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L’agent de la Suge : entre agent d’accueil et agent de police

Chapitre 1. D’une gestion commune à l’autonomisation de la sûreté

2. De la filature à l’îlotage : les réorientations du service de la Surveillance

2.2. L’agent de la Suge : entre agent d’accueil et agent de police

Comme nous allons le voir à présent, cette nouvelle problématisation de la sûreté s’actualise dans deux changements majeurs du travail des agents de la Suge : le passage

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progressif au travail en uniforme et à la contractualisation de l’activité. Si une part non négligeable d’agents ont connu les deux façons d’incarner le rôle d’agents de la Suge (cf. l’encadré 7), le l’accroissement des effectifs dans le service (qui a été multiplié par 2,5 entre 1995 et 2015) fait, qu’au moment de notre enquête, la plupart des agents partageaient cette nouvelle culture professionnelle.

Encadré 7 -L’organisation du service de sûreté des années 1990 aux années 2010 Évolution de la structure du service : des brigades Suge aux Directions de Zones Sûreté

Lorsque Pochon quitte ses fonctions à la MCS en 1995, l’organisation du service reflète la dualité entre « la sûreté » et « la Suge », issue de la nouvelle problématisation des enjeux de sûreté. Il y a 23 brigades de Surveillance Générale (une par région SNCF) et 23 Responsables de Sûreté Régionale (une par région SNCF également).

Les brigades regroupent des agents de terrain, qui jusque dans les années 1990 opèrent majoritairement en civil et sont tournés vers le contrôle des cheminots. Les brigades sont dirigées par un Chef de brigade (du niveau de cadre) et constituées de plusieurs équipes, composées d’un Chef d’équipe (parfois agent de maîtrise) et d’agents d’exécution (les AGSUV pour Agent de surveillance). Les responsables de sûreté régionale et leurs agents s’occupent eux de tout ce qui ne concerne pas directement les agents de la Suge : le contrôle d’accès, le développement de la vidéosurveillance, la rédaction de référentiels, la lutte anti- terroriste, les liens avec les autres entités de l’entreprise, la collaboration avec les forces de police et de gendarmerie, etc.

En 2012, il est mis fin à cette dualité au niveau territorial avec la création des Zones Sûreté qui regroupent les agents des anciennes brigades et ceux de la sûreté régionale. Onze Directions de Zones de Sûreté (DZS) sont créées, reprenant le principe des Zones de défense du ministère de l’Intérieur. Le directeur de Zone Sûreté regroupe les anciennes fonctions de Chef de bridage et de Responsable de Sûreté Régionale. Le directeur de zone sûreté dirige des Chefs d’agences locales (cadres), agences composées de dirigeants de proximité Suge (agent de maîtrise) et d’agents de la Suge (agents d’exécution).

L’organisation des DZS est illustrative des nouvelles missions données aux agents de la Suge. En effet, la grande majorité des effectifs réalisent aujourd’hui des missions de patrouilles en civil, que ce soit dans les gares, les trains ou les autres sites industriels de la SNCF. D’après nos entretiens, seulement 6 à 7 % d’entre eux sont sur des postes spécialisés (dont les anciennes missions des brigades) et opèrent dans des « cellules » :

- Les cellules Sûreté économique et financière (SEF) chargée des enquêtes sur la fraude des usagers, les malversations ou escroqueries en interne - Les cellules Tag, qui s’occupent de la répression des tagueurs, et

constituent des dossiers d’évaluation des préjudices

- Les cellules Vol Tir Train (VTT), spécialisées dans la lutte contre les pickpockets et qui opèrent souvent en civil

- Les cellules d’appui de protection des métaux (CAPM), chargées de la lutte contre le vol de métaux

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- Les cellules Fret qui sont chargées des enquêtes sur les vols de marchandises.

Toutes les cellules ne sont pas présentes dans chaque DZS. En outre, les cellules peuvent être regroupées en fonction des besoins et des effectifs de la DZS.

Au niveau national, le Directeur de la Sûreté est épaulé de plusieurs départements d’expertises et de gestion.

Évolution des effectifs : une hausse constante

En 1995, la Surveillance Générale, dans son ensemble, comprend 1150 agents, dont 785 agents dans les bridages, majoritairement positionnés à Paris (64,2%) (Laglaive, 2003, p. 121). Dans les agents de brigades, 98,2 % sont des hommes et 79,3 % sont des agents d’exécution.

