• Aucun résultat trouvé

L’adaptation chrétienne de l’humanisme cicéronien chez Saint Ambroise

110

Le De Officiis de Saint Ambroise190 constitue la transposition dans l’époque chrétienne de la réflexion cicéronienne sur les devoirs et tout particulièrement sur le decorum. Il convient immédiatement de souligner la continuité relative et partielle de certains motifs que nous étudions dans la culture chrétienne191. Cet ouvrage traduit clairement la manière dont une certaine sensibilité chrétienne va se réapproprier des normes éthiques liées à la civilité antique pour en même temps en modifier profondément les fondations.

Saint Ambroise a divisé son ouvrage en trois Livres, consacrés respectivement à la beauté morale, honestas, au decorum, puis à l’utilité qui accompagne la vertu, et enfin à la question du rapport entre beauté morale et utilité (il s’agira notamment de savoir comme pour Cicéron si l’utilité peut véritablement s’opposer à l’honnêteté). Comme chez Cicéron, l’honestas est la qualité de ce qui est moralement recherché pour soi-même, en vertu de sa beauté intrinsèque. En même temps, Saint Ambroise ne rejette nullement la notion d’utilitas hors du champ de sa réflexion morale et se montre soucieux de les réconcilier.

Nous rencontrons chez Saint Ambroise la plupart des idées qui ont suscité jusqu’à présent notre intérêt mais dans un contexte religieux et culturel différent :

1. Le rôle à la fois expressif et moral des « mouvements du corps » et plus généralement du « style », de la manière d’être qui révèle l’âme :

« Il faut encore, dans le mouvement, le geste, la démarche eux-mêmes, observer la modestie. On discerne en effet, dans l’attitude du corps, la disposition de l’âme. […] et ainsi le mouvement du

corps est une sorte de langage de l’âme […] Vous vous rappelez, chers fils, un certain ami :

bien qu’il parût se recommander par l’application à ses devoirs, cependant je ne l’admis pas dans le clergé pour ce seul motif que son geste était très inconvenant. Vous vous rappelez un autre aussi : l’ayant trouvé déjà clerc, j’ordonnai que jamais il ne me précédât, car il blessait mes yeux comme par une sorte de coup que me portait sa démarche insolente. C’est ce que je dis, en le rendant après l’incident à sa fonction. Je ne retins que cela et mon jugement ne me trompa pas : l’un et l’autre en effet se retirèrent de l’Église, de telle sorte que la félonie de l’âme se manifestait telle qu’elle se révélait par la démarche»192 [n.i.].

Cette réflexion de Saint Ambroise annonce clairement la sémiologie comportementale d’Érasme.

2. Le decorum :

190

Sur la vie de Saint Ambroise (340-397), voir notice biographique et l’introduction de Maurice Testard à l’édition du

De Officiis que nous consultons : Les Devoirs, I 2, tome I, trad. par Maurice Testard, Les Belles Lettres, Paris, 1984.

191

Sur l’histoire du De Officiis de Saint Ambroise pendant l’époque médiévale, voir Maurice Testard, op. cit., p. 52 et suivantes.

192

111

-« Le convenable-qui se dit πρέπον en grec- se rencontre en premier lieu dans nos Écritures, nous en sommes instruits et nous l’apprenons en lisant : -« C’est à toi que convient, ô Dieu, l’hymne de louange, en Sion » […] L’apôtre aussi dit : « Exprime ce qui convient à la saine doctrine »193.

-« Or à tout âge il faut respecter la convenance dans ce que l’on fait, l’harmonie et l’équilibre interne dans l’ordre de sa vie »194.

-« On trouve cela dans nos Écritures de façon sensiblement plus nette. David dit en effet : «Le Seigneur a établi son règne, il a revêtu l’éclat de la convenance [decorem]. Et l’apôtre déclare : « Comme en plein jour, marchez dans la beauté [honestas], ce qu’on exprime en grec par

ευσχηµως. Or ce terme signifie proprement : avec bonne tenue, avec bon aspect. […] il est

convenable [est decorum] de croire supérieur, pour ainsi dire, à toutes les autres choses, ce que nous présentons à Dieu »195.

