• Aucun résultat trouvé

Le point de départ : le manuscrit et ses contextes

1.5. L’étude codicologique

La source primaire de notre travail est conservée aux archives des manuscrits réservés de la Bibliothèque Générale de l’Université de Coimbra (P-Cug) au Portugal, sous la cote d’identification MM 51. Le contenu est composé de musique polyphonique, sur texte latin et sur texte vernaculaire en castillan, intégralement anonyme. La seule exception est la première œuvre (f. 1-2) qui a pu être attribuée à D. Francisco de Santa Maria (†1597) grâce à une concordance96. Au folio [0] est présent le titre « Cartapacio .19. tem os Responsos do Natal. » (« Cartapacio 19. Contient les Répons de Noël »).

Les dates trouvées dans la source – 1649 (f. 2 et f. 6v) et 1650 (f. 19v et f. 35) – ne précisent pas si cela concerne la date de copie (voire composition) ou la date de destination de son interprétation97. Ces deux dates sont bien postérieures au seul auteur identifié et aux résultats de l’étude du papier, plus loin.

Le type de support est un codex avec couverture en parchemin, possiblement du XVIe siècle, avec une couture à plat. Une sorte de patte de fermoir, toujours en parchemin, est collée à la couverture. Cette dernière garde des inscriptions manuscrites en caractères gothiques. Au vu des espacements, il s’agit probablement d’un texte qui visait à recevoir de la musique, éventuellement en plain-chant, qui n’a toutefois jamais été notée. À l’extérieur se trouve inscrit le texte suivant :

Iesu saluator seculi: redẽ ptis opesub ueni: et pia dei ge nitrix: salute polceme seris:

Exultet celũ laudibus:

Dans une autre calligraphie, vraisemblablement plus tardive et probablement contemporaine du codex, se trouvent, également à l’extérieur de la couverture, le chiffre 11 à deux reprises et une rubrique non identifiée.

96 P-Cug MM 53, f. 45v-46.

97 En ce qui concerne le MM 51, nous privilégions la dernière hypothèse car les dates se trouvent toujours associées à une fête liturgique précise : Noël de 1649 (f. 2 et f. 6v) ; Ascension de 1650 (f. 19v et f. 35). Il reste à voir s’il est ainsi pour les autres Cartapácios.

41

À l’intérieur se trouve le texte suivant :

e benignus scander coel Christe redẽptor

beate sẽper vir ginis: pla- catus sčtis precibus.

Dans la patte de fermoir, se trouve une autre inscription manuscrite en caractères gothiques. Ici le texte est mis en musique avec du plain-chant mesuré en notation blanche. À l’extérieur se trouvent des inscriptions tronquées et à l’intérieur les inscriptions suivantes :

Alius hymnus

Te victa liberat ad mat. Nocte

Les dimensions de la couverture sont identiques à celles des folios : 311 mm de hauteur (verticale) et 214 mm de largeur (horizontale).

Le codex est structuré comme un seul cahier de 25 bifolios, la moitié droite du premier bifolio étant collée partiellement à la couverture en parchemin. Comme en témoigne l’étude des filigranes, le codex est composé d’un seul type de papier entre les folios 1 et 49, et d’un deuxième papier qui est le premier bifolio et qui sert d’avant-couverture. Dans ce papier, des folios [0] et [50], la distance entre pontuseaux est de 26,6 mm et la distance entre l’extrémité du papier et le premier pontuseau est de 7 mm approximativement. Dans tous les autres bifolios qui composent le codex (f. 1-49) le papier présente une distance entre pontuseaux de 25 mm invariablement. La distance entre l’extrémité du papier et le premier pontuseau est de 30 mm approximativement. Les distances entre vergeurs est d’approximativement 1 mm dans les deux types de papier (f. 1-49 ; f. [0] et f. [50]).

Dans tous les folios, sauf le premier et le dernier (première feuille), le papier a été préparé au préalable pour de la musique avec douze portées en pentagramme. Chaque portée a approximativement 12 mm de hauteur et présente à son intérieur une distance régulière de 3 mm entre chaque ligne. Les douze portées sont organisées en trois systèmes de quatre portées (voir tableau de mesures). D’une manière générale, la distance entre les systèmes est de 14 mm approximativement, et la distance entre les portées à l’intérieur du même système est d’environ 10 mm. Le tracé des portées est présent dans tous les folios avec la même encre noire. La présence de petites marques de trous à approximativement 10 mm de l’extrémité du papier

