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L’administration seigneuriale guidée par les papiers-terriers et les censiers

CHAPITRE III : L’ADMINISTRATION ÉCLAIRÉE DES AUGUSTINES : DES

2. L’administration seigneuriale derrière le cloître : « le conseil de nos amis »

3.2 L’administration seigneuriale guidée par les papiers-terriers et les censiers

Les papiers-terriers sont les documents les plus importants si on cherche à comprendre le régime seigneurial. Alain Laberge les définit bien en expliquant leur importance pour le seigneur :

84 Supra chapitre IV section 2.2.

85 Il nous est impossible de faire une étude statistique des lods et ventes au XVIIIe siècle puisqu’ils sont

souvent confondus dans le registre avec les cens et rentes et même les arrérages. Au XIXe siècle, ils sont le

plus souvent notés distinctement. Malheureusement, nous n’avons pas de livre de compte pour l’Hôtel-Dieu après 1826, ce qui limite notre étude du XIXe siècle et nous force à combler les manques à l’aide d’autres

sources. AMA, Fonds de l’Hôtel-Dieu de Québec, F5 D2,1/4, Hôpital. Recettes et Dépenses, 1776-1825, p. 172, 183, 187, 191, 210, 227, 255, 287, 295, 302, 309, 316, 322, 337, 345, 356, 367, 386, 395, 415, 416, 431.

86 Toutes les terres de la seigneurie ont été concédées en 1801. AMA, Fonds de l’Hôtel-Dieu de Québec,

papiers de la seigneurie de Saint-Augustin, F5 D4,4/5, Tableau des cens et rente [sic] fonciers de la seigneurie Demaure dite St-augustin, 14 février 1801.

87 Nous en parlerons en détail au chapitre 4. AMA, Fonds Hôtel-Dieu de Québec, papiers de la Seigneurie de

Saint-Augustin, F5-D4,4, Notaire François-Xavier Larue, Plan de la Seigneurie de Demaure appartenant aux pauvres de l’hotel-Dieu d’après mesurages sur les lieux fait a la requisition des Reverendes Dames hospitalières de Québec, 1847.

Un papier-terrier seigneurial est un document qui rassemble les déclarations et reconnaissances des censitaires relatives à leurs possessions foncières dans un fief et aux charges et redevances envers le seigneur. D'un point de vue administratif, un tel document possède une valeur indéniable : il permet au seigneur de faire le point de façon précise sur l'identité de ses débiteurs et sur les montants auxquels il a droit. Par contre, le papier-terrier devient rapidement un document dépassé, dans la mesure où les mutations de la propriété foncière à l'intérieur de la seigneurie modifient sans cesse les informations qu'il contient88.

Une fois confectionné, on le tient à jour par des annotations lors des mutations, ce qui permet de le conserver un certain temps. Le papier-terrier étant une liste des censives et des droits qui y sont dus, on doit l’accompagner d’un censier pour savoir ce que chacun doit89. Un censier est un registre contenant la liste des censitaires d’une seigneurie et ce qui

est dû en cens et rentes par chacun90.

Les papiers-terriers et les censiers ont été utilisés par les historiens québécois spécialistes de l’histoire rurale comme Sylvie Dépatie, Mario Lalancette, Christian Dessureault ou Allan Greer depuis les années 198091 pour montrer un durcissement du

régime seigneurial au XVIIIe siècle en comparaison du siècle précédent. Si en France

d’Ancien Régime, ils sont utilisés pour légitimer les prétentions des seigneurs sur leur fief, ces outils sont mis en place au début du XVIIIe siècle au Canada à mesure que la population

s’accroît par souci de saine gestion92. La confection de papiers-terriers est contraignante

88 Alain Laberge, « Seigneur, censitaires et paysage rural : le papier-terrier de la seigneurie de la Rivière-

Ouelle de 1771 », Revue d'histoire de l'Amérique française, vol. 44, n° 4, 1991, p. 569.

89 Sylvie Dépatie, « La seigneurie de l’Île-Jésus au XVIIIe siècle », dans Sylvie Dépatie, Mario Lalancette

et Christian Dessureault, Contributions à l’étude du régime seigneurial canadien, Montréal, Hurtubise HMH, 1987, p. 76.