-« Tu as devant les yeux ce convenable général [decorum], puisque Dieu a fait la beauté de ce monde. Tu as aussi le convenable dans les parties, puisque, lorsque Dieu fit la lumière et distingua le jour et la nuit, lorsqu’il créa le ciel, lorsqu’il sépara les terres et la mer, […] Dieu trouva bonne chacune de ces choses. Ainsi donc ce convenable qui brillait en chacune des parties du monde, resplendit dans l’ensemble, […] Il en va de la même façon, par conséquent, dans la structure du corps humain : la partie que constitue chacun des membres est un agrément, mais la disposition appropriée des membres, pour former un ensemble, charme davantage, parce qu’on voit alors qu’ils se complètent et s’harmonisent »196.

L’idée platonicienne d’euskhèmosunè (la bonne tenue, le bon aspect) réapparaît dans ce texte. Saint Ambroise reprend également de Cicéron l’analogie entre l’honestas, la beauté de la disposition appropriée des membres du corps humain, et la beauté du monde, substituant le Dieu biblique au principe architecte de la nature stoïcienne. Nous avons également ici la confirmation transparente que la réflexion sur le decorum et la convenance dépend d’une conception plus vaste et métaphysique du cosmos : la beauté est un accord harmonieux entre les parties d’un Tout selon certains principes de proportion, et il y a à la fois une beauté du monde créé par Dieu, une grâce du corps humain, et une beauté de la vie humaine.

3. La grâce comme charis : « Je ne revendique pas la grâce des prophètes [prophetarum

gratiam]»197. Cette gratia prophetarum sera évoquée tout particulièrement dans le Commento de Pic

193 Ibid., p. 110. 194 Ibid., p. 136. 195 Ibid., p. 202. 196 Ibid., p. 204. 197 Ibid., p. 96.

112

de la Mirandole, relativement à Moïse. Le Dieu chrétien devient la source de la grâce alors que c’était Athéna chez Homère qui nimbait Ulysse de charis. Le christianisme, contrairement à ce l’on aurait pu supposer dans un premier temps, ne renonce nullement à la joie artistique qui caractérisait la mythologie grecque. Saint Ambroise souligne également l’humanité et la « douceur » de Moïse :

«Que d’affronts de la part du peuple essuyait Moïse ! Et alors que le Seigneur voulait sévir contre les rebelles, lui cependant se présentait souvent, plaidant en faveur du peuple, afin de soustraire la population à la colère divine. Avec quelle douceur dans les propos, après les

outrages, il s’adressait au peuple, le réconfortait dans ses peines, le calmait par ses oracles, l’encourageait par ses travaux ! Et alors qu’il parlait constamment à Dieu, cependant il avait l’habitude d’adresser la parole aux hommes sur un ton humble et agréable. À juste titre il fut

jugé supérieur aux hommes, à tel point que l’on ne pouvait regarder son visage [idée reprise textuellement par Pic de la Mirandole p. 168 du Commento à propos de la « grâce » de Moïse] et que l’on croyait que sa tombe n’avait pas été découverte ; car il s’était attaché les âmes de toute la population, en telle sorte qu’on le chérissait plus pour sa bienveillance qu’on ne l’admirait pour ses actions » [n.i.]198.

-La grâce comme libre faveur et comme reconnaissance : -« Accorder une faveur [gratia] est bien, mais celui qui ne sait pas rendre, est un homme très dur. La terre elle-même fournit un exemple d’humanité : elle sert des fruits spontanés que tu n’as pas semés, rend aussi, après l’avoir multiplié, ce qu’elle a reçu »199.