42

témoigne d’un processus de tracé des portées grâce à un rastrum de cinq pointes. La variabilité des distances inter-portées témoigne d’un seul rastrum de cinq pointes et éloigne l’hypothèse d’un ensemble de quatre peignes pour le dessin intégral de chaque système (voir tableau de mesures). L’empreinte totale des douze portées est approximativement 268 mm x 185 mm. Plusieurs portées sont dessinées de manière oblique ce qui amène des mesures inter-portées différentes dans les deux extrémités (gauche et droite). Dans le tableau de mesures suivant, toutes les mesures (mm) sont prises au centre de la page. Les valeurs en gras sont, de haut en bas : la distance entre la limite supérieure du papier et le premier système (ou première portée) ; la distance entre le premier système et le deuxième système ; la distance entre le deuxième système et le troisième système ; la distance entre le troisième système (dernière portée) et la limite inférieure du papier. Les valeurs qui ne sont pas en gras sont les distances entre portées à l’intérieur des systèmes.

Tableau 1.3 - Distances inter-portées et entre les portées et les limites des folios du MM 51.

Folio f. 1 f. 5 f. 10 f. 15 f. 20 f. 25 f. 30 f. 35 f. 40 f. 45 f. 49 Moyenne Dist. lim. sup. –

1er syst. 23 20,5 24 21 22 23 23 24 22 22 22,5 22,5 Dist. entre portées 11 11,5 11 11 12 9 11 10 11,5 12,5 11 11 Dist. entre portées 10,5 10,5 11 11 9 11,5 10,5 11,5 11 10,5 10 10,5 Dist. entre portées 11,5 10,5 11 9,5 11 11,5 10,5 9,5 10 10 9,5 10,5 Dist. 1er syst. – 2e syst. 13,5 14,5 14 14,5 13 14 15 14,5 14,5 14,5 17 14,5 Dist. entre portées 10,5 10 11 10,5 12,5 12 10 10,5 10,5 10 9,5 10,5 Dist. entre portées 10,5 11 11 10,5 10 11 9,5 10,5 10 10 11 10,5 Dist. entre portées 11 10 8,5 9,5 9,5 8,5 10 9,5 10,5 10,5 9 9,5 Dist. 2e syst. – 3e syst. 14 15,5 14 15 14,5 14,5 15,5 15 15 14 15,5 15 Dist. entre portées 13 10,5 11,5 10 10,5 9,5 9,5 9,5 10 10,5 10,5 10,5 Dist. entre portées 9,5 12 10,5 10 10,5 10 10 9,5 9,5 10 11 10 Dist. entre portées 11,5 10,5 9,5 11,5 8,5 10,5 9 10 8 10 9 10 Dist. 3e syst. – lim. inf. 16,5 18,5 19 19 21,5 19 19 18 18 18 17 18,5

43

Le matériau du support est un papier in folio. Les dimensions du bifolio sont 311mm x 428mm. Tous les bifolios présentent le même filigrane sauf le premier (premier et dernier folios). La disposition des filigranes dans chaque bifolio est centrale au folio selon le tableau ci-dessous.

Tableau 1.4 - Disposition des filigranes dans les folios du MM 51.

Folio Filigrane Filigrane Folio

[0] (╬) ↓ [50] 1 P (†) M ↓i * 49 2 P (†) M ↓i * 48 3 P (†) M ↓i + 47 4 P (†) M ↓i * 46 5 P (†) M + 45 6 P (†) M ↓i * 43 7 P (†) M ↓i * 42 8 P (†) M ↓i * 41 9 P (†) M ↓i * 40 10 P (†) M ↓i * 39 11 P (†) M + 38 12 P (†) M ↓i * 37 13 P (†) M ↓i * 36 14 P (†) M + 35 15 P (†) M ↓i + 34 16 P (†) M + 33 17 P (†) M + 32 18 P (†) M + 31 19 P (†) M + 30 20 P (†) M + 29 21 P (†) M ↓i + 28 22 P (†) M + 27 23 P (†) M ↓i * 26 24 P (†) M ↓i * 25

44

Le tableau précédent est établi selon les conventions suivantes :

P (†) M ↓i *

Filigrane inversé verticalement et horizontalement ; bras vertical de la croix déformé. Dimensions (mm) : croix 27x14 ; écu 36x25 ; total 36x56.

P (†) M ↓i +

Filigrane inversé verticalement et horizontalement ; bras vertical de la croix non déformé. Dimensions (mm) : croix 27x14 ; écu 36x25 ; total 36x56.

