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De l’Antiquité au Moyen Âge, la mythologie des Pygmées

A. DE HOMERE A STANLEY, LA LONGUE HISTOIRE DES PYGMEES

1. De l’Antiquité au Moyen Âge, la mythologie des Pygmées

S’il est une race directement rattachée à la mythologie, c’est bien la race des Pygmées, souvent appelés « négrilles » lorsqu’ils sont africains. Leur « première » existence est mythique et les Pygmées sont d’ailleurs présentés comme des êtres merveilleux dont la petite taille les fragilise : « Tout commence avec Homère, qui les fait habiter au-delà de l'Océan et, à cause de leur taille minuscule, en fait la proie des grues migratrices. Cette taille

174 minuscule sera souvent décrite : cultivateurs, ils moissonnent avec des haches les tiges de blé pour eux aussi grosses que des troncs d'arbres, selon Hécate de Milet (Vie siècle); pour Mégasthène, ils sont menacés non seulement par les grues mais aussi par les perdrix, qu'ils utilisent, selon Basilide, comme

monture » 250. Les Pygmées251 sont ensuite évoqués par des auteurs classiques

250

S. Bahuchet, « L’invention des Pygmées », Cahiers d’Etudes Africaines, Vol. 33, Cahier 129, 1993, p. 153.

251 Les légendes mentionnant des pygmées, ou des nains, vulnérables et attaqués par des grues, ont

fonctionné dans de nombreuses cultures, de la Chine à l’Amérique.

« D’après les commentateurs, il semble établi que les Grecs eurent connaissance des Pygmées par m’intermédiaire des Egyptiens. Les Chinois, s’ils avaient eu quelques contacts avec des populations méridionales de Négritos, ne paraissent pas avoir forgé avant le IIIe siècle une semblable légende. Du moins, les matériaux du récit étaient-ils disponibles puisqu’ils avaient l’idée fort arrêtée d’une race de Nains noirs et celle, évidente, de l’existence des grues. On a vu que dans un court paragraphe du chapitre 5 du Guoyu, Confucius indiquait que le peuple des Jiaoyao était le plus petit de la terre, ces hommes n’ayant que trois pieds de haut (noter que jiao signifie « brûlé, noirci »). Cette assertion du sage sera souvent reprise ultérieurement , par exemple dans le Bowu zhi 2 § 63 : 23 de Zhang Hua, au IIIe siècle de notre ère. Cependant, la localisation du mythe « au-delà de la mer Occidentale » dans le Shenyi jing suggère peut-être sa provenance. N’oublions pas en effet que Pline parle, entre autres lieux de migration, du pays des Scythes et de l’Inde qui, à cette époque en chine, étaient fortement teinté de merveilleux. Le bouddhisme, le zoroastrisme, puis plus tard le nestorianisme ne sont pas seuls à avoir pénétré en Chine par l’Ouest. Il existe une tradition, datant de l’antiquité, qui voit dans la steppe, dans le désert et dans le couchant le lieu de bien des mystères. On se souvient que c’est dans ces confins que le vénérable roi Mu des Zhou rencontra Xiwangmu, la « Reine mère d’Occident ». Une origine commune indo-scythe n’est donc pas à exclure pour les cultures grecque et chinoise. Le problème se complique pour les Amérindiens septentrionaux. Si, comme on l’a indiqué, la propagation du mythe a vraisemblablement suivi les routes des migrations indiennes du nord-ouest vers le sud / sud-est, il faut admettre que la contamination (si contamination il y eut !) ne peut trouver son origine que dans k’extrême nord-ouest américain, c’est-à- dire sur la voie obligée de pénétration du Nouveau Monde.