Nous n’avons malheureusement pas pu obtenir d’informations précises sur l’évolution des effectifs, outre le fait que le service connaît une croissance continue (Bonnet, 2006, p. 90). En près de vingt ans, le nombre d’agents a été multiplié par 2,5 pour atteindre 2 873 agents en 2014145. Malgré une féminisation,

qui concerne également l’ensemble du groupe SNCF, la Surveillance Générale reste très majoritairement une profession masculine. Sur l’origine professionnelle des agents, le directeur de l’Université de la Sûreté (le centre de formation des agents Suge) nous a indiqué qu’une grande majorité provient de métiers auxiliaires à la sûreté : environ un tiers sont des anciens policiers, un tiers sont d’anciens gendarmes, un sixième sont d’anciens militaires (non-gendarmes) ou pompiers, tandis que le dernier sixième est constitué de cheminots en reconversion ou de la sécurité privée. Sur l’origine sociale des agents, nous savons seulement que l’exigence minimale pour être recruté est la détention d’un CAP, BEP ou d’un baccalauréat (peu importe la spécialité).

La formation initiale s’effectue à l’Université de la Sûreté pour une durée de 4 mois. Les futurs agents suivent des modules théoriques (cadre légal d’intervention, métiers de la SNCF, organisation et produits de l’entreprise, ressources humaines, relation client, etc.) et des modules pratiques (gestes métiers, séance de tir, techniques d’intervention). Des échanges sont également organisés avec la police (notamment sur des techniques d’intervention).

Au bout des 4 mois, un contrôle des connaissances est organisé. Si le candidat réussit, il réalise un stage de 2 mois sur le terrain auprès d’une agence locale. L’encadrement opérationnel valide ou non le stage. S’il est validé, le futur agent suit une journée de consolidation à l’Université de la sûreté puis est affecté à une agence locale pour un an d’essai. Si l’agent donne satisfaction, il est définitivement embauché.

2.2.1. De la filature à l’îlotage : le passage à la tenue

145 Source : Stéphane Volant, secrétaire général de la SNCF, Audition à l’Assemblée Nationale le 28 mai

2014 [http://archive.wikiwix.com/cache/?url=http%3A%2F%2Fvideos.assemblee-

nationale.fr%2Fvideo.5495.lutte-contre-l-insecurite--m-stephane-volant-secretaire-general-de-la-sncf-28- mai-2014, consulté le 11 mai 2017].

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Le passage à l’uniforme constitue le changement le plus visible dans le tournant stratégique que connaît la Suge dans les années 1990.

Il y a 10 ans on travaillait en civil, on travaillait comme la BAC. Et on s’est ouvert au fonctionnement de l’entreprise. On est plus le service BAC, à faire que des voleurs. On a perdu en efficacité du côté de l’interpellation c’est vrai, c’est plus le même métier

(Agent Suge 1, Zone Sûreté)

Dans les entretiens avec les agents ayant connu les deux systèmes, on remarque à la fois une pointe de nostalgie – voire de regret – et dans le même temps de satisfaction vis-à-vis de ce changement. Nostalgie, car la nature du métier a fondamentalement changé. Le travail en civil tenait de l’investigation policière, en organisant des filatures et des enquêtes. Il inspirait une certaine méfiance aux autres cheminots et une confusion avec le métier d’inspecteur de police (y compris vis-à-vis d’agents de police), qui pouvaient être vécues de manière valorisante.

Chef de salle 1, PCNS: j'ai connu un temps où on rentrait en civil et les gars de la tenue (=les policiers) nous saluaient ! (rires)

Chef de salle 2, PCNS: oui ils nous prenaient pour des inspecteurs

Chef de salle 1, PCNS: ils nous voyaient rentrer, en plus à l'époque on avait tous des Bombers, l'étui qui dépassait un peu

Chef de salle 2, PCNS: les menottes…

Chef de salle 1, PCNS: ils nous voyaient euh... [rires] attends quand tu vas savoir qui je suis... [sous- entendu : "tu vas te trouver ridicule"]. Alors on a souffert oui et non de cette....ambiguïté, qui nous a certainement aidés à l'époque où "police" voulait dire quelque chose dans l'esprit des gens. Ils savaient pas trop qui on était donc avec les menottes et tout [sous-entendu : "ça intimait le respect"]

