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L'admission des contrats sur l'image par la jurisprudence

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Section 2 : La reconnaissance du droit patrimonial à l’image

1) L'admission des contrats sur l'image par la jurisprudence

100. Première étape : l’autonomie du droit à l’image. La reconnaissance de la validité des contrats ayant pour objet l’image, a été progressive. Si dès les années 80, certaines décisions des juges de première instance ont reconnu la validité de ces contrats et ont même proclamé l’existence d’un droit patrimonial à l’image338, la jurisprudence a pris un tournant en faveur de la contractualisation de l’image dans les années 2000. En effet, « le phénomène [de patrimonialisation du droit à l’image] est apparu lorsque la jurisprudence a consacré juridiquement l’autonomie du droit à l’image ; c’est cette consécration qui s’est révélée être le facteur déclenchant décisif »339. Grâce à un arrêt en date du 12 décembre 2000340, la première pierre à l’édifice a ainsi été posée. La reconnaissance du droit d’interdire la captation et la diffusion de son image, en dehors de toute atteinte à sa vie privée, signifie qu’un monopole sur l’image est conféré341. À partir de cet instant, la contractualisation de l’image est envisageable.

101. Deuxième étape : Affaire Johnny Hallyday342. Par la suite, la Cour d’appel de Versailles du 22 septembre 2005, à propos du droit à l’image de Johnny Hallyday, va affirmer sans détour que « dès lors que le droit à l’image revêt les caractéristiques essentielles des attributs d’ordre patrimonial, il peut valablement donner lieu à l’établissement de contrats, soumis au régime général des obligations ». En l’espèce, les magistrats devaient se demander si la société de calendrier qui avait utilisé l’image de Johnny Hallyday alors même que ce

338 V. notamment : TGI Lyon, 17 décembre 1980, ASVEL Basket et Gilles c/Stés Lumière et Euro-Advertising : D. 1981, jurisp. p.203 ; TGI Aix-en-Provence, 1ère ch., 24 nov. 1988, Aff. dite Raimu, JCP G 1989, II, 21329, note de J. HENDERYCKSEN ; RTD civ. 1990, p.126, obs. J. PATARIN.

339 T. HASSLER, op.cit.

340 Cass. civ. 1ère, 12 déc. 2000, n°98-21.161, JurisData n°2000-007308, Bull. civ. I, n°34 ; D. 2001, p.2434, note J.-C. SAINT-PAU ; Comm. com. électr. 2001, comm. 34, obs. A. LEPAGE ; Cass. civ. 1ère, 10 mai 2005, n°02-14.730, JurisData n°2005-028325, Bull. civ. I, n°206, D. 2005, Pan. 2643, obs. A. LEPAGE, Gaz. pal. 2006, somm. 4137, obs. GUERDER ; RTD civ. 2005, 572, obs. J. HAUSER.

341 T. HASSLER, op.cit., « La place est faite pour un contrôle des individus sur l’exploitation de leur image, ce qui n’aurait pas été le cas si l’atteinte à l’image était restée sous la dépendance du respect dû à la vie privée ».

342 CA Versailles, 12e ch. 2e sect., 22 sept. 2005, SAS Calendriers Jean Lavigne c/ Sté Universal Music et al. : Légipresse 2006, n°232, III, p.109, note J.-M. BRUGUIÈRE ; D. 2066, p.2705, obs. L. MARINO ; Comm. com.

électr. 2006, comm 4, obs. C. CARON ; D.2006, Pan. 2705, obs. A. LEPAGE. V. également : CA PAris, 4e ch., sect. A, 14 nov. 2007, n°07/00168 : JurisData n°2007-349990 ; Comm. com. électr. 2008, comm. 18, note C.

CARON ; Légipresse 2008, n°250, III, p.41, note P. GUEZ : « Lorsque l’image d’une personne acquiert une valeur pécuniaire du fait de l’activité professionnelle de cette personne, sa reproduction, sans son autorisation, constitue une atteinte à ses droits patrimoniaux ».

dernier avait concédé à la société Universal Music le droit exclusif de reproduire son image n’avait pas commis un acte de concurrence déloyale. La Cour devait, pour cela, se saisir de la question de la validité d’une telle convention. Sa réponse est dénuée d’ambiguïté : le contrat conclu entre la Société Universal et Johnny Hallyday est « parfaitement licite au regard du droit positif en vigueur ». Cette décision a évidemment fait le bonheur des défenseurs du droit patrimonial à l’image qui se sont réjouis que « la jurisprudence prenne enfin en compte la pratique contractuelle dans ce domaine »343. La Cour de cassation, quant à elle, se montre beaucoup plus modérée.

102. Troisième étape : Les hésitations de la Cour de cassation. Au fil des différents arrêts rendus en la matière, on ne peut que percevoir un certain malaise de la part de la Haute juridiction, relativement à cette question, entraînant des prises de positions déconcertantes, comme celle en date du 11 décembre 2008344. Dans cette affaire, un mannequin, après avoir conclu un contrat de cession de son image autorisant la société cessionnaire à utiliser cette dernière, de manière très large puisque il était prévu que la société pouvait utiliser les dites photographies « sous toutes ses formes, sauf contexte pornographiques, et par tous procédés techniques, aux fins d’illustration, décoration, promotion, publicité, de toute association, société, produit ou service, par télévision, satellite, vidéocassettes, internet, multimédia, CD rom, presse, sur tous supports, pour le monde entier et pour une durée de quinze ans ». La somme perçue en échange de cet exploitant était médiocre puisqu’elle était de 305 euros. Le mannequin souhaitait donc voir déclarer la nullité de cette convention et demandait le paiement de dommages et intérêts pour préjudice moral et financier, ce que la Cour de cassation refusa au nom du principe de l’autonomie de la volonté. Cette solution n’entraîne pas, au premier abord, de difficultés particulières puisque, comme le rappelle la Haute juridiction, les parties se sont entendues sur l’étendue de leur engagement en fixant notamment les limites de l’autorisation d’utilisation de l’image « quant à sa durée, son domaine géographique, la nature des supports, à l’exclusion de certains contextes ». La cession du droit à l’image est donc admise par la Cour de cassation, ce qui confirme la décision adoptée lors de l’arrêt de la Cour d’appel de Versailles de 2005. Or, comme le fait remarquer justement le Professeur Bruguière, « la suite est une affaire de visa et de fondement

