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L’application de l’action publique

CHAPITRE 2 : Contextualiser l’école inclusive comme référentiel en éducation

2.9 L’école inclusive à Genève

2.9.4 L’application de l’action publique

En 2019, il y a 99 structures d’enseignement spécialisé couvrant les degrés du primaire au secondaire II divisées en huit catégories22 (SRED, 2019). Si un tiers des élèves de l’enseignement spécialisé sont dans des institutions pour élèves ayant des troubles de la personnalité et des apprentissages (TPA), les institutions pour déficience sensorielle et motrice ou pour polyhandicap accueillent 3 à 4% des élèves, tandis que les autres catégories accueillent environ 20% des élèves chacune (SRED, 2019). L’étude révèle qu’une surreprésentation des garçons, d’élèves de nationalité étrangère, allophones ou issus d’un milieu modeste se retrouvent dans l’enseignement spécialisé. Par exemple, en 2018, on observe que 70% des élèves de l’enseignement spécialisé sont des garçons contre 51% dans l’enseignement public régulier ou encore que 57% d’entre eux sont de nationalité

21 http://fegaph.ch/manifeste/manifeste-2013-2018/

22 Les différentes catégories de structure sont : Regroupements spécialisés du primaire, formation préprofessionnelle et classes intégrées, institutions pour élèves ayant des troubles de la personnalité et des apprentissages (TPA), institutions pour déficience intellectuelle, institutions pour déficience sensorielle et motrice, institutions pour polyhandicaps.

étrangère contre 37% dans l’enseignement ordinaire. D’autres observations quant à une part plus importante d’un certain type d’élève sont retenues mais elles diffèrent selon le type de structures. Par exemple, il est à 78% dans les institutions qui accueillent des élèves ayant des TPA. Enfin, entre 2016 et 2018, le taux d’élèves scolarisés en intégration partielle augmente, passant de 5% à 12%. Dans l’enseignement spécialisé, 83% des élèves continuent leur scolarisation dans ce système tandis que 11% rejoignent l’enseignement régulier23. Pour se rendre compte des changements qui s’opèrent à l’école dans le canton, on peut aussi noter qu’en 2011, le SRED n’avait pas de données sur des dispositifs inclusifs. Elles apparaissent entre 2015 et 2018 et ces dispositifs augmentent de 2% à 3%

lors de cette période. Quant aux dispositifs intégratifs, il y a aussi une augmentation - ils passent de 29 à 35% - tandis que les dispositifs en site propre diminuent un peu plus, passant de 71% à 62% en 7 ans. Ainsi, s’il est dit que l’intégration est une priorité politique et que la tendance genevoise est à l’inclusion, force est de constater que les dispositifs en site propre sont encore majoritaires malgré leur diminution. Le taux d’élèves en intégration quant à lui augmente plus fortement que les dispositifs inclusifs.

CHAPITRE 3 : L’école inclusive comme volonté, comme représentation : le point de vue des acteurs politiques

3.1 Problématique

Le recensement de la littérature scientifique proposé dans ce travail sur la gestion de l’hétérogénéité des élèves nous a permis de prendre conscience que les inégalités et discriminations envers des groupes sociaux (les femmes, les immigrés, les minorités sexuelles et les personnes en situation de handicap) a suscité un intérêt grandissant non seulement pour les sciences sociales, mais aussi pour les instances non-gouvernementales internationales et gouvernementales de l’OCDE. Plus particulièrement, nous avons constaté que depuis quelques années, l’approche intégrative est critiquée (Ebersold, 2005) et la question du handicap se pose en de nouveaux termes dans de nombreux pays. À travers, entre autres, un cheminement intellectuel sur les représentations du processus du handicap et une mobilisation des familles concernées par la thématique du handicap, regroupées au sein d’associations ; sous l’influence des évolutions des droits civils de base et de la critique du modèle éducatif intégratif, un nouveau paradigme émerge : l’éducation inclusive. Depuis sa première inscription à l’agenda, en 1994, lors de la Conférence mondiale sur l’éducation et les besoins spéciaux : accès et qualité, en passant par la CDPH en 2006, les pays signataires promeuvent