(Visite commentée avec deux chefs de salle, PCNS)

Le travail en civil se traduisait par ailleurs par une grande autonomie pour les agents. « La hiérarchie fixait les grandes lignes des missions, mais hors de ce cadre, l’indépendance de la Suge était quasi complète » (Bonnet, 2006, p. 91). Ni les voyageurs ni les autres personnels de la Suge ne savaient en quoi consistait réellement le travail des agents de la Suge. La plupart des clients ignoraient même leur existence. Cette opacité procurait aux brigades de la Suge une grande liberté, tant dans la fixation des objectifs (qui pouvaient cependant être orientés par la Direction Générale) que dans l’organisation concrète du travail (activité, horaire, etc.). L’évaluation interne s’établissait autour du nombre de « crânes » réalisés.

[Chef de salle 1, PCNS] : avant effectivement on faisait du flagrant délit. C’était une volonté, quand on partait le patron nous disait : « bon vous nous ramenez quelques affaires ce soir ». C'était ça, il fallait ramener. C'était...Les évaluations étaient faites là-dessus quoi. Sur la notation de sa brigade et puis nous nos notations à l'époque, c'était...

[Chef de salle 2, PCNS] : les crânes on disait. [Chef de salle 1, PCNS]: oui les crânes [Question] : les crânes ?

[Chef de salle 1, PCNS] : alors les crânes c'était les affaires. On a des abréviations cheminotes, on a récupéré les abréviations policières, et on récupère les anecdotes des deux, c'est énorme. Et alors crânes, ça

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revient à Bertillon, ça vous parle ? Qui a mis en place l'identification...notamment par crâne. Et donc les personnes interpellées on les appelle les crânes, c'est pas très déontologique, mais c'est l'origine

[Question] : oui à l'époque ils mesuraient les crânes [Chef de salle 1, PCNS] : voilà c'est ça

Question: donc c'était : « combien de crânes t'as fait ? »

[Chef de salle 2, PCNS] : Ouais c'est ça. Le patron il arrivait : « alors les gars, combien d’affaires, combien de crânes ? » Et il était content. Le management se faisait comme ça.

[…]

[Chef de salle 1, PCNS] : [Aujourd’hui] on se moque pas des interpellations, mais la priorité c'est la prévention, alors qu'avant c'était l'interpellation et c'était le leitmotiv et l'adrénaline des agents. On était content quand on ramenait une belle affaire. Une belle affaire c'était presque un challenge. Bon c'était pas à l'américaine, c'était pas affiché non plus, mais...si on rentrait avec une affaire on était content. [Chef de salle 2, PCNS]: bah la fierté du travail !

[Chef de salle 1, PCNS]: et puis le patron disait « bah rentrez chez vous, vous avez fait une affaire vous pouvez rentrer chez vous »

[Chef de salle 2, PCNS]: c'était à l'ancienne ! [rires]

[Chef de salle 1, PCNS]: et là maintenant on est dans une visibilité permanente. (Visite commentée avec deux chefs de salle, PCNS)

Le passage à l’uniforme amène nécessairement les agents Suge à remplir des fonctions qu’ils n’assuraient pas auparavant (notamment le contact avec le client), tandis que d’autres techniques doivent être abandonnées (planques, filatures, etc.). La stratégie des responsables du service est de favoriser une confusion possible entre les services de police officielle et la Suge. L’uniforme des agents Suge reprend l’apparat symbolique policier. Ainsi au début : « L’uniforme est du même bleu que l’uniforme des policiers ; un écusson bleu-blanc-rouge est cousu sur l’épaule ; dans le dos est écrit « Police ferroviaire » ; les agents portent des menottes, un revolver, et un tonfa (une grosse matraque japonaise avec une poignée) » (Bonnet, 2006, p. 92). Ce changement a pu être difficilement accepté par les agents les plus anciens, qui voyaient leur travail dans le prolongement de celui des policiers : mener des enquêtes, arrêter des délinquants. Le passage à la tenue impliquait en effet d’effectuer des missions qui ne correspondaient plus à ce qu’ils considéraient jusqu’alors comme leur identité professionnelle.

Aujourd'hui on est plus du tout dans ce... je dis pas qu'on s'en fout, mais aujourd'hui c'est la visibilité, de la prévention. On est beaucoup plus dans un rôle de prévention que de répression.