Nous avons plusieurs raisons plusieurs raisons de l’affirmer. Tout d’abord, la communauté de mythes entre l’Asie septentrionale et l’Amérique du Nord a été établie au moins depuis le XIXe siècle. Ces croyances ont assurément pour origine la Sibérie orientale d’où, depuis des dizaine voire des centaines de siècles, les peuples asiatiques ont essaimé vers le Nouveau Continent. Les dernières migrations importantes, que les spécialistes datent difficilement, ont sans doute été porteuses de systèmes de croyances dont nous observons encore parfois quelques traces. Les études archéologiques et géologiques ont mmontré que la hauteur des eaux au détroit de Béring n’a atteint son niveau actuel qu’aux alentours de l’an 2000 avant notre ère. Rien n’interdit cependant de penser que des migrations épisodiques ont pu se poursuivre à la saison froide jusqu’à une époque récente dans la mesure où les eaux y sont gelées de longs mois chaque année.

D’autre part, il ne semble pas que les Indiens du continent Nord aient pu avoir connaissance d’une race d’hommes de petite taille. De deux choses l’une : ou bien ils en ont forgé le concept en dehors de toute expérience directe, ou bien celui-ci est de provenance asiatique. La seconde hypothèse semble la plus plausible mais rien ne nous autorise à rejeter d’emblée la première (le nanisme sibérien est vieux de plusieurs siècles et peut-être de plusieurs millénaires av. J.-C., il laisse un grand vide dans notre chronologie entre ces temps lointains et les premiers témoignages chinois et grecs. On pourra toujours dire que ce n’est pas parce qu’on en n’a pas de trace écrite qu’un mythe n’existe pas. Mais on conviendra que l’absence d’empreinte peut difficilement passer pour une preuve. Si la thèse de la source unique peut raisonnablement être soutenue, il faut admettre que les premiers témoignages que nous en possédons dans différentes cultures lui sont postérieurs d’au moins plusieurs siècles. Elle est – à ce jour du moins – particulièrement difficile à prouver. La seconde question est encore plus insoluble. Quand bien même les domres du récit seraient identiques, elles n’ont pas le même sens dans des civilisations aussi dissemblables que celles de la Grèce antique, de la Chine ancienne, de la Rome du début de notre ère et de la société cherokee du XIXe siècle. La scène centrale – les attaques périodiques des grues contre les nains – est délicate à interpréter puisqu’elle joue, comme toujours dans les mythes, sur plusieurs registres. Au plan proprement zoologique, cette périodicité peut bien sûr s’expliquer par les habitudes migratoires de ce type d’oiseau qui revient « fidèlement » dans les mêmes contrées pour passer la bonne ou la mauvaise saison. On a noté que dans presque toutes les variantes recensées, les grues sont les agresseurs et les vainqueurs. » R. Mathieu, « Le Combat des grues et des Pygmées », L'Homme, Tome 30, N° 116, 1990, pp. 67-68.

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qui confirment leur existence252. Dès le début, les Pygmées sont décrits comme

des monstres, présentant difformités physiques et habitudes de vie méprisables. Chacun des auteurs qui s’y intéresse apporte de nouvelles précisions : « Ctésias de Cnide, au Ve siècle, parle de petits hommes noirs, haut de deux coudées, portant pour seuls vêtements leurs cheveux et leurs barbes, et dont le pénis descend jusqu'a leurs chevilles » 253. Tantôt localisés en Inde, tantôt en Afrique, les Pygmées sont l’objet de débats, et certains auteurs ne croient pas à l’existence de telles créatures. Le géographe Strabon doute, en effet, de leur réalité et voit plutôt dans les récits s’y attachant, un artifice et presque une

coquetterie254. L’Antiquité pour les Pygmées correspond donc à leur

assimilation à des êtres extraordinaires, et il n’est pas question d’en faire des êtres humains. Leur petite taille apparaît déjà comme leur singularité principale, mais c’est au Moyen Âge que les Pygmées sont récupérés et que la légende est retravaillée. Pline l’Ancien marque profondément les auteurs des

siècles suivants qui s’inspirent de son œuvre pour évoquer les Pygmées255

. Avec les philosophes chrétiens, le type d’interrogations que suscitent les Pygmées change d’orientation : la question n’est plus de savoir si ces êtres existent, mais s’ils peuvent être considérés comme des humains ou des