4. Saint Ambroise ne dédaigne pas non plus, de même que Xénophon ou Cicéron, l’utilité sociale et politique qui découle de la bonté d’âme et de la politesse qui l’exprime :

« Et tout d’abord, sachons que rien n’est aussi utile que d’être tenu en affection et que rien n’est aussi nuisible que de ne pas être aimé […] La bonté [bonitas] est en effet appréciée du peuple et agréable à tous, il n’est rien qui s’insinue aussi facilement dans les sentiments des hommes. Si cette bonté est aidée par la douceur et la facilité de caractère, puis par la modération dans le commandement et par l’affabilité de la conversation, par la déférence des termes, […]Nous lisons en effet, non seulement en ce qui concerne les particuliers, mais aussi les rois eux-mêmes, combien fut profitable l’aisance d’une séduisante affabilité, ou combien furent dommageables l’orgueil et la hauteur des paroles, au point d’ébranler les royaumes eux-mêmes et de briser la puissance»200[n.i.].

Soulignons le charme tout cicéronien propre à l’affabilité de la conversation : adfabilitate sermonis. Saint Ambroise ne quitte donc nullement le terrain de l’amitié et de la civilité vertueuse qui, comme

198 Ibid., p. 24. 199 Ibid., p. 174. 200 Ibid., p. 23-24.

113

chez Xénophon, est une vertu qui convient aux rois eux-mêmes. Moïse, comme nous l’avons constaté, savait converser avec douceur et sans la hauteur insupportable qui évoque le tyran.

Ainsi, Saint Ambroise donne au decorum une ampleur théorique significative, reprenant dans un cadre chrétien des normes et des valeurs qui ont leur source dans le monde antique. Les héros de la Bible se substituent d’une manière intéressante aux héros païens, tout en faisant souvent preuve de vertus comparables, notamment en ce qui concerne l’honestas et l’élégance de l’humanitas.

Toutefois, il y a bien des différences importantes qui séparent Saint Ambroise de l’héritage cicéronien201 et antique:

1. Le rapport institué par le decorum lui-même à la connaissance et au savoir n’est plus le même que chez Cicéron :

« Et ainsi ils exposent [il s’agit en fait de Cicéron qui est ici attaqué] que dans la découverte du vrai il faut observer ce convenable, qui consiste à rechercher avec un zèle extrême ce qu’est le vrai, à ne pas tenir des choses fausses pour vraies, à ne pas envelopper d’obscurités les choses vraies, à ne pas encombrer l’esprit de choses superflues ou compliquées et incertaines. Mais qu’y a-t-il d’aussi contraire au convenable que de révérer des morceaux de bois, ce qu’eux- mêmes font ? Qu’y a-t-il d’aussi obscur que de traiter d’astronomie et de géométrie, ce qu’ils essayent, et de mesurer les espaces de l’altitude éthérée, d’enfermer dans des nombres le ciel aussi et la mer, d’abandonner les affaires du salut, et de chercher des erreurs ? / Est-ce que cet homme instruit dans toute la sagesse des Égyptiens, Moïse, n’essaya pas tout cela ? Mais il

jugea cette sagesse préjudice et sottise et, se détournant d’elle, il chercha Dieu du fond du

cœur ; et c’est pour cette raison qu’il le vit, l’interrogea et l’entendit parler […] ceux qui, pour eux-mêmes, jugent qu’il n’est ni contraire à la nature, ni laid moralement, d’adorer des pierres et de demander du secours à des statues qui ne peuvent avoir aucun sentiment. […] Ainsi donc il est inhérent à tous les hommes de tâcher à découvrir le vrai, conformément à la nature humaine qui nous entraîne à l’étude de la connaissance et de la science, et répand en nous le désir de la recherche. […] En réalité, les études relatives à la science, sans les actes, je ne sais si elles ne sont pas bien plutôt une entrave»202[n.i.].

Nous constatons que Saint Ambroise ne peut ici rester fidèle au texte de Cicéron qui l’inspire et que souvent il recopie, car même si ce dernier se montre distant à l’égard d’une conception purement théorétique de la sagesse, et refuse de rabaisser la vie pratique par rapport à la vie contemplative, il est évident que d’un autre côté, il met au fondement de l’honestas la recherche proprement humaine de la vérité :

201

Nous soulignerons celles qui nous semblent particulièrement pertinentes pour notre travail.

