• Aucun résultat trouvé

3 Dictionnaires pédagogiques de l’anglais

3.2 L'accès lexical

L’accès lexical concerne deux aspects de la rédaction de tout dictionnaire : la macrostructure, c’est-à-dire l’organisation des entrées dans le dictionnaire les unes par rapport aux autres, et la microstructure, c’est-à-dire la description à l’intérieur de l’entrée elle-même, l’organisation des lexies, des informations grammaticales, etc. Concernant la macrostructure, il s’agit d’avoir accès au bon vocable le plus efficacement possible. Il ne s’agit pas uniquement de confort mais de nécessité lors d’une tâche de compréhension, car le temps passé hors de la lecture doit être le plus court possible pour ne pas perdre le fil du texte. 3.2.1 La macrostructure

Bogaards (1996) s’est livré à une estimation du nombre total des entrées dans chaque dictionnaire. Il est clair que plus le dictionnaire en comprendra, plus l’apprenant sera à même de trouver le vocable qu’il cherche.

LDOCE apparaît être le dictionnaire avec le plus d’entrées : de 90 000 à 100 000 tandis que les trois autres comprennent de 70 000 à 75 000 entrées, ce qui est un nombre fort respectable. Ces quatre dictionnaires s’adressent donc visiblement à des étudiants avancés. L’avantage de LDOCE n’est en fait pas véritablement significatif car il s’agit surtout de vocables vieux, démodés ou littéraires. D’autre part , LDOCE mentionne de nombreux dérivés, souvent sans explication indépendante.

L’organisation des entrées à l’intérieur d’un dictionnaire est le plus souvent alphabétique. C’est la politique de LDOCE qui l’applique strictement. Elle a l’avantage d’être claire et non ambiguë. Par contre, elle a le désavantage de scinder les familles de mots, les dérivés syntaxiques, qui, d’un point de vue pédagogique, ont leur importance car il y a une relation plus ou moins régulière entre la forme et le sens. Il est par exemple facile de deviner le sens d’un adverbe à partir de l’adjectif de la même famille. Beaucoup d’adverbes ne sont d’ailleurs pas expliqués, étant simplement placés à côté de l’adjectif correspondant ou renvoyant à cet adjectif. D’autre part, les trois autres dictionnaires regroupent aussi les vocables composés, phénomène fréquent en anglais. Toutefois les politiques ne sont pas toujours cohérentes (Bogaards, 1996). Ainsi, OALD classe le dérivé pocketful aussi bien que les vocables composés

pocket knife et pocket money dans l’article de l’entrée pocket, mais classe pocketbook dans une entrée différente. Dans COBUILD, poetically est décrit dans l’entrée poetic et apparaît ainsi avant poetical, qui est une autre entrée. CIDE donne le plus de vocables dans une même entrée mais là aussi, le regroupement n’est pas systématique. D’autre part, ce dernier qui utilise des indices sémantiques (nous allons y revenir un peu plus loin) a parfois du mal à faire correspondre le sens du vocable composé avec la détermination sémantique de l’entrée sous laquelle il est classé (quel rapport sémantique entre dead end et dead [COMPLETE] ?). Le regroupement de vocables sous une même entrée offre donc des avantages en illustrant les relations morpho- sémantiques entre eux, même si une certaine incohérence peut fourvoyer l’utilisateur. Cependant, le phénomène est minimisé par le fait que les vocables, proches alphabétiquement, le sont aussi visuellement sur un dictionnaire papier. Le problème n’est pas le même pour les dictionnaires électroniques.

Le deuxième problème concernant la macrostructure est l’organisation et l’accès aux unités polylexicales, soit les collocations et expressions semi-figées. Les expressions semi-figées n’étant pas des entrées de dictionnaires, bien qu’elles aient un sens et des informations propres (synonymes, variations lexicales, transformations grammaticales, etc.) et qu’elles pourraient être illustrées par des exemples, elles sont décrites dans les articles d’un des mots qui les constituent. Comme deux ou plusieurs candidats sont possibles, il reste à savoir lequel. Pour les collocations, le problème est identique, même si leur statut d’entrée à part entière est moins envisageable. Le placement et la description des unités polylexicales n’ont rien de rigoureux et de systématique et varient fortement d’un dictionnaire à l’autre, tout comme au sein d’un même dictionnaire. Parfois, elles sont expliquées, parfois citées comme exemple, parfois ignorées. Les mêmes expressions sont décrites sous des entrées différentes suivant les ouvrages. Une même expression peut être définie, parfois différemment, à l’article de chacun de ses constituants. Il y a souvent des renvois, mais ceux-ci ne sont pas systématiques. Il faut aussi considérer le problème des variations lexicales. Idéalement, une expression devrait être décrite et expliquée à un seul endroit avec de multiples renvois à partir de chacun de ses constituants pertinents, c’est-à-dire les mots pleins, par opposition aux mots grammaticaux, sans oublier les renvois à partir des variations lexicales. Mais ceci semble être beaucoup plus difficile à mettre en application.

