – L’interprétation large de la notion de dépendance du domicile.

Les juridictions judiciaires reconnaissent très tôt1 la notion de dépendance du domicile personnel de la personne physique2. Elles développent cette notion en même temps que celle du domicile personnel. Elles identifient une dépendance en se référant au sens courant du terme. Il s’agit d’une installation dépendant du domicile. Est alors une dépendance une installation dépendant d’un local d’habitation faisant l’objet d’une occupation effective par l’occupant. La détention d’un titre juridique indiffère. Dans cette hypothèse, la qualification de dépendance est directement liée à celle de domicile du local dont dépend l’installation. La dépendance constitue le prolongement du domicile.

Le juge judiciaire retient par conséquent la qualification de dépendance uniquement s’il existe un domicile. Un terrain jouxtant une hutte de chasse ne constitue pas une

1 Premier arrêt portant sur cette notion : Cass. crim. 17 août 1849, Bull. crim., 1849, n° 209, pp. 306-307.

2 Le présent développement se limite à l’étude de ces derniers. Pour l’analyse des dépendances des autres types de domicile, v. infra, pp. 77-80, 84 et 89-90.

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dépendance d’un domicile1

. De même, les dépendances d’une habitation inoccupée ne sont pas protégées. L’article 226-4 du Code pénal n’a pas pour objet de garantir d’une manière générale les propriétés immobilières contre une usurpation2.

Les juridictions judiciaires ajoutent une autre exigence à la proximité immédiate du domicile. Pour être qualifiée de dépendance du domicile, la construction doit se situer avec le domicile dans un même espace clos3. Les juridictions judiciaires appliquent les garanties de l’inviolabilité du domicile aux installations en lien « étroit[…] et immédiat[…] »4

avec le domicile.

En suivant ce raisonnement, les juridictions judiciaires étendent la protection du domicile à des dépendances diverses. Constitue un prolongement du domicile une cour close attenante à une habitation5 ou à un immeuble6. Il importe peu que la clôture soit en mauvais état7. Le juge judiciaire refuse, en revanche, la qualification à une cour ouverte sur « un des côtés et accessible à tout le monde »8, ou, à une cour dont le portail n’est jamais fermé9

. Un terrain et sa clôture entourant une habitation constituent par analogie une dépendance du domicile10. Bénéficient également de cette qualification un jardin11 et une terrasse12 jouxtant une habitation. Le balcon d’une maison ou d’un appartement est une dépendance13. Il « fait corps [avec le local] […], il en est le complément et l’appendice. La circonstance qu’il est en dehors des pièces proprement dites »14

ne justifient pas de l’exclure de la protection de l’inviolabilité du domicile. Les juridictions judiciaires considèrent également comme constituant des prolongements du domicile « les hangars, [les] remises et

1

Cass. crim., 9 janvier 1992, op. cit.

2 Cass. crim., 28 février 2001, op. cit.

3 Cass. crim., 17 août 1849, op. cit.

4 M. VÉRON, Droit pénal spécial, op. cit., § 272, p. 214.

5

C.A. Limoges, 30 avril 1857, D.P., 1859, 2, pp. 205-206 ; Cass. crim., 12 avril 1938, Bull. crim., 1938-1939, n° 122, pp. 209-210 ; Gaz. Pal., 1938, 2, p. 178 ; L. HUGUENEY, Rev. sc. crim., 1938, p. 710 ; Cass. crim., 9 août 1989, op. cit.

6 Cass. crim., 26 septembre 1990, Bull. crim., 1990-2, n° 321, pp. 806-808 ; M. VÉRON, Dr. pén., février 1991, comm. n° 41, p. 4.

7 Cass. crim., 12 avril 1938, op. cit.

8 Cass. crim., 17 août 1849, op. cit.

9

Cass. crim. 26 septembre 1990, op. cit.

10 Tr. corr. Saint-Sever, 24 novembre 1900, Gaz. Pal., 1900, 1er sem., pp. 661-662 ; Cass. crim., 8 décembre 1981, Ed. ALAUZE, Gaz. Pal., 1982, 2ème sem., juris, pp. 625-626.

11 Cass. crim., 13 mars 1974, Bull. crim., 1974, n° 110, pp. 280-281 ; Gaz. Pal., 1975, 1er sem., p. 66 ; G.

LEVASSEUR, Rev. sc. crim., 1975, p. 148.