animaux256. Pour Serge Bahuchet, la perception des Pygmées au Moyen Âge

252

« Alors qu'il étudie les migrations des grues, Aristote (384-322AC) mentionne fortuitement les Pygmées et les installe aux sources du Nil, à l'intérieur de la « Libye ». Ce peuple de petite taille séjourne dans des cavernes et possède des chevaux nains. Ils vivent donc aux confins du monde, et sont excessivement primitifs (puisque troglodytes sans maisons, le grade le plus bas de l'humanité). Aristote accompagne sa description d'une toute petite phrase lourde de conséquences: « L 'existence de ce peuple n'est pas une fable ». De ce moment, la caution du Père des sciences est telle que personne ne va plus jamais remettre en question l'existence des « Pygmées » mais plutôt s'efforcer de les trouver, ou mieux de les reconnaitre. »

S. Bahuchet, « L’invention des Pygmées », Cahiers d’Etudes Africaines, Vol. 33, Cahier 129, 1993, p. 154.

253

Ibidem, p. 154.

254

« Beaucoup plus tard le géographe Strabon (58 AC-25 AD) prendra vis-à-vis des Pygmées une attitude similaire à celle d'Hérodote : créatures de fables, au même titre que les Hémicynes, les Macrocéphales et autres Blemyes aux yeux sur la poitrine, elles ont été inventées par leurs auteurs “ par goût du merveilleux et par désir de plaire” (Strabon, i-2 [35],1 969). Mégasthène en particulier est pour lui un “ fieffé menteur”.»

Ibidem, p. 154.

255

«L'histoire naturelle de Pline sera largement employee par tous les compilateurs encyclopédiques des siècles ultérieurs, en commençant par Solinus Polyhistor (IIe s.), dont les conceptions antiques sur les races merveilleuses se perpétueront jusqu'au Moyen Age. »

Ibidem, p. 156. 256

« Saint Augustin (354-430) formalise dans La Cite de Dieu le problème des « races monstrueuses d'hommes dont l'histoire profane fait mention » (Augustin 1846, II: 458-462), dont les « Pygmées » à la taille d'une coudée : « … que les Grecs appellent pygmées, du mot qui, dans leur langue, signifie coudée ; d'ailleurs, selon les mêmes traditions, les femmes conçoivent à cinq ans et ne survivent pas à leur huitième année » (Livre XVI-8). La question pour Saint-Augustin n'est pas de savoir si ces races existent - et l'évêque d'Hippone est clair là-dessus: « il n'est pas nécessaire de croire à toutes les espèces d'hommes qu'on dit exister - mais plutôt si ces monstres peuvent être fils d'Adam. De même que des êtres

176 résulte d’une synthèse entre la pensée aristotélicienne, qui impressionne nombre de philosophes chrétiens, par sa rigueur et par l’étendue du champ des connaissances du maître grec, et, à un autre niveau, la correspondance des les Pygmées satisfont aux critères du merveilleux médiéval. En outre, pour les tous premiers naturalistes, les Pygmées introduisent l’idée d’une échelle au sein de la nature et du monde, quelques siècles avant que les premières théories sur le sujet soient clairement formulées257.

Pour les penseurs chrétiens médiévaux, la question de l’existence des Pygmées n’est pas la préoccupation principale:, ces êtres, qu’ils soient humains ou autres, invitent plutôt à la réflexion quant à ce qui différencierait les hommes des animaux, et quelle sur la place qui aurait été accordée à chacun par le Divin dans l’univers. Les interrogations se rapportant aux Pygmées sont donc davantage métaphysiques. Parallèlement, les auteurs arabes qui ont également lu les philosophes grecs, s’attardent parfois sur les Pygmées et mentionnent, pour certains, comme Al-Masûdi, des combats entre des petits hommes et des grues. Les textes du Moyen Âge montrent que le thème des hommes de petite taille et leurs combats terribles contre des oiseaux agresseurs a largement dépassé les frontières des aires culturelles. Finalement, les Pygmées sont mentionnés presque partout, et ce, depuis l’Antiquité. Localisés

humains difformes naissent parmi nous, de même les races qui " franchissent le cercle ordinaire des lois naturelles [...] descendent du père commun de tous les hommes ».