(Chef de salle 1, PCNS)

Cette visibilité les amène notamment à avoir un contact avec la clientèle SNCF, chose jusqu’à présent étrangère aux agents. Aujourd’hui, c’est la polyvalence de l’agent de la Suge qui est mise en avant, face la diversité des tâches qu’il est amené à accomplir : aider un parent avec sa poussette, demander aux personnes d’enlever leurs pieds des sièges, demander d’arrêter de fumer, renseigner et orienter des usagers sur les quais, intervenir en cas de violence, contacter les forces de l’ordre si besoin, etc. Ainsi, l’agent de la Suge est loin de se cantonner à une mission de patrouilles, étant donné que ses tâches oscillent entre celles d’un policier (interpellation, verbalisation, etc.) et celle d’un agent d’accueil. Cette exigence de polyvalence devient une aptitude essentielle à évaluer lors du recrutement d’un nouvel agent.

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C’est ça que je veux d’un agent Suge, c’est qu’il puisse travailler sur tous les registres : commercial, prévention, dissuasion, répression. Et d’être capable en un quart de seconde, de switcher et de prendre l’attitude qui va bien. Et des fois aussi c’est, « les gars, ouvrez un peu les zygomatiques ». Moi j’aime bien avoir des agents qui sourient un peu, pas des mecs avec des têtes patibulaires, avec les mains sur la ceinture et qui font des têtes de Golgoths [adversaires de Goldorak dans le dessin animé éponyme]. Il faut savoir aussi sourire, ça fait partie aussi de l’image de l’entreprise

(Directeur 1, Zone Sûreté)

La posture du métier a complètement changé. On est beaucoup plus sur une posture de prévention et de visibilité, de service aux clients. Quand on est en civil et armé, on se fout bien de donner un horaire à quelqu'un qui vous le demande dans une gare : il sait pas que vous êtes de l'entreprise, il vient pas vous demander. Quand on a « SNCF » comme ça dans le dos, forcément y a une attitude qui n'est pas la même et donc nos agents sont beaucoup plus tournés vers cette attitude-là, ce qui les rend beaucoup plus proches des autres métiers de l'entreprise : les métiers d'escales, les métiers du contrôle et de l'accompagnement des trains.

(Directeur 3, Zone Sûreté)

On voit là comment une redéfinition du problème de la sûreté (d’un problème de protection de la propriété privée à un problème de maintien de tranquillité) se traduit dans des nouvelles orientations et pratiques professionnelles. Si la conversion fut difficile pour certains agents, d’autres apprécient ce rapprochement avec la famille cheminote.

Agent Suge 3 : la genèse c'est la surveillance du cheminot : on nous appelait la Cinquième. C'était la Police directoriale, quand ça déboulait quelque part euh... [sous-entendu : « c'était tendu »]. Quand un gars de la Suge constatait qu'un guichet était pas... [sous-entendu : « bien tenu » ou « en règle »]. S'il faisait un rapport c'était énorme quoi, pour le gars c'était terrible quoi [en raison des sanctions prises]. Maintenant on est beaucoup plus...on est beaucoup moins normatif, on est devenu un rôle de conseil en matière de sûreté, et c'est bien, on est remonté en estime envers nos collègues cheminots

Agent Suge 4: ah bah oui !

Agent Suge 3 : parce qu'à une époque quand vous disiez que vous étiez Suge Agent Suge 4 : oui c'était cloisonné...

Agent Suge 3 : c'était pas le top

(Entretien avec agents Suge 3 et 4, Zone Sûreté)

Encore aujourd’hui, cette image de la Suge est ancrée chez les anciens cheminots, même si les agents sont de plus en plus vus comme des collègues qui protègent le chemin de fer.