23 Les 6% restant quittent le canton ou se dirigent vers des structures d’accueil pour handicapés adultes.

et protègent l’inclusion scolaire de tous les élèves. Ainsi, “au-delà des évolutions scientifiques, conceptuelles et législatives, le handicap est progressivement devenu une question politique liée aux droits de l’homme et l’expression “école inclusive”, se substituant au terme “intégration”, s’impose comme un nouveau modèle d’action” (Caraglio, 2019, p.37). En effet, si tous les enfants ont le droit à l’éducation et que le handicap n’est plus inné aux personnes mais résultant d’une inadaptation du système sociétal et éducatif, il s’agit de remettre en question l’accès à l’école publique, l’organisation du système éducatif et les pratiques éducatives. Ainsi, s’appuyant sur des arguments éducatifs, sociaux et économiques, l’école inclusive représente la solution pour répondre aux besoins éducatifs particuliers de tous les groupes sociaux défavorisés et, en même temps, pour améliorer la qualité du système éducatif.

Pourtant, à l’heure actuelle, les solutions proposées par les pays varient et l’accès à la scolarisation prend différentes formes. Même si Prets et Weber (2005) associent ce kaléidoscope de dispositions présentes dans l’Union européenne à une progression qui reflète la volonté de passer d’un modèle psycho-médical à une approche plus interactive ou éducative des BEP. Surtout, il reflète aussi pour eux les concepts et mentalités qui y sous-tendent.

Sachant que l’Etat de Genève semble suivre la tendance internationale en matière d’inclusion, en affichant sur son site internet24 que l’école inclusive est une de ses priorités, nous nous sommes donc penchées sur le contexte juridique, politique et social de ce canton. Il en ressort que les dispositifs sont encore pauvres malgré un changement dans la loi qui régit l’instruction obligatoire pour annoncer les principes de l’école inclusive. Si nous savons que l’évolution vers une société inclusive se fait progressivement (Unesco, 2009) et que l’évolution du cadre légal constitue une des conditions pour réussir l’école inclusive (Tremblay, 2020), elle est loin d’être suffisante. Tout d’abord, même si une modification des lois évoque l’esquisse d’un changement des mentalités (Salbreux, 2012), cette modification n’est pas suffisante pour changer les représentations sociales et la tolérance à l’autre (Salbreux, 2012). De plus, la chercheuse Pelgrims (2019) a mis en évidence que la LIJBEP faisait l’objet d’une appropriation complexe par les acteurs politiques, car elle guide insuffisamment leur pensée et action de recherche, de formation et d’intervention “[pour] délimiter les responsabilités et les droits, ainsi que les procédures institutionnelles internes pour attribuer des mesures et des ressources” (p.47). Ainsi, si Genève semble être dans un processus de transformation pour, comme le dit l’Etat du canton, tendre vers une école plus inclusive25, nous pouvons nous demander pourquoi les

24 Site internet de la République et du canton de Genève : https://www.ge.ch/dossier/ecole-plus-inclusive-geneve/presentation-ecole-inclusive/ecole-inclusive-c-est-quoi

25Site internet de la République et du canton de Genève : https://www.ge.ch/dossier/ecole-plus-inclusive-geneve

dispositifs d’éducation spécialisée et ségrégatifs peinent à diminuer ? Est-ce parce que cette école est confrontée à des barrières précédemment mentionnées ? Est-ce que ces barrières pourraient être liées aux concepts et mentalités qu’évoquent Prets et Weber (2005) ou ces concepts et mentalités sont-ils, à l’inverse, annonciateurs d’une évolution des normes et de nos pratiques scolaires ? Si tel est le cas, est-ce que l’école genevoise serait alors davantage confrontée, par exemple, au poids des institutions ? Est-ce que le manque d’ancrage théorique, de clarté conceptuelle ou encore le scepticisme des opposants qui considèrent l’approche inclusive comme une utopie (Lapeyre, 2005) peuvent expliquer la forme que prend cette école ou est-ce que les obstacles sont autres ?