3.2.2 La microstructure

Il s’agit ici d’examiner les moyens mis à la disposition de l’utilisateur pour pouvoir choisir entre les différents sens d’une entrée celui qui correspond le mieux avec le mot du texte (ou tout du moins celui qu’il cherche à comprendre).

En premier lieu, il convient de définir ce qu’est une entrée de dictionnaire. En principe, une entrée correspond à un vocable, c’est-à-dire un mot polysémique dont les sens présentent une certaine unité et fonctionnent de la même manière dans une phrase, c’est-à-dire qu’ils possèdent la même catégorie grammaticale. On met ici le doigt sur la traditionnelle opposition entre l’homonymie et la polysémie. Lorsque les sens d’un vocable deviennent trop différents et que l’on perd la relation entre eux (Mel’cuk et al., 1995, parle de « pont sémantique »), il convient de considérer ces sens comme faisant partie de deux vocables différents. C’est le cas, par exemple, de voler, dont les sens principaux être dans les airs et dérober, ne peuvent plus être réunis sous une même entrée, car n’ayant pas assez d’intersection sémantique. Toutefois, le manque de rigueur et de systématicité des langues naturelles fait qu’il est pratiquement impossible de s’accorder sur un nombre précis de lexies par entrée. Ce phénomène se retrouve dans les monolingues anglais.

COBUILD se démarque des trois autres en définissant une entrée selon un critère principalement orthographique. Il n’est ainsi pas fait distinction des catégories grammaticales et une entrée comprendra par exemple les formes verbales et nominales ou nominales et adjectivales du même vocable lorsqu’elles sont identiques, ce qui n’est pas rare en anglais. Les lexies (qui appartiennent de fait à des vocables différents) sont classées par ordre de fréquence, le sens le plus fréquent en premier, critère qui prime sur les catégories grammaticales. Celles-ci sont indiquées dans une colonne supplémentaire à côté des articles qui guide les utilisateurs. Ce choix est toutefois discutable car la catégorie grammaticale, qui est un des éléments les plus saillants d’un vocable et qui est la plupart du temps facilement reconnaissable, est un critère majeur dans la discrimination des sens d’une forme graphique. Nous avons vu au chapitre 1 que la catégorie grammaticale était une caractéristique essentielle et indissociable d’un vocable et que ceux–ci semblaient être stockés en fonction de leur catégorie. En pratique, il faut donc « sauter » les lexies qui n’ont pas la même catégorie que celle recherchée et même si cela se fait plus rapidement par le biais de la colonne supplémentaire, cette étape n’aurait pas lieu d’être si les lexies étaient regroupés d’abord par catégorie (formant un vocable à part entière avec une catégorie définie), puis par fréquence. Cette position est d’ailleurs adoptée par les trois autres dictionnaires. Du point de vue de l’apprentissage, cela clarifie nettement le statut et la fonction d’un vocable : l’apprenant sait qu’il existe le nom play et le verbe to play. Et il perçoit mieux l’unité de sens de ces vocables.

Outre la catégorie grammaticale, LDOCE et CIDE ont innové en intégrant des signposts ou des guide words dans les lexies. Lorsqu’une entrée est longue, chaque lexie est précédée d’une précision sémantique permettant de discerner rapidement et facilement ses traits sémantiques dominants. Il s’agit le plus souvent d’un synonyme proche, d’un hyperonyme ou d’une expression définissant le domaine d’application. Ce procédé est très utile car il permet d’éliminer les lexies qui manifestement ne correspondent pas avec celle qui est attendue et de

se concentrer sur les autres. Toutefois des difficultés peuvent apparaître. Tout d’abord, ces précisions ne font pas forcément partie du vocabulaire contrôlé et il peut y avoir des problèmes de compréhension. D’autre part, il n’est pas toujours possible de « coller » à la lexie définie et les signposts sont parfois vagues ou leur sens est trop large. Néanmoins, cette innovation facilite certainement le repérage des lexies et apporte un avantage sur ce point à ces deux dictionnaires bien qu’il reste toutefois à évaluer par des expérimentations l’impact réel sur les apprenants de ce dispositif.