Quand les potes à mon père [lui aussi cheminot] ont su que j'étais rentré à la Suge, ça a été très dur, ça été....ils ont marqué le coup quand même. Alors là oui, c'était un peu « ah oui d'accord... », « ah ton fils...oui d'accord ». Mon père l'a pris un peu comme ça quoi. Après ça s'est....Aujourd'hui on a beaucoup plus un rôle de soutien que de déglinguer le cheminot, surtout en région parisienne. Les cheminots l'ont compris, surtout les contrôleurs et les conducteurs, si on n'est pas là...ils sont bien contents de nous avoir (Chef de salle 1, PCNS)

Souvent quand on allait voir les gens c'était pour leur dire : « il manque 500 balles dans votre caisse ». […] Maintenant on a quand même une véritable reconnaissance en interne. Et du point de vue de la légitimité des agents de la Suge notamment, c'est beaucoup plus évident maintenant, ils sont plus reconnus, avant il y avait une véritable méfiance

(Directeur 3, Zone Sûreté)

Bien ou mal vécu, le changement est radical. D’une police interne, en civil, tournée vers les vols de marchandises, les défauts de caisse et les malversations, on passe à des agents

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dont les missions oscillent entre l’agent de police et l’agent d’accueil. Les agents de la Suge doivent assumer les deux aspects du métier. Aujourd’hui, les agents ont pleinement intégré cette composante client-centrée de leur métier. Si les agents affirment que la loi les oblige à de toute façon porter la tenue « personne n’est dupe : le passage à l’uniforme fait partie de la stratégie de l’entreprise » (Bonnet, 2006, p. 92). Il faut d’ailleurs plutôt voir la loi du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne comme une réaction au passage des agents de la Suge en tenue. En effet, la loi introduit un article 11-3 à la loi du 12 juillet 1983 réglementant les activités privées de sécurité qui certes oblige le port de la tenue, mais surtout dispose qu’elle ne doit « entraîner aucune confusion avec celles des autres agents des services publics, notamment des services de police » (cf. la figure 5)146. Pour les agents, cette confusion jouait effectivement à leur avantage.

La mise en conformité de la tenue des agents de la Suge avec cette disposition n’a pas été immédiate. Un responsable Suge explique qu’à ce moment-là plusieurs agents, ainsi que la plupart des organisations syndicales, craignaient de perdre cette confusion (entre Police nationale et Suge) qu’ils estimaient favorable en leur procurant la force dissuasive et le prestige qui peuvent être attribués à la Police Nationale. En 2006, le ministre de l’Intérieur Nicolas Sarkozy, à l’occasion de la création du SNPF, intime la SNCF de se mettre en conformité avec la loi. La non-confusion avec les services de police implique notamment deux changements dans la tenue : la disparition du blason bleu-blanc-rouge ainsi que de l’appellation « Police Ferroviaire ». Les agents craignaient alors que la perte de cette appellation ne se traduise en augmentation d’agressions et d’outrages à leur encontre. Le changement sera effectif entre 2008 et 2010. Le directeur de la sûreté de l’époque explique qu’il a fallu être diplomate avec les agents et les convaincre que ces changements n’affecteraient pas leur autorité :

On leur a fait une belle tenue. D’un bleu foncé qui ressemble quand même bien à la couleur policier, mais on leur a mis un gros logo « Sûreté SNCF ». Après, c’est un tissu de qualité, vraiment, c’est autre chose que ceux de la police […].

Et puis je leur ai dit : « Vous êtes en bleu, avec une ceinture où y a une arme à feu, une matraque, des menottes ! Qui va vous confondre avec des simples agents de sécurité ?

(Ancien Directeur, Direction de la Sûreté)

L’agent de la Suge est ainsi désormais l’un des agents SNCF les plus visibles en gare avec un logo « SNCF » très voyant dans le dos. La tenue est véritablement devenue un élément structurant de l’identité du service : l’agent de la Suge mène à la fois des missions de police et d’accueil au sein des gares et des trains.

146 La plupart des articles de cette loi ont aujourd’hui été abrogés et transposés dans le Code des transports

par l’ordonnance du 28 octobre 2010. L’article 11-3 dont il est question est devenu l’article L2251-3 du Code des transports.

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2.2.2. La contractualisation de l’activité

Le fonctionnement interne de la Suge est représentatif de la nouvelle problématisation de la sûreté que nous tenons à mettre en lumière ici. En effet, le modèle économique de la sûreté s’apparente à un marché interne à la SNCF entre une offre et une demande de sécurité. Alors que l’entreprise ferroviaire s’est organisée en différentes activités (SNCF Infra pour les infrastructures ; SNCF Proximités pour les transports régionaux ; SNCF Voyages pour les grandes lignes ; SNCF Géodis pour le transport de marchandises et la logistique ; Gares & Connexions pour la gestion des gares)147, la Sûreté est demeurée un département transversal. Ainsi, chaque Direction de zone sûreté SNCF passe des contrats