12

C.A. Montpellier, 14 février 1951, L. HUGUENEY, Rev. sc. crim., 1951, p. 518 ; Cass. crim., 4 mai 1965,

Bull. crim., 1965, n° 128, pp. 287-289 ; D., 1965, p. 631 ; J.C.P. G., 1965, IV, p. 83 ; Cass. crim., 8 février 1994, M. VÉRON, Dr. pén., juin 1994, comm. n° 129, pp. 6-7.

13 C.A. Toulouse, 5 août 1896, D.P., 1897, 2, pp. 242-244 ; S., 1898, 2, pp. 233-235.

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59 les caves »1, mais aussi les « débarras, lapinières et poulaillers »2 ou encore un parc à ferraille3.

Dans un arrêt du 13 mars 1974, la Cour de cassation précise que les juges du fond ont l’obligation de justifier la qualification de dépendance du domicile par « les circonstances sur lesquelles […] [ils] ont cru pouvoir se fonder pour étendre […] la protection que la loi accorde au domicile »4. La Haute juridiction doit ainsi être en mesure « de vérifier l’existence d’un lien étroit et immédiat unissant la dépendance à l’habitation »5

. Elle exerce alors un contrôle de la qualification juridique de la notion de domicile à partir des énonciations des juges du fond. Ces derniers ne disposent pas d’un pouvoir souverain d’appréciation en la matière. La Haute juridiction accepte cependant les justifications laconiques, même si elle les regrette6.

Le juge judiciaire interprète largement la notion de dépendance du domicile. Il étend la protection du domicile aux installations étroitement et immédiatement liées au domicile personnel de la personne physique. Les juridictions judiciaires ont recours à la méthode de l’interprétation téléologique pour étendre la notion de domicile à ses dépendances. Ces juridictions vont néanmoins encore plus loin dans cette extension. Elles reconnaissent également la qualification de dépendance du domicile à certaines installations qui ne sont ni étroitement ni immédiatement liés au domicile.

Dans un arrêt du 29 mars 19947, la Cour de cassation admet implicitement qu’un garage, même non attenant à un domicile, constitue une de ses dépendances. En l’espèce, un agent immobilier a ouvert à des gendarmes deux garages loués par des personnes suspectées par les enquêteurs. Sans pénétrer à l’intérieur, les gendarmes ont photographié le contenu des garages. Les suspects, mis en examen, ont contesté la légalité de ces constatations. Dans un arrêt du 20 octobre 1993, la Chambre d’accusation de la Cour d’appel de Douai a considéré qu’ « un box fermé destiné à abriter des véhicules est assimilé au domicile et bénéficie en tant

1 Tr. corr. Belfort, 27 janvier 1933, J.C.P. G., 1933, pp. 339-340.

2 Cass. crim., 19 juin 1957, Bull. crim., 1957, n° 513, pp. 928-929.

3 Cass. crim., 15 octobre 1974, Bull. crim., 1974-2, n° 292, pp. 747-754.

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Cass. crim., 13 mars 1974, Bull. crim., 1974, n° 110, p. 280.

5 H. MATSOPOULOU, « Violation de domicile », op. cit., § 22.

6 Cass. crim., 8 décembre 1981, op. cit.

7 Cass. crim., 29 mars 1994, Bull. crim., 1994-1, n° 118, pp. 259-261 ; A. MARON, Dr. pén., août - septembre 1994, comm. n° 194, pp. 17-19 ; V. LESCLOUS et C. MARSAT, Dr. pén., juin 1994, chron., n° 40, pp. 3-4.

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que tel des mesures de protection légale résultant des articles 56, 57 et 96 du Code de procédure pénale »1.

Elle a ainsi estimé que les constatations réalisées par les gendarmes étaient en réalité des perquisitions. Les règles du Code de procédure pénale n’ayant pas été respectées, la Cour d’appel de Douai a annulé les perquisitions. Elle a ajouté que ces opérations ont porté atteinte au principe du droit au respect de la vie privée et du domicile prévu par l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Le ministère public s’est pourvu en cassation. La Chambre criminelle a cassé l’arrêt de la Chambre d’accusation au motif que les gendarmes n’ayant « effectué aucune recherche à l’intérieur des garages, dans lesquels ils n’étaient pas entrés, la Chambre d’accusation a méconnu les textes susvisés et le principe sus-énoncé »2.

