• Aucun résultat trouvé

Depuis 2005, l’adoption d’Internet et des technologies numériques, dont nous venons de parler, s’est accompagnée de l’adoption de nouveaux canaux de communication : les médias sociaux. Selon Proulx, Millette et Heaton (2012), l’expression « médias sociaux » regrouperait une diversité de sites de consultation, de production et de publication de contenus, « tels que les blogues (indépendants, Blogger, Thumbler), les wikis (Wikipédia, WikiTravel), les sites de réseaux socio-numériques (Facebook, LinkedIn), les microblogues (Twitter, Jaiku), le bookmarking collectif (del.icio.us, Diigo), le partage de contenus

médiatiques comme la musique (Blip.fm, Las.fm), les photos (Flickr, Instagram) et les vidéo (YouTube, Vimeo) » (p. 4, les parenthèses sont des auteurs).

boyd2 (2008) définit quant à elle les médias sociaux non seulement comme des canaux de diffusion de contenu, mais aussi comme des technologies de consultation et de production de contenus, car ils permettent à la fois d’enregistrer et d’écrire des contenus, puis de les éditer et de les rendre accessibles en ligne. Dans le domaine de la recherche anglophone en communication médiatique, les médias sociaux dont nous parlons ici sont parfois nommés « digital media » (médias numériques) (Drotner, 2008) ou « networked publics » (espaces publics en réseaux) (boyd, 2011). Pour notre part, nous continuerons à les nommer « médias sociaux », puisque nous voulons insister sur leur distinction par rapport aux médias « de masse ». Nous voulons mettre l’accent sur la nature des contenus des médias sociaux (ils sont produits par des individus vivant en société, dans le cadre d’activités non rémunérées), plutôt que sur leur mode de fonctionnement technique (le numérique).

Nous considérons donc ici que les médias sociaux se distinguent des médias « de masse » de par le fait qu’ils offrent la possibilité aux individus branchés à Internet de publier en ligne leurs propres productions informationnelles, puis de les diffuser à destination d’un public (Proulx et Millerand, 2010). Ce public peut être le réseau social « traditionnel » du producteur de contenus (sa famille, ses amis, ses collègues), ou encore un public plus large intéressé par les contenus diffusés par le producteur (un public constitué autour d’un objet d’intérêt). Dans la première situation, les membres du public sont généralement nommés « amis » (friends) (surtout dans le cas de Facebook), et dans la deuxième situation, ils sont généralement nommés « suiveurs » (followers) (surtout dans le cas de Twitter) ou « abonnés » (subscribers) (surtout dans le cas de YouTube).

Il ne faut toutefois pas manquer de spécifier que les médias sociaux ne sont pas que des plateformes de publication de contenus produits par des « amateurs ». Selon Burgess et Green (2009), YouTube, par exemple, est caractérisé par une double dynamique, à la fois « top-

down » et « bottom-up ». C’est-à-dire que ce média accueille à la fois des contenus provenant

des industries culturelles et des contenus produits par des producteurs de contenus amateurs. D’autres observateurs partagent cette distinction proposée par Burgess et Green. Par exemple, Kim (2012) oppose pour sa part ce qu’elle appelle les contenus générés professionnellement (professionally generated content) aux contenus générés par les usagers (user-generated

content). Susarla, Oh et Tan (2012) parlent quant à eux de « corporations » et de « créateurs »

pour marquer cette distinction. Weaver, Zelenkauskaite et Samson (2012), à leur tour, parlent plutôt de « professionnels » et « d’amateurs » pour désigner les deux grands types de producteurs de contenus dont il est question ici. Enfin, certains, dont Hein (2011), parleront plutôt de « fan(s) » pour désigner les créateurs amateurs qui produisent des contenus faisant écho aux produits des industries culturelles (par exemple les producteurs de contenus sur Star

Wars ou Harry Potter).

