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CHAPITRE II : UN CHAMP D’APPLICATION : LA COOPÉRATION

I. LA COOPÉRATION INTERNATIONALE COMME SYSTÈME

I.3. Caractérisation des acteurs

I.3.2. L’État

Qu’est-ce que l’État ? À travers quels processus a-t-il émergé au Nord et au Sud ? Quels rapports entretient-il aujourd’hui avec les autres acteurs engagés dans la coopération internationale au développement ? Ces interrogations vont guider notre réflexion ici.

Après une première analyse du concept à partir du double apport de la philosophie et de la sociologie politique, nous nous intéresserons à la sociogenèse de l’État au Nord et au Sud. Nous rappellerons, pour ce faire, les conditions historiques et socioéconomiques ayant présidé à son émergence. Nous procéderons, par la suite, à une analyse comparative dans les pays occidentaux et les pays sous-développés, avec un intérêt particulier pour le cas de l’Afrique. Nous aborderons, enfin, les relations qu’entretiennent ces différents États avec les autres acteurs.

Le concept

Définir l’État suppose une analyse multidimensionnelle qui permet de l’appréhender sous toutes ses facettes, du moins les caractéristiques essentielles. Recourir aux fondements philosophiques et aux approches sociologiques le concernant semble être une démarche pertinente. Sans remonter à la Grèce antique, notamment à l’œuvre politique d’Aristote, on peut considérer que l’un des principaux courants de réflexion se situe dans une perspective contractualiste. Il postule l’existence d’un contrat social qui s’imposerait aux différentes volontés mues par l’état de nature. La liberté de tous serait ainsi garantie dès lors que tous se soumettent aux lois définies ensemble.

Déjà présente dans l’œuvre de Thomas Hobbes qui évoque la nécessité d’un État fort (Le Léviathan) pour taire la lutte de tous contre tous, cette idée été

également exprimée, de façon moins radicale, par John Locke. Ce dernier, dans le Traité du gouvernement civil (1690), analyse l’apparition de l’État à la lueur des conflits générés par l’inégalité d’accès aux ressources. Les hommes délégueraient leur souveraineté à l’État qui se charge de leur garantir un accès équitable aux ressources.

Jean-Jacques Rousseau, pour sa part, énonce la nécessité pour les hommes de « trouver une forme d’association qui défende et protège de toute la force

commune la personne et les biens de chaque associé, et par laquelle chacun, s’unissant à tous, n’obéisse pourtant qu’à lui-même et reste aussi libre qu’auparavant ». Dans cette conception, les différentes volontés créent un

être extérieur et supérieur qui leur garantisse la liberté. Ainsi, étant l’émanation d’une volonté commune, l’État n’en serait que le reflet, ce qui écarte toute possibilité de conflits éventuels entre les hommes. C’est également dans ce sens qu’Emmanuel Kant définit l’État comme une

« communauté de volontés impures »88.

Ainsi, tout en émanant de la volonté des cocontractants, l’État devient un être extérieur et supérieur qui complète leurs imperfections. On se trouverait face à une institution morale, en quelque sorte garante de la vertu des citoyens. Une telle vision confère à l’État une forme de perfection et de pureté. Cette conception va cependant être remise en question avec l’œuvre politique de Nicolas Machiavel où celui-ci s’est employé à démythifier le politique. Le Prince (1515) en est l’illustration.

L’approche critique trouve écho dans la vision marxiste qui inscrit l’État dans le cadre de la lutte perpétuelle des classes. Friedrich Engels en fait la description suivante : « Comme l’État est né du besoin de réfréner des

oppositions des classes, mais comme il est né, en même temps, au milieu du conflit de ces classes, il est, dans les règles, l’État de la classe la plus puissante, celle qui domine au point de vue économique et qui, grâce à lui, devient aussi classe politiquement dominante et acquiert ainsi de nouveaux moyens pour mater et exploiter la classe opprimée. C’est ainsi que l’État

88 Emmanuel Kant, La Religion dans les limites de la simple raison, trad. fr., Paris, Félix Alcan, 1913

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antique était avant tout l’État des propriétaires d’esclaves pour mater les esclaves, comme l’État féodal fut l’organe de la noblesse pour mater les paysans serfs et corvéables, et comme l’État représentatif moderne est l’instrument de l’exploitation du travail salarié par le capital. »89 L’État

apparaît alors comme une institutionnalisation de la domination d’une classe sur l’autre basée sur le monopole économique, militaire et politique. Cette conception marxiste a également trouvé un terrain favorable en sociologie, notamment chez Pierre Bourdieu qui analyse les faits politiques et les institutions (école, famille, État, etc.) au travers de la domination de la classe dirigeante sur la classe populaire.