202

114

« La qualité propre de l’homme, c’est surtout la recherche soigneuse de la vérité : dès que nous sommes délivrés des affaires indispensables et des soucis, nous désirons voir, entendre, apprendre ; nous tenons comme nécessaire au bonheur de la vie la connaissance des choses cachées et des faits étonnants. […] Des quatre motifs que j’ai distingués dans l’honnêteté, prise dans sa nature et son essence, le premier, celui consiste dans la connaissance du vrai, est celui qui tient le plus à la nature humaine. […] En cette matière, qui touche à la fois à la nature et à l’honnêteté, il est deux défauts à éviter : l’un est ne pas considérer comme connues des choses inconnues et de ne pas donner notre assentiment au hasard ; qui voudra échapper à ce défaut (et

tous doivent le vouloir) emploiera beaucoup de temps et de soin à l’examen des objets. Le

second défaut est d’apporter une trop grande application et un trop grand travail à des sujets obscurs, difficiles et qu’il n’est pas nécessaire d’étudier. Ces vices évités, on louera justement

tout ce qui sera mis de travail et de soin à de beaux sujets dignes d’être connus, tels que l’astronomie, dont j’ai su que s’occupait C. Sulpicius, la géométrie que je vois Sextus Pompée cultiver, comme je vois que beaucoup s’adonnent à la dialectique et plus encore au droit civil ;

[…] mais il est contraire à notre devoir de nous laisser détourner par leur étude de la conduite de nos affaires ; car tout le mérite de la vertu réside dans l’action. Pourtant l’action nous laisse souvent un répit qui nous permet de retourner à nos études ; alors la pensée, qui ne se repose jamais, peut nous retenir sur les objets de nos études même sans travail de notre part » [n.i.]203.

Il est clair que tout en reprenant littéralement certains passages de Cicéron, Saint Ambroise modifie considérablement sa pensée : la dépréciation du savoir et de la science dans la réflexion du chrétien est sans commune mesure avec le point de vue nuancé et équilibré du Romain. La recherche soigneuse et attentive de la vérité est un devoir fondateur de l’honestas pour Cicéron (cela signifie que la recherche de la vérité n’est pas seulement l’expression d’une « curiosité » théorique mais constitue une chose que l’homme se doit à lui-même et à sa propre dignité). Les normes qu’il s’agit ici d’observer du point de vue du « convenable »: maîtriser son assentiment et ne pas s’occuper d’emblée de sujets trop obscurs et trop difficiles, sont précisément des règles que nous retrouverons chez Descartes. De plus, Cicéron exalte les nobles occupations que sont la « géométrie » et « l’astronomie ». Il précise seulement que la vertu elle-même réside dans l’action et non dans la contemplation. Il ne convient donc pas qu’un « honnête homme » se détourne totalement des « affaires ». En inscrivant la « science » dans la sphère de l’honnêteté, et même dans le champ du

decorum, de ce qui convient à l’homme en tant que tel, ce texte montre que la volonté cartésienne

d’associer la figure de « l’honnête homme » à la recherche de la vérité n’est pas du tout une aberrante singularité. La « géométrie » n’est pas en contexte cicéronien indigne d’un « honnête homme », bien au contraire. Ce qu’il faut éviter, c’est de donner trop d’application à des sujets

203

115

« qu’il n’est pas nécessaire d’étudier ». En tout cas, il est clair que l’humanisme cicéronien n’a rien à voir avec une condamnation religieuse de la sagesse contemplative, ni avec la mise à distance radicale de la « Sagesse des Égyptiens » (« préjudice et sottise ») par Moïse.

Le fait que Cicéron inscrive la recherche de la vérité dans la sphère du decorum et du convenable doit retenir un instant notre attention. Cette affirmation signifie que cette recherche est pour l'homme une forme de devoir lié à la dignité de sa propre nature, mais aussi qu'il s'agit d'une activité belle et source de grâce, pourvu qu'elle soit menée dans les conditions appropriées. Ainsi, Cicéron se montre d'associer tout « honnête homme » à cette recherche de la vérité, au lieu de la réserver à une élite séparée des autres hommes. De plus, cette recherche doit respecter certaines normes pour convenir à l'honnête homme. Il faudra donc éviter certains sujets trop obscurs et vains, et ne pas non plus dédaigner la sphère irréductible de la vie pratique.

