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Nous avons vu dans cette partie qu’il existe de nombreux facteurs qui peuvent influencer la capacité des personnes à reconnaître de la discrimination. Cette dernière étant souvent cachée (Dovidio & Gaertner, 2000), les personnes se sachant susceptibles d’être victimes de discrimination peuvent ressentir de l’ambiguïté attributionelle (Crocker & Major, 1989). Crocker et Major (1989) définissent l’ambiguïté attributionelle comme étant un état d’incertitude vis-à-vis de l’attribution de la cause d’un échec. Cette incertitude intervient lorsqu’il existe une hésitation entre les facteurs liés à soi (manque de compétences, etc..) et les facteurs liés aux préjugés du décideur vis-à-vis de son groupe d’appartenance. Cet état serait en partie causé par le manque d’informations sur la façon dont est prise la décision, sur les motivations et intentions du décideur (Major, Quinton, et al., 2002).

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McClure (1998 cité dans Major, Quinton et al., 2002) montre que les causes d’un évènement peuvent être multiples, à la fois internes et externes. De ce fait, percevoir que les préjugés de quelqu’un sont la cause de notre échec, n’exclut pas que l’on perçoive également que la faible qualité de nos réponses à l’entretien ait également eu un impact sur la décision de sélection.

Dans les études réalisées en psychologie sociale, l’attribution à la discrimination est une possibilité parmi d’autres. Plusieurs études (Crocker et al., 1993; Major, Feinstein, & Crocker, 1994; Major, Kaiser, & McCoy, 2003; O’Brien et al., 2008) proposent donc en plus de la possibilité d’attribuer l’échec à la discrimination (genre, race, poids, etc.), le fait de pouvoir également l’attribuer à d’autres facteurs (compétences, personnalité, chance, etc.). Ce type de mesure permet de capturer les multiples causes et de prendre en compte le phénomène d’ambiguïté attributionelle. En effet, si l’on demande seulement la cause principale de l’échec (comme cela se fait souvent dans les recherches sur l’attribution) il y aurait des risques de sous- estimer les perceptions de discrimination.

Conclusions

Cette revue des recherches en psychologie sociale permet d’identifier les facteurs qui influencent les mécanismes psychologiques (minimisation vs. vigilance) lors de la formation des perceptions de discrimination. Face à un même indice de discrimination, les individus peuvent ne pas percevoir de discrimination, ou la ressentir avec une intensité. Les différents facteurs qui influencent les perceptions ou l’attribution à la discrimination peuvent être classés selon la définition de Major, Quinton et al. (2002) avec d’un côté, les processus qui sont liés à l’appartenance à un groupe (identification a un groupe, conscience du stigmate, les prototypes) et de l’autre côté, les facteurs qui vont impacter la justice et la légitimité perçue de l’évènement (croyances justificatrices du système, la légitimité perçue et les intentions perçues).

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Nous pensons que le contexte spécifique du recrutement peut conduire à des résultats différents. En effet, c’est une situation d’évaluation où l’enjeu est important, et où l’interlocuteur est dans une situation de pouvoir. Plusieurs études (Cihangir et al., 2010; Jetten, Schmitt, et al., 2013; Marti et al., 2000; Wang, Stroebe, & Dovidio, 2012) ont déjà utilisé le contexte du recrutement, cependant, elles ne l’on fait que sur une population d’étudiants n’ayant eu que peu d’expériences professionnelles et donc n’ayant que trop peu vécu de situations de recrutement. Cela limite donc la portée des résultats et des conclusions tirées de ces recherches. Aussi, certaines méthodes d’induction de la situation de discrimination (connaissances des préjugés du recruteur) sont peu probables dans une situation réelle. Il nous paraît donc intéressant de confirmer ces résultats dans un contexte plus écologique.

Les conséquences traditionnellement prises en compte dans les recherches en psychologie sociale se concentrent sur l’estime de soi, les affects et le bien-être (Major & Dover, 2015), Étudier ces phénomènes dans le contexte du recrutement pourra permettre d’identifier de nouvelles conséquences à la détection de la discrimination. Anderson (2011a) propose notamment que les perceptions de discrimination au recrutement puissent mener à des plaintes, à l’initiation d’une action en justice et donc à des pertes financières et un dommage sur la réputation de l’entreprise. Il s’appuie sur les recherches sur les réactions des candidats qui ont permis d’identifier de nombreux antécédents et conséquences. Ce champ de recherche s’est majoritairement intéressé aux perceptions de justice au recrutement, néanmoins McCarthy et ses collaborateurs (2017) encouragent les recherches futures à étudier d’autres réactions, dont les perceptions de discrimination. Dans le prochain chapitre, nous commencerons par présenter la théorie de la justice organisationnelle appliquée au recrutement avant de passer en revue les principaux antécédents et conséquences des réactions des candidats au processus de recrutement.

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Chap 2. Les réactions des candidats : La perspective

de la justice organisationnelle

Les recherches portant sur le recrutement se sont longtemps focalisées sur l’évaluation des candidats avec de nombreuses recherches portant sur l’amélioration des outils de mesure des compétences et de la personnalité (Ryan & Ployhart, 2014). À partir du milieu des années 80, les recherches se sont intéressées aux réactions des candidats aux processus de recrutement (Nikolaou, Bauer, & Truxillo, 2015). Le terme « réaction des candidats » est utilisé pour faire référence à toute la littérature sur les attitudes, affects ou cognitions qu'un individu peut avoir à propos du processus de recrutement (Ryan & Ployhart, 2000). Ces réactions vont avoir des conséquences sur les attitudes, intentions et comportements des candidats.

Les dernières revues de littérature dans le domaine des réactions des candidats soulignent que l’étude des perceptions de justice organisationnelle est le cadre de référence principal des études s’intéressant aux perceptions des candidats (McCarthy et al., 2017; Nikolaou et al., 2015). Il a été établi que les perceptions de justice sont un antécédent important des attitudes, affects et comportements des candidats (Hausknecht, Day & Thomas, 2004). Premièrement, nous nous intéresserons plus particulièrement aux différentes dimensions et règles de justice adaptée au recrutement telles que conceptualisées par Gilliland (1993). Dans la seconde partie de ce chapitre, nous nous intéresserons aux principaux résultats et aux propositions théoriques concernant les antécédents et les conséquences des réactions des candidats lors d’un recrutement.

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1.1. Les perceptions de justice au recrutement