Aucune atteinte au droit au respect du domicile n’a eu lieu. Les dispositions du Code de procédure pénale relatives aux perquisitions n’étaient pas applicables en l’espèce. Les gendarmes n’ont, en effet, pas pénétré dans les garages. La Cour de cassation admet par conséquent, de manière implicite, qu’un garage fermé non attenant à une habitation constitue le prolongement du domicile et bénéficie de la protection de l’inviolabilité du domicile.

La Cour de cassation confirme cette extension de la notion de domicile, de manière explicite cette fois, dans un arrêt du 3 novembre 19943. La Chambre criminelle considère qu’un box de garage loué constitue une dépendance du domicile de la personne physique qui le loue. Elle ne base pas sa décision sur l’existence d’un lien étroit et immédiat entre le garage et le domicile. Le garage n’avait, en effet, aucune proximité avec le domicile de la personne physique qui le louait. La Haute juridiction justifie sa décision par la possession des clés permettant d’ouvrir le box par ladite personne. L’occupation volontaire et apparente du box par l’individu participe à la motivation de la solution. Le box de garage était, en effet, loué « à sa demande et pour son compte par un tiers auquel il remboursait le loyer en espèces »4, comme le souligne Monsieur Lesclous et Madame Marsat.

La Cour de cassation fonde, en d’autres termes, la qualification de dépendance du domicile d’un box de garage fermé, sur son occupation effective par le requérant. Le garage

1

Cass. crim., 29 mars 1994, Bull. crim., 1994-1, n° 118, p. 260.

2 Cass. crim., 29 mars 1994, op. cit., pp. 260-261.

3 Cass. crim., 3 novembre 1994, Bull. crim., 1994, n° 347, pp. 849-850 ; V. LESCLOUS et C. MARSAT, Dr.

pén., novembre 1997, chron. n° 25, p. 9.

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61 constitue le lieu où le requérant pouvait se dire chez lui. Comme le relèvent Monsieur Lesclous et Madame Marsat, la Haute juridiction étend ainsi la notion de dépendance du domicile à « un lieu clos permettant l’occupation physique »1 humaine, même en l’absence de lien étroit et immédiat avec le domicile.

La Cour de cassation applique cette solution dans son arrêt du 12 mars 19972. Elle apporte aussi une précision importante sur le critère de l’occupation effective des dépendances. Elle refuse d’assimiler en l’espèce les constations faites à l’intérieur d’un box de garage fermé à une perquisition au domicile du requérant. Elle justifie sa décision en précisant que le gérant avait indiqué que le box était inoccupé depuis dix ans. Par ailleurs, bien que le requérant en détînt la clé et l’utilisât comme cache, il affirmait n’occuper aucun garage et ne pas connaître le gérant.

Ainsi, comme le précisent Monsieur Lesclous et Madame Marsat, le requérant « niait farouchement l’occupation du garage, la possession des clés permettant de l’ouvrir n’était pas à elle seule et en l’état des déclarations de l’intéressé, un indice suffisant d’occupation »3

effective. Le requérant occupait en l’espèce le box de garage de manière clandestine. Ce dernier ne pouvait alors pas être qualifié de dépendance du domicile de l’intéressé.

A l’instar du domicile, ses dépendances, en particulier lorsqu’elles n’ont pas de lien étroit et immédiat avec celui-ci, doivent par conséquent faire l’objet d’une occupation « apparente ou revendiquée. […] Le caractère apparent de l’occupation en marque l’aspect volontaire. Son caractère clandestin interdit […] de savoir si elle est ou non effective »4

. L’extension de la notion de domicile à ses dépendances permet de dégager deux nouveaux critères de définition, contenus dans la définition générale du domicile, par rapport à ceux déjà identifiés lors de l’étude du domicile personnel de la personne physique. Les dépendances du domicile sont des lieux que la personne n’habite pas. Le verbe habiter n’est pas pris dans le sens d’occuper, mais dans celui de vivre dans un espace, qui offre les conditions nécessaires de vie et de développement personnel. Il semble évidement que l’individu n’habite pas, en principe, sur la terrasse, le balcon ou dans la cave, la cour, le terrain, le box de garage ou même dans le poulailler de son domicile.

