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Les effets de l’introduction de la performance et de la qualité au sein de

SEIN DE L’ACTION PUBLIQUE LOCALE

L’arrivée de la performance au sein de la fonction publique territoriale n’a

pas laissé insensible les principaux intéressés. Même si les craintes du départ tendent à disparaître, l’accueil jusqu’alors réservé à la performance est loin de se montrer chaleureux et les réactions épidermiques ne sont pas encore si lointaines (1).

Afin d’accentuer la percée de la performance, celle-ci tend à s’intégrer pleinement au sein de l’action publique locale et particulièrement par ses processus de recrutement. La compétence du personnel membre de la fonction publique territoriale et la professionnalisation de son action deviennent un double enjeu majeur (2).

1. Les effets de l’intégration de la performance et de la qualité au

sein de la fonction publique territoriale : la réaction des acteurs

locaux.

La sphère locale semble, pas à pas, accepter l’introduction de la performance afin d’atteindre une qualité sans précédent au sein de son action. La méfiance initiale des acteurs locaux (1) laisse désormais la place à une acceptation progressive de cette nouvelle forme de pensée (2).

1.1. La réticence des acteurs locaux face à l’arrivée de la

performance.

La recherche de la performance au sein de la fonction publique territoriale entraîne des réactions, parfois difficiles, de la part des principaux acteurs de la sphère locale. L’action publique locale est mise en œuvre par les agents publics locaux au bénéfice des usagers. La performance et la qualité de l’action publique locale auront une incidence auprès de ces deux catégories de public. Les liens qu’entretient la sphère locale avec ses agents publics (A) et les usagers (B), tendent à se modifier.

A. La crise identitaire des agents publics : une quête de la

performance inavouée ?

La fonction publique territoriale, à l’instar des deux autres fonctions

publiques, cache une réalité souvent oubliée, elle représente un ensemble d’hommes et de femmes au service d’une autorité, chargée d’appliquer des politiques et décisions. La rhétorique semble principalement porter sur la place de l’agent dans l’institution. L’objectif avoué des réformes actuelles de la fonction publique est de garantir le même niveau de service public avec un nombre de fonctionnaires en baisse, même si actuellement cela n’est le cas au sein de la fonction publique territoriale167.

Cependant, le contexte actuel révèle l’installation d’un malaise au sein des agents publics qui entretiennent avec leur administration d’accueil, une relation parfois difficile. Dans un contexte socio-économique où posséder la sécurité de l’emploi est une denrée très appréciable, et sur le point de se raréfier, les fonctionnaires

territoriaux, à l’instar de leurs homologues des deux autres fonctions publiques, connaissent un sentiment d’exclusion et de déprime168. Ces ressentis, proviennent du

fait que le contexte actuel fait l’apologie d’une logique de la performance et de la rapidité d’exécution, dont le secteur privé serait la figure emblématique. Un complexe d’infériorité des agents publics par rapport aux salariés du secteur privé émerge et amène les agents publics à douter du bien fondé et du sens de leur action. Leur malaise se retrouve dans les rapports entretenus avec la technocratie, qui multiplie les textes, et l’administration de terrain qui les applique. Cette remarque n’ignore pas non plus le fait qu’un agent public peut être tantôt technocrate et tantôt agent de terrain, ce qui rend la situation d’autant plus schizophrénique. L’outillage technologique de la

mesure et de l’évaluation des performances va sans doute devenir inévitable au sein de l’administration locale. Une réflexion en amont doit être menée.

La crise identitaire des agents et leurs craintes et colères à l’encontre de la performance sont de trois niveaux :

Celui d’un déni de la notion de performance, dans la mesure où les agents se retrouvent contraints à être performants, cela signifie donc qu’ils ne l’étaient pas avant. Ce constat dénote alors un soupçon d’insuffisance de travail chez certains agents, accompagné du sentiment selon lequel le travail est mal

167

Au sein de la fonction publique territoriale, la tendance est au maintien des effectifs, comme nous le verrons dans le développement de notre chapitre.

168 ENA, La GRH, condition de l’efficacité des administrations publiques, séminaire d’administration comparée

coordonné ou mal orienté (en raison de gaspillages non d’efforts, mais de coordination et de finalisation des activités physiques). On comprend alors que certains agents s’offusquent de telles suspicions ;

Celui d’une mise en avant d’un modèle privé double problème : il semble inadapté comme tel à la complexité des services publics et est issu de l’idéologie financière et marchande que contestent beaucoup d’agents ;

Celui d’une génération qui ne tienne pas compte des différences des rôles et

des contextes et dont le risque sous-jacent serait de voir émerger une

bureaucratisation injuste et inappropriée qui pourrait compliquer le bon déroulement des missions de service public, plutôt que d’en favoriser son bon fonctionnement.

