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Le contenu musical

2.2. Effectifs et combinaisons de voix

Le manuscrit MM 51 contient principalement de la musique écrite pour huit parties vocales4. Parmi les 96 pages du manuscrit5, 87 pages comportent de la musique pour huit voix. Et parmi les 27 œuvres comprises dans le manuscrit, 20 sont écrites pour ce dispositif, dans au moins une section, desquelles seules trois ne présentent pas de guião. Cet effectif à huit voix est invariablement organisé en double chœur et, la quasi-totalité, pour une combinaison SSAT-SATB, ce qui contribue à l’unité formelle et stylistique du cartapácio.

Dans les portées restantes se trouve, cependant, une grande variété d’effectifs différents : solo avec guião ; duo avec guião ; à trois voix ; à quatre voix avec et sans guião (une étant possiblement avec l’accompagnement de trois instruments obligés). Le tableau suivant présente les œuvres qui composent le manuscrit, organisées selon l’effectif et avec l’indication de la quantité d’œuvres et du genre.

Tableau 2.2 - Distribution des effectifs au sein du MM 51.

Effectif Quantité Langue Genre

Polychoral A8 9 Latin 5 Psaumes, 2 Hymnes, 1 Calenda, 1 Antienne

A8 (et A4)6 8 Répons de Noël

A8 et solo 2 Castillan Vilancicos

A8 et solo, A4, A37 1 Tono [ou Vilancico]

A4 5 Latin 1 Motet, 1 Leçon de défunts, 1 Répons bref Castillan 2 Vilancicos

Duo 1 Castillan Vilancico

Solo 1 Latin Calenda

Le traitement de la polychoralité8 offre une grande diversité. Nous détachons deux groupes principaux : dix-sept pièces entièrement en effectif à huit voix, sur des textes latins ; et trois pièces à huit voix avec des sections en solo de tiple avec guião, sur des textes vernaculaires.

4 Voir également « 5.2. Chronologie de la notation du manuscrit » (vol. 1, p. 222).

5 Il y a une faute dans la numération originale des folios. Le cahier contient 48 folios (et donc bien 96 pages) et non pas 49.

6 Les sections des versets et doxologie sont à quatre voix.

7 Nous considérons dans cette organisation l’effectif le plus grand de cette œuvre, qui présente également des versions à trois et à quatre voix.

8 Pour une définition et caractérisation de « polychoralité » dans le contexte du présent travail, voir « 8.1. Procédés compositionnels » (vol. 1, p. 279).

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Parmi les œuvres latines, neuf sont écrites intégralement à huit voix et avec des passages solistes. Dans les huit répons de Noël, également à huit voix, les versets et la doxologie sont pourtant invariablement à quatre voix9. Parmi les trois pièces polychorales vernaculaires, « 15.

De peña en peña las ondas » offre plusieurs versions avec des effectifs variés : des variantes à

trois voix, à quatre voix, à huit voix et un segment en solo avec guião10. Par ailleurs, cinq pièces sont écrites pour quatre voix, principalement dans la combinaison SSAT, partagées entre le latin et le vernaculaire. Il existe un seul cas d’une œuvre vernaculaire pour deux tiples avec guião. Enfin, le manuscrit présente encore le cas très particulier et unique dans les cartapácios, ainsi que dans les sources ibériques en général, d’une calenda pour tiple solo ornée avec guião, « 3. Octavo calenda Januarii ».

