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Dans cette étude nous souhaitons étudier l’impact des intentions10 perçues de plusieurs

types de questions inappropriés sur les perceptions de justice et de discrimination qu’elles

10 Traduction de « motive », nous utiliserons les termes intentions, motivations et motifs de façon interchangeable pour parler de ce concept.

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entrainent. En effet, une question inappropriée pourrait être perçue comme étant posée pour d’autres motifs que celui de discriminer.

Les motifs ou encore les intentions sont comme le processus d’attribution, c’est-à-dire, des éléments que l’on infère et qui font partie des états mentaux (Heider, 1944). La capacité à inférer les états mentaux des individus avec lequel nous interagissons nous permet de mieux nous adapter à notre environnement. L’avantage de l’inférence des motifs d’un comportement de l’individu plutôt que de sa cause (interne vs. externe) est que les motifs peuvent mieux expliquer l’action et lui donner plus de sens (Reeder & Trafimow, 2005). Dans les premières conceptualisations (Heider, 1958, et Shaver, 1975 citées dans Reeder & Trafimow, 2005), le processus d’attribution causal était placé en amont des autres types d’inférences et donc notamment de l’inférence des motifs. Néanmoins, des recherches ont montré que lorsque le comportement est fait intentionnellement (dans le sens de volontairement), les individus expliquent le comportement en inférant le motif de cette action en premier (Malle, Knobe, O’Laughlin, Pearce, & Nelson, 2000). De même, inférer les motivations aurait plus d’impact dans l’attribution de trait interne à la personne (formation de l’impression), car ces deux processus se formeraient simultanément (Reeder, 2013).

Nous supposons que les questions inappropriées pourraient être perçues comme étant posées pour d’autres motifs que celui de discriminer l’individu. Pour Mallett, Ford, et Woodzicka (2016) lorsqu’une personne fait une blague sexiste, l’intention et les motivations de cette personne sont ambiguës, ce qui limiterait la détection de la discrimination et la dénonciation de ce préjugé. En effet, dénoncer cet acte ambigu reviendrait à prendre le risque de se tromper et de passer pour quelqu’un qui n’a pas d’humour (Mallett et al., 2016). Selon les motivations que l’on attribue au recruteur derrière l’action de poser une question inappropriée, cela pourrait minimiser les perceptions de discrimination. Notamment si l’action est perçue

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comme un motif inoffensif (comme l’humour) ou légitime (par exemple la mesure des compétences, de la motivation, etc.).

La possibilité que la présence de questions inappropriées puisse être interprétée par les candidats comme ayant d’autres intentions que celle de discriminer vient essentiellement d’une constatation du terrain. En effet, au cours de ce travail de recherches, plusieurs personnes m’ont donné des exemples de situation où ils ont été confrontés à des questions inappropriées, qu’ils attribuaient à d’autres intentions (déstabiliser, connaitre la vie privée pour mieux faire connaissance et détendre l’atmosphère). Ainsi, nous émettons l’hypothèse que dans le cas particulier des questions inappropriées, l’ambigüité puisse se manifester avant le processus d’attribution au niveau de l’inférence des intentions du recruteur lorsqu’une question inappropriée est posée.

7.2. Procédure – Étude 4

Cette étude a été réalisée en ligne grâce au logiciel LimeSurvey. Le questionnaire a été diffusé sur la plateforme d’échange avec les étudiants JALON de l’université de Nice Sophia Antipolis aux étudiants de de L2 et L3 psychologie. Pour les étudiants de Licence 3, nous avions incité les étudiants à participer dans le cadre d’un cours en psychologie du travail sur le recrutement, les étudiants de licence 2 l’ont été dans le cadre d’un cours en psychométrie.

Nous avons utilisé une méthodologie proche de celle utilisée dans les études concernant l’habilité à détecter le critère de sélection (Melchers et al., 2009; Merkulova, Melchers, Kleinmann, Annen, & Tresch, 2014). Pour chaque question, les participants devaient trouver les critères que cherchait à évaluer le recruteur en posant cette question. Cette première phase avait pour objectif de forcer les participants à faire un traitement approfondi des questions inappropriées, ainsi qu’amorcer la recherche des intentions des recruteurs. Par la suite, les

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participants devaient évaluer les intentions d’un recruteur qui pose une question. Nous présentions en tout 5 questions, dont les 2 questions inappropriées de chaque condition. Par la suite nous leur avons demandé de répondre aux échelles décrites ci-dessous concernant leur perception de justice, l’évaluation des règles de justice, leurs perceptions de discrimination et leur évaluation du recruteur.

