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1.2 La vasculature cérébrale

1.2.4 La vasculature cérébrale dans la maladie d’Alzheimer

1.2.4.1 L’Aβ vasculaire et le CAA

L’accumulation du peptide neurotoxique Aβ au niveau de la vasculature cérébrale est un phénomène reconnu qui suscite un intérêt grandissant depuis les dix dernières années. En fait, l’Aβ vasculaire est responsable de l’angiopathie cérébrale amyloïde (CAA), une pathologie où l’on retrouve des dépôts d’Aβ principalement au niveau des artères et des artérioles, et moins fréquemment au niveau des capillaires et des veines (Altman and Rutledge, 2010; Thal et al., 2008a). Cette pathologie évolue avec l’âge, étant observée chez 10 à 40% des individus âgés cognitivement sains et chez plus de 80% des individus atteints de la MA (Biffi and Greenberg, 2011). De façon intéressante, des études de population ont rapporté une forte corrélation entre le CAA et les déficits cognitifs (Attems et al., 2007; Thal et al., 2008b). En ce sens, une étude expérimentale a démontré que des souris Tg2576 dépourvues de CD36, soit un récepteur de type « scavenger » impliqué dans le transport de l’Aβ, présentaient une réduction du développement de CAA, ainsi qu’une amélioration significative des fonctions cognitives et ce, malgré qu'aucun changement n'ait été observé dans les niveaux d’Aβ au niveau du parenchyme cérébral (Park et al., 2013), soulignant donc que le CAA seul peut significativement contribuer au déclin cognitif.

En ce qui a trait à la pathogénèse du CAA, il a d’abord été proposé que l'Aß vasculaire formant des dépôts d’Aβ au niveau de l’edothélium cérébral proviendrait de la périphérie (Glenner et al., 1983) ou des « vascular smooth muscle cells » (VSMC) (H. M. Wisniewski and Wegiel, 1994). Toutefois, il a été démontré que le CAA se développait dans des modèles murins transgéniques surexprimant l'Aß dans les neurones, indiquant ainsi que le développement du CAA impliquerait essentiellement l’Aβ provenant du cerveau (Calhoun and Burgermeister, 1999). En fait, le CAA se développerait progressivement suivant l’apparition des premiers

dépôts d’Aβ au niveau de l’endothélium cérébral jusqu’à ce que la densité et la quantité des dépôts d’Aβ augmentent autour des artères et artérioles (Greenberg, 2002) (Fig. 13). Plus précisément, il a été rapporté que le peptide Aβ 1-40 composerait majoritairement les dépôts d’Aβ vasculaires observés dans le CAA, comparativement à l’Aβ 1-42 qui s’y retrouverait en moindre proportion (Altman and Rutledge, 2010; Weller et al., 2009). Ce phénomène s’expliquerait par la grande solubilité du peptide Aβ 1-40, rendant ce dernier plus apte à s’immiscer au niveau de l’endothélium cérébral. À ce titre, il a été rapporté chez les patients atteints de la MA que, suite à une immunothérapie dirigée contre l’Aβ 1-42, on observe une diminution significative des plaques d’Aβ 1-42, mais surtout une augmentation des niveaux d’Aβ vasculaire promouvant le développement du CAA, contenant principalement le peptide Aβ 1-40 (Boche et al., 2008; T. Wisniewski and Konietzko, 2008). De plus, la présence de microhémorragies a été rapportée chez ces patients, suggérant ainsi une perte d’intégrité de la BHE induite par l’accumulation d’Aβ vasculaire (Boche et al., 2008; Morgan, 2011) (Fig. 13).

Zlokovic, B. V. The blood-brain barrier in health and chronic neurodegenerative disorders. Neuron 57, 178–201 (2008).

Figure 13. Schéma de l'implication de l'UNV dans la pathogenèse de la MA.

