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E - Les insuffisances d’arbitrage

Les pouvoirs publics n’ont pas réussi à établir et à faire partager par les diverses parties prenantes une doctrine unifiée de la décentralisation. En outre, la méthode de concertation avec les collectivités et les organisations syndicales a accru naturellement, par le jeu du processus itératif de négociation, les risques de perte d’unité de

vues et de cohérence du dispositif, notamment par le refus d’arbitrages clarificateurs.

A diverses reprises, à l’occasion d’enquêtes sur les transports publics, la décentralisation aéroportuaire ou le tourisme, la Cour a mis en lumière les conséquences de cette situation.

1 - Les transports publics urbains et interurbains26

La loi du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs prévoyait la spécialisation d’autorités compétentes pour chaque mode de transport de voyageurs. Les lois qui l’ont modifiée n’ont pas fondamentalement remis en cause ce principe.

Le transport ferroviaire reste de la compétence des régions et de la SNCF pour ce qui concerne le réseau régional TER. Les services réguliers et les services à la demande de transport routier non urbain de personnes sont de la compétence des départements, à l’exclusion des liaisons d’intérêt national ou régional. Les transports urbains de personnes sont de la compétence des communes ou établissements publics locaux ayant reçu mission de les organiser. Les modalités d’interconnexion entre ces différents réseaux n’ont pas été définies par la loi, qui ne prévoit pas la possibilité de créer en province d’autorité organisatrice unique pour des réseaux mixtes. La seule éventualité offerte aux autorités organisatrices, depuis la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbain du 13 décembre 2000 (SRU), est d’instituer des syndicats mixtes pour coordonner leurs services, qui conservent leur spécificité et la plupart de leurs prérogatives.

Or, la frontière entre ces différents modes de transports apparaît de plus en plus perméable. Le caractère urbain ou interurbain, de même que ferroviaire ou routier, de certains services pose des problèmes de compétence aux autorités chargées de les organiser. C’est ainsi que l’article 33 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales a précisé « que les départements sont compétents pour créer ou exploiter des infrastructures de transports non urbains de personnes, ferrés ou guidés d’intérêt local » et que « à l’intérieur du périmètre de transports urbains, les dessertes locales des transports ferrés ou guidés établis par le département sont créées ou modifiées en accord avec l’autorité compétente pour l’organisation des transports urbains ».

26) Cour des comptes RPT 2005 Les transports publics urbains

In fine, la séparation maintenue entre les différentes catégories d’autorités organisatrices de transports collectifs de personnes, tout en étant rendue plus poreuse, entraîne l’intervention de plusieurs autorités de manière simultanée au sein d’un même périmètre urbain, selon la nature du transport.

La complexité de l’organisation des déplacements urbains rend pourtant indispensable la coordination des différentes autorités administratives concernées pour optimiser l’utilisation des réseaux et équipements existants et favoriser la complémentarité entre les modes de transport et la coopération entre les opérateurs.

Le ministère de l’équipement reconnaît ainsi qu’hors Île-de-France, la combinaison de l’achèvement de la décentralisation des autorités organisatrices et du mouvement de recomposition des intercommunalités autour d’agglomérations aux compétences très intégrées pose désormais de façon accrue la question de l’optimisation et de la mutualisation de l’organisation et du financement de réseaux relevant de compétences de collectivités différentes.

La loi SRU avait prévu à cet égard la constitution de syndicats mixtes regroupant des autorités organisatrices de transport autour de fonctions communautaires portant sur l’intégration tarifaire, l’information multimodale et la coordination des réseaux, avec la possibilité d’instituer un versement transport additionnel. Cette formule, fondée sur la libre volonté des autorités organisatrices de transport, n’a pas produit les résultats escomptés pour des raisons tenant à la fois aux difficultés d’institution du versement de transport additionnel et à l’absence des conseils régionaux dans ces formules de coopération.

Cette situation n’est pas satisfaisante, même au regard des contraintes liées au respect du principe de libre administration des collectivités territoriales, tant il est évident que les déplacements forment un continuum pour les usagers.

