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L’approche exploratoire du terrain : l’observation de l’activité des étudiants

CHAPITRE III : LES ANALYSES PRÉLIMINAIRES

3. L’approche exploratoire du terrain : l’observation de l’activité des étudiants

L’objectif principal de cette approche « exploratoire » a été double : premièrement, il s’agissait d’établir si les étudiants avaient des difficultés lors la réalisation d’une cartographie d’aptitude, le cas échéant pendant quelles phases de la procédure ; deuxièmement, il s’agissait de tester la situation-problème pour l’expérimentation à plus grande échelle que nous envisageons. Les deux objectifs ont été atteints avec des démarches différentes : une analyse thématique des données écrites et orales des étudiants pour le premier et une analyse pragmatique des modalités pédagogiques du module pour le second. Ce paragraphe présente l’analyse des difficultés qui ont émergées de l’observation de l’activité des étudiants ; l’analyse des modalités pédagogiques sera largement présentée plus loin (voir Chapitre V), dans le cadre de la scénarisation du module.

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3.1 Le Pilote

L’analyse de l’activité du groupe pilote d’étudiants pilote a pu se faire dans le cadre du module Atelier Tutoré du Master 1 en Sciences de la Terre et de l’Environnement de l’Université Joseph Fourier à Grenoble. Le module a eu lieu au Semestre II de l’année académique 2010-2011, il a eu une durée de 15 heures, distribuées par séances de 3 heures sur 5 semaines. Les étudiants étaient 6, répartis en deux groupes de 3. Le problème posé aux étudiants appartient à la famille de problèmes précédemment identifiée comme récurrente chez les professionnels, à savoir la cartographie d’aptitude pour la prise de décision. En l’occurrence, les étudiants devront mener une étude cartographique de susceptibilité du sol pour l’implémentation d’une station de ski dans le sud Isère. Pour cela, ils ont du effectuer une analyse spatiale multicritères sur des critères géomorphologiques, hydrogéologiques, climatiques et géographiques.

A l’issue du module, trois outils (voir Annexes III) ont permis de recueillir les informations : 1. Un test comprenant 6 exercices sur la symbologie de la donnée, la compatibilité des

données, les calculs pour obtenir les données dérivées, la représentation des données dérivées, l’analyse visuelle de la couche résultat. Le test a servi pour évaluer le niveau d’acquisition des notions et techniques SIG sur la base de l’exactitude des réponses. 2. Un questionnaire de 13 questions ouvertes qui a servi à faire ressortir les perceptions des

étudiants face aux tâches suivantes : - Contrôle et qualité des données

- Manipulation et génération des données - Définition du type d’analyse spatiale effectuée - Principes et techniques de Reclassement - Principes et méthodes d’affectation des poids

3. Des entretiens avec grille d’interview (10 questions) qui a mis en évidence les perceptions des étudiants face à la procédure générale et à la résolution d’un problème spatiale.

La synthèse de l’analyse thématique conduite sur les réponses écrites et orales, ainsi que des réponses au test montre que les principales difficultés concernent :

‐ au niveau du concept de Reclassement : la définition du nombre des classes. Les étudiants ne comprennent pas l’intérêt de définir un nombre de classe; ce nombre est purement aléatoire, justifié par le « bon sens » et le besoin d’expliciter simplement et

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linguistiquement les niveaux d’aptitude des classes (optimal, envisageable, non approprié..). Leurs choix sont justifiés que par des démarches empiriques.

‐ au niveau de la technique de Reclassement : le paramétrage de la fonction. Les étudiants trouvent que les manipulations dans les fenêtres de la fonction sont complexes et fastidieuses et, ne comprenant pas les opérations sous-jacentes, ils anticipent incorrectement les résultats.

‐ au niveau du concept d’attribution des poids : le choix des importances relatives. Les étudiants attribuent des poids (coefficient multiplicatifs) aux critères sur la base du « bon sens » et de ce qu’ils connaissent en terrain, mais ils n’évoquent aucune des méthodes mathématiques spécifiques; les algorithmes des outils de superposition étant inconnus, les étudiants ne savent pas quels calculs sont opérés et ne maitrisent pas l’impact des changements des paramètres sur le résultat cartographique final.

‐ au niveau de l’expression cartographique des données: la différence entre les représentations en catégories et en quantités (valeurs uniques et classées). Pour les étudiants l’attribution à une couche d’une symbologie pertinente est source de confusion, l’interprétation de la légende n’est pas facile.

‐ au niveau de la gestion des traitements : la définition des paramètres d’entrée (input data) dans les fenêtres d’outils, ainsi que dans le choix du champ du traitement (value, count..). Face à l’erreur, qu’elle soit signalée lors du paramétrage de l’algorithme ou qu’elle ressorte dans le résultat, les étudiants s’appuient très rarement sur les aides tutoriels du SIG.

3.2 La validation de l’expert

Les observations sur le groupe pilote ont été soutenues et complétées par la validation d’un expert. Un enseignant-chercheur en géographie et spécialiste d’analyse spatiale, a été interrogé sur les difficultés repérées au cours de ses expériences d’enseignement sur la cartographie d’aptitude.

Tout en confirmant les points critiques listés plus haut, l’expert a fourni des pistes précises sur les indicateurs de difficultés : par exemple, observer les blocages sur certaines tâches, le manque d’originalité dans les critères énoncés, le manque d’appui littéraire/documentaire pour baliser les critères, la vision plutôt linéaire et non hiérarchisée du problème, le choix par

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défaut de la méthode de classement des données, l’incapacité à interpréter les seuils des classes et par conséquent, l’incapacité à corréler leur analyse avec la réalité du terrain.

3.3 Bilan

L’analyse du groupe pilote a constitué une étape importante de cette recherche. Elle a permis de concrétiser la procédure de résolution via l’exécution des tâches et la production des résultats cartographiques. Cette analyse a été d’autant plus intéressante qu’elle a permis de repérer de nombreuses d’impasses qu’ils soient sur le plan disciplinaire, avec des difficultés de transmission-acquisition des principales notions et techniques d’analyse spatiale, ou sur le plan pédagogique avec des difficultés organisationnelles et d’agencement des contenus. Le focus sur les impasses est à ce stade très constructif car il nous amène à réfléchir aux hypothèses de recherche, à l’environnement (milieu) et aux outils de mesure pour mettre à l’épreuve les hypothèses.

4. Conclusions

Les analyses préliminaires se sont déroulées selon trois approches différentes et complémentaires. A l’issue de ces analyses les spécificités techniques et conceptuelles et de la procédure de cartographie d’aptitude ont été établies. Trois types de résultat ressortent prioritairement : l’identification de la procédure séquentielle, l’identification globale des principaux concepts (invariants opératoires) mobilisées dans la procédure et nécessaires à la résolution du problème de localisation et l’identification des principales difficultés qui impactent cette résolution, qu’elles soient en termes d’invariants opératoires, de règles d’actions ou d’anticipations. La littérature (Chakhar, 2006)) comme les observations de terrain concordent en alertant que, de toute la procédure de résolution, les difficultés semblent se concentrer dans 3 phases :

‐ Le reclassement des données

‐ L’attribution des poids aux critères

‐ L’analyse visuelle des cartes réalisées

Nous nous appuyons sur ces indications pour restreindre l’intérêt de notre recherche à ces trois phases. Les hypothèses et les questions de recherche formulées à l’égard de l’analyse

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préliminaire, vont donc s’intéresser entre autre aux concepts mobilisées, de façon appropriée ou pas, pendant ces trois phases.

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CHAPITRE IV : LES CADRES THÉORIQUES ET LES QUESTIONS DE