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CHAPITRE 2 : RESISTER PAR LA CREATION ARTISTIQUE

2.3. L E V ERFÜGBAR AUX E NFERS COMME OBJET LITTERAIRE

2.3.2. Fiction et réalité

2.3.2.2. L’apport de la fiction

La première différence fondamentale entre Ravensbrück et le Verfügbar aux Enfers est le contexte.

Ravensbrück est rédigé en dehors des camps, après l’Armistice, d’abord dans une première

version publiée en 1946. Cet ouvrage prend presque la forme d’un rapport d’enquête, enrichi au fil des années, dont l’objectif est de rendre le plus clairement compte de la structure, du fonctionnement et des conséquences du camp de Ravensbrück. Germaine Tillion y mentionne des faits, des chiffres et se base surtout sur des documents et des témoignages officiels, issus par exemple des procès ou des archives rendues publiques. L’émotion n’y a que rarement sa place, et la lecture du texte laisserait presque croire que son auteure n’a pas vécu les camps. Le

Verfügbar aux Enfers est quant à lui rédigé in situ, à l’intérieur même du décor qu’il met en scène

: le camp de Ravensbrück. L’opérette entretient donc avec son sujet un rapport immédiat selon lequel aucune prise de recul n’est envisageable et, de ce fait, particulièrement subjectif. En d’autres termes, le point de vue de l’auteure se veut externe et objectif dans Ravensbrück, mais interne et subjectif dans Le Verfügbar aux Enfers, ce qui laisse à Germaine Tillion le loisir de plus de liberté dans le propos de son opérette. Elle peut ainsi se permettre de suggérer des faits dont il ne subsiste aucune preuve, comme le passage chanté par le chœur selon lequel un SS qui courait après une déportée l’a attrapée et « lui a cassé les reins257 », que nous évoquions

dans le premier chapitre, et qui sous-entend la présence d’abus sexuels dans le camp. Mais aucune mention n’y est faite dans Ravensbrück. Les émotions et le ressenti des déportées sont également beaucoup plus saisissables dans l’opérette puisque l’on y suit leurs images de papier dont la principale occupation est de se confier, de perdre et de retrouver l’espoir. Si Le

Verfügbar aux Enfers a bien un aspect informatif, en relayant de nombreuses informations sur

l’organisation du camp, il est beaucoup moins solide et complet que le travail de Germaine Tillion dans Ravensbrück, et son but est davantage de servir de catharsis pour les déportées qui le côtoient dans le camp que d’informer. L’une des conséquences directes de ce but dans l’opérette est l’intégration de l’humour et la recherche du rire. Nous avons vu à plusieurs reprises que l’opérette visait d’abord à faire rire les codétenues de Germaine Tillion qui, rappelons-le, constituent l’entièreté du public envisagé par l’auteure, à la différence du public de Ravensbrück, envisagé le plus large possible puisque, par cet ouvrage, Germaine Tillion veut renseigner le monde entier sur le camp. La posture de Germaine Tillion dans l’opérette est

donc celle d’une amie alors que, du côté de Ravensbrück, elle est celle d’une historienne. Dans les deux cas, l’auteure est ethnologue mais dans le premier, elle tourne ses observations en dérision pour faire rire ses camarades alors que, dans le second, elle reste fidèle aux faits et aux preuves matérielles, et rend un rapport presque académique. Le détour par le rire, dans l’opérette, permet aussi à Germaine Tillion de renforcer la capacité de suggestion du texte. En effet, considérant avec Julia Kristeva que « le rire est une façon de placer ou de déplacer l’abjection258 », l’utilisation de l’humour permet à Germaine Tillion de dépasser le caractère

indicible de l’expérience concentrationnaire. Le choix de cette stratégie explique aussi la réticence de Germaine Tillion à publier l’opérette, d’abord destinée uniquement à celles qui ont vécu Ravensbrück et qui comprennent indubitablement que l’humour de l’œuvre ne vise pas à sous-estimer leur douleur mais plutôt à la supporter. La dimension collective de l’opérette constitue également une différence notable par rapport à Ravensbrück où même la voix de l’auteure s’efface derrière les faits rapportés. Dans Le Verfügbar aux Enfers, les Verfügbaren s’associent en une voix multiple, complexe et sensible qui, certes, rend compte de la difficulté de l’expérience concentrationnaire, mais qui permet aussi de dédramatiser la situation aux yeux des codétenues de Germaine Tillion. La forme artistique comporte également, selon Nelly Forget, l’avantage d’un élargissement du public touché par la transmission de Germaine Tillion. Elle écrit :