Effectifs à huit voix (A8)

Comme nous l’avons vu avant, la majorité des œuvres du MM 51 est en double chœur et destinée à une fonction liturgique précise. Cette disposition polychorale est invariablement réservée, dans ce contexte, aux fêtes majeures du calendrier liturgique, ce qui est le cas du MM 51 présentant concrètement de la musique pour trois fêtes majeures : Noël, Ascension et

Corpus Christi. Pour une lecture de l’utilisation du langage polychoral au sein de l’environnement

musical sacré portugais du milieu du XVIIe siècle, une source incontournable demeure, sans doute, le catalogue publié en 1649 par le Roi Dom João IV (1604-1656)11 de la Bibliothèque Royale à Lisbonne12. Dom João IV est, en effet, un grand mélomane et un collectionneur passionné de musique. Élargissant la bibliothèque ducale de son père et de son grand-père, il créa la plus grande bibliothèque de musique en Europe de son temps, avec environ deux mille volumes imprimés et quatre mille œuvres manuscrites13. À la suite de la restauration de l’indépendance de Castille en 1640, la grande bibliothèque est déménagée de Vila Viçosa à

9 Voir « 4.1. Répons de Noël » (vol. 1, p. 83).

10 Voir l’apparat critique de « 15. De pena en peña las ondas » (vol. 2, p. 55).

11 Né à Vila Viçosa, Dom João est nommé Duque de Bragança, huitième de son nom, à la mort de son père en 1630. En 1640, à la suite de la restauration de l’indépendance de Castille, il est acclamé Roi du Portugal. Pour plus d’informations biographiques, voir [Freire Costa & Soares da Cunha, 2006].

12 Plusieurs études ont été réalisées sur ce catalogue depuis la fin du XIXe siècle. Tout d’abord Joaquim de Vasconcellos publie un essai critique en 1873 (voir [Vasconcellos, 1873]) et une transcription diplomatique en 1874 (voir [Vasconcellos, 1874]. Sousa Viterbo publie également une étude en 1900 (Voir Francisco Marques de Sousa Viterbo, A livraria de música de D. João IV e o seu Index, Lisboa, 1900) et en 1967 Sampayo Ribeiro l’a fait paraître en facsimilé: voir [Sampayo Ribeiro, 1967]. Vieira Nery a dédié sa thèse de doctorat, soutenue en 1990, aux sources musicales manuscrites mentionnées dans le catalogue : voir [Nery, 1990]. Et enfin, José Abreu a présenté, dans sa thèse de doctorat, une étude des sources liturgiques polychorales manuscrites présentes dans l’Index : voir [Abreu, 2002], p. 48-56.

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Lisbonne, où elle sera totalement détruite par le tremblement de terre et l’incendie de 1755. Son catalogue, dit Index14, donne un aperçu de la richesse musicale qui s’y trouvait conservée. Néanmoins, seulement la première partie de l’Index nous est parvenue et, malheureusement, il ne subsiste rien des autres parties restantes du catalogue. Malgré la perte d’un patrimoine musical monumental, cet Index fournit des informations précieuses sur le répertoire connu de sa Majesté et de son entourage, et ceci au moment exact où le manuscrit MM 51 est composé. En ce qui concerne les œuvres liturgiques en langage polychoral, José Abreu15 remarque que les seules œuvres imprimées d’origine portugaise sont celles de Francisco Garro16 (1556- c.1623) et de Duarte Lobo17 (c. 1565-1646). La majorité des sources imprimées sont, en effet, extra-ibériques et, selon Vieira Nery18, ne représentent point la pratique musicale ni à la cour ni dans les chapelles portugaises, ces éditions ayant été acquises essentiellement à des fins de collectionnisme. En revanche, les nombreuses œuvres manuscrites cataloguées sont surtout celles de compositeurs travaillant dans la péninsule, ce qui témoigne de la préférence de Dom João IV pour les principaux compositeurs employés dans les cathédrales portugaises et espagnoles. Puisque la musique sacrée manuscrite cataloguée dans l’Index est en majorité polychorale et est principalement l’œuvre de compositeurs ibériques, cela témoigne de la vogue du langage polychoral dans la péninsule19. Ceci inscrit la musique du manuscrit MM 51, quasi-totalement en double chœur, pleinement dans le goût ibérique et européen. En outre, la

14 Primeira Parte do Index da Livraria de Música do Muyto Alto e Poderoso Rey D. João o IV Nosso Senhor, Lisbonne, Paulo Craesbeeck, 1649.