Nous pouvons également situer dans cette mouvance de type évolutionniste l’analyse de Norbert Elias sur la construction de l’État moderne. L’auteur met cependant un accent particulier sur la monopolisation des ressources financières et militaires comme caractéristique fondamentale. Il désigne ces ressources comme étant « des monopoles clefs ». Si elles dépérissent, « tous

les autres monopoles dépérissent, et l’État se délabre »90. Pour lui, la

formation de l’État est le fruit d’un processus au cours duquel différentes composantes sociales se livrent bataille pour la monopolisation de ces ressources clés. En conséquence, l’appareil étatique serait mis en place par les vainqueurs pour réguler et maintenir leur monopole. L’État semble ainsi répondre à l’équilibre précaire du monopole issu de la lutte des classes, à travers l’instauration de lois et institutions.

La sociogenèse de l’État a été également analysée, dans le champ sociologique, comme une complexification de la vie en société, surtout à la faveur de la croissance démographique. Cela aura entrainé la création de l’État, instance supérieure chargée de la gestion du vivre-ensemble dans toutes ses dimensions. Ainsi, selon Émile Durkheim, « plus les sociétés se

développent, plus l’État se développe ; ses fonctions deviennent nombreuses, pénètrent davantage toutes les fonctions sociales qu’il concentre et unifie

89 Friedrich Engels, L’Origine de la famille, de la propriété privée et de l’État, trad. fr., Paris, Alfred

Costes, 1946 (1re éd. allemande : 1884).

90 Norbert Elias, La Dynamique de l’Occident, trad. fr., Paris, Calmann-Lévy, 1991 p. 30 (1re éd.

par cela même ». On se situe ici dans logique durkheimienne du passage

d’une solidarité mécanique, caractérisant les sociétés traditionnelles, à une solidarité organique marquée par une interdépendance accrue des acteurs. La conception wébérienne se situe, dans une certaine mesure, dans cette mouvance de rationalisation progressive de la vie sociale qui serait à la base de sa formation. Selon Max Weber, le pouvoir peut être de type

charismatique, traditionnel ou rationnel, ce dernier étant l’une des

caractéristiques fondamentales de l’État moderne. L’administration bureaucratique serait alors une dimension intrinsèque à l’existence et au bon fonctionnement d’un État moderne. Weber affirme à ce sujet :

« L’administration purement bureaucratique, donc fondée sur la conformité aux actes, l’administration bureaucratico-monocratique, par sa précision, sa permanence, sa discipline, son rigorisme et la confiance qu’elle inspire, par conséquent, par son caractère de prévisibilité pour le détenteur du pouvoir comme pour les intéressés, par l’intensité et l’étendue de sa prestation, par la possibilité formellement universelle qu’elle a de s’appliquer à toutes les tâches, perfectible qu’elle est du point de vue technique afin d’atteindre le maximum de rendement, cette administration est, de toute expérience, la forme la plus pratique de la domination la plus

rationnelle du point de vue formel. »91

Ainsi, tel que le décrit Max Weber, ce modèle représente le degré le plus achevé de la rationalisation, autant par son organisation que par sa puissance. Il est d’autant plus important de s’arrêter un moment sur ce modèle, dans la mesure où il correspond à celui qui a prévalu jusqu’à la fin du XXe siècle, malgré quelques variantes.

