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Instabilité de l’emploi et qualifications des salariés

Section II : Instabilité et insécurité de l’emplo

B) Instabilité de l’emploi et qualifications des salariés

En matière d’instabilité de l’emploi, les disparités entre non-qualifiés et qualifiés, entre jeunes et plus expérimentés, entre embauchés récents et salariés anciens dans l’entreprise sont

227 Les durées de la période d’essai ont été modifiées suite à la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail, JORF n°0194 du 21 août 2008

importantes229. De plus, elles ont tendance à s’accroître230. Ces disparités se retrouvent, parfois amplifiées, en matière d’insécurité de l’emploi : ainsi, la relative constance sur les vingt ou trente dernières années de l’insécurité globale masque-t-elle des évolutions quelques peu divergentes selon les catégories de salariés.

Cette inégalité se manifeste de manière plus nette pour le critère de la qualification qui est un élément essentiel du contrat de travail que pour celui de l’âge231. Par exemple, les jeunes entrent plus fréquemment au chômage mais ont, surtout s’ils disposent d’un niveau de formation initiale favorable, des durées de chômage plus courtes. Ils parviennent dans cette dernière hypothèse plus facilement à un emploi stable.

D’autres parcours sont marqués par la permanence de la précarité de l’emploi 232 voire, progressivement, par l’exclusion de l’emploi régulier233 : cela peut toucher des jeunes à très faible niveau de formation, mais aussi des peu qualifiés en plein milieu de leur vie active ou des salariés plus âgés n’ayant plus les compétences appropriées.

La priorité est donc d’améliorer les qualifications. Ceci pose, tout d’abord, la question de la formation initiale : la trop grande fréquence des sorties de l’enseignement initial sans qualification reconnue est un obstacle important. L’articulation entre formation initiale et entrée dans la vie active est un élément essentiel dans lequel les entreprises ont aussi un rôle à jouer : comme l’illustre le développement des formations en alternance s’appuyant sur des contrats d’apprentissage ou des contrats de professionnalisation depuis la loi du 4 mai 2004234. De ce point de vue, beaucoup reste à faire.

Au-delà, comment rendre plus fréquentes les transitions de l’emploi instable vers l’emploi stable et comment réduire les trajectoires conduisant à l’impasse de la précarité235 ?

229 GUEGNARD C., MERIOT S.-A., “Les emplois à « bas salaire « et les salariés à l’épreuve de la flexibilité », Bref

Centre d’Etudes et de Recherche sur les Qualifications, janvier 2007, n° 237, pp 1-4

230 Centre d’analyse stratégique, « La mobilité professionnelle : de quoi parle-t-on ? », n°19, lundi 10 juillet 2006 231 GUEGNARD C., MERIOT S.-A., “Les emplois à « bas salaire « et les salariés à l’épreuve de la flexibilité », Bref

Centre d’Etudes et de Recherche sur les Qualifications, janvier 2007, n° 237, pp 1-4

232 BELEVA I., « Long-Term Unemployment as Social Exclusion », Rapport sur le développement humain, PNUD 1997

233 LAVAUD-LEGENDRE B., "La paradoxale protection de la personne vulnérable par elle-même : les contradictions d'un "droit de la vulnérabilité" en construction", Revue de droit sanitaire et social, ma i- juin 2010, pp. 520-533 234 Loi n° 2004-391 du 4 mai 2004relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social,

parue au JO n° 105 du 5 mai 2004

235 De la TOUR A., ROUSSEAU Y., "Avons-nous besoin d'agences privées d'emploi", Revue de droit du travail,

Le premier élément concerne la capacité des salariés à progresser en compétences et en qualification au sein de leur emploi. Cela amène à évoquer de nouveau la question de la formation permanente. On a vu que la pente naturelle ne va pas vers la formation des moins qualifiés, surtout s’ils sont en emploi instable. Lutter contre cette tendance nécessiterait de repenser l’organisation de la formation continue entre l’Etat ou les collectivités territoriales, les partenaires sociaux et les entreprises236.

Les partenaires sociaux avaient déjà progressé avec la réforme inscrite dans l’accord interprofessionnel du 20 septembre 2003 qui a donné lieu au volet « formation tout au long de la vie professionnelle » de la loi Fillon adoptée le 4 mai 2004237.

Les différents contrats aidés comportant une composante de formation ont été regroupés dans des « contrats de professionnalisation »238 et nombre d’accords de branche signés, depuis le vote de la loi, ont renforcé leur efficacité, notamment en les ouvrant plus largement qu’auparavant aux adultes de plus de 25 ans et en assurant une durée de formation supérieure à celle prévue par la loi.

Par ailleurs, ont été définies des « périodes de professionnalisation » permettant d’acquérir une qualification ou de participer à une action de professionnalisation par une formation en alternance. Ce dispositif est réservé à des travailleurs ayant des caractéristiques spécifiques, âgés de 45 ans et plus ou handicapés. Ont été également concernés des travailleurs ayant un risque élevé d’instabilité et d’insécurité de l’emploi, comme les salariés en CDI dont la qualification est inadaptée à l’évolution des technologies et des organisations : les femmes reprenant une activité après un congé de maternité ou les parents après un congé parental d’éducation.

Une autre dimension importante pour mieux assurer les parcours professionnels est la valorisation des acquis de l’expérience ou VAE, au travers d’une qualification reconnue239.

Dès lors, certaines questions se posent :

- Faut-il préserver un système ou les avantages croissent avec l’ancienneté par « accumulation de droits » ; faut-il au contraire couvrir davantage les risques pour les plus fragiles et notamment ceux

236 Accord national interprofessionnel du 20 septembre 2003 relatif à l'accès des salariés à la formation tout au long de la vie professionnelle. La loi du 4 mai 2004 a repris ce dispositif et l'a inscrit dans le code du travail : Art. L.6323-1 et suivants et D. 6323-1 et suivants (notamment création du Droit Individuel à la Formation (DIF) de 20 heures par an cumulables sur 6 ans

237 Loi n° 2004-391 du 4 mai 2004relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social, parue au JO n° 105 du 5 mai 2004

238 Art. L.6314-1 et suivants et Art. L.6325-1 et suivants de l'ordonnance 2007-329, JORF 13 mars 2007 239 Loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale qui crée la VAE, JORF du 18 janvier 2002

qui subissent le plus l’instabilité /insécurité, sans en faire, bien entendu, une contre-indication à retrouver du travail ?

- Comment aménager les fonctionnements sociaux240 pour réduire les freins à l’emploi, par exemple en matière de conciliation entre vie professionnelle et responsabilités familiales, ou pour limiter les effets de l’instabilité de l’emploi sur l’accès au logement voire au crédit ?

La réponse à ces deux questions doit être articulée avec le besoin exprimée par les entreprises en termes de flexibilité et donc constituer en même temps une réponse à cette problématique d’ordre économique (CHAPITRE II).

Conclusion Chapitre I

Individualisation de la relation salariale, mondialisation, etc. autant de termes qui illustrent les évolutions de la relation individuelle de travail. On assiste, parallèlement à ces phénomènes, à une remontée de l’insécurité salariale qui est désignée sous l’expression flexibilité ou précarité. Dans l’optique de l’entreprise, on va louer la capacité des salariés à s’adapter aux conditions du marché par la souplesse dans les comportements, dans les attitudes, mais aussi dans les attentes. A l’inverse, dans l’optique des organisations salariales représentatives (O.S.R), le terme précarité renvoie lui, à l’expression d’un refus de voir les vies des travailleurs soumises aux impératifs strictement marchands et aux « caprices » des fluctuations d’activité de l’entreprise.