15 [Abreu, 2002], p. 49-55. L’étude de José Abreu se concentre sur la musique latine et ne considère pas les

Vilancicos ou Tonos, genre très populaire et bien représenté dans la bibliothèque de Dom João IV (voir

« 4.9. Vilancicos e Tonos », vol. 1, p. 157).

16 D’origine espagnole, Francisco Garro travaille au Portugal de 1592 jusqu’à sa mort dans la fonction de

Mestre da Capela Real du Roi Filipe II d’Espagne (Filipe I du Portugal). Un recueil de son œuvre est publié à

Lisbonne en 1609 : Francisci Garri Natione Navarri ; Nunc in regia capella olisiponensi capellani, et in eadem

musices praefecti opera aliquot : Ad Philippum Tertium Hispaniarum Regem, secundi Lusitaniae. Missa quatuor, octonis vocibus três, & una duodenis. Defunctorum lectiones três, octonis vocibus. Tria Alleluia, octonis etiam vocibus…, Lisbonne, Pedro Craesbeeck, 1609.

17 Le recueil déjà mentionné de Duarte Lobo (voir « 4.1. Répons de Noël », vol. 1, p. 83), maître de chapelle de la cathédrale de Lisbonne entre au moins 1594 et 1639, a été imprimé à Anvers en 1602 : Eduardi Lupi

Lusitani civis olisiponensis, […] Opuscula :…, Anvers, Officina Plantiniana, 1602.

18 « […] the acquisition of printed materials for the Royal Library follow the simple principle of buying

everything that was available in the market that did not already exist in the collection, regardless of the actual nature of the music thus acquired. As any wealthy collector genuinely found of his subject, the King simple wanted to own everything that was published in the field […] » : [Nery, 1990], p.vi-vii.

19 Sur un total de 951 œuvres sacrées dans l’Index, 598 sont polychorales. Voir [Abreu, 2002], p. 50-52 ; voir [Nery, 1990], p. 794.

Les œuvres latines de Mateo Romero (c. 1575-1647), dit El Maestro Capítan – un des maîtres de chapelle les plus influents de toute la péninsule dans la première moitié du XVIIe siècle, employé par Felipe II d’Espagne (Felipe I du Portugal), Felipe III d’Espagne (Felipe II du Portugal) et Dom João IV du Portugal – sont, dans leur grande majorité, polychorales. Voir [Utzion, 2001], p. 77.

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plupart des œuvres polychorales de l’Index sont pour huit voix20, comme dans le MM 51, ce qui renforce encore l’adéquation du manuscrit en étude à la pratique musicale la plus courante et la plus appréciée dans le monde ibérique, inserée dans un phénomène européen plus large. Le tableau suivant présente les combinaisons des voix et des clés dans les dix-sept œuvres polychorales latines du MM 51 selon les entrées suivantes : Nº – le numéro de la pièce dans l’édition musicale ; Œuvre – le titre de l’œuvre ou la description de la collection d’œuvres ; Voix – la combinaison des voix selon la nomenclature moderne en usage (sans suivre les noms attribués dans l’édition musicale) ; Clés – la combinaison des clés originales normalisée selon la convention moderne en usage (sans suivre la distribution originale des voix dans la source21).

Tableau 2.3 – Combinaison de voix et de clés des œuvres liturgiques pour huit voix du MM 51.