Avant même de rechercher la performance de son action, la sphère locale doit dans un premier temps consolider ses liens en interne avec ses agents169. L’idée de performance de l’agent pour le service reviendrait à dire que le fonctionnaire ne doit pas être un frein à l’activité de l’organisation mais plutôt un moteur. Cela ne dépend pas uniquement de sa volonté. Il lui faut pour cela des moyens matériels et des compétences, qui peuvent notamment s’acquérir par des formations. La performance en matière de ressources humaines peut se fonder sur le fait que les agents ont connaissance des objectifs attendus de leur service, voire plus largement de leur structure. Cette lisibilité pourrait contribuer à les rendre plus rapidement efficaces, efficients et performants. La clarté des objectifs à atteindre permet aux agents de bénéficier de repères leur permettant de déterminer où ils se situent dans leur structure hiérarchique et d’apprécier leur marge de progression. Le recruteur va de ce fait être en mesure de déterminer le type de recrue attendue pour pourvoir tel ou tel poste.

En outre, il ne faut pas ignorer que le personnel d’encadrement puisse

connaître quelques difficultés en matière d’appréciation des performances. Il s’agit non pas d’apprécier un savoir-faire mais un gain de productivité inhérent à l’agent, en somme un gain de productivité individuelle. C’est la raison pour laquelle, au sein de la sphère privée, récompenser un salarié performant peut se traduire par l’association de celui-ci à l’intéressement financier de la structure ou à une participation aux bénéfices170. Afin d’être capable de répondre aux attentes grandissantes des usagers, il semble que la sphère locale souhaite davantage connaître la population qui compose

169 Vallemont (S), Moderniser l’administration : gestion stratégique et valorisation des ressources humaines,

Paris, Ed. Nathan (1991), p.17-24.

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ses effectifs. On retrouve une autre situation schizophrénique par le biais de la relation entretenue entre l’administration et les administrés.

B. La volonté des usagers : des services publics performants, mais

pas à n’importe quel(s) prix.

Un premier constat peut être établi : les usagers sont très attachés à leurs services publics. Toutefois, la difficulté de la modernisation de la fonction publique territoriale réside dans le fait que le rapport qu’entretient le citoyen avec celle-ci est schizophrénique171. En qualité de contribuable, le citoyen accepte très difficilement, voire refuse, dans le contexte actuel, toute augmentation des impôts. En tant qu’usager, celui-ci voudrait davantage de services publics rendus. Le citoyen désire un service public multiple, toujours aussi efficace et de qualité. Il souhaite même vivement que ses enfants deviennent fonctionnaires. Il agit face à la sphère publique, de la même façon que lorsqu’il se trouve face à un autre prestataire, telle une banque par exemple. Les usagers possèdent un comportement consumériste par rapport aux services publics de proximité et ont de ce fait tendance à souhaiter qu’il y en ait une multitude, ils confondent la quantité avec la qualité. Le raisonnement des usagers ne recherche pas la cohérence des services publics ou de leurs organisations, mais plutôt celui d’une maximisation de leurs intérêts.

A cela s’ajoute le fait que la performance au sein de la fonction publique territoriale s’apprécie, selon que le service rendu au citoyen-contribuable est perçu par lui comme répondant aux exigences du lieu et du moment, mais aussi comme assuré dans des conditions d’exigence. On pourrait même évoquer la notion de rapport qualité-prix – qui permet d’adapter à un monde concurrentiel le concept de service public. Le contribuable aura tendance à apprécier les missions des services publics locaux en fonction de la qualité des prestations, des coûts et des délais de mise en œuvre. La Société devient particulièrement attentive à la performance de l’action publique. Elle exige que lui soient rendus des comptes sur les politiques publiques menées. Le citoyen se conçoit progressivement comme un consommateur de services publics. Cela contraint les collectivités locales, et leurs établissements publics, à communiquer sur les services publics rendus.

Le modèle consumériste de l’entreprise finit par s’imposer aux collectivités territoriales, tout comme à l’Etat d’ailleurs : l’usager-contribuable-électeur devient consommateur. Ce passage progressif du statut d’usager à consommateur est catastrophique pour les services publics, car ces derniers se transforment en instances

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ENA, La GRH, condition de l’efficacité des administrations publiques, séminaire d’administration comparée de la promotion Averroes (1998-2000).

marchandes, ce qui pourrait favoriser la privation de certains activités publiques. Cette évolution implique une ouverture permanente et une adaptation continue des pratiques et métiers locaux. Le contrôle de la gestion prend alors tout son sens dans la compréhension des spécificités de l’action publique et dans la diffusion d’une culture d’exigence et du résultat. Cela rend d’autant plus difficile d’apporter une définition précise du concept. L’usager-citoyen réclame également une responsabilisation des agents publics, démontrant toute l’importance donnée, ces dernières décennies, à la dramatisation des situations et à la satisfaction de l’exigence sociale172. La paix sociale semble être souhaitée, peut-être même achetée, à n’importe quel prix, mais doit-on pour autant brader la puissance publique et ses prérogatives, et même solder les actions de nos services publics et de notre droit public, au nom de la modernisation et de la recherche de la performance ?