Gardé sous le boisseau durant soixante ans, ce petit livret est devenu un témoignage historique de l’oppression nazie et du défi que lui ont opposé des femmes vouées à disparaître. Et c’est grâce à sa qualité artistique que l’œuvre rencontre un public qui ne cesse de s’élargir259.

Sa remarque rappelle notamment le succès de l’opérette auprès des jeunes qui, dans un cadre scolaire, ont eu l’occasion de monter Le Verfügbar aux Enfers depuis sa publication en 2005. Notons la première mise en scène de l’opérette au théâtre du Châtelet à Paris, sous la direction de Jean-Luc Choplin. De nombreuses mises en scène ont suivi cet exemple, faisant toutes

258 Julia Kristeva, Pouvoirs de l’horreur : essai sur l’abjection, Paris, Seuil (Coll. Tel), 1980, p. 15.

259 Nelly Forget, « Témoignage sur l’improbable parcours d’un manuscrit », dans Philippe Despoix et al.,

« intervenir de jeunes collégiens et lycéens pour constituer le chœur féminin et / ou l’ensemble instrumental260 ».

Si la présence de la réalité dans la fiction du Verfügbar aux Enfers apparaît évidente, notamment en ce qui concerne le contexte et les difficultés relatées par les personnages, la fiction trouve aussi sa place dans le Ravensbrück de Germaine Tillion. En effet, l’auteure fait par deux fois appel au Verfügbar aux Enfers dans son ouvrage ethnologique pour exprimer un point de vue sur le camp. Ainsi l’ouvrage contient-il les sous-chapitres « La mortalité (selon “Le Verfügbar

aux Enfers”) » et « Le point de vue du “Verfügbar aux Enfers” ». Prenons en exemple le second

qui vient comme suit dans Ravensbrück :

LE NATURALISTE : Signalons brièvement quelques unes des innombrables contradictions de l’animal : faible, débile et pouvant à peine se traîner lui-même, il n’est employé qu’à des travaux de force ; perpétuellement affamé, il n’a rien à se mettre sous a dent et, quand on lui propose une prime de nourriture, il la refuse… Perpétuellement malade, il montre des signes d’une crainte panique à l’idée d’être soigné…

LE CHŒUR (chantant sur l’air de « Madame Sans-Gêne) : Quand on simule / Et que sans terreur / On peut se dire simulateur / Il est une chose, / Il est une chose, / Il est une chose qu’il faut prévoir… / La carte rose, / La carte rose, / La carte rose et le transport noir…

NÉNETTE : Mais je ne simule pas, je suis réellement malade…

LE CHŒUR (d’une voix caverneuse) : Raison de plus… […] Est-ce que vous savez, madame la générale, combien une vache donne de lait par jour ?

NÉNETTE : Elle ne me l’a pas dit. […]

LE CHŒUR : Ça suffit ! Vous y avez droit à la carte rose et au transport noir…

NÉNETTE : Ça m’est égal… J’irai dans un camp modèle, avec tout le confort, eau, gaz, électricité.