Œuvre Voix Clés

2 Octavo calenda Januarii SSAT-SATB g2 g2 c2 c3 – g2 c2 c3 c4

6-13 8 Répons de Noël SSAT-SATB-G SSAT-G

g2 g2 c2 c3 – g2 c2 c3 c4 – c4 g2 g2 c2 c3 – c4

14 Christe redemptor omnium SSAT-SATB-G c1 c1 c3 c4 - c1 c3 c4 F4 - F4

18 Rerum Deus tenax vigor SSAT-SATB-G g2 g2 c2 c3 - g2 c2 c3 c4 - c4

19-21 3 Psaumes pour la None SSAT-SATB-G g2 g2 c2 c3 - g2 c2 c3 c4 - c4

23 Regina cæli SSAT-SATB-G g2 g2 c2 c3 - g2 c2 c3 c4 - c4

26-27 2 Psaumes pour les Vêpres SSAT-SATB-G g2 g2 c2 c3 - g2 c2 c3 c4 - c4

L’intégralité des œuvres présente systématiquement la combinaison SSAT-SATB. Cette disposition de l’effectif vocal, très courante à l’intérieur des Cartapácios, semble, en effet, être une empreinte identitaire des répertoires ibériques polychoraux à partir de la première moitié du XVIIe siècle.

Dom Pedro de Cristo22 (c. 1550-1618), l’emblématique maître de chapelle de Santa Cruz jusqu’en 1618, suit généralement le profil vocal SATB-SATB, mais il utilise déjà la combinaison SSAT-SATB dans le motet Tristis est anima mea et la combinaison SSAT dans la section à un seul chœur du

20 Sur un total de 598 œuvres liturgiques polychorales, 380 sont pour huit voix. Voir [Abreu, 2002], p. 52.

21 Pour une discussion de la distribution originale des voix dans la source, voir « 5.1.7. Distribution des voix dans la partition » (vol. 1, p. 212).

22 Dom Pedro de Cristo est né à Coimbra et rentre au monastère des chanoines réguliers de Santa Cruz en 1571. Il devient le maître de chapelle de la congrégation en 1597, poste qu’il occupe en alternance entre Coimbra et Lisbonne au monastère de São Vicente de Fora jusqu’à sa mort accidentelle en 1618. Il est le chanoine musicien auquel on attribue la plus grande quantité d’œuvres musicales. Voir [Rees, 1998].

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verset cinq de son Magnificat polychoral. Francisco Garro23 (c. 1556-1623) utilise indifféremment les combinaisons SATB-SATB et SSAT-SATB, avec et sans guião24, tandis que Duarte Lobo25 (c. 1565-1646) emploie surtout la disposition SATB-SATB. Dans les œuvres polychorales de Lourenço Rebelo (1610-1661), le premier chœur quasi systématiquement SSAT est toujours différent du deuxième chœur, le plus souvent SATB26. Cette combinaison SSAT-SATB est également très employée par Diogo Dias Melgás (1638-1700)27, malgré certaines œuvres aussi en SATB-SATB.

En Espagne cette empreinte ibérique est également bien visible. Dans les traités de contrepoint on trouve le témoignage de l’utilisation de cette combinaison de voix dans la pratique et dans l’enseignement, notamment à la page 488 d’El porque de la Musica de Andres Lorente, publié à Alcalà de Henares en 1672, ainsi qu’à la page 37 du deuxième volume du Escuela Musica según

la prática moderna de Pablo Nassarre, publié à Zaragoze en 1723-1724. Ceci est encore le cas

de la pratique compositionnelle des principaux maîtres de chapelle espagnols, comme El Maestro Capítan ou Patiño28. Cette empreinte se rencontre également dans l’historiographie espagnole moderne, concrètement dans l’article sur la polychoralité espagnole au XVIIe siècle de Luis Robledo Estaire29. Dans la musique à quatre voix, la combinaison SSAT est également courante, comme le note dans ses études Fernández-Rufete30. Et encore au début du XVIIIe siècle, Francisco Vals (1672-1709) utilise la combinaison SSAT dans des chœurs de diverses œuvres polychorales31.

Notons encore que dans un des traités de théorie musicale en Portugais copiés à l’intérieur d’un

cartapácio de Coimbra (MM 236, f. 233) se trouve un passage qui semble pouvoir témoigner de

l’existence théorique de « ténors fondamentaux »32, comme dans la combinaison SSAT, et

23 Francisco Garro (c. 1556-1623) travaille au sein de plusieurs cathédrales espagnoles (Logroño, Valladolid et Siguenza) avant d’être engagé à Lisbonne comme maître de chapelle du Roi Filipe I du Portugal (Felipe II d’Espagne) en 1592.

