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L’articulation entre réglementation et emplo

Section I : Instabilité de l’emploi et contrats temporaires

A) L’articulation entre réglementation et emplo

La France se distingue, au sein des pays européens, par de faibles transitions des contrats temporaires vers l’emploi à durée indéterminée261.

Les règles régissant les différents contrats de travail seront étudiées du point de vue de l’embauche et de la fin du contrat. Ceci permettant de mieux comprendre dans quelle mesure les modifications affectant les contrats à durée indéterminée, notamment les règles relatives au licenciement, peuvent induire un recours plus ou moins accentué aux autres contrats ou affecter les possibilités de transition de l’un à l’autre.

256 INSEE, 2011

257 Cass. Soc, 13 juin 2012, Arrêt n° 1487 FS- P+-B N° 10-26.387 258 INSEE, juin 2012

259 FAVENNEC-HERY F., "La rupture conventionnelle du contrat de travail, mesure phare de l'accord", Droit social,

mars 2008, p. 311 et s.

260 Loi n° 2008-596 du 25 juin 2008, JO du 2- juin, art.L. 1237-11 à L. 1237-16 du Code du travail 261 VALENTIN V., « Les conceptions néo-libérales du droit », Economica, Corpus Essais, 2002

Actuellement coexistent quatre grands types de contrat de travail : le contrat à durée indéterminée (CDI), le contrat à durée déterminée (CDD), le contrat de travail temporaire (CTT), forme particulière du CDD dans le cadre de l’intérim, et les contrats aidés de la politique de l’emploi. Ces contrats aidés conclus le plus souvent sous la forme de CDD, peuvent aussi être conclus à durée indéterminée

Si les contrats de travail temporaires (intérim) sont d’apparition relativement récente, dans les années 1950, ainsi que les contrats aidés, fin des années 1970, les CDD et les CDI ont coexisté depuis l’apparition de la notion de contrats de travail au 19° siècle. Deux articles du code civil réglementent les relations de travail dans le cadre du contrat de louage de services. Tout d’abord, est prohibé l’engagement perpétuel : « on ne peut engager ses services qu’à temps ou pour une durée indéterminée » ; l’engagement à durée indéterminée n’étant admis qu’à condition qu’il puisse « toujours cesser par la volonté d’une des parties contractantes ».

Ces principes visaient à protéger le salarié contre le risque d’instauration de liens de vassalité ou d’esclavage.

Dans la mesure où le droit du licenciement n’avait pas encore fait son apparition, le contrat à durée indéterminée se révélait alors beaucoup plus précaire que le contrat à durée déterminée262.

La distinction entre la rupture du contrat à l’initiative du salarié comme l’incarne la démission et la rupture à l’initiative de l’employeur comme l’illustre le licenciement, n’est réellement intervenue qu’avec la loi du 19 février 1958 obligeant l’employeur, lorsqu’il prenait l’initiative de la rupture, à notifier le congé par lettre recommandée en instituant un préavis minimum légal dans le seul cas du licenciement263.

Durant les années 1960, le CDI devient progressivement le contrat permettant la meilleure maîtrise des salariés sur la durée du contrat, la Cour de cassation développant une jurisprudence favorable aux salariés. Elle exige progressivement une plus grande précision dans la détermination des contrats à durée déterminée et requalifie en CDI des successions de CDD.

Les lois du 3 juillet 1973264 et du 3 janvier 1975 relative au licenciement pour cause économique265

262 GAUDU F., "Libéralisation des marchés et droit du travail", Droit social, mai 2006, pp. 505-513 263 COUTURIER G., « Droit du travail. Les relations individuelles de travail », PUF, 3° édition, 1996 264 Loi n° 73-680 du 3 juillet 1973 instaurant la procédure de licenciement, JORF du 18 juillet 1973

ont profondément modifié le cadre dans lequel s’exerce la faculté, pour l’employeur, de rompre unilatéralement le CDI : procédure d’information préalable et nécessité de formuler une « cause réelle et sérieuse » justifiant le licenciement que le salarié peut contester devant le juge.

Avant la loi du 3 juillet 1973, il revenait au salarié de prouver le caractère abusif du licenciement ; depuis lors, il revient à l’employeur de justifier l’exercice de son droit de licenciement. La loi du 3 janvier 1975266 renforce le contrôle administratif qui s’applique aux licenciements économiques en systématisant l’autorisation administrative préalable. La suppression de cette autorisation administrative par la loi du 3 juillet 1986267 a accru, en pratique, le recours aux juges.

