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L’approche de la planification

CHAPITRE 5 : LE CHANGEMENT ORGANISATIONNEL « UN PROCESSUS A

5.2. L’approche de la planification

Lorsque les règles d’une réforme est adoptée par la Direction générale d’une organisation, l’équipe dirigeante de cette organisation ne peut que s’employer dans les activités afin de mettre en œuvre les changements attendus en les formalisant à l’aide du contrat de gestion et du plan de travail. Ces derniers précisent des objectifs quantitatifs à atteindre à court, moyen et long terme. En vue d’emporter l’adhésion de l’ensemble des collaborateurs au projet, des actions « coup de poing » sont entreprises, comme le recours au Business Theatre : consistant à informer et à sensibiliser le personnel sur le bien-fondé du projet à l’issue de celles-ci, les collaborateurs sont supposés ne plus exprimer de divergences de vue quant à la nature du changement à opérer. D’ailleurs, la majorité du personnel semble convenir de la nécessité et de l’utilité de cette réforme. Seul le rythme du changement laisse à désirer, le projet ne se concrétisant pas selon le calendrier escompté. Mais la mobilisation et la détermination de l’équipe dirigeante vont bouger les choses, le rythme du changement va s’accélérer, avec le départ massif de plusieurs milliers de collaborateurs dont les compétences ne sont plus adaptées aux nouvelles exigences d’affaires de l’entreprise.

b) Les principales caractéristiques de l’approche

La planification constitue sans nul doute l’une des approches les plus fréquemment utilisées dans la littérature en gestion pour aborder les processus de changement. Erigée en norme par de nombreuses écoles de gestion, largement diffusée par les revues professionnelles, portée par l’instrumentation des firmes de consultants, la planification relève d’une vision « idéale » du processus de décision.

L’information joue ici un grand rôle parce qu’elle permet au décideur d’adopter une démarche séquentielle, entièrement raisonnée, où les différentes étapes à suivre sont décomposées, analysées et, dans la mesure du possible, quantifiées. Le décideur dispose, préalablement à toute prise de décision, d’une information complète sur l’ensemble des solutions susceptibles d’être appliquées au problème qui se pose à lui et sur les conséquences possibles de leur application – principe d’exhaustivité – et il est capable de choisir la meilleure solution – principe d’optimisation.

En outre, le décideur dispose d’outils d’évaluation efficaces qui l’aident à surveiller le bon accomplissement du processus – principe de contrôle – et à réviser en conséquence ses objectifs, les ressources affectées à la solution du problème ou la décision elle-même – principe de rétroaction.

Enfin, la planification ne s’accommode guère d’une diversité de points de vue. Elle suppose au contraire que l’ensemble des intervenants (gestionnaires, ligne hiérarchique, analystes et concepteurs de programmes, etc.) partagent fondamentalement les mêmes valeurs et les mêmes objectifs. Ces derniers, une fois inscrits dans le cadre de la planification, ne sont plus rediscutés et restent inchangés de la formulation à l’implémentation et au contrôle (principe d’invariabilité des objectifs).

Le schéma rationnel de la prise de décision est récapitulé à la figure 2. Il s’applique aussi bien aux décisions stratégiques qu’aux décisions opératoires ou managériales.

FIGURE 2 – Le schéma rationnel de la prise de décision

Dans une telle perspective, la formation des stratégies est conçue comme un processus séquentiel dans lequel le décideur jouit d’une pleine maîtrise sur l’élaboration de la décision, depuis le stade de la définition du problème, avant de procéder à son implémentation, le suivi de cette dernière étant assuré par des outils d’évaluation sophistiqués. Ressources Environnement Situation de départ Objectifs ou situation souhaitée Problème Définition du problème

Inventaire des solutions et étude de leurs effets

Choix d’une solution = décision Adaptation éventuelle des ressources et des objectifs Contrôle de la concordance exécution-décision et décision/problème Exécution

Si des problèmes se posent au stade de l’implémentation (résistances au changement, par exemple), c’est qu’ils n’ont pas été correctement appréhendés au stade de la conception et que l’analyse préalable des solutions possibles n’a pas été menée adéquatement. En principe, rappelons-le, tous les membres de l’organisation sont censés adhérer aux objectifs du décideur.