24 Les œuvres de Francisco Garro publiées à Lisbonne en 1609 sont les premières sources portugaises avec

guião (basse harmonique). Quarante-trois ans avant la première publication en France avec basse continue

dans les Cantica Sacra d’Henry Du Mont en 1652 (voir [Decobert, 2011], p. 213).

25 Voir « 4.1. Répons de Noël » (vol. 1, p. 83).

26 Voir [Alegria, 1982] ; voir [Abreu, 2002], p. 104 ; voir « 4.2. Psaumes » (vol. 1, p. 91).

27 Musicien au service de la cathédrale d’Évora.

28 Voir [Abreu, 2002], p. 205-208.

29 Luis Robledo Estaire, « Hacer choro con los angeles. El concepto de policoralidad en la teoría musical española de Cerone a Nassarre », Juan José Carreras & Iain Fenlon (eds.), Polychoralities – music, Identity

and Power in Italy, Spain and the New World, Kassel, Reichnenberger, 2010.

30 Pour une étude sur une sélection d’œuvres vernaculaires, dont plusieurs à quatre voix, voir [Caballero Fernández-Rufete, 1997].

31 Voir [Lopéz-Calo, 1972].

32 Le terme « tenor fondamental » semble correspondre à une partie de tenor qui en réalité a une fonction de basse, ce qui est sûrement de cas des œuvres écrites en SSAT.

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également de la fonction de basse générale de la voix de basse du deuxième chœur (la seule vraie basse) dans les œuvres en double chœur, comme dans la combinaison SSAT-SATB. À la fin d’une l’explication des finalis pour chaque ton33, le théoricien ajoute que « cette règle doit être respectée dans toutes les basses ou ténors fondamentaux de la musique polyphonique, sauf quand il y a deux basses ce qui est le cas de la musique à deux chœurs où la deuxième basse donne les notes à l’octave inférieure »34.

D’après cet examen des sources, la tendance pour la combinaison SSAT-SATB semble, en effet, privilégiée autour du deuxième quart du XVIIe siècle pour devenir à partir de cette période le modèle principal pour la musique de deux chœurs dans la péninsule Ibérique. Cette combinaison devient une caractéristique ibérique et s’éloigne de la combinaison typiquement romaine avec deux chœurs égaux en SATB-SATB ou encore de la pratique vénitienne notamment avec des combinaisons de chœurs de tessitures complémentaires, notamment coro acuto et coro grave. Toutefois, comme le dénote Judith Etzion déjà en 2001, au-delà du fait que les musiciens ibériques du début du XVIIe siècle connaissent les œuvres polychorales italiennes, aucune étude récente n’a été développée sur les liens stylistiques précis entre les deux univers musicaux concernant la polychoralité35. La caractéristique ibérique qui se démarque est la combinaison de deux chœurs différents, le premier chœur étant presque systématiquement SSAT. D’ailleurs, cette combinaison SSAT semble être, depuis le début du siècle, également courante dans les œuvres à quatre voix des sources ibériques, comme nous le verrons, ce qui se confirme aussi à l’intérieur du MM 51.

Effectifs à huit voix avec solo (Só e A8)

Dans le MM 51, les trois œuvres vernaculaires avec des sections à huit voix (A8) comportent toujours une section en solo (Só) qui précède celle en double chœur. Le tono « De peña en peña

las ondas » est un cas très particulier dans le MM 51 mais, en effet, typique dans les borradores36, car il comporte plusieurs versions sur le même texte, pour le romance et pour

33 La finalis est la note sur laquelle se repose une mélodie dans un ton donné et c’est une caractéristique identitaire du ton.

34 « […] esta regra se deve goardar em todos os contrabaixos ou tenores fundamentais na muzia do canto

de orgao expseto avendo dous contra baixos como em muzica de dous coros a donde o 2º contrabaixo da os pontos oitavados por baixo ». P-Cug MM 236, f. 233.