Il apparaît néanmoins que les acteurs locaux acceptent peu à peu l’intégration de la performance au sein de la sphère locale

1.2. Une acceptation progressive de la performance par les

acteurs locaux.

Les acteurs locaux ont compris que l’action publique locale souffrait de quelques dysfonctionnements (A). En parallèle, des exemples d’introduction de la performance au sein de certaines organisations publiques ont montré des résultats très probants (B). Ces deux constats ont permis une percée progressive de la performance au sein de la sphère locale.

A. Une prise de conscience des défaillances de l’action publique

locale.

La gestion des ressources humaines au sein de la sphère publique est défaillante, connaissant quelques dysfonctionnements auxquels s’ajoute la rigidité du statut, et contribue à accentuer le doute qui habite les agents publics173. L’administration française a connu des alternances de phase de dynamisme et de ralentissement de ses réformes. Le premier bond en avant résultant du renouveau du service public, souhaité par Michel Rocard en 1989. Ce mouvement fût relancé par la volonté de développer un renouveau dans la fonction publique au cours des années

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Garapon (A.), Le gardien des promesses : le juge et la démocratie, Paris, O. Jacob, (1996).

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90. Il est ainsi nécessaire de sortir de ce flou artistique et de la simple appartenance du fonctionnaire à une catégorie administrative, au profit du développement d’une logique de métiers.

Afin de sortir de ce contexte, certaines structures ont fait le choix de développer des conventions d’objectifs à court ou moyen terme. Le but est d’atteindre des objectifs fixés, tout en se donnant les moyens de les atteindre – détermination d’un budget précis, mise en place d’action de formation en management, établissement d’un niveau hiérarchique composé de middle management pour une connaissance approfondie de la réalité de terrain. Chaque acteur local a une fonction à remplir dans la recherche de la modernisation et du maintien de la qualité des services publics locaux. Pour ce faire, la démarche qualité doit être formalisée de façon à être connue et reconnue par tous. Chaque agent public doit connaître et comprendre le rôle qu’il doit jouer au sein de cette démarche nouvelle. Des objectifs à atteindre doivent donc être pensés et mis en œuvre pour améliorer les résultats de l’action publique. L’avantage de ce processus managérial est de valoriser les compétences de chacun, de déceler les potentiels de certains et dans un sens large de permettre à chacun de devenir acteur de sa propre carrière. A nouveau, on retrouve la nécessité de positionner la ressource humaine au cœur des préoccupations réformatrices, lesquelles permettant d’atteindre à la fois la qualité et la performance de l’action publique locale.

Pour ce faire, les organisations locales doivent repenser leur mode d’organisation à l’aide de nouveaux objectifs. Rappelons que « ( …) l’efficacité implique non seulement l’atteinte des objectifs mais aussi, d’une façon quasi-indissociable, l’efficience, c’est à dire un résultat obtenu de la manière la plus économique possible »174. Cette culture du résultat ne peut se faire qu’ « (…) en respectant le caractère humain de toute organisation sociale » . Pour favoriser cette entrelacement entre la performance et la reconnaissance de l’individu, les rationalités managériales et juridiques doivent trouver un terrain d’entente. Le jeu en vaut la chandelle, mais il appelle à un bouleversement des règles.

Là, où la norme juridique prône une méthodologie rigoureuse, les préceptes managériaux souhaitent utiliser « des postures administratives juridiques ». La réforme des processus de recrutement pourrait favoriser une conception médiane qui reconnaîtrait la doxa managériale, sans pour autant annihiler les effets de la norme juridique. Pour le moment, l’évolution de la sélectivité des agents publics locaux s’avère difficile à mettre en œuvre, compte tenu des démarches d’individualisation, de sensibilisation et de formation qu’elle appelle. Cette prise de conscience des difficultés

174

Morin (E.), Savoie (A.), Beaudin (G.), L’efficacité des organisations. Théories, représentations et mesures, Paris, Ed. Gaëtan Morin, (1971), p. 9.

rencontrées et la volonté de trouver des moyens pour en sortir ont contribué à une acceptation progressive de cette politique de performance, sans aucun conflit social.

B. Des exemples attestant des bons résultats de l’introduction de

la performance.