L’auteur établit, par ailleurs, une relation intrinsèque entre État et violence, tout en intégrant la dimension territoriale dans la définition qu’il en donne. Aussi, dans Le Savant et le politique, il affirme : « De nos jours, la relation

entre État et violence est tout particulièrement intime. Depuis toujours les groupements politiques les plus divers – à commencer par la parentèle – ont tous tenu la violence physique pour le moyen normal du pouvoir. Par

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contre, il faut concevoir l´État contemporain comme une communauté humaine qui, dans les limites d´un territoire déterminé – la notion de territoire étant une de ses caractéristiques – revendique avec succès pour

son propre compte le monopole de la violence physique légitime. »92

D’autres théoriciens, à l’instar de Max Weber, prennent en compte la dimension territoriale dans leurs définitions de l’État moderne. En guise de synthèse, nous nous référons à Jacqueline Russ pour qui l’État « désigne la

forme institutionnalisée du pouvoir, forme moderne et politique s’exerçant au sein d’importantes communautés installées sur un territoire déterminé »93.

L’analyse de la formation de l’État en termes de rationalisation progressive se retrouve également dans le courant structuro-fonctionnaliste, notamment chez Talcott Parsons. Ce dernier le considère comme l’aboutissement d’un processus allant de la différenciation sociale à l’institutionnalisation du jeu politique, en passant successivement par l’autonomisation des systèmes sociaux et une orientation universaliste. L’État peut, par conséquent, être analysé, selon la perspective parsonienne, à travers quatre types de

fonctions : l’adaptation, la poursuite de buts, l’intégration et

l’accomplissement de fonctions latentes. Ce modèle permet ainsi d’appréhender les quatre sous-systèmes constitutifs de l’État moderne, avec leurs logiques intrinsèques : l’économie, la politique, le social et la culture. Cette approche est intéressante, dans la mesure où elle offre une vision intégrée du fonctionnement de l’État à partir des sous-systèmes. On peut cependant observer que Parsons ne touche pas du doigt la question de la domination qui engage l’État dans une dynamique conduisant à sa métamorphose.

Il est important, in fine, de noter la vision systémique qui considère l’État dans ses rapports avec son, ou mieux, ses environnements. La prise en compte de cette relation est d’autant plus importante qu’elle est une donnée

92 Max Weber, Le Savant et le politique, trad. fr., Paris, UGE, 1963, p. 29 (1re éd. allemande : 1919). 93 Jacqueline Russ, Les Théories du pouvoir, Paris, Librairie générale française, 1994, p. 67.

fondamentale de notre recherche. Pour Gabriel Almond et Bingham Powel94,

par exemple, l’État est un ensemble ouvert, en interaction permanente avec un environnement d’où il tire ses ressources pour agir. De ce point de vue, l’environnement contribuerait à fonder la légitimité de l’État. Cette conception se situe dans la même mouvance que celle d’Ulrich Beck lorsque celui-ci parle de « méta-jeu ».

Nous retenons, en somme, les caractéristiques suivantes de l’État moderne :

- la rationalisation qui se traduit par la mise en place d’une

administration bureaucratique ;

- l’institutionnalisation du pouvoir, consacrée par le monopole de la violence légitime ;

- et le cadre territorial où s’appliquent ses prérogatives.

Il est toutefois nécessaire de souligner la diversité des formes étatiques, selon les conditions d’émergence. L’État peut, par exemple, être qualifié de monarchique, démocratique, libéral, républicain, totalitaire, despotique, providence, etc.

Nous ne cherchons pas à étudier, dans les détails, les différentes figures étatiques. Notre propos vise plutôt à analyser les rapports entretenus par cette institution avec les autres acteurs de la coopération au développement. Pour cela, nous nous contentons d’aborder les caractéristiques et défis actuels des États au Nord et au Sud.

Le modèle étatique en Occident est né de la conjonction de différents faits historiques sur les plans technique, économique et politique. Sa figure la plus répandue, qualifiée d’État moderne, est celle qui a prévalu dans la plupart des pays d’Europe. Ses caractéristiques fondamentales sont celles que nous avons

décrites précédemment, étendues au reste du monde à travers la

« dynamique de la modernité »95 dont la colonisation et la décolonisation

sont les symboles historiques les plus parlants.