35 Voir [Etzion, 2001], p. 78.

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l’estribillo, dans différents effectifs vocaux37. Il existe notamment une version de l’estribillo à huit voix en double chœur qui est vraisemblablement précédée d’un segment en solo38. Le

vilancico « 24. Oy que los cielos se alegran » a un romance et un estribillo en solo et une resposta

à huit voix sur le texte de l’estribillo. Le vilancico « 25. Que ave del plumage blanco es esta » est composé d’un romance à huit voix alternées avec un solo au 2º Tiple, un estribillo solo (toujours pour le 2º Tiple) et un estribillo à nouveau à huit voix.

Les sections où l’estribillo est exposé à huit voix en double chœur ont la particularité d’être toujours nommées reposta ou resposta, ce qui signifie réponse. Elles détiennent en effet la fonction formelle et théâtrale de répondre, dans un grand effectif, à une première exposition du même texte en solo. Dans les deux vilancicos pour l’Ascencion, l’estribillo est entièrement chanté en solo et suivi par la resposta à huit. Dans le « De pena en peña las ondas » un solo sur la première phrase de l’estribillo semble fonctionner également comme prélude à la resposta à huit voix. Le terme Resposta désigne alors la texture en double chœur de l’estribillo, en opposition à l’Estribillo Só qui se fait en solo. Cette dernière section clôt la forme avec une ouverture sonore qui renforce le message du texte à travers divers procédés compositionnels polychoraux : dialogue et répétition antiphonales ; déclamation homophonique et quasi-homophonique ; les huit voix en imitation39 ; et l’alternance typique entre polychoralité et solo40. Cette alternance entre polychoralité et solos à l’intérieur de la section à huit voix – appelée style concertato41 – est en quelque sorte la re-visitation, dans une autre échelle, du changement de texture entre l’Estribillo Só et la Resposta A8. Le romance introductif du vilancico « 25. Que Ave del plumaje blanco es esta » repose entièrement sur ce style concertato : dialogue entre un solo au 2ºTi et les huit voix polychorales42, le plus souvent en répétition antiphonale, et suivi par un estribillo solo et une resposta à huit voix.

Cette structure où un solo est suivi par une réponse à huit voix est très courante au sein des

Cartapácios dans plusieurs pièces dévotionnelles pouvant présenter quelques variantes : la

37 Pour une étude détaillée de sa forme, ses variantes et de sa distribution dans le manuscrit voir l’apparat critique « 15. De peña en peña las ondas » (vol. 2, p. 55).

38 Une version à huit voix avec guião du même romance se trouve au MM 243, f. 96v.

39 Dans le « 24. Oy que los Cielos se alegran » (vol. 2, p. 311) aux m. 66-78 et m. 97-115 ; et dans « 15.8 De

peña en peña las ondas » (vol. 2, p. 222) dans toute la section finale aux m. 110-125.

40 Dans le « 15.8 De peña en peña las ondas » (vol. 2, p. 222) solo en duo par 2ºTi et 1ºA aux m. 57-63 et un solo par le 2ºTi aux m. 77-96 ; dans le « 24. Oy que los cielos se alegran » (vol. 2, p. 311) duo par 1ºTi et

2ºTi aux m. 115-123 ; et dans le « 25. Que ave del plumage blanco es esta » (vol. 2, p. 321) duo par le 2ºTi

et 1ºA aux m. 156-167.

41 Pour une définition et caractérisation de « style concertato » dans le contexte du présent travail, voir « 8.1. Procédés compositionnels » (vol. 1, p. 279).

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section soliste peut également être un dialogue de deux ou plus solistes et la resposta peut occasionnellement se présenter avec un nombre diffèrent de voix43.

Le tableau suivant présente les combinaisons des voix et des clés dans les trois pièces vernaculaires avec des sections à huit voix du MM 51, selon les mêmes entrées présentées