Selon l’étude de Burgess et Green (2009), fondée sur l’identification du contexte de production des 4320 vidéos YouTube les plus visionnées entre août et novembre 2007, 50,3 % des vidéos publiées dans YouTube seraient des vidéos amateures, et 41,9 % seraient des vidéos publiées par des industries culturelles (7,7 % des vidéos analysées ont été classées dans la catégorie des contenus dont la provenance est non identifiable). Parmi les 50,3 % de vidéos amateures identifiées par les chercheurs, on comptait, entre autres, 40 % de « vlogues » (une forme de contenu où le vidéaste s’improvise chroniqueur et s’adresse à son public face à la caméra), 15 % de vidéos musicaux créés par des amateurs (des hommages de fans ou des vidéos d’animation accompagnant une piste musicale de fond), 13 % de vidéos live (des performances musicales, des scènes sportives), 10 % de contenus dits « informationnels » (des bulletins de nouvelles amateurs, des critiques culturelles, des entrevues), et 8 % de contenus dits « scriptés » (scripted material), comme des sketches humoristiques.

Selon une enquête du CEFRIO (2014b) menée auprès « d’environ 1000 Québécois » (c’est ce que le rapport mentionne), 85,0 % des adultes branchés à Internet seraient abonnés à au moins un média social (soit 71,7 % de la population totale). Selon cette enquête, l’intérêt pour les médias sociaux serait le même, peu importe le revenu et le niveau de scolarité des individus. Ce serait essentiellement en fonction de leur âge que les internautes se distingueraient par rapport à leur intérêt pour les médias sociaux. En effet, chez les 18 à 25 ans, ce serait 100 % des personnes branchées à Internet qui seraient abonnés à un moins un

média social. Un chiffre qui passerait à 97,5 % chez les 25 à 34 ans. Selon l’enquête d’HabiloMédias (Steeves 2014a), 32 % des élèves de la 7e à la 11e année possèderaient un compte Facebook », alors que 82 % des élèves de la 4e à la 6e année en possèderaient un. Ce chiffre, qui grimpe progressivement d’année scolaire en année scolaire, atteint 95 % chez les élèves de la 11e année (5e secondaire)3.

Dans l’ensemble de la population québécoise, Facebook et YouTube font partie des « sites préférés » de respectivement 70,2 % et 70,9 % des gens (CEFRIO, 2014). Chez les 18 à 24 ans, 100 % affirment être des usagers de YouTube et 92 % affirment être des usagers de Facebook. En comparaison, chez ce même groupe d’âge, 27 % disent être des usagers de Google+, 22 % disent être des usagers de Twitter, 19,2 % des usagers de Pinterest, et 4,6 % des usagers de LinkedIn. C’est donc YouTube, qui, au final, trône au sommet des médias sociaux les plus utilisés par les jeunes de 18 à 24 ans. Chez les jeunes d’âge scolaire de la 4e à la 11e année (5e secondaire au Québec), le média social le plus apprécié est aussi YouTube. Selon l’enquête d’HabiloMédias (Steeve, 2014a), 75 % de ces jeunes le classe parmi leurs cinq sites préférés, sans distinction majeure eu égard à l’âge ou au sexe. En comparaison, 57 % classent Facebook parmi leurs cinq sites préférés.

Bien qu’une grande majorité d’adolescents soient désormais connectés à au moins un média social, il faut toutefois préciser que les chiffres rapportés ici varient en fonction des activités pratiquées dans les médias sociaux. Chez les 18 à 25 ans, par exemple, 100 % des internautes sont abonnés à un média social, mais 97,7 % disent consulter des contenus dans les médias sociaux, 92,0 % disent se connecter quotidiennement à un média social, 81,2 % disent y relayer des contenus, 74,7 % disent y interagir avec d’autres personnes, et 63,6 % disent y publier des contenus originaux (par exemple une photo d’eux dans Facebook).

3 Notons que même si Facebook est en théorie interdit aux jeunes de moins de 13 ans, ces derniers sont quand

même présents dans cet espace en ligne. Comme le montre le rapport d’HabiloMédias sur le thème de la vie privée en ligne chez les jeunes (Steeves, 2014b), 18 % des jeunes de la 4e année ont déjà déclaré être plus vieux

afin de pouvoir s’inscrire sur un site de réseautage social, un chiffre qui bondit à environ 50 % chez les jeunes de la 6e à la 8e année (âgés de 11 à 13 ans). Cette pratique n’est cependant pas exclusive aux plus jeunes, car chez les élèves de la 11e année (âgés de 16 ou 17 ans), ce sont 65 % des jeunes qui affirment avoir déjà déclaré être plus âgés, afin d’accéder à des contenus réservés aux 18 ans et plus.