P (†) M +

Filigrane correct ; bras de la croix non déformé. Dimensions (mm) : croix 27x14 ; écu 36x25 ; total 36x56.

(╬) ↓

Filigrane unique dans le manuscrit ; inversé verticalement ; croix bien dessinée. Dimensions (mm) : croix 23x17 ; écu 30x27 ; total 30x27.

45

Dans le recueil de [Briquet, 1907] se trouvent six filigranes similaires (5680, 5684, 5688, 5690, 5703, 5704) auxquelles est attribuée une provenance génoise98. Dans des recueils portugais l’on trouve également des filigranes comparables associés à des œuvres de la fin du XVIe siècle et jusqu’au milieu du XVIIe siècle. Arnaldo Faria de Ataíde e Melo montre dans son ouvrage (1926) l’annonce d’une croix latine inscrite dans un écu pointu retrouvée dans une édition de 1621 à Lisbonne99. Dans les ouvrages de João Amaral (1949, 1950, 1952, 1954) se trouvent encore plusieurs filigranes semblables datés de la fin du XVIe siècle100. Enfin dans le recueil de Maria José Ferreira dos Santos (2015), figure aussi une croix latine inscrite dans un écu pointu (décrit comme un cœur) datée de 1648101, donc pratiquement contemporaine du MM 51.

L’encre utilisée dans la totalité du manuscrit est le plus vraisemblablement ferro-gallique. Cette encre noire, typique du scriptorium monastique, est composée de tannins végétaux et de sels métalliques, origine de sa corrosivité caractéristique. Cela explique les dégradations102 irréversibles du papier provoquées par l’attaque chimique de l’encre avec le temps.

Le manuscrit indique la numération des folios avec de l’encre noir au coin supérieur droit des

rectos. Cette numération semble être contemporaine de l’inscription de la musique et toujours

de la même main et. Entre les folios 43 et 45 il y a un saut probablement provoqué par un oubli du calligraphe. Un seul calligraphe a visiblement œuvré dans la totalité du codex, tant pour la calligraphie musicale que pour la calligraphie littéraire et les indications extra-musicales. L’inscription au f. [0] « tem os Responsos do Notal » (« contient les Répons de Noël ») est également de la même main. Aucune décoration ni enluminure ne sont présentes dans la

98 « […] Un dernier groupe très nombreux (5677 à 5704) est celui de la croix latine (parfois grecque) inscrite dans un cercle ou dans un écu et accompagnée de lettres alphabétiques, initiales des papetiers. La plupart de ces marques sont de provenance génoise, ce sont celles où la croix est dans un écu et dont les lettres sont généralement formées par un trait simple ; les autres, celles où les lettres sont dessinées par un trait double et dont la croix est inscrite dans un cercle, appartiennent plutôt à la France » : [Briquet, 1907], vol. II, p. 332.

99 « 122 – Escudo pontiagudo tendo no campo uma cruz alta. – Sermão que fez o P. Andrade Gomez. Lisboa, Pedro Crasbeeck, 1621 » : [Ataíde e Melo, 1926].

100 João Amaral, “Algumas marcas de água de papéis dos séculos XV, XVI, XVII e XVIII”, Beira Alta, Viseu: Junta de Província, vol. VIII (1949), p. 19-59, p. 443-478 ; vol. IX (1950), p. 103-136, p. 252-278 ; vol. XI (1952), p. 113-154 ; vol. XIII (1954), p. 185-216.

101 [Santos, 2015], référence : MJ 982, symboles religieux ou magiques, croix latine, (contour simple, dans un cœur), 1648, feuille (haut x larg): 417 mm x 304 mm, filigrane (alt x larg): 37 mm x 23 mm (Treslado de

verba do livro da Receita Ale, M 90, nº 1863ANTT1s/registo1 folha solta).

102 La totalité des lacunes dans la source, perturbant plus ou moins directement la lecture du texte musical ou du texte littéraire, est relevée et présentée dans chaque apparat critique (vol. 2) aux tableaux « Observations sur la source ».

46

totalité du cahier à l’exception des quelques majuscules légèrement décorées sur la couverture en parchemin.

En ce qui concerne le type notationnel, la totalité de la musique inscrite dans le codex se trouve en partition (open score). Toutes les œuvres sont anonymes et en source unique (unicae), à l’exception de la première œuvre du manuscrit pour laquelle existe une concordance avec un motet de Dom Francisco de Santa Maria (†1597), comme annoncé plus haut.

47