LE CHŒUR : Gaz, surtout…

(Petit froid261)

Cet extrait n’est pas commenté par Germaine Tillion qui se contente de le citer. Il prend place entre les sous-chapitres « Octobre 1944 : construction d’un second four crématoire » et « Les mortalités “naturelles” ». La construction du four créatoire qu’elle vient d’évoquer à cet endroit correspond au moment où elle rédige Le Verfügbar aux Enfers, ce qui suggère que son propos dans cette citation de l’opérette est directement lié à cet événement. Le transport noir dont il est question à la fin de l’extrait correspond au transport pour la chambre à gaz et seule Nénette ne s’en rend pas compte puisqu’elle y voit encore la possibilité de s’échapper du camp. En

260 Cécile Quesney, « Mettre en scène Le Verfügbar aux Enfers », dans Philippe Despoix et al., op. cit.,

p. 164.

réalité, l’abdication – momentanée, puisqu’elle se reprendra par la suite – de Nénette face à l’affaiblissement de son corps est directement associée à l’extermination. L’extrait mise donc l’accent à la fois sur l’importance de garder espoir – sinon quoi la mort est la réponse – et sur les mensonges nazis, qui promettent un transport vers un camp moins pénible. Ainsi par l’appel de la fiction au sein de son ouvrage ethnologique, Germaine Tillion parvient à présenter une facette de la vie au camp qui ne peut se baser exclusivement sur des faits. Elle exprime, par le personnage de Nénette, le ressenti des déportées accablées par l’épuisement et dont la survie tient à presque rien. Avec le personnage du naturaliste, dans cet extrait, elle propose également un jugement sur le détachement de nazis par rapport à l’humanité des détenues. Les « contradictions » présentées par le naturaliste sont en fait hors du ressort des déportées, voire nécessaires à leur survie ou même moyens de résistance. En effet, si les Verfügbaren refusent un supplément de nourriture, c’est pour ne pas entrer dans la hiérarchisation qu’elles désapprouvent. Les suppléments de nourriture sont réservés, comme nous l’évoquions dans le premier chapitre, à celles qui font régner l’idéologie nazie au sein du camp à coups de violence et de dénonciations. Si elles refusent de se faire soigner, c’est aussi en raison de la dangerosité du Revier (infirmerie) où les assassinats sont nombreux. Pourtant, aucune de ces explications n’est donnée par Germaine Tillion dans ce sous-chapitre. Elle s’appuie donc sur un texte de fiction qui, rappelons-le, n’est pas publié à l’heure de la publication de Ravensbrück, et qui donne diverses pistes d’interprétation en complément du reste de son propos. Elle semble ainsi présenter à son lecteur le moyen de pousser sa réflexion plus loin que les faits eux-même, par le moyen de l’empathie que le lecteur peut éprouver pour le personnage de Nénette. Le détour par la fiction permet donc, dans ce cas, un rapport moins factuel mais plus émotionnel et authentique à la vie – et à la mort – en contexte concentrationnaire.

En définitive, la démarche objective et précise derrière le Ravensbrück de Germaine Tillion lui permet de présenter un portrait complet et complexe du camp de Ravensbrück dans un ouvrage désormais de référence. Ce point de vue fait cependant abstraction d’une grande part émotionnelle de l’expérience de déportation à Ravensbrück, que Germaine Tillion représente fidèlement à travers Le Verfügbar aux Enfers. Dans son opérette, l’auteure fait preuve d’une plus grande liberté en suggérant des événements et des pistes de réflexion qu’elle ne se permet pas dans son ouvrage informatif et, peut-être, de mieux transmettre la difficulté du quotidien à Ravensbrück. La création artistique permet donc à Germaine Tillion de mieux questionner les

aspects de l’expérience liés à l’humanité et au combat quotidien des déportées pour entretenir leur esprit résistant et leur espoir d’une libération.

* * *

En somme, nous avons constaté que le ton humoristique du Verfügbar aux Enfers s’exprimait selon différents procédés. Par le biais d’une association entre la satire, qui vise une dénonciation frontale du nazisme, l’ironie, qui offre à l’œuvre un ton plus léger et moins agressif, et l’autodérision individuelle de Germaine Tillion et collective de son cercle, l’humour amène Le Verfügbar aux Enfers à constituer un levier de résistance pour l’entourage de Germaine Tillion de diverses manières. D’abord dans une perspective immédiate, lors de sa création où il permet aux déportées une prise de recul nécessaire par rapport à leur quotidien concentrationnaire et un renforcement de leur sororité dans un but d’entretenir une ambition résistante. Grâce à l’humour, l’opérette devient alors pour Germaine Tillion et ses codétenues une arme à la fois défensive et combative. L’humour s’illustre donc d’une part en bouclier aux attaques morales subies par les prisonnières qui récupèrent progressivement et par ce biais leur parole due, mais aussi, d’autre part, en provocation directement dirigée vers le nazisme. Le

Verfügbar aux Enfers remplit aussi un rôle de levier de résistance dans sa qualité d’objet littéraire.

