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2. La construction de la problématique de la recherche 21

2.1. La problématique 21

2.1.3. L’échelle de politisation 36

Afin de mesurer les tendances politiques des enfants, leur maturité en ce domaine et leur degré de préoccupation sur des sujets de politique quotidienne, nous avons besoin de recueillir des informations à partir d’un questionnaire destiné à un échantillon d’élèves, questionnaire qui prend la forme d’une échelle de politisation (Percheron, 1973, p. 50), élaborée selon les niveaux de perception des élèves et formulée en fonction des thèmes de l’analyse. Ce questionnaire est « une série de questions écrites avec une construction bien maitrisée, organisées d’une façon logique et liées aux problématiques de la recherche, destinées indirectement aux personnes objet d’étude pour les remplir par eux-mêmes sans l’intervention du chercheur » (Altomi El-Chibani, 1971, p. 258).

2.1.3.1. Tirage de l’échantillon

Depuis 2005, N'Djamena, la capitale du Tchad, est divisée en dix arrondissements regroupant cinquante-deux quartiers, dont vingt-six officiellement reconnus. Ces quartiers sont eux-mêmes subdivisés en sept cent six carrés, qui sont les plus petites entités administratives de la ville. La plupart des familles pauvres et leurs enfants se retrouvent dans une moitié de la ville (26 autres quartiers non reconnus) où il n'existe pas de services sociaux de base (eau potable, électricité, drainage des ordures ménagères, écoles publiques, centres sociaux, centres culturels, dispensaires, etc.)23

. Sur cette base, nous essayons d’équilibrer notre échantillon en pratiquant un tirage d’échantillon aléatoire de 10 écoles sur l’ensemble de la liste des écoles primaires publiques dans la ville de N’Djamena, sans prendre en compte la division administrative de la ville pour éviter la marginalisation de quartiers non reconnus qui comptent un grand nombre des écoles.

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http://www.memoireonline.com/07/09/2251/m_La-reinsertion-familiale-des-enfants-de-la-rue-dans-la-ville-de- Ndjamena-au-Tchad-Eta2.html.

Carte 2 : Division administrative de la ville de N’Djamena 24

La population d’enquête comprendra un échantillon aléatoire de 480 élèves sélectionnés parmi ceux des écoles primaires publiques, et âgés de 6 à 14 ans. En effet, la durée du cycle de l’école primaire et l’âge moyen officiel d'admission à l'école primaire au Tchad est de 6 ans25

, mais les phénomènes de redoublement et d’entrée tardive à l’école entraînent la présence d’enfants âgés de plus 12 ans dans les écoles primaires. Le nombre total d’écoles primaires à N’Djamena est de 359. Nous avons sélectionné une école par arrondissement, ce qui fait 10 écoles à raison de 48 élèves par école. Nous avons pris en compte deux variables, l’âge et le sexe, afin d’étudier leur impact sur les résultats des élèves, mais de manière secondaire, car ces paramètres ne constituent pas un sujet clé dans notre recherche.

Tous les catégories de la population d’origine doivent être représentées dans l’échantillon étudié et doivent être accessibles. L’enquête doit s’en tenir à l’objectivité en évitant les partialités qui peuvent générer des erreurs et introduire des biais dans l’analyse statistique (Faissal et Tawfiq, 1979, p. 55), les résultats de l’enquête en dépendant. La qualité des conclusions pour l’échantillon choisi reste liée à sa composition. Si, par exemple, l’enquête porte sur des étudiants, des fonctionnaires de ministères ou des associations, il faut prévenir le risque d’erreurs en augmentant la taille de l’échantillon, car l’accroissement de la taille de l’échantillon réduira la marge d’erreur

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Source : http://www.everysingleplace.com/features/7564083-region-de-la-ville-de-n-djamena-chad-information

25Données mondiales de l’éducation, 7e édition 2010/2011, UNESCO, p. 15,

d’échantillonnage. Si on dispose de ressources suffisantes et d’un budget important, le risque d’erreurs sera moins élevé (Al-hamali, 1988, p. 155).

Nous devons nous satisfaire d’un échantillonnage réduit car l’enquête porte sur des sujets interrogés présentant de grandes similitudes à l’intérieur d’un cadre scolaire régi par un système politico-administratif uniforme. Par ailleurs, nous ne sommes pas en mesure d’étudier plusieurs villes, ni toute la ville de N’Djamena d’une part en raison des difficultés du terrain, causées par la situation politique et militaire et la guerre quasi permanente, qui ont des conséquences directes sur l’enquêteur qui ne peut circuler librement, ni se déplacer parmi les nombreuses populations qui demeurent méfiantes à l’égard de ces investigations qui ne les mettent pas toujours en sécurité et, d’autre part, en raison du coût financier d’une telle étude.