90 André Larose, « Publications relatives aux terriers et autres documents fonciers de l’aire seigneuriale au

Québec », dans Benoît Grenier et Michel Morissette, dir., Nouveaux regards en histoire seigneuriale au

Québec, Québec, Septentrion, 2016, p. 445.

91 Idem., « Un terrier en pièces détachées : les titres nouvels de la seigneurie de Beauharnois (1834-1842) »,

dans Grenier et Morissette, dir., Nouveaux regards, op cit., p. 118-119.

pour les censitaires qui doivent présenter leurs titres de concession ainsi que payer ce qui est dû au seigneur qui surveille minutieusement les droits à l’aide de ces documents93.

Les Augustines vont contribuer à la systématisation de leur administration du fief de Saint-Augustin en mettant en place des outils de gestion de ce genre. À ce que nous en savons, les Juchereau n’en ont jamais confectionné. Le premier d’entre eux est le papier- terrier dressé par les notaires Dulaurent et Genest entre 1743 et 175394. Nous en avons une

copie (1751) dans le cahier de notes du notaire Genest ainsi que du censier de Saint- Augustin95. Les procureurs des pauvres semblent s’en servir jusqu’en 1801, année où les

Augustines font dresser un autre censier96. En 1782, le notaire Genest confectionne un aveu

et dénombrement qui lui permet de mettre à jour ses documents en annotant les changements de propriétaires97. Les procureurs se servent aussi d’un livre de compte pour

prélever les droits seigneuriaux. Il contient un censier (celui de 1801) et une liste des propriétaires des censives. Le tout est mis à jour constamment entre 1803 et 1840 par des annotations98. Cependant, il finit par être dépassé. Les nombreuses mutations du XIXe

siècle, causées par le morcellement des terres et par la mise en place d’un village à Saint- Augustin, obligent les Augustines à actualiser le papier-terrier de la seigneurie tout comme

93 Françoise Noël, The Christie’s Seigneuries: Estate Management and Settlement in the Upper Richelieu Valley, 1760-1854, Montréal, McGill-Queen’s University Press, 1992, Coll. « Studies on the History of

Quebec », p. 399-400.

94 Larose, « Publications relatives aux terriers », dans Grenier et Morissette, dir., Nouveaux regards, op cit.,

p. 448.

95 SHSAD, (copie numérisée du document original propriété de M. Vallin de Saint-Augustin-de-Desmaures),

André Genest, Cayer de notes contenant la formule du papier Terrier de la Seigneurie de Saint Augustin Cy devant De Demaure en 1751, le Censier de 1751 et le Dénombrement de 1782, 2 octobre 1782.

96 AMA, Fonds de l’Hôtel-Dieu de Québec, papiers de la seigneurie de Saint-Augustin, F5 D4,4/5, Tableau

des cens et rente [sic] fonciers de la seigneurie Demaure dite St-augustin, 14 février 1801.

97 SHSAD, (copie numérisée du document original propriété de M. Vallin de Saint-Augustin-de-Desmaures),

André Genest, Cayer de notes contenant la formule du papier Terrier de la Seigneurie de Saint Augustin Cy devant De Demaure en 1751, le Censier de 1751 et le Dénombrement de 1782, 2 octobre 1782.

98 AMA, Fonds de l’Hôtel-Dieu de Québec, papiers de la seigneurie de Saint-Augustin, F5 D4,4/36, Livre

elles l’ont fait pour le plan de Maur de 184799. Le 11 janvier 1848, les Augustines

obtiennent les lettres patentes pour la confection d’un autre papier-terrier100. Le 2 juin de

la même année, une procuration est donnée à Joseph Petitclerc, notaire et écuyer, pour sa rédaction101. Toutefois, le document n’est jamais complété. Il n’existe pas dans les

archives. Il a peut-être été commencé en 1848, mais abandonné en raison de l’abolition du régime seigneurial. Les Augustines n’ont aucun intérêt à poursuivre la dépense d’un papier- terrier alors qu’on a aboli les droits seigneuriaux. D’ailleurs, des commissaires sont envoyés partout dans les seigneuries pour évaluer la valeur de ces droits, de sorte d’indemniser les seigneurs102. Une autre stratégie des Augustines permet de comprendre

leur gestion seigneuriale : l’affermage de la seigneurie et du moulin dès le début du XIXe

siècle pour une courte durée.