1

V. LESCLOUS et C. MARSAT, Dr. pén., juin 1994, chron. n° 40, p. 4.

2 Cass. crim., 12 mars 1997, publication partielle, Bull. crim., 1997, n° 100, pp. 333-334 ; V. LESCLOUS et C.

MARSAT, Dr. pén., novembre 1997, chron. n° 25, pp. 7-10.

3 V. LESCLOUS et C. MARSAT, op. cit., p. 9.

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Dès lors, le juge judiciaire étend la protection de l’inviolabilité du domicile personnel de la personne physique à ces lieux, bien que ce dernier nécessite en principe l’existence d’un local d’habitation. Cette extension n’apparaît pas incompatible avec la définition générale du domicile dans la majorité des cas, puisque la dépendance doit avoir un lien étroit et immédiat avec le domicile, autrement dit avec le local. En revanche, lorsque le juge judiciaire protège les dépendances en l’absence de ce lien, le critère d’habitabilité n’est plus rempli. Seul celui de l’occupation effective est déterminant. C’est pourquoi dans sa définition générale du domicile le juge judiciaire précise bien qu’il importe peu que la personne habite ou non le lieu pour bénéficier de la qualification.

Le second critère de définition déterminé est celui de l’indétermination de l’affectation reconnue au local. La qualification de dépendance est admise à l’égard d’un garage, d’une cave, d’un débarras ou d’une lapinière. Les juridictions judiciaires accordent alors peu d’importance à l’affectation donnée au local. Il faut toutefois que les autres critères de définition du domicile soient réunis.

Le juge judiciaire étend en conséquence la notion de domicile personnel des personnes physiques à ses dépendances. Les juridictions judiciaires ont une conception large de la notion de dépendance du domicile. Il s’agit presque toujours de lieux ayant un lien étroit et immédiat avec le domicile personnel de la personne physique, contenus dans la même clôture. La notion a même été élargie au lieu clos permettant l’occupation humaine n’ayant aucun lien avec ce domicile, dès lors que le critère de l’occupation effective est rempli.

Cette extension permet d’étendre le champ d’application de l’inviolabilité du domicile. La personne physique voit ainsi s’accroître les lieux où sa liberté, sa vie privée, sa sécurité et sa tranquillité sont garanties, ainsi que sa préservation contre l’arbitraire. La protection de la liberté individuelle est alors assurée et même étendue. Les éléments composant la notion de domicile instaurée par les juridictions judiciaires sont donc des garanties satisfaisantes de l’effective de l’inviolabilité du domicile. Jusqu’à présent, la Cour de cassation n’a toutefois reconnu cette qualification de dépendance du domicile personnel, sans retenir le critère de proximité, qu’à un seul lieu clos, le garage. Il est, en effet, heureux que le juge judiciaire ne soit pas tombé dans l’excès et ait fixé des limites à cette extension.

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§ 2 – Les limites indispensables à l’extension des dépendances du domicile.

Une jurisprudence isolée de la Cour d’appel de Paris étend, en 1849, la notion de domicile aux meubles meublants. La Cour a affirmé que « le mot domicile, dans le texte et l’esprit de la loi pénale, est une expression générique, dont le sens complexe comprend tout à la fois non seulement le logement et chacune de ses parties, mais encore les meubles qui y sont contenus »1. Cette extension lui a permis de sanctionner en l’espèce l’ouverture, à l’aide de crochets, de meubles se trouvant dans la chambre personnelle du plaignant non verrouillée. La Cour d’appel de Paris cherchait à sauvegarder la personne et les secrets de sa vie privée. Elle justifie ainsi correctement son extension de la notion de domicile. La Cour de cassation ni aucune juridiction judiciaire n’ont cependant confirmé ou même uniquement repris cette position jusqu’à présent.