343 C. CARON, « Un nouveau droit voisin est né : le droit patrimonial à l’image », Comm. Com. electr., n°1, janvier 2006, comm.4.

344V. supra note n°121.

de la contractualisation»345. En effet, cet arrêt aurait donc dû être celui de la consécration du droit patrimonial à l’image par la Cour de cassation. Il n’en sera rien. En effet, en affirmant que « les dispositions de l’article 9 du Code civil [sont] les seules applicables en matière de cession de droit à l’image, à l’exclusion notamment du Code de la propriété intellectuelle », la Cour de cassation manque l’occasion de venir consacrer la réalité de la patrimonialisation du droit à l’image. Non seulement, à aucun moment, les Hauts magistrats n’utilisent les termes "d’intérêts patrimoniaux", ni de "droit patrimonial" alors même que la Cour de cassation y est invitée puisque la partie demanderesse au pourvoi faisait valoir cette prérogative, mais surtout elle renvoie à l’article 9 du Code civil, matrice des droits extrapatrimoniaux de la personnalité346.

103. Quatrième étape : La contractualisation du droit à l’image ? Ce fondement a été abandonné, par la suite, grâce à un arrêt en date du 4 novembre 2011347 dans lequel la Cour de cassation a fait application de l’article 1134 du Code civil348 en matière d’autorisation de diffusion de l’image. En l’espèce, des policiers qui avaient accepté d’être filmés dans l’exercice de leurs missions au sein d’une brigade anti-criminalité, s’étaient plaints que leurs noms et grades aient été divulgués alors qu’ils n'avaient donné aucune autorisation à cet égard. Par l’utilisation de l’article 1134 du Code civil, la nature contractuelle de l’accord relatif à l’exercice du droit à l’image est consacrée. La doctrine s’est réjouie de l’utilisation de ce fondement en félicitant la Cour de cassation de ne plus détourner les yeux de cette réalité

345 J.-M BRUGUIÈRE, op.cit.

346 G. LOISEAU, « La crise existentielle du droit patrimonial à l’image », D. 2010, p.450 : « La Cour de cassation emploie ainsi les termes de cession du droit à l’image pour qualifier la convention par laquelle un mannequin a consenti à l’exploitation de photographie de sa personne. Cette qualification comporte alors l’aveu d’une patrimonialité du droit, la cession impliquant un déplacement de valeur par changement de patrimoine.

Mais, conjointement, l’arrêt place cette opération sous la tutelle des dispositions de l’article 9 du Code civil qui constitue, comme chacun sait, le berceau des droits extrapatrimoniaux de la personnalité ».

347Cass. civ. 1ère, 4 nov. 2011, n°10-24.761, JurisData n°2011-024370, Bull. civ. I, n°196 ; D. 2012, p.765, obs.

E. DREYER ; RTD civ. 2012, p.90, obs. J. HAUSER ; JCP G, 2012, p.71, note G. LOISEAU ; Comm. com.

électr. 2012, comm. 33, note A. LEPAGE, Légipresse 2012, p.112, note J.-M. BRUGUIÈRE et A. BRÉGOU.

348Depuis l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, les règles présentées à l’article 1134 du Code civil se retrouvent désormais dans trois articles : Art.1103 : « Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits ». Art.

1193 : « Les contrats ne peuvent être modifiés ou révoqués que du consentement mutuel des parties, ou pour les causes que la loi autorise ». Art. 1104 : « Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.

Cette disposition est d’ordre public ».

contractuelle349. Cependant, elle n’utilise pas le terme de contrat mais d’accord. Ainsi, « ce floutage de la nature juridique précise de l'acte par l'emploi d'un terme plus évasif trahit les réticences épidermiques de la jurisprudence à ce que le droit des contrats s'implante dans le droit des personnes. À son contact, le contrat devient "accord", "autorisation", "pacte", tous substituts qui donnent au contrat des allures de tabou »350. De plus, il n’est pas question ici d’exploitation commerciale de l’image mais d’une simple autorisation d’utilisation de l’image sans « floutage » de policiers dans le cadre d’un reportage destiné à l’information du public.

Enfin, à regarder les arrêts récents de la deuxième chambre de la Cour de cassation, il semble que les contrats d’exploitation de l’image soient davantage analysés comme ayant pour objet une prestation que véritablement l’image confirmant ainsi la théorie personnaliste défendue par certains auteurs351. La jurisprudence sociale a, en effet, assimilé les contrats d’exploitation de l’image à des fins publicitaires à des contrats de travail et, en conséquence, a qualifié la rémunération perçue de salaire soumis au versement de cotisations sociales352. Pourtant au regard du Code du travail, une distinction doit être opérée entre la prestation du mannequin et l’exploitation de son image.

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