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C - L’affirmation récente de la prééminence du niveau régional

Dans le document LA CONDUITE PAR L ETAT DE LA DECENTRALISATION (Page 117-121)

La Cour, à la suite d’une enquête sur le rôle des préfets dans la préparation et l’exécution des budgets de l’Etat de 2006 et 2007, avait rappelé dans un référé adressé au Premier ministre et aux ministres concernés la nécessité d’une réforme en profondeur : « L’ambition de transformer la carte territoriale de l’Etat pour faire prévaloir l’autorité hiérarchique des préfets de région et restructurer les services déconcentrés est publique et périodiquement réaffirmée depuis des lustres. Elle n’a été conduite qu’incidemment ».

Des évolutions récentes sont intervenues à cet égard.

1 - La région retenue comme niveau d’organisation de l’Etat déconcentré

La nécessité de resserrer l’organisation de l’Etat dans le contexte de la décentralisation n’est pas seulement celle d’une rationalisation de ses services. Elle est aussi de les intégrer mieux dans une hiérarchie fonctionnelle et géographique claire et cohérente, de la région au département.

La loi du 13 août 2004, dans son article 131, avait entendu affirmer cette démarche en prévoyant que « le préfet de région anime et coordonne l’action des préfets des départements de la région ». Elle énumère toutes les politiques de l’Etat qui relèvent de son autorité et précise que dans ces domaines « les préfets de département prennent des décisions conformes aux orientations fixées par le préfet de région ». Les décrets de 2004 portant sur la réforme de l’administration déconcentrée concrétisent ce mouvement, l’article 3 du décret du 29 avril 2004 disposant que « le préfet de région détermine les orientations nécessaires à la mise en œuvre des politiques nationales et il les notifie aux préfets de départements qui s’y conforment. »

Pour autant, force est de constater que ces textes sont restés largement privés de portée en l’absence d’une réorganisation volontariste en parallèle des services déconcentrés.

2-La RGPP, accélérateur de réforme

La revue générale des politiques publiques a très fortement accéléré la réforme de l’organisation territoriale de l’Etat, en passant d’une méthode progressive fondée sur la coopération entre services à une restructuration effective et globale de ces services territoriaux.

Des circulaires du Premier ministre de juillet et décembre 2008 ont engagé en effet une complète refonte des services déconcentrés en affirmant très clairement le principe de prééminence de l’échelon régional, désigné comme « niveau de droit commun du pilotage des politiques publiques ».

L’organisation régionale, homogène car constituant la nouvelle armature de l’Etat, reposera désormais sur huit structures regroupant les anciennes directions, y compris le rectorat, la direction régionale des finances et l’agence régionale de santé. L’organisation départementale en revanche, sera, dans une logique différente, modulée selon l’importance démographique du département sur la base de deux ou trois directions départementales (population et/ou cohésion sociale et territoires), aux

côtés de l’inspection d’académie, de la direction départementale des finances publiques et des services de sécurité. L’objectif de

« la mutualisation départementale des fonctions support permettant d’alléger les moyens et de développer des fonctions opérationnelles » est par ailleurs fortement rappelé.

La centralisation de la conduite des politiques publiques au niveau régional, le droit d’évocation donné au préfet de région, son autorité hiérarchique affirmée sur les préfets de département, le poids des services dont il dispose et sa maîtrise des budgets déconcentrés en font désormais ainsi l’interlocuteur majeur des grandes collectivités territoriales, quel que soit leur échelon, y compris notamment les départements qui pour la mise en œuvre souvent conjointe avec l’Etat de diverses politiques publiques ne nouaient en général pas le dialogue à ce niveau. Même s’il est insisté sur le fait que le préfet de département reste l’interlocuteur privilégié des élus territoriaux, de nouvelles pratiques de concertation ne manqueront pas en effet de se faire jour.

C’est donc une reconfiguration extrêmement profonde qui s’affirme ainsi cinq ans après l’ « acte II » de la décentralisation et marque l’aboutissement d’un processus très précautionneux et hésitant de réforme de l’administration déconcentrée de l’Etat.

D- L’insuffisante réorganisation des administrations centrales

Sans méconnaître l’imbrication fréquente des compétences entre l’Etat et les collectivités territoriales, qui requiert le maintien de moyens de pilotage et d’animation, ni l’absolue nécessité de conserver une administration apte à préparer les textes législatifs et réglementaires indispensables à la définition et à la mise en œuvre des politiques publiques, à en contrôler le respect et à en évaluer les effets, ni le besoin de disposer d’outils de suivi au niveau national, force est de constater que certaines administrations centrales, particulièrement touchées par les vagues successives de décentralisation, sont restées relativement figées en dépit de l’ampleur de ce mouvement.

Certains ministères ont profondément modifié leur organisation interne et l’impact de la décentralisation qui n’était qu’un élément parmi d’autres a été pris en compte. L’enquête récente de la Cour sur les effets de la décentralisation sur l’administration du ministère en charge de l’équipement fait ressortir que, si la réorganisation de 2007 a visé avant tout à tirer les conséquences de la LOLF et de la privatisation autoroutière, le transfert du réseau routier national et des grands équipements de rang régional a été pris en compte dans la disparition de

la direction générale des routes et la création d’une direction générale des infrastructures de transports et de la mer, comme par la redéfinition du rôle de l’administration centrale dans le pilotage des services déconcentrés.

Dans d’autres cas, et alors même que des ministères voient leurs compétences profondément modifiées par la décentralisation, la réactivité n’a pas été à la hauteur des enjeux, qu’il s’agisse de la redéfinition des missions, de l’ajustement des effectifs ou de la reconfiguration des structures.

Il en a été ainsi en particulier dans le domaine de l’action sociale.

Les effectifs de l’administration centrale en charge de ce secteur ont augmenté entre 1985 et 2006 de 21 %. Certes une légère inflexion se note à partir de 2003, mais cette baisse, de l’ordre de 6 % en fin de période, a été trop faible pour compenser la création de postes au sein de la caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, qui pourtant reprenait une partie des compétences de la direction générale de l’action sociale (DGAS).

Ainsi l’effectif global des administrations centrales en charge de l’action sociale a-t-il crû de 23 % sur la période 2003-2006, alors que durant la même période le personnel des services déconcentrés diminuait au même rythme.

La DGAS notamment n’a fait l’objet d’aucune réorganisation après les transferts de compétences opérés par les lois de 2002 (création de l’APA), de 2003 (transfert du RMI) et de 2005 (création de la PCH), ainsi que par les lois de 2004 créant un nouvel opérateur (la caisse nationale de solidarité pour l’autonomie) et réaffirmant la place centrale des départements dans ces domaines.

Pendant cette période, les administrations sociales, et la DGAS en particulier, ont certes eu à faire face, à un rythme très soutenu, à des modifications législatives et réglementaires, y compris dans le champ décentralisé. Si ces justifications peuvent être entendues, corroborant le sentiment de brouillage dans la répartition des compétences, on comprend cependant que les élus et les citoyens restent très dubitatifs face à des administrations centrales qui conservent voire accroissent leurs moyens et ne revoient pas leur organisation alors qu’elles perdent une part considérable de leur activité et de leur réseau territorial.

A cet égard, le projet récent de transformation de la DGAS en direction générale de la cohésion sociale, recentrée sur le pilotage des politiques sociales, l’animation des opérateurs du ministère et le soutien aux collectivités, et n’exerçant plus de responsabilité de gestion, semble, tardivement, mais complètement, tirer enfin toutes les conséquences de l’incidence de la décentralisation sur cette administration.

II - Un Etat insuffisamment informé sur

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