L’explication peut être due à l’erreur d’interprétation commise par la Cour d’appel de Paris dans son arrêt du 22 juin 1849. Cette erreur porte sur les éléments constitutifs de l’infraction de violation de domicile. La violation de domicile est constituée au moment même de l’introduction ou du maintien dans le domicile. Les violences ou menaces, prévues par le Code pénal2, doivent être constatées au moment précis de l’immixtion ou pendant la période durant laquelle l’auteur de l’infraction reste dans le domicile. Elles doivent, en outre, avoir contribué à l’intrusion ou au maintien. Or, en l’espèce, la chambre personnelle de l’occupant n’était pas verrouillée. L’introduction dans le domicile n’a présenté aucune difficulté. Les violences, caractérisées par l’utilisation de crochets, n’ont eu lieu qu’une fois à l’intérieur du domicile et à l’encontre d’un meuble. Elles n’ont pas eu pour objet d’aider leurs auteurs à se maintenir dans le domicile. Le délit de violation de domicile n’était ainsi pas constitué, sauf à considérer le meuble comme un domicile. La Cour d’appel de Paris a justement retenu cette dernière interprétation. Elle justifiait sa solution en affirmant que l’article 184 du Code pénal « renferm[ait] une garantie générale et absolue pour la personne […], pour sa vie privée, pour le secret dont il a le droit de se couvrir, et pour tous les intérêts de fortune et d’honneur qui s’y attachent »3

.

1 C.A. Paris, 22 juin 1849, op. cit.

2

Le délit de violation de domicile par un particulier était prévu par l’ancien article 184 § 2 du Code pénal qui disposait que « tout individu qui se sera introduit à l’aide de menaces ou de violences dans le domicile d’un citoyen sera puni d’un emprisonnement de six jours à trois mois, et d’une amende de 2 000 à 24 000 francs », in

E. GARÇON, op. cit., p. 723.

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Aussi louables qu’ont pu être les intentions de la juridiction judiciaire dans cette espèce, il est difficile d’adhérer à la solution adoptée. L’inviolabilité du domicile n’a certes pas pour objet de protéger le bien immobilier en lui-même, mais bien la personne, sa sécurité, sa tranquillité ainsi que sa vie privée. Admettre une telle solution reviendrait cependant à vider le domicile de sa nature même. Compte tenu des objectifs poursuivis par l’inviolabilité du domicile, il ne faut pas oublier que le domicile est avant tout un lieu, un local dans lequel une personne peut se dire chez elle. Il ne s’agit pas d’un meuble meublant. Le même raisonnement doit s’appliquer concernant les dépendances du domicile. Admettre qu’un meuble puisse être le prolongement du domicile revient à estimer que la personne physique qui vit, occupe le domicile se considère chez elle dans ce meuble meublant. Or, c’est parfaitement absurde. Il semble raisonnable de penser qu’une dépendance du domicile ne peut être qu’un lieu ou un local, dans lequel une personne peut se dire chez elle. Pour ce faire, la personne doit pouvoir occuper physiquement cet espace de manière effective.

Par analogie, la même critique doit être retenue à l’égard de l’interprétation réalisée par Madame Matsopoulou de l’arrêt de la Chambre criminelle du 15 octobre 19841

. Dans cet arrêt, le juge judiciaire affirme que « la fouille du portefeuille […] constitue […] une perquisition »2. Madame Matsopoulou déduit de l’application des règles propres aux perquisitions à la fouille d’un portefeuille qu’un « tel […] objet […] peu[t] constituer un prolongement du domicile »3.

Elle justifie cette interprétation par la circonstance qu’un portefeuille est susceptible de contenir des biens précieux ou des secrets intimes. Considérer cet objet comme une dépendance du domicile permet, selon elle, de protéger la sécurité et la tranquillité de la personne possédant le portefeuille conformément à l’inviolabilité du domicile. Madame Matsopoulou étend son raisonnement aux valises et sacs, susceptibles également d’avoir le même contenu.

Si un portefeuille peut en effet contenir des secrets qui méritent d’être protégés, ce n’est pas en vertu du principe de l’inviolabilité du domicile. Il est impropre de considérer qu’un tel objet, et même qu’un objet, constituent un prolongement du domicile. Que ce soit le

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Cass. crim., 15 octobre 1984, Bull. crim., 1984-2, n° 298, pp. 793-796, C. J. BERR, J.C.P. G., 1985, II, 20410 ; M. SUZANNE, Gaz. Pal., 1986, 1er sem., juris., pp. 17-19.

2 Ibid., p. 796.

3 H. MATSOPOULOU, « Atteintes à l’inviolabilité du domicile par une personne exerçant une fonction publique », op. cit., § 31.

65 domicile ou l’une de ses dépendances, il s’agit nécessairement d’un lieu où la personne peut se dire chez elle.

n portefeuille, une valise et même un sac sont par définition des biens meubles, pas un lieu. Une personne ne peut pas pénétrer à l’intérieur, l’occuper et se dire chez elle ! Il ne s’agit