On comprendra sans peine qu’un tel processus de décision ne peut s’opérer que dans un environnement relativement simple (c’est-à-dire analysable et formalisable), souvent réduit au secteur d’activité.

En matière de changement organisationnel, cela signifie que les décisions des dirigeants précèdent nécessairement les mutations de structure. En fonction de leur analyse rationnelle de la situation tant interne qu’externe, ce sont en effet les dirigeants qui définissent les nouvelles orientations à suivre.

De nombreuses recherches participent de ce courant de pensée. Citons, à titre indicatif, les travaux fondateurs de deux auteurs qui nous paraissent illustrer clairement la perspective rationaliste, en lui donnant toutefois chacun des accents spécifiques : Ansoff et Porter.

L’ensemble des travaux d’Ansoff – depuis Ansoff (1965) jusqu’à Ansoff et McDonnel (1990)- assimile la décision stratégique à la planification à long terme, basée sur des techniques complexes élaborées par des spécialistes dont la fonction est d’éclairer le décideur dans ses choix. La décision stratégique se doit d’être unique, explicite et rationnelle. Elle vise essentiellement l’optimisation des profils.

Quant au nom de Porter (1982, 1986), il est associé au positionnement stratégique de la firme dans un secteur d’activité. C’est à partir d’un examen des potentialités et menaces externes, d’une part, et d’une analyse raisonnée des forces et faiblesses internes, d’autre part, que les décideurs feront leur choix.

Au-delà de leurs positions spécifiques, l’ensemble des théoriciens de la planification considèrent que le processus de décision se déroule de manière quasi linéaire, empruntant une série d’étapes distinctes les unes des autres et séquentiellement ordonnées.

Cette vision présente un caractère normatif certain. Il ne s’agit pas, en l’occurrence, de décrire des pratiques telles qu’elles peuvent s’observer sur le terrain, mais bien de fournir aux dirigeants des outils et des concepts susceptibles d’améliorer leurs prises de décision. Dans certains cas cependant, les auteurs visent à améliorer les pratiques à partir de l’observation de ce que font les entreprises qui « réussissent », d’où le vocable de pratique théorisée accolé à ce type de démarche. Par ailleurs, dans la mesure où de tels écrits inspirent directement les pratiques managériales et conditionnent les modalités de leur mise en œuvre, ils peuvent constituer un cadre de référence utile pour rendre compte des pratiques observables chez les gestionnaires.

Sur le plan méthodologique, l’approche de la planification conduit logiquement à l’élaboration de techniques et outils codifiés qui s’inscrivent généralement dans le cadre de la gestion de projets : définition du projet (objectifs, résultats attendus, durée, échéancier, etc.) ; analyse de l’existant (processus, opérations, etc.) ; conception détaillée et validation des solutions (y compris les indicateurs associés) ; mise en œuvre et suivi des résultats ;

actions de remédiation éventuelles. De tels outils structurés de gestion de projet, souvent mis au point par les consultants, sont fortement valorisés par les équipes dirigeantes, qui se voient confortées dans leur vision planificatrice du changement187. Il va sans dire que cette approche s’avère particulièrement inadaptée aux changements induits et non sous-tendus par une quelconque intention managériale.

La littérature empirique sur le changement a depuis longtemps contribué à montrer les limites de l’approche de la planification. On ne peut manquer d’évoquer ici le célèbre schéma présenté par Mintzberg et Waters (1982, p.466), selon lequel une large part de l’intention initiale de changement ne se trouve jamais réalisée telle qu’elle alors que le changement effectif apparaît, dans une proportion plus ou moins importante, comme le résultat de processus émergents, qu’il convient par conséquent d’intégrer dans l’analyse. Chacune des approches envisagées dans la suite de l’exposé permettra de cerner différents aspects de ces processus émergents.

FIGURE 3 – Changement délibéré/émergent

187

D’une firme de consultants à l’autre, ils présentent de très grandes similitudes, comme le notent Werr et al. (1977). Stratégies délibérées Stratégies non réalisées Stratégies émergentes Stratégies réalisées Stratégies réalisées

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