2 - La décentralisation aéroportuaire27

La loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales (article 28), prévoit le transfert aux collectivités territoriales et à leurs groupements des 150 aérodromes civils appartenant à l’Etat.

27) Cour des comptes RPT 2007 Les aéroports français face aux mutations du transport aérien.

La décentralisation des aéroports qui étaient demeurés sous l’entière responsabilité de l’Etat s’est faite sur la base des candidatures des collectivités ou groupements de collectivités désireux de bénéficier du transfert d’une infrastructure située dans leur ressort géographique. Les préfets de région ont été chargés d’assurer la concertation et, le cas échéant, l’arbitrage entre des collectivités présentant des candidatures concurrentes, avec cependant une priorité accordée à la région lorsque cette collectivité était candidate.

Les préfets devaient aussi désigner la collectivité bénéficiaire du transfert en cas d’absence de candidature. Les transferts devaient ensuite être formalisés par la signature d’une convention entre l’Etat et la collectivité bénéficiaire ou, à défaut d’accord, par un arrêté du ministre chargé de l’aviation civile.

Alors que la loi prévoyait la possibilité de réaliser des transferts dès le début de 2005, la signature de la grande majorité des conventions par les collectivités ne s’est faite qu’à partir de décembre 2006. La date limite du 1er janvier 2007 qui figurait dans la loi a dû être repoussée au 1er mars 2007 par une disposition de la loi de finances rectificative pour 2006. Cette situation peut notamment s’expliquer par la complexité du dispositif prévu par la loi et par la faible connaissance de l’activité aéroportuaire par certaines collectivités.

Si la méthode présente l’avantage de permettre des transferts sur la base du volontariat, elle conduit à un résultat très contrasté sur le plan territorial :

− 19 plates-formes ont été transférées à des régions, seules ou au sein d’un groupement ;

− 29 plates-formes ont été transférées à des départements, seuls ou au sein d’un groupement comprenant des communes ;

− 61 plates-formes ont été transférées à des communautés de communes ou à des syndicats intercommunaux ;

− 41 plates-formes ont été transférées à des communes.

Si cette décentralisation s’est opérée sans incident majeur et comporte des potentialités de transformation profonde du mode de gestion des aéroports, la méthode retenue conduit au maintien de l’éclatement et fait reposer la responsabilité principale de la rationalisation des infrastructures sur des collectivités territoriales diverses et leurs émanations multiformes, qui n’ont ni démarche concertée, ni intérêt convergent.

Il aurait paru plus logique de faire relever ces équipements d’un échelon unique de collectivité, celui dédié à l’aménagement du territoire, qui aurait été l’interlocuteur de l’Etat et aurait pu arrêter et partager avec lui une vision de la carte nationale de ce type d’infrastructures.

3 - Le tourisme 28

Les textes relatifs à la répartition des compétences entre l’Etat et les différentes collectivités, n’ont pas considéré le tourisme comme un secteur spécifique. Il n’existe pas de « bloc de compétence » en ce domaine. Aussi, chaque collectivité territoriale a-t-elle la faculté d’intervenir et d’initier des propres structures d’animation. Le tourisme est donc demeuré un domaine de compétence partagée.

Certes, la loi s’est efforcée de contenir les risques de chevauchements, de concurrences ou de gaspillages résultant de cette répartition éclatée des responsabilités par l’énoncé d’un principe de hiérarchisation des responsabilités par échelon. Mais cette hiérarchisation qui n’est assortie d’aucun pouvoir de contrainte reste sans effet, faute d’avoir prise sur les initiatives des collectivités de proximité et sur les structures qui sont leur émanation.

En outre, l'Etat conserve compétence pour procéder au classement des équipements touristiques. Même si la loi aménage et clarifie le statut des offices de tourisme, les responsabilités de chaque niveau territorial n'ont finalement pas été remises en cause en 2004, comme le prévoyait le projet initial.

II - L’échec d’une refonte profonde de la