Saint Augustin propose d'ailleurs une intéressante définition de l'homme qui écarte les apparences morphologiques choquantes: « Homo, id est animal rationale mortale » (< l'homme, c'est un animal raisonnable et mortel »). Sa conclusion prudente sera: « Ou ces relations de certaines espèces monstrueuses sont absolument fausses et ces espèces n'appartiennent pas a l'espèce humaine, ou si elles dépendent de l'humanité elles viennent d'Adam » (ibid.).

Notons que l'éventuelle fausseté porte non pas sur l'existence mais sur le caractère humain, c'est-a-dire raisonnable et mortel. Cette interrogation sur l'existence n'apparaitra d'ailleurs jamais tout au long du Moyen Age. Les races monstrueuses existent, et si on ne les voit pas, c'est qu'on ne les cherche pas la où elles sont. La nouvelle philosophie chrétienne ne soulève à leur propos que la question de leur nature: hommes ou animaux ?

Un autre savant religieux, 1'évêque Isidore de Séville (VIe s.) consacre lui aussi un chapitre aux monstres dans ses Etymologies, avec une intéressante conception des choses. Les Pygmées, les géants, les êtres à deux têtes ou encore la race dont les femmes conçoivent à cinq ans et meurent à huit voisinent dans les montagnes de l'Inde. Pour Isidore, ces monstres sont des créatures constituant des prodiges (potentum) par lesquels Dieu avertit peuples ou individus de désastres imminents, des signes annonciateurs de quelque événement à venir. Les races de monstres sont à l'humanité dans son ensemble ce que les monstres sont aux individus. »

Ibidem, p. 156.

257

« Le meilleur exemple est celui d'Albert le Grand de Cologne (Albrecht von Bollstadt, 1193-1280), le premier grand naturaliste du Moyen Age, qui consacre lui aussi des lignes aux Pygmées, en introduisant doucement à leur propos l'idée philosophique de « échelle de la nature » : « Bien des gens ont vu de ces animaux qu'on appelle Pygmées [...], ils n'ont pas l'usage de la raison et n'ont ni pudeur, ni honnêteté, ils n'ont pas le sens de la justice, et il n'y a pas trace chez eux d'un gouvernement; ils imitent les hommes par bien des aspects, jusqu'a avoir langage et parole, leur parler n'est toutefois qu'imparfait »

177 aux confins des mondes connus, les Pygmées sont rejetés aux marges obscures et décrits comme les représentants d’une différence extravagante et de la difformité258. Si les cultures médiévales occidentales chrétiennes et arabo- musulmanes ont largement assimilé l’héritage de la pensée grecque, il est plus étonnant de constater qu’une grande quantité de sociétés ont produit une mythologie mettant en scène ces si petits êtres.

Pour Serge Bahuchet, les connaissances concernant les Pygmées

n’évoluent pas et stagnent au moins jusqu’au XIIIe siècle. Les penseurs se sont

contentés de réécrire les sources antiques sans les renouveler259. C’est donc en

élargissant les limites de leur monde et en multipliant les échanges interculturels que les penseurs étoffent et enrichissent le discours sur les Pygmées. Et quand l’Occident s’ouvre à nouveau sur l’Orient au XIIIe siècle,

certains des voyageurs partis sur ces routes lointaines espèrent enfin trouver et

prouver l’existence d’êtres merveilleux260

. Le succès de la mythologie autour des Pygmées ne se dément pas au fil du temps, et à la Renaissance, les