En 1989, la loi « relative à la prévention du licenciement et au droit à la conversion »268 généralise les conventions de conversion et instaure le principe de la priorité de réembauche en cas de licenciement pour motif économique.

La loi du 27 janvier 1993269 instaure, pour les entreprises de plus de cinquante salariés pratiquant un licenciement économique de dix salariés et plus, un plan social qui doit notamment traiter du reclassement des salariés, en interne ou en externe270.

La loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002271 a cherché à limiter de jure le licenciement économique. Elle visait en effet à restreindre la définition du motif économique aux difficultés mettant en cause la pérennité de l’entreprise.

Mais le Conseil constitutionnel a censuré certaines dispositions de la loi, considérant notamment qu’en subordonnant les licenciements à « des difficultés économiques sérieuses n’ayant pu être

surmontées par tout autre moyen », la loi conduit le juge non seulement à contrôler la cause

économique des licenciements décidés par le chef d’entreprise mais encore à substituer l’appréciation du juge à celle du chef d’entreprise et que, de ce fait « le législateur a porté à la

liberté d’entreprendre une atteinte manifestement excessive »»272. La loi visait aussi à restreindre de facto les possibilités de licenciement par la complexification des procédures.

265 Loi n° 73-680 du 3 juillet 1973 instaurant la procédure de licenciement, JORF du 18 juillet 1973 ; Loi n° 75-5 du 3

janvier 1975 instaurant l'autorisation administrative de licenciement, JORF du 4 janvier 1975

266 Loi n° 75-5 du 3 janvier 1975 instaurant l'autorisation administrative de licenciement, JORF du 4 janvier 1975 267 Loi n° 86-797 du 3 juillet 1986relative à la suppression de l'autorisation administrative de licenciement, JORF du 4

juillet 1986

268 Loi n° 89-549 du 2 août 1989 modifiant le code du travail et relative à la prévention du licenciement économique et au droit à la conversion, JORF du 8 août 1989

269 Loi n° 93-121 du 27 janvier 1993 portant diverses mesures d'ordre social

270 Cass. Soc., 16 novembre 2010 Arrêt n° 2171 FS-P+B+R N° 09-69.485 à 09-69.489 271 Loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale

La loi du 3 janvier 2003273 a suspendu nombre des dispositions de la loi de modernisation sociale, invitant les partenaires sociaux à négocier un accord national interprofessionnel refondant les règles du licenciement qui s’étaient accumulées depuis l’accord interprofessionnel de 1969274. Cette négociation n’ayant pas abouti, la loi du 18 janvier 2005275de programmation pour la cohésion sociale, dite loi « Borloo » est revenue, pour l’essentiel, aux dispositions antérieures à la loi de janvier 2002.

La montée progressive des règles de licenciement a conduit, dès les années 1970, à multiplier les recours aux CDD, en dépit des conditions restrictives de la jurisprudence de la Cour de cassation.

La loi du 3 janvier 1979276, qui traite pour la première fois spécifiquement des CDD, relâche en partie ces conditions en permettant la réintégration de la possibilité de CDD à terme incertain et autorisation, dans certaines limites, du renouvellement des contrats.

L’ordonnance du 5 janvier 1982277 vise, en sens inverse, à limiter le recours aux contrats temporaires en posant comme principe que le contrat de droit commun est le contrat à durée indéterminée ; le recours aux contrats à durée déterminée étant, par nature, exceptionnel et circonscrit à des cas ou à des secteurs d’activités bien précis.

Les cas de recours aux CDD ont été élargis au fil du temps et la gestion de ces contrats rendue moins contraignante ; une nouvelle étape dans la libération du régime des contrats à durée déterminée est franchie en 1986. L’énumération limitative des cas de recours est supprimée et la possibilité est reconnue d’user des contrats à durée déterminée, dès lors que ceux-ci n’ont pas pour objet de concurrencer directement les contrats à durée indéterminée.

273 Loi n° 2003-6 du 3 janvier 2003 portant relance de la négociation collective en matière de licenciements économiques, JORF du 4 janvier 2003

274 Accord national interprofessionnel du 10 février 1969 relatif à la sécurité de l'emploi

275 Loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale, JORF n°15 du 19 janvier 2005. Cette loi, avec un budget global de 12,7 milliards d’euros sur 5 ans (2005 - 2009), s’articule autour de vingt programmes d’action et de trois piliers : l’emploi, le logement et l’égalité des chances.