Première phase. L'hypoperfusion cérébrale et l'altération de la clairance de l’Aβ à la BHE conduisent à l'accumulation d'oligomères d’Aβ neurotoxiques dans le cerveau. Une diminution du flux sanguin et l’accumulation des oligomères d’Aβ peuvent déclencher la lésion neuronale. Symptômes précoces. Des diminutions plus prononcées du flux sanguin, de l'activation de l'endothélium et des péricytes, une perte des propriétés d’élimination de l’Aβ par la BHE, une accumulation croissante d'Aβ dans le cerveau et l'activation des microglies et des astrocytes crées un problème chronique de transmission synaptique et de fonction

neuronale. Les enchevêtrements neurofibrillaires peuvent s'accumuler dans les neurones en réponse à la fois à la lésion ischémique et à l'Aβ. Symptômes tardifs. La dégénérescence de la paroi de l’endothélium et des péricytes restreint la clairance de l'Aβ et réduit le flux sanguin provenant de l’unité capillaire, ce qui entraîne l'accumulation de déchets métaboliques, des changements de pH et un déséquilibre électrolytique. Ces changements chimiques dans le microenvironnement du cerveau présentent un défi insurmontable pour la fonction synaptique et neuronale. L'amyloïde s'accumule donc sur la paroi du vaisseau. Il y a également une accumulation plus marquée des enchevêtrements intra-neuronaux. Étape finale. Cette étape se caractérise par une profonde réponse neuro-inflammatoire et un effondrement de l'unité capillaire, accompagnée d'une perte des synapses et des neurones, qui disparaissent sous les dépôts amyloïdes.

Autrement, avec l’âge, survient la défaillance du drainage périvasculaire, un phénomène pouvant contribuer à l’accumulation et la formation d’agrégats d’Aβ dans la vasculature cérébrale, exacerbant ainsi davantage le dysfonctionnement de l’UNV (Iadecola, 2013; 2004). Il a été proposé que le CAA puisse découler principalement d’un défaut dans l'élimination de l’Aβ du parenchyme cérébral vers le sang, plus précisément via le drainage lymphatique perivasculaire par lequel l’Aβ contenu dans l’ISF est drainé (Weller et al., 2009). En fait, la majorité des organes qui composent notre organisme sont pourvus d’un système lymphatique, soit un système permettant le transport de fluides contenant des macromolécules (ex. protéines), des cellules, ainsi que diverses particules, du tissu vers les ganglions lymphatiques. Toutefois, on ne retrouve pas de système lymphatique a proprement dit au cerveau, on retrouve plutôt l'ISF qui circule et draine les solutés du cerveau au long des membranes basales des parois des capillaires et des artères (Ballabh et al., 2004; Iliff et al., 2012). Ces voies de drainages lymphatiques perivasculaires par lesquelles l'ISF et les solutés s'écoulent du cerveau vers la périphérie, ont été mises en évidence par divers modèles expérimentaux (Carare and Silva, 2008; Syková and Nicholson, 2008). Il a été démontré que l’injection de traceurs fluorescents dans le striatum de la souris résulte en l’accumulation de ceux-ci au niveau des membranes basales des capillaires et des artères et ce, rapidement suite à la diffusion de ces traceurs à travers le parenchyme cérébral (Carare and Silva, 2008). Plus récemment, il a été démontré que les peptides d’Aβ marqués à la fluorescence étaient

transporté le long de cette voie glymphatique, et dont la deletion du gène Aqp4 a abolit la clairance de l'Aβ soluble, suggéranr ainsi que cette voie contribuerait également à l’élimination de l’Aβ au SNC (Iliff et al., 2012).

En ce qui concerne les voies d’élimination de l’Aβ, de précédentes études dans le CAA suggèrent que lorsque l'Aβ diffuse initialement avec l'ISF et d'autres solutés à travers l’espace extracellulaire, pour ensuite rejoindre les voies de drainage situées au niveau des membranes basales endothéliales dans les parois des capillaires, pour enfin être éliminée du cerveau le long des membranes basales des artères corticales et leptoméningéales (Abbott, 2004; Carare and Silva, 2008; Miners et al., 2008a; Weller et al., 2008). En ce sens, il a été proposé que la défaillance de ces voies de drainage lymphatique paravasculaires, entraînant un déséquilibre dans les niveaux d’Aβ au cerveau, serait un élément central dans le développement du CAA et ultimement, dans l'étiologie de la MA (Sagare et al., 2012a) (Fig. 13). En fait, le CAA en soi constitue une insulte pathologique majeure à l’UNV dans la MA, pouvant par conséquent significativement réduire la capacité de la BHE à éliminer l’Aβ et donc, exacerber son accumulation dans la vasculature cérébrale et le parenchyme (Thal et al., 2008b; 2003). Or, en préservant la fonctionnalité de l’UNV, l’élimination de l’Aβ à travers la BHE serait assurée, limitant ainsi le développement du CAA et des plaques d'Aβ au niveau du parenchyme du cerveau (Bell and Zlokovic, 2009).

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