258

Les ouvrages grecs étaient étudiés par les philosophes arabes; c'est donc sans surprise qu'il y est quelquefois fait mention de nos Pygmées et de leurs grues; ainsi al-Mas'ûdi( 1962, II: 86), dans ses Prairies d'Or, qui, à propos des grues, parle de tout petits Turcs. Plus remarquable est la présence dans une encyclopédie chinoise du VIIe siècle, Kuo ti chih, d'êtres humains hauts de trois pieds dévorés par les grues, et vivant au sud de l'Empire romain, ou aussi dans le T'u-chueh, de nains dévorés par des oiseaux géants, et vivant au nord de la Turquie ! Il y a donc une nette circulation des idées au Moyen Age, avec la même propension à considérer les confins du monde comme terre des monstres. La liste est longue des encyclopédies médiévales et toutes comportent un chapitre dépeignant les monstres de l'Inde. On en choisira une parmi d'autres, De naturis rerum de Thomas de Cantimpré (1240), où l'on trouve « des hommes si petits qu'ils n'excèdent pas une coudée de long », « des femmes qui engendrent tous les cinq ans mais dont la progéniture ne peut vivre plus de huit ans », ainsi que « les hommes pygmées qui habitent dans certaines montagnes des Indes, hauts de deux coudées, qui guerroient contre les grues, qui engendrent à trois ans et vieillissent à huit ». (Cantimpré 1974: 126-128).

Ibidem, p. 157.

259

« Tous ces ouvrages présentent la même caractéristique, ils s'appuient sur les mêmes sources latines, vieillottes et périmées, sans le moindre esprit critique. II n'y a rien de plus dans les ouvrages du XIIIe siècle que dans Solinus, Isidore ou le Liber monstrorum, qui datent déjà de sept à neuf siècles ! S'écroule ainsi une idée bien classique: malheureusement, non, les Anciens ne connaissaient pas les Pygmées. Sinon, pourquoi les auraient-ils toujours fait escorter des cyclopes et autres acéphales ? »

Ibidem, p. 158.

260 « L'Europe du XIIIe siècle connait un événement considérable: l'ouverture des routes de l'Orient,

fermées depuis Alexandre le Grand. Les premiers grands ambassadeurs qui se rendirent aux confins du monde, envoyés par le pape ou par le roi, étaient des religieux, donc des lettrés. Ils connaissaient parfaitement la littérature de base et savaient exactement ce qui les attendait en terre lointaine. Tous cherchèrent ces merveilles..., quelques-uns les trouvèrent. Ceux qui ne trouvèrent pas, ne surent qu'en penser: ainsi l'ambassadeur de saint Louis, le cordelier Guillaume de Rubrouck atteignant Karakoroume en janvier 1254: « Je fus curieux de m'informer de ces hommes monstrueux dont Solin et Isidore font mention, mais ils me dirent qu'ils ne savoient ce que c'était et n'en avaient jamais oui parler, dont je fus étonné et en doute s'il en étoit ainsi ou non » (Bergeron 1830: 378). De même Jacques de Montecorvino, en 1294, s'exclame laconiquement: « J'ai demandé et cherché beaucoup ; je n'ai rien pu trouver ». (Kapler 1980: 56). Deux cents ans plus tard, le navigateur Christophe Colomb, nourri des mêmes lettres, cherchera lui aussi dans les iles supposées de la Chine les merveilles et prodiges, sans plus les trouver: « D ans ces iles je n'ai pas encore trouvé d'humanités monstrueuses, comme plusieurs le pensaient mais, au contraire, toute cette race est très bien faite », écrit-il dans une lettre à Santangel datant de 1493 (Gagnon 1984: 21). »

178 interrogations métaphysiques et divines que sous-tendaient l’existence d’êtres anormalement différents sont peu à peu délaissées au profit d’une curiosité pour l’exception ou l’excessif. Jusqu’alors, les Pygmées sont plus une idée qu’une réalité et représentent, en somme, ce qui est éloigné de l’Humain ; éloigné à plusieurs titres, éloigné par l’apparence physique, mais éloigné aussi puisque les Pygmées habiteraient des terres encore inconnues. Aux confins du monde et de l’imaginaire, les Pygmées n’ont pas encore d’identité certaine, au moins jusqu’aux XVIIIeet XIXe siècles.