Nous avons établi que la structure du Verfügbar aux Enfers en trois saisons suggérait une interprétation symbolique du parcours résistant des déportées à Ravensbrück, de l’entrée au camp à l’affranchissement moral. Alors que la passivité domine le chœur dans l’acte I, plutôt mis à profit pour présenter les dures conditions du camp, un désir d’action grandissant s’empare des Verfügbaren dans les actes suivants. À mesure que cet esprit résistant se réveille chez le chœur, le naturaliste s’efface, rendant ainsi le pouvoir confisqué à celles à qui il appartient. La force de la résistance se reflète aussi dans les chansons dont l’adaptation s’inscrit dans une tradition résistante. Les chansons qui rassemblent les codétenues de Germaine Tillion autour de son activité créatrice renforcent leur esprit de communauté – leur sororité – en leur demandant un travail de remémoration d’une vie extérieure. L’engagement résistant très fortement reflété par l’opérette à la lumière de notre réflexion s’inscrit dans la démarche complète de Germaine Tillion à Ravensbrück qui préfère l’observation active et l’échange de connaissances à la passivité. Prédisposée à cela par son passé d’ethnologue, elle utilise la connaissance comme un bouclier contre l’oppresseur au sein même de Ravensbrück et contre l’ignorance à la sortie du camp. Les objectifs de Germaine Tillion lorsqu’elle rédige Le

Verfügbar aux Enfers et Ravensbrück sont certes très différents. Pourtant, les deux textes résultent

d’une démarche fondamentalement résistante. La première prend la forme d’une catharsis pour un public restreint, immédiat et directement concerné alors que la deuxième prend celle d’un instrument de lutte contre l’ignorance du système concentrationnaire et le négationnisme de l’extermination nazie. Observatrice active, Germaine Tillion ressent le besoin de partager non seulement pour renforcer le sentiment de sororité mais aussi pour préserver de précieux témoignages de la menace d’extermination. Elle se sert dans les deux cas de son bagage d’ethnologue pour appréhender ses textes en devenir comme des boucliers contre l’oppresseur nazi en en faisant des vecteurs de connaissance, d’une part organisationnelle, dans Ravensbrück, et d’autre part émotionnelle, en plaçant au premier plan de son opérette la pénible expérience humaine des déportées à Ravensbrück.