94 Philippe Guillot, op. cit., p. 36.

95 Antony Giddens, Les Conséquences de la modernité, trad. fr., Paris, L’Harmattan, 1994

90 En conséquence, l’État moderne assure, à travers son appareil judiciaire et ses administrations, le bien-être des citoyens et régule le vivre-ensemble grâce notamment à l’exercice de la violence physique légitime par laquelle Max Weber le caractérise. Et cette mission est assurée au regard de l’environnement international avec lequels il est en interdépendance permanente. Décrit comme tel, l’État occidental s’apparente à une entité omnipotente qui décide tant de la vie que de la mort de ses citoyens.

Or, on assiste, depuis des décennies, à une remise en question du modèle de l’État-providence qui prend en charge de nombreuses dimensions de la vie sociale. Certains postulent, au regard de ses transformations et de ses relations avec les autres acteurs tant nationaux qu’internationaux, l’ère de l’État postmoderne96.

Pour Jacques Chevallier, l’État étant ouvert sur un environnement avec lequel il est en interaction, il ne saurait échapper « au mouvement de fond

qui agite les sociétés entrées dans l’ère de la post-modernité »97. Cet État

serait marqué, de façon structurelle, par l’incertitude, la complexité et l’ « in-

détermination ». Cette mutation peut être liée aux crises économiques

successives qui ont conduit à une remise en cause de la toute-puissance de l’État moderne et de ses frontières formelles, et entraîné l’émergence d’acteurs nouveaux avec lesquels il doit désormais composer. Le mécanisme de transformation peut être décrit comme suit : la mondialisation réduit d’abord la marge de liberté des États sous les contraintes d’un ordre économique transnational. De ce fait, l’impuissance et la faiblesse de l’État favorisent l’émergence d’acteurs non étatiques qui prennent en charge certaines fonctions qui, jusque-là, relevaient de sa prérogative. Est souvent cité, en exemple, le secteur social où les administrations doivent désormais collaborer avec des associations, jugées plus proches des besoins des populations. Enfin, avec la mondialisation, on assiste à la création d’entités (organisations régionales, entreprises transnationales, etc.) qui dépassent le cadre restreint de l’État-nation et qui, dans une certaine mesure, l’obligent à

96 Jacques Chevallier, L’État post-moderne, Paris, LGDJ, 2008. 97 Op. cit., p. 17.

s’y adapter également. Cela a pour conséquence d’influencer la nature des relations avec les autres acteurs.

Cette métamorphose, même si elle prend une allure de tendance mondiale, semble toucher différemment les États. Ainsi, si l’on en croit Jacques Chevallier, ces changements seraient plus perceptibles en Occident. D’autres auteurs98 ont d’ailleurs, sur ce présupposé, établi une typologie en trois

dimensions avec des États « pré-modernes » (où figurent les pays dits du sous-développés), des États « modernes » (les pays émergents) et des États

post-modernes dans lesquels « la souveraineté tend à faire place à une nouvelle logique d’interdépendance et de coopération, effaçant la séparation entre affaires intérieures et étrangères »99.

Une telle classification nous paraît toutefois arbitraire et présente le risque d’enfermer le raisonnement dans le schème traditionnel « pays développé versus pays sous-développé ». En effet, l’émergence d’acteurs transnationaux sur les plans politique, économique et social devra orienter la réflexion vers une forme de relativisme, dans la mesure où on assiste à une quasi- reproduction des problèmes de l’État aussi bien dans les pays du Nord que dans ceux du Sud.

En conclusion, après une définition du concept d’État, nous en avons analysé la sociogenèse dans le monde occidental, à partir des apports de la philosophie et de la sociologie politiques. Cela nous a permis de dégager, comme caractéristique fondamentale de l’État moderne, sa rationalisation, le monopole de la violence et sa circonscription dans les frontières d’un territoire. Au-delà, nous avons surtout constaté sa toute-puissance et son omniprésence. Cependant, l’État, tel que décrit, semble avoir perdu de sa puissance et doit aujourd’hui inscrire ses actions dans la relation d’interdépendance qui la lie avec les autres acteurs. Tel est le défi de cette entité nouvelle qualifiée d’État post-moderne.

98 Pour une analyse approfondie, voir Robert Cooper, La Fracture des nations. Ordre et chaos au XXIe

siècle, trad. fr., Paris, Denoël, 2003 (1re éd. angl. : 1996). 99 Jacques Chevallier, op. cit., p. 18.

92 Nous pouvons, présent, aborder le cas des États en Afrique en interrogeant leurs conditions d’émergence, leurs caractéristiques et leurs relations avec les autres acteurs de la coopération pour le développement.

La problématique de l’État en Afrique

Certains anthropologues100 reconnaissent, certes, l’existence de formes

étatiques en Afrique avant la période coloniale. Mais la création d’États modernes et « souverains » sur le continent remonte au début des années 1960. Même si l’analyse institutionnelle identifie, dans la plupart des pays africains, les caractéristiques principales des États modernes, il est nécessaire de porter un regard critique sur leurs conditions d’émergence. Cela nous éclairera sur les problématiques permanentes auxquels ces États sont confrontés. Nous analyserons, pour finir, leur positionnement actuel dans la nouvelle configuration des relations internationales.

La compréhension du fonctionnement des États africains requiert une remontée dans l’histoire de leur genèse. On peut, pour commencer, interroger le mode de pénétration et d’installation coloniale en Afrique. La majeure partie des pays du continent sont en effet passés par une période coloniale allant de 1880 à 1960. Celle-ci a été marquée par le partage de l’Afrique par les puissances coloniales, concrétisé à travers des frontières territoriales dont l’objectif était plus de refléter leur hégémonie que les caractéristiques sociologiques des peuples assujettis. Aussi est-il fréquent de retrouver, encore aujourd’hui, des peuples partageant les mêmes cultures, langues et croyances mais vivant sur deux territoires distincts. Tel est, par exemple, le cas des peuples frontaliers, en Afrique subsaharienne, qui se retrouvent généralement lors de fêtes traditionnelles, parce que partageant les mêmes croyances et pratiques coutumières. Cet état de choses serait

100 Voir Francis Dupuy, Anthropologie économique, Paris, Armand Colin, 2001, pp. 99-116. L’auteur

consacre le chapitre six du livre à l’étude des sociétés à États. Il s’appuie notamment sur les travaux anthropologiques réalisés par Frederik Nadel au sujet du royaume Nupe au Nigeria. Il évoque également le cas de certains États puissants et expansionnistes en Afrique de l’Ouest : le royaume du Ghana, l’empire du Mali ou encore le Songhay.

d’ailleurs l’un des facteurs explicatifs de la perméabilité des frontières, souvent évoquée pour décrire les dysfonctionnements des États.

La principale caractéristique de la colonisation demeure cependant la mise sur pied d’organes chargés de l’administration des colonies. Ceux-ci ont été les piliers de la diffusion de l’État occidental en Afrique. Cette modernité cohabite toutefois avec les structures traditionnelles, que ce soit sur le plan religieux, économique ou politique. Cette survivance de pratiques traditionnelles, dans des États qui se veulent modernes, a entraîné une forme d’hybridation dont les effets ont commencé à se ressentir au lendemain des indépendances. Pour finir, nous pouvons mentionner deux autres facteurs fondamentaux qui vont influencer la forme et le fonctionnement des États africains : la substitution d’une agriculture d’exportation à une production vivrière, et la formation des futures élites à l’école coloniale.

Les États nouvellement indépendants, sous la direction des cadres formés à l’école coloniale, ont traîné les fantômes de l’hybridation des structures sociales. De nouvelles problématiques ont contribué à la construction d’un cercle vicieux où s’entremêlent dépendance économique, instabilité politique, exacerbation du phénomène ethnique, etc. En conséquence, depuis les indépendances, ces États ont connu, sur le plan politique, différentes configurations allant du parti unique au multipartisme dont l’apparition remonte aux années 1990. Le pouvoir, fondé sur le régime du parti unique, a été l’une des caractéristiques fondamentales de l’État en Afrique jusqu’à une période récente. Celui-ci est généralement marqué par son indissociabilité avec la personne du président et son parti. De ce point de vue, Philippe