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CHAPITRE III : L’ADMINISTRATION ÉCLAIRÉE DES AUGUSTINES : DES

2. L’administration seigneuriale derrière le cloître : « le conseil de nos amis »

3.3 L’affermage comme alternative à l’administration derrière le cloître

À une seule occasion, les hospitalières baillent à ferme la seigneurie et le moulin de Saint-Augustin, d’octobre 1801 jusqu’en 1806, à Mathew MacNider103. Celui-ci possède

déjà les seigneuries des Grondines et de Bélair et il devient fermier des Ursulines à Sainte- Croix et Portneuf en même temps qu’à Saint-Augustin de Maur104. Mathew MacNider doit,

selon les termes de son bail emphytéotique, donner chaque année aux Augustines pour le

99 AMA, Fonds Hôtel-Dieu de Québec, papiers de la Seigneurie de Saint-Augustin, F5-D4,4, Notaire

François-Xavier Larue, Plan de la Seigneurie de Demaure appartenant aux pauvres de l’hotel-Dieu d’après mesurages sur les lieux fait a la requisition des Reverendes Dames hospitalières de Québec, 1847.

100 AMA, Fonds de l’Hôtel-Dieu de Québec, papiers de la seigneurie de Saint-Augustin, F5D4,4/5 : 5, Letters

Patents de Terrier for the Seigniory of Demaure Otherwise Called St Augustin, January 11th 1848.

101 AMA, Fonds de l’Hôtel-Dieu de Québec, papiers de la seigneurie de Saint-Augustin, F5D4,4/5 :5,

Procuration l’Hôtel-Dieu de Québec en qualité à Joseph Petitclerc Ecuier, 2 juin 1848.

102 Voir la section 4 pour plus de détails. Grenier, « "Le dernier endroit dans l'univers" », loc cit., p. 79-80. 103 AMA, Fonds de l’Hôtel-Dieu de Québec, papiers de la seigneurie de Saint-Augustin, F5D4,4/28 :1, Lettre

de Monseigneur Joseph-Octave Plessis à la mère de Saint-François supérieure de l’Hôtel-Dieu, 13 octobre 1801.

moulin banal 600 minots de blé en plus de 3600 livres pour la seigneurie, payables en trois versements de 1 200 livres105. Difficile de savoir pour quelle raison les religieuses baillent

à ferme la seigneurie à ce moment particulier près de 75 ans après son acquisition. Peut- être est-ce parce que, comme les Ursulines de Québec, l’administration seigneuriale constitue un fardeau de plus en plus important pour elles106. La signature d’un bail

emphytéotique tend à le démontrer. Ce type de bail est habituellement signé pour plus de 18 ans et est transmissible à des héritiers. Il confère un véritable droit portant hypothèque, pouvant être cédé et saisi. En échange de faibles redevances de la part du fermier, le seigneur n’a rien à entretenir, mais il redevient propriétaire de toutes les améliorations faites dans la seigneurie et du moulin à la fin du bail107. Or, les religieuses en ont

probablement assez d’administrer la seigneurie de Saint-Augustin et c’est pour cette raison qu’elles souhaitent se départir de sa gestion pour aussi longtemps. On peut voir que les concessions sont achevées en 1801 puisque le nombre de censitaires n’est que de 243108

alors qu’en 1782 il est de 242. Leur nombre n’augmente plus parce qu’il n’y a plus de terres à concéder109, ce qui est certainement un élément favorisant le choix des hospitalières de

bailler à ferme le fief et son moulin. Les religieuses préfèrent probablement être rentières, la seigneurie étant entièrement peuplée.

105 AMA, Fonds de l’Hôtel-Dieu de Québec, F5 D2,1/4, Hôpital. Recettes et Dépenses, 1776-1825, p. 236. 106 Barthe, loc. cit., p. 90-93.

107 Serge Braudo et Alexis Baumann (2016), « emphytéose », Dictionnaire du droit privé [site Web], consulté

le 5 mai 2016, http://www.dictionnaire-juridique.com/definition/emphyteose.php

108 AMA, Fonds de l’Hôtel-Dieu de Québec, papiers de la seigneurie de Saint-Augustin, F5 D4,4/5,

Tableau des cens et rente [sic] fonciers de la seigneurie Demaure dite St-augustin, 14 février 1801.

109 SHSAD, (copie numérisée du document original propriété de M. Vallin de Saint-Augustin-de-

Desmaures), Cayer de notes du notaire André Genest contenant la formule du papier Terrier de la

Seigneurie de Saint Augustin Cy devant De Demaure en 1751, le Censier de 1751 et le Dénombrement de 1782, 2 octobre 1782.