Le volet Emploi prévoit la création ou la labellisation de 300 « maisons de l’emploi » regroupant les acteurs de l’emploi au niveau local ; un accompagnement « renforcé » vers l’emploi pour 800 000 jeunes en difficulté ; la création d’un « contrat d’avenir » destiné aux allocataires des minima sociaux visant à garantir un revenu minimal à une personne en situation de précarité ; des aides à la création de micro-entreprises par les chômeurs ; ainsi que des mesures portant sur la prévision des mutations économiques et restructurations et sur les garanties de reclassement pour les salariés.

276 Loi n° 79-11 du 3 janvier 1979 traitant spécifiquement des contrats à durée déterminée, JORF du 4 janvier 1979 277 Ordonnance n° 82-130 du 5 janvier 1982modifiant les dispositions du code du travail relatives au contrat de travail

à durée déterminée ainsi que certaines dispositions du code civil, JORF du 6 février 1982. Celle-ci limite la durée et les cas de recours aux contrats à durée déterminée.

En vue de lutter contre l’accroissement constant des contrats précaires, contrat à durée déterminée et contrats de travail temporaires, une nouvelle réforme s’amorce dès 1989. A cet effet, un premier projet de loi a été déposé au parlement à la session d’automne de 1989.

Sa discussion a été ensuite suspendue pour favoriser une offre de négociation dans ce domaine faite par le MEDEF, précédemment nommé CNPF, à laquelle s’étaient ralliées les organisations syndicales salariées et qui a abouti à la signature d’un accord national interprofessionnel en date du 24 mars 1990278. Le gouvernement, soucieux de ne pas remettre en cause les acquis d’une négociation qu’il avait acceptée, a modifié en conséquence son projet de loi pour le rendre plus proche de l’accord interprofessionnel, lequel se montrait moins contraignant dans les domaines normalement « réservés » à la loi tels que les possibilités de recours, la durée des contrats,…

La loi n° 90-613 du 12 juillet 1990279 « favorisant la stabilité de l’emploi par l’adaptation des contrats précaires » régit désormais, pour l’essentiel, les contrats à durée déterminée.

La loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002280 a peu modifié ce cadre juridique. Elle contient néanmoins certaines mesures à la portée pratique pour les salariés telles que l’alignement du montant de la prime de précarité, introduite par l’ordonnance de 1982 au taux de 5 % des salaires versés pendant la durée du contrat et passée par la suite à 6 % alors que celui-ci est fixé à 10 % pour les contrats de travail temporaires ; ou encore l’encadrement plus rigoureux de la succession des CDD, en particulier ceux de très courte durée281.

Enfin, nous pouvons signaler la très récente création du Contrat à durée indéterminée intérimaire282 le 11 juillet 2013 qui a pour objet de fidéliser les "meilleurs" intérimaires en leur offrant garantie minimale de rémunération entre deux missions283. Les contreparties sont l'absence d'indemnité de fin de contrat et l’impossibilité presque totale pour l’intéressé(e) de refuser une mission.

A la suite de ce rappel historique, plusieurs points doivent être soulignés.

278 Accord national interprofessionnel n° 33..50.E.530.U du 24 mars 1990 relatif aux contrats à durée déterminée et au travail temporaire

279 Loi n° 90-613 du 12 juillet 1990 favorisant la stabilité de l'emploi par l'adaptation du régime des contrats précaires, JORF n°162 du 14 juillet 1990

280 Loi n°2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale, JORF du 18 janvier 2002

281 ROY-LOUSTANAU C., "Le contrat nouvelles embauches : la flexisécurité à la française", Droit social, décembre 2005, p. 1103 et s.

282 Accord du 11 juillet 2013 entre Prism' emploi (représentant patronal) et la CFDT, CFTC et CFE-CGC 283 Cass. Soc, 8 juin 2011 Arrêt n° 1379 FS-P+B N° 10-15.087

- Il y a interférence assez évidente entre l’évolution de la réglementation des licenciements économiques et le développement des emplois temporaires, malgré tous les barrages mis, d’une intensité variable au cours du temps, à leur utilisation. Cependant, rares ont été les phases législatives ou de négociation sociale qui ont abordé simultanément ces deux sujets.

- Trois grandes caractéristiques marquent le droit du licenciement économique : une certaine lourdeur et insécurité des procédures, une insistance mise sur le devoir de l’entreprise d’assurer la stabilité de l’emploi de ses salariés par la voie de la formation, de redéploiements internes ou de reclassements externes. Certes, il ne s’agit en partie que d’une obligation de moyen, mais ces dispositions peuvent conduire l’entreprise à anticiper davantage284, à assurer l’évolution des qualifications en améliorant l’employabilité de son personnel285 et, enfin, à mobiliser son « capital social » pour le reclassement de ses salariés.