Conclusion

L’originalité de l’opérette-revue de Germaine Tillion par rapport au paysage de la littérature des camps, au-delà de son contexte d’émergence, de ses aspects interdisciplinaire et collectif, de sa publication tardive ou encore de son ton humoristique, réside aussi dans sa propension à inspirer et à véhiculer un discours de résistance à l’égard de l’idéologie nazie. Nous avons constaté que la dimension résistante du Verfügbar aux Enfers prend sa source avant même le commencement de sa rédaction et qu’elle perdure aujourd’hui encore dans la sphère culturelle grâce à diverses mises en scène et en musique – dans lesquelles des jeunes sont parfois impliqués dans le cadre de leur scolarité – qui permettent à leur public varié d’en apprendre davantage sur la mémoire concentrationnaire par le regard singulier de Germaine Tillion. Il est intéressant de constater que l’opérette dont la création est animée par un désir de partage des connaissances devient, quelques décénnies plus tard, un instrument pédagogique. Nous avons envisagé les différentes résistances inspirées par Le Verfügbar aux Enfers selon son état matériel, durant sa propre création au sein même du camp de Ravensbrück en automne 1943, ainsi qu’en tant qu’objet littéraire constitué et publié à partir de notre point de vue actuel de lectrice. Le contexte d’émergence du Verfügbar aux Enfers est particulier en ce qu’il correspond à un lieu dont l’oppression est la principale raison d’être, dans le but de correspondre à l’idéologie nazie, c’est-à-dire d’exterminer les individus que le nazisme ne considère pas comme tels, ainsi que tous ceux qui se mettent politiquement en travers de cet objectif. Le camp de Ravensbrück, comme les autres, est donc régi par une hiérarchie officielle dont la partie visible, c’est-à-dire présente dans le camp lui-même, est représentée au sommet, à l’époque de la déportation de Germaine Tillion, par le commandant Fritz Suhren et, à son échelon le plus bas, par les stubovas et les blockovas, des déportées sélectionnées grâce à leur violence et leur manque de solidarité avec leurs codétenues pour exercer leur autorité sur les blocks dans lesquels dorment les prisonnières. Cette hiérarchie officielle est accompagnée d’une hiérarchie dite « parallèle » par Germaine Tillion, et selon laquelle les déportées se classifient entre elles selon les catégories de déportation, identifiées par des triangles de couleurs différentes, et selon leurs nationalités. Au plus bas de la hiérarchie parallèle se situe la catégorie des Verfügbaren (disponibles) à laquelle appartiennent Germaine Tillion et ses proches codétenues. Être Verfügbar n’est pas souhaitable puisque ce statut mène les prisonnières à être affectées aux tâches les plus pénibles, mais pour Germaine Tillion et son cercle, il s’agit quasiment d’une chance. C’est par ce biais que

Germaine Tillion parvient à passer inaperçue lors de quelques journées de travail alors qu’elle se cache dans une caisse d’emballage afin de rédiger Le Verfügbar aux Enfers. Ce statut est d’autant plus souhaité par ces femmes résistantes qu’il s’agit de la seule catégorie qui garantit de ne pas contribuer à l’effort de guerre allemand. L’émergence de l’opérette baigne donc dans cet état d’esprit résistant, selon lequel il vaut mieux souffrir plus et survivre ensemble sans aider l’oppresseur, plutôt que de céder devant les menaces de déshumanisation en choisissant une perspective individuelle plutôt que celle du groupe. Nous avons constaté que choisir le groupe est d’une part un moyen de résister contre les tentatives de déshumanisation instaurées par le nazisme, puisque celles-ci passent par l’isolement des déportées, et d’autre part le moyen le plus efficace de lutter contre la structure hiérarchique du camp de Ravensbrück. Ainsi, le sabotage collectif est plus efficace à une grande échelle que le sabotage individuel, et la contre- société des Françaises à Ravensbrück démontre la force du groupe dans l’entretien d’un espoir commun de libération du camp.

Germaine Tillion et son cercle préfèrent donc la collaboration et le soutien collectif à l’égoïsme favorisé par la situation extrême des camps. Nous avons pu vérifier qu’une contre-société s’est formée dans le camp de Ravensbrück autour de la création du Verfügbar aux Enfers initiée par Germaine Tillion, sur une base égalitaire qui va à l’encontre du système concentrationnaire et se pose alors comme une provocation silencieuse. La valeur principale qui se dégage de la contre-société des Françaises à Ravensbrück et particulièrement dans le cercle de Germaine Tillion qui s’articule autour de l’opérette est la solidarité. À la lumière des travaux de bell hooks, nous avons établi que la manifestation de la solidarité dans le groupe de codétenues prend la forme d’une sororité. En effet, bell hooks définit la sororité comme une solidarité politique entre femmes et l’esprit résistant qui règne majoritairement au sein des déportées françaises de Ravensbrück est indissociable de la dimension politique que revêt le concept de sororité. En ce sens, le bouillonnement artistique et scientifique que les prisonnières françaises partagent notamment le dimanche lors d’après-midi clandestinement consacrés à la culture relève d’un engagement résistant. En effet, la culture occupe au sein de cette contre-société une

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