On soulignera également que la relation entre science et decorum est l’occasion pour Saint Ambroise d’aborder « l’idolâtrie » comme la plus grande des « inconvenances ». Sa réflexion semble associer la « science » des païens et leur tendance idolâtrique. Chez Saint Ambroise déjà semble se dessiner une certaine inconvenance du savoir scientifique lié obscurément à l’idolâtrie païenne. Pour lui il y a une forme de lien coupable entre la science et l’hybris de l’homme. Le

decorum de Saint Ambroise, contrairement à celui de Cicéron, tend à dissocier les valeurs qui

fonderont l’humanisme, comme la douceur, la grâce et la philoxenia, de l’amour du savoir et de la vérité (mais aussi de l’art ou de la musique) pour les refonder dans la foi chrétienne. Il ne s’agit pas simplement ici pour Saint Ambroise d’introduire le rapport au divin dans la sphère de l’humanitas. Cette ouverture au divin est constitutive de nombreux développements antiques et humanistes relatifs à l’accomplissement de l’homme. Même chez un néo-humaniste plus tardif comme Schiller la grâce de la « belle âme » est à certains égards une imitation humaine de la libre et innocente insouciance qui caractérise les dieux antiques 204 . Mais Ambroise de Milan n'a pas la même conception du divin. Sa représentation de Dieu est liée en premier lieu à des notions comme le « sacrifice », « l'amour », la « volonté », la « loi ».

2. Du fait même que Saint Ambroise entreprend de former des clercs, certaines vertus sociales qui auront une importance non négligeable dans la culture humaniste sont proscrites, comme l’eutrapélie et l’art de la plaisanterie :

204

Voir Schiller, Lettres sur l’éducation esthétique de l’homme, trad. par Robert Leroux, Paris, Aubier, 1943, p. 207 :«Ils [les Grecs] affranchissaient ceux qui vivent dans la béatitude éternelle, des chaînes inséparables de toutes les fins, de tous les devoirs et de tous les soucis ; ils faisaient de l’oisiveté et de l’indifférence le sort de la condition divine que les mortels envient ; celle-ci n’était qu’un nom tout humain pour désigner l’existence la plus libre et la plus sublime ».

116

«Les hommes de ce monde donnent en outre un grand nombre de préceptes sur la façon de parler, qu’il nous faut, à mon avis, laisser de côté, par exemple sur les règles de la plaisanterie. De fait, bien que les plaisanteries soient parfois belles moralement et agréables, cependant elles répugnent à la discipline ecclésiastique, car, ce que nous n’avons pas trouvé dans les Écritures, comment pouvons-nous en faire usage ? Il faut s’en garder en effet, même dans les conversations, de peur qu’elles ne rabaissent la dignité d’un dessein de vie plus austère. « Malheur à vous qui riez, car vous pleurerez » dit le Seigneur ; et nous, nous cherchons matière à rire afin que, riant ici-bas, nous pleurions là-haut ! »205.

Encore une fois, même si le discours de Saint Ambroise reprend certaines idées cicéroniennes, un ton plus édifiant n’est jamais loin. Alors que Cicéron louait dans le Traité des devoirs la mesure et l’art de la bonne plaisanterie qui conviennent à un homme bien éduqué, Saint Ambroise justifie une purification morale par un commandement biblique des plus intimidants.

3. L’eutaxia cicéronienne, la science de l’opportunité, est vidée de toute substance dans le propos de Saint Ambroise, ce qui marque sans doute un plus grand éloignement à l’égard de la vie mondaine et active, mais surtout un refus d’adapter le commandement moral à la particularité variable des circonstances : « Je pense qu’il faut ne pas passer sous silence non plus la question de l’ordre des choses et de l’opportunité des moments »206. Ayant rappelé ce principe de l’eutaxia cicéronienne,