Dès le début du bail toutefois, tout semble aller de travers. La dépositaire des pauvres envoie une lettre à MacNider, le 4 juin 1802, pour lui demander de se dépêcher d’acquitter sa part du marché, l’Hôtel-Dieu étant obligé d’acheter 150 minots de blé sur le marché pour nourrir les pauvres. La Sœur de Saint-Gabriel espère payer ces minots pris à crédit lors de la réception des 200 minots dus sur le moulin depuis l’année précédente110.

MacNider rembourse directement au marchand les 150 minots 7 jours plus tard111. La

dépositaire doit cependant revenir à la charge le 9 août 1802 puisque le paiement de 50 louis traîne depuis mai : « je [Dépositaire] vous prie Mr [MacNider] de vouloir bien acquitter le payement »112. MacNider essaie toujours de gagner du temps pour les

paiements comme le démontre ses réponses évasives113.

La dépositaire envoie une lettre encore plus insistante en septembre 1802 qui dévoile bien que les religieuses sont à leur affaire et qu’elles gèrent minutieusement les biens des pauvres (ANNEXE G). Elle s’exprime en ces mots : « je suis mortifiée Mr que les termes prescrits par votre bail pour le payement en argent ne vous conviennent pas […]114 ». Mathew MacNider se défend de ne point payer par le fait qu’il attende les

meilleurs prix pour vendre les 200 minots du moulin, ce à quoi la dépositaire répond qu’elle ne saurait porter seule le poids du marché désavantageux alors que lui en tire profit115. Cet

110 AMA, Fonds de l’Hôtel-Dieu de Québec, papiers de la seigneurie de Saint-Augustin, F5D4,4/28 :2, Lettre

de Sœur Saint-Gabriel dépositaire des pauvres à Mathew MacNider, 4 juin 1802.

111 AMA, Fonds de l’Hôtel-Dieu de Québec, papiers de la seigneurie de Saint-Augustin, F5D4,4/28 :3, Lettre

de Mathew MacNider à Sœur Saint-Gabriel dépositaire des pauvres, 11 juin 1802.

112 AMA, Fonds de l’Hôtel-Dieu de Québec, papiers de la seigneurie de Saint-Augustin, F5D4,4/28 :4, Lettre

de Sœur Saint-Gabriel dépositaire des pauvres à Mathew MacNider, 9 août 1802.

113 AMA, Fonds de l’Hôtel-Dieu de Québec, papiers de la seigneurie de Saint-Augustin, F5D4,4/28 :5, Lettre

de Mathew MacNider à Sœur Saint-Gabriel dépositaire des pauvres, 9 août 1802.

114 AMA, Fonds de l’Hôtel-Dieu de Québec, papiers de la seigneurie de Saint-Augustin, F5D4,4/28 :7, Lettre

de Sœur Saint-Gabriel dépositaire des pauvres à Mathew MacNider, 8 septembre 1802.

115 AMA, Fonds de l’Hôtel-Dieu de Québec, papiers de la seigneurie de Saint-Augustin, F5D4,4/28 :8, Lettre

échange de politesses se poursuit sur pas moins de 79 autres lettres, la situation allant en se dégradant de 1802 à 1806116. En 1805, les dettes de MacNider envers les pauvres

deviennent rapidement impayables. Il doit 3 936 livres 8 sols à la fin de l’année 1805 et 6 336 livres 8 sols en 1806117. Prises avec ce fermier qui ne paie pas ce qu’il doit, les

religieuses demandent l’adjudication du bail à ferme ainsi que celle des biens de Mathew MacNider. Le prix de l’adjudication déboursé, les pauvres ont une créance de 7 920 livres sur les biens du fermier. Tous les biens de MacNider vendus aux enchères, les pauvres ont :

reçu de Mr James Shepherd Shériff par les mains de Mr Berthelot pour solde de compte avec Mr MacNider, la somme de cent deux livres huit Cheling deux sols courant, adjugés par la Sentence de distribution des deniers de la vente des biens du dit Mth MacNider, sur la

somme de 492 livres 8 cheling 2 sols qui était due déduisant 330 livres pour le prix de l’adjudication du bail du moulin et seigneurie demaure paroisse St-Augustin118.

C’est tout ce que les pauvres tirent de l’enchère. Pas étonnant que les Augustines se chargent elles-mêmes de la gestion de la seigneurie par la suite étant donné l’expérience ruineuse vécue avec le fermier Mathew MacNider : les pauvres enregistrent une perte nette de près de huit mille livres. Dans la seconde moitié du XIXe siècle, les religieuses auront

encore à s’adapter, cette fois-ci, à un événement décisif dans la gestion de Saint-Augustin de Maur : l’abolition de la tenure seigneuriale.