Si nous prenons l’exemple de la fonction publique de l’Etat, la modernisation de la Direction départementale de l’équipement, qui a su éviter les oppositions syndicales et passer outre la rigidité du statut, a su parfaitement réussir son projet d’intégration de la performance dans son action.

Dans les années 80, particulièrement à partir de 1984, la montée de la décentralisation avait remis en cause certaines actions du Ministère de l’Equipement. Pour faire face à ce changement et continuer à offrir aux usagers un « meilleur service au meilleur coût » comme le précisait le Ministre de l’Equipement de l’époque175, une réflexion autour de l’amélioration de la politique des ressources humaines du Ministère a été émise de concert avec les syndicats et un accord fut conclu. Cette dernière remarque atteste donc que la qualité et la performance semblent être conciliables.

Les services du Ministère ont pu être déconcentrés au profit des directions départementales. Pour ce faire, une formation en gestion des ressources humaines fut dispensée et le rôle des cadres opérationnels s’est accru. Les différents cas relatifs à la percée progressive de la performance ont permis aux acteurs locaux de constater que modifier l’action publique afin d’atteindre la performance pouvait être une amélioration et pas exclusivement une dénaturation de l’action publique. Cette prise de conscience a alors contribué à la création d’outils visant la performance.

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2. Les effets de l’intégration de la performance et de la qualité au

sein de l’action publique locale : la recherche de la

professionnalisation.

Au sein de la sphère locale, la recherche de la performance et de la qualité de

son action a été peu à peu acceptée par ses acteurs. Cela a contribué à la volonté d’intégrer la performance au sein d’une volonté de professionnalisation de la sphère locale en matière de l’emploi. Le développement des parcours professionnels individualisés ainsi que les carrières devenues plus incertaines ont favorisé la mutation des processus de recrutement.

Quels sont les processus de recrutement performants dont l’objectif est d’atteindre la professionnalisation du personnel public ? Comment se sont-ils développés ? Pourquoi sont-ils aussi nécessaires ?

Des premières tentatives de réponses ont été apportées par la sphère locale en prenant pour modèle le secteur privé (1). Cependant, le modèle du secteur privé ne semble plus suffire. L’époque actuelle rend nécessaire de mener une réflexion au sein même des organisations publiques. La sphère locale souhaite professionnaliser davantage encore le processus de recrutement dans la perspective d’aboutir à une fonction publique territoriale des métiers (2).

2.1. La transposition des outils de recrutement du secteur privé

au sein de la gestion publique locale : un modèle à suivre ?

Depuis les années 90, afin de répondre aux exigences contextuelles nouvelles (A), la gestion des ressources humaines dans le secteur public a cherché à transposer les outils du secteur privé. Le but était de faciliter les processus de recrutement. Cette transposition a sans doute eu lieu sans réellement réfléchir à sa pertinence et aux effets qu’elle pourrait susciter au sein de l’action publique locale (B).

A.

Un nouveau contexte au sein de l’action publique locale.

Entre la sphère publique et la sphère privée, bon nombre d’échanges de pratiques et d’outils de gestion des ressources humaines ont eu lieu depuis ces 25 dernières années. Au départ, la sphère privée s’est inspirée des bonnes pratiques du

secteur public en les adaptant à ces propres particularismes. Puis, eu égard au contexte économique et social en perpétuelle évolution, le secteur privé a continué à développer son arsenal d’outils en matière de ressources humaines. A l’heure actuelle, c’est la sphère publique qui a besoin de s’inspirer du secteur privé.

Dès lors, l’une des premières réflexions qui a émergé dans le cadre de cette recherche de la performance au sein de la sphère locale, a été de calquer l’action publique sur l’action privée. Or, les résultats qui en découlent ne sont pas forcément gages de performance. L’idée d’opposer l’action publique et l’action privée n’a pas vraiment de sens. Si l’on retient la notion de performance telle qu’elle est perçue dans le secteur privé, les angles de l’efficacité et de l’efficience des agents priment en oubliant que l’organisation, elle-même, peut s’améliorer. Les réformes prévues, ou celles en cours, ont tendance à oublier que le service public offre des prestations et des services qui sont, d’une part, difficilement quantifiables, et d’autre part, réalisés dans une optique différente de celle du secteur privé. La recherche de la qualité du service rendu à l’usager semble être une priorité au sein de l’action administrative.

Une fois cette dualité dépassée, il convient de s’interroger sur ce que peut recouvrir la performance publique et sur quel modèle elle peut reposer ; le modèle de l’entreprise bien qu’utile, ne suffisant pas. La construction d’un modèle adapté est un sujet brûlant pour toutes les collectivités locales. Moderniser la sphère locale a amené la transposition des instruments de gestion provenant des entreprises vers la sphère

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