Mesures

Mesure de l’intention perçue vis-à-vis d’une question de recrutement : Nous avons créé une mesure de l’intention perçue en proposant plusieurs motivations possibles (cf. encadré n°2)

Nous avons combiné les scores d’intentions perçues des deux questions inappropriées présentes dans les trois conditions.

Évaluation du recruteur : Compétence avec les adjectifs (Compétent ; Réfléchi ; Inapte ; Médiocre) (α = .84, n = 46) et la Moralité avec les adjectifs (Intègre ; Juste ; Biaisé ; Intolérant) (α = .71, n = 42) que nous avions déjà utilisé dans l’étude 2. Nous avons ajouté la dimension chaleur que nous avons mesurée avec les adjectifs traduits de Cuddy, Fiske, et Glick (2008)

Encadré n°2

Consigne :

Quelles sont selon vous les intentions d'un recruteur lorsqu'il pose la question : "Qu'est-ce qui est le plus stimulant pour vous dans le métier de commerciale ?" Sur une échelle de Likert allant de (1. Pas du tout probable à 5. Très probable) avec un codage allant de 0 à 4.

a) Avec l'intention d'évaluer des compétences (α = .62, n = 50) b) Avec l'intention d'évaluer la personnalité (α = .80, n = 50) c) Avec l'intention d'évaluer la motivation (α = .53, n = 49) d) Avec l'intention de déstabiliser (α = .84, n = 51)

e) Avec l'intention d'en savoir plus sur la vie privée (curiosité) (α = .72, n = 50) f) Avec l'intention de discriminer (α = .75, n = 50)

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(Chaleureux ; Digne de confiance ; Amicale ; Sincère) (α = .63, n = 44). Nous avons également ajouté un item de mesure du sexisme avec un seul adjectif (sexiste).

Justice procédurale globale : Nous avons utilisé les mêmes échelles de justice que dans l’étude 3 avec pour la justice procédurale globale l’échelle Gilliland (1994) traduite par Rolland (2004) (α = .86, n = 51). L’évaluation des règles de justice, elles ont été mesurées en utilisant la traduction et l’adaptation de l’ échelle SPSP de (Bauer et al., 2001) traduite et adaptée par Steiner et al. (2004) avec pour la validité apparente une cohérence interne faible (α = .47, n = 51), la validité de contenu (α = .74, n = 50), l’opportunité de démontrer ces compétences, 4 items (α = .81, n = 50) et la constance dans l’évaluation dont 2 items (α = .39, n = 46). (cf. annexe D1).

Respect vie privée : nous avons mesuré cette échelle avec 3 items, dont « certaines questions empiétées sur la vie privée », et nous observons une bonne consistance interne (α = .90, n = 49) adaptée et traduite à partir d’Ababneh et Al-Waqfi (2016).

Perceptions de discrimination : nous avons utilisé 3 items dont par exemple « Après avoir passé ce type d'entretien, le ou la candidate pourrait ressentir de la discrimination » pour mesurer les perceptions de discrimination. Cette échelle a une bonne consistance interne (α = .86, n = 49).

Participants

Notre échantillon total est composé de 52 participants, dont la moyenne d’âge est de 24.4 ans (ET = 8.3) avec un minimum de 19 ans et un maximum de 49 ans. Nous avons 84.6 % de femmes et donc 13.2 % d’hommes. L’expérience professionnelle de notre échantillon est de 4.7 années (ET = 6.7). Concernant l’expérience de recrutement, 5.9 % de notre échantillon n’a jamais passé d’entretien de recrutement, 68.6 % de notre échantillon a passé moins de 5

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entretiens de recrutement, 17.6 % entre 5 et 10 entretiens, 5.9 % entre 10 et 15 entretiens et 2 % de notre échantillon a passé plus de 20 entretiens de recrutement.

Dans la première condition expérimentale comportant des questions sur les loisirs nous avons 31 participants et 21 participants sont dans la condition ou les questions portent sur la situation familiale.

7.3. Résultats – Étude 4