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B - Des effectifs d’Etat globalement peu sensibles à la décentralisation

1 - Une réticence des administrations d’Etat à certains transferts L'une des caractéristiques de la deuxième décentralisation a été de maintenir le partage des compétences entre les différents échelons de pouvoirs publics, au premier rang desquels l’Etat, certes dans son rôle de garant de normes et dispositifs nationaux, mais aussi d’acteur territorial imbriqué avec les autres pouvoirs agissant au plan local. En matière de transports routiers, par exemple, l'Etat veille à la cohérence du réseau « au titre des itinéraires » pour lesquels il a même récemment créé des directions interdépartementales des routes. Il reste également en charge de la définition et du respect des normes de sécurité de ces infrastructures.

En matière de formation, il fixe le cadre qualitatif et exerce le contrôle

43) Cour des comptes – RPA 2009 – Tome II

pédagogique. Dans ces deux exemples, l'exercice des missions tant normatives que conceptuelles conduit l'Etat à conserver des personnels et des services sur les territoires.

Cet argument a souvent été avancé pour justifier des transferts restrictifs de personnels, les besoins étant difficiles à appréhender en raison de l’évolution et de la nouveauté des tâches. Si le souci de préserver des ressources humaines est légitime, il doit éviter d’une part, de fonder la critique des collectivités d’une insuffisante compensation et d’une rétention des personnels de l’Etat et, d’autre part, de créer des redondance d’ effectifs entre échelons publics, d’autant qu’étant donnés les principes de compensation, un transfert insuffisant engendre un surcoût pour l’Etat, qui doit assurer la rémunération des agents conservés tout en les compensant financièrement pour les collectivités concernées.

Une autre source de doublons entre l'administration de l'Etat et les collectivités territoriales est liée au périmètre retenu pour les transferts de services. En matière de voirie nationale, par exemple, seuls les personnels en postes départementaux ont été transférés, alors même que certaines des compétences étaient exercées par des agents des directions régionales de l'équipement. Leur reconversion au titre des compétences résiduelles a été l’argument mis en avant pour refuser leur basculement. En fait, c’est souvent la difficulté de mettre en œuvre la mobilité géographique des agents qui explique la position de l’administration.

De même, si la gestion des agents TOS était principalement assumée par les services académiques, la réalisation de la paie était effectuée par des personnels de la direction générale de la comptabilité publique, qui n'ont pas été transférés.

Certes, la prise en compte d'emplois ou de fractions d'emplois éclatés entre différents ministères aurait sans doute constitué un facteur de grande complexité, mais a contrario elle aurait évité à moyen terme des créations d’emplois dans la fonction publique territoriale.

2 - Des ajustements d’effectifs retardés jusqu’en 2006 Les mesures de décentralisation engagées depuis les années 1980 auraient dû se traduire, toutes choses égales par ailleurs (évolutions démographiques, durée de temps de travail, périmètres et modalités de l’action publique) par un allègement corrélatif des effectifs de l’Etat.

Or, de 1980 à 2006, les effectifs totaux de l’Etat ont augmenté de 351 271 agents, soit + 16,16 %.

a) L’acte I de la décentralisation a eu très peu d’impact sur les effectifs de l’Etat.

Les trois quarts des agents des directions départementales de l’action sanitaire et sociale (DDASS) travaillant dans la filière de l’action sociale dorénavant sous l’autorité des conseils généraux relevaient déjà de la fonction publique départementale (soit 53 600 sur 70 000 en 1982). Sur les personnels d’Etat restants, 6 500 ont été transférés. Ainsi, bien que ces directions déconcentrées aient perdu 83% de leur effectif, les départs de la fonction publique d’Etat ont été très limités alors que le mouvement d’ensemble pouvait paraître de grande ampleur.

Le départ des agents d’Etat chargés des routes départementales au sein des Directions départementales de l’équipement (DDE) a été freiné par un dispositif de mise à disposition de service auprès des conseils généraux sans transfert d’agents et reportant ultérieurement la partition de ces directions avec partage des personnels entre les deux fonctions publiques. Ainsi, le glissement des agents fut peu significatif entre 1982 et 2004, date à laquelle seulement 50 % des conseils généraux avait mis en œuvre la procédure de partition et commencé à incorporer les personnels correspondants. Aussi, durant cette période, les transferts n’ont concerné que 3 700 emplois. De surcroît, des reclassements de missions et budgets entre l’Etat et les départements après la première décentralisation ont entraîné la prise en charge par l’Etat d’un nombre quasi équivalent d’emplois auparavant supportés par les conseils généraux. A la veille de la loi de 2004, le bilan pour l’Etat des transferts au titre de l’Equipement était ainsi presque nul.

Enfin la décentralisation des lycées et collèges n’emportait pas de conséquences en termes de transfert de personnels de l’Etat car les collectivités n’avaient qu’une responsabilité immobilière et non d’entretien.

Au total, cette première période s’est soldée par des transferts très modestes, de l’ordre de 10 000 agents, en raison notamment du mode de décentralisation des services du ministère de l’équipement qui a eu pour effet de freiner les ajustements locaux de ses effectifs.

b) - L’impact sur les effectifs devient en revanche très marqué avec l’acte II de la décentralisation

93 000 agents TOS de l’éducation nationale et 35 000 agents des ministères chargés de l’équipement et de l’agriculture sont concernés (plus 260 agents du ministère de la culture). Au total les effectifs

concernés par la loi de 2004 atteignent près de 128 000 agents, auxquels il faut ajouter ceux concernés par la loi de 2003 portant sur le RMI et les dispositifs sociaux d’insertion (de l’ordre de 600 emplois).

Fin 2008, il restait au titre de la décentralisation un peu moins de 20 000 agents à transférer. Le mouvement a donc été massif et rapide.

Ainsi la décentralisation ne commence à avoir des effets réellement significatifs sur le volume des effectifs de l’Etat qu’à partir de 2006 et sur ses dépenses de personnel plus tardivement encore en raison des délais d’option laissés aux agents entre les deux fonctions publiques.

L’effet d’allégement de l’Etat grâce à la décentralisation a été jusqu’à présent dilué et différé. Il faut donc veiller à profiter de l’effet massif des transferts en cours pour adapter la fonction publique d’Etat, tant au plan territorial que central, à cette nouvelle étape.

La réduction des effectifs de l’Etat de 8,5 % entre 2006 et 2009, soit de 4,5% en neutralisant la baisse des effectifs militaires, amorce ce mouvement.