Les tableaux suivants détaillent la répartition de l’échantillon :

Tableau 3 : Répartition des élèves dans l’échantillon selon l’âge

Tableau 4 : Répartition des élèves dans l’échantillon selon le sexe

Classe Age des élèves 6 - 9 ans 10 ans et plus 6 - 9 ans 10 ans et plus 6 - 9 ans 10 ans et plu s 6 - 9 ans 10 ans et plus 6 - 9 ans 10 ans et plus 6 - 9 ans 10 ans et plus Nombre 71 0 79 7 53 40 0 65 0 83 0 82 Total CM1 CM2 71 86 93 65 83 82 CP1 CP2 CE1 CE2 Classe Sexe des élèves

Fille Garçon Fille Garçon Fille Garçon Fille Garçon Fille Garçon Fille Garçon

Nombre 21 50 36 50 43 50 15 50 33 50 32 50

Total 71 86 93 65 83 82

2.1.3.2. Présentation de l’instrument d’enquête

Nous avons construit une liste de quatre-vingt dix termes ayant un rapport avec la sphère politique (cf. annexe 1). Bien qu’il s’agisse d’un instrument d’enquête basé sur une simple liste de mots, notre objectif n’est pas d’établir le niveau des connaissances et opinions des enfants dans le domaine politique, mais de découvrir le schéma de leur organisation, la nature des liens les unissant, les modalités de leur acquisition et de leur sélection. Cette démarche nous aidera aussi à mieux comprendre le niveau cognitif des élèves visés par ces livres, ce qui nous permettra de faire des prévisions sur les traces qui en resteront dans l’esprit des élèves en termes de formation politique.

Nous avons construit cet instrument sur la base une simple liste de vocabulaire qui invite l’enfant à préciser s’il n’aime pas, s’il aime, s’il ne connait pas, ou n’a pas de réponse concernant le contenu recouvert par chaque terme proposé (Percheron, 1973, p. 50)

L’objectif de la liste de vocabulaire est de trouver, par de simples mots, des stimuli de réponses aussi simples et aussi pauvres que possible au départ, notre démarche consistant ensuite à chercher les structurations du politique chez l’enfant à partir de covariations des réponses entre elles. Il ne s’agit donc pas d’analyser une réponse donnée à une question évoquant un domaine précis d’opinion et d’attitude mais de reconstruire certaines dimensions du champ politique à partir d’indicateurs.

Cette liste est construite sur la base de neuf types de vocabulaires représentatifs d’un champ politique, à raison de dix mots par type. Nous procédons à une notation littérale pour chaque type, en plus de la numérotation séquentielle de chaque mot de la liste Les trois premiers types sont ceux qui correspondent le plus au champ du pouvoir et à la séparation des pouvoirs. Le premier type correspond à des mots décrivant le pouvoir dans son sens exécutif (mécanismes du régime, des institutions et des structures d’autorité) avec des mots comme gouvernement, police, décision, administration, ministre (notation : A). Le deuxième type comporte des termes se situant au niveau législatif du pouvoir, comme voter, élection, élu, assemblée nationale, député, candidat (notation : B). Quant au troisième type, il s’agit des mots plus directement liés au domaine de la justice, avec tribunal, avocat, magistrat, loi, prison (notation : C).

À ces trois premiers champs de vocabulaires s’en ajoutent trois autres, de nature sensiblement différente, et liés au domaine de l’identité dans ses deux dimensions : l’identité nationale (notation : D) avec des mots relatifs à la communauté nationale comme nous, Tchadiens, république, capitale, drapeau, hymne national, et l’identité continentale (notation : E) avec des mots comme « Afrique, continent, Panafricain, Négro, Royaume africain ».

Il nous a semblé utile de créer un volet complémentaire concernant l’identité et relatif à sa dimension locale (notation : G), avec des mots comme « village, tribu, racine, origine », car cette dimension s'est imposée pendant l'analyse.

D’autre part, il nous semblait indispensable d’ajouter au vocabulaire proprement politique un certain nombre de mots faisant référence au domaine des pratiques politiques contribuant à la démocratie (notation : H), avec les mots comme « syndicat, opposer, débat, dialogue, point de vue », ainsi que les termes dont la signification est opposée à la notion de démocratie (notation : I), avec des mots tels que « dictature, injuste, corruption, guerre, rébellion, lion, héro, colonie, violence ».

Le dernier volet concerne l’aspect social (notation : J), qui est indirectement lié à la vie politique, afin de mesurer l’intérêt des élèves pour ce qui se passe autour d’eux, avec des mots comme « argent, moto, réussite, progrès, bourgeoisie, classe sociale, compromis, salaire ».

Dans notre analyse des résultats, nous devrons prendre en compte le rôle déterminant des facteurs sociologiques tels que l'âge et le sexe. Quant au facteur lié au milieu familial, nous ne voyons pas la nécessité d’en mesurer l’impact, car la nature de la vie familiale dans une grande partie de la société tchadienne impose une distance entre adultes et enfants à la maison ainsi qu’entre les hommes et les femmes, ce qui explique l'absence de certaines pratiques telles que le dialogue ou l’échange d’idées. Cette catégorisation familiale réduit les possibilités d’impact des valeurs ou des opinions.

Nous avons séparé les mots trop proches comme « ministre et gouvernement », « armée et guerre ». Nous avons mélangé adjectifs et substantifs et avons glissé tout au long de la liste des mots pouvant être perçus comme moins directement politiques par les enfants, tels que « obéissance,

devoir, liberté ». Il s’agissait d’aérer l’ensemble, de « dépolitiser » en apparence l’opération et d’éviter une automaticité des réponses chez l’enfant.

Pour éviter les chances d’incompréhension du stimulus de réponse, nous avons simplement demandé aux enfants de cocher s’ils connaissaient, aimaient, n’aimaient pas les mots que nous leur soumettions ou choisissaient de ne pas répondre (champ libre).

Pour chaque mot, les propositions de réponses se présentent donc ainsi :

Assemblée nationale Je n’aime pas J’aime Je ne connais pas

Nous retenons ces quatre réponses pour couvrir deux dimensions essentielles de l’acquisition du vocabulaire que sont la compréhension, la valorisation ou l’ignorance, sans préjuger de leur ordre d’apparition ni de leur rôle respectif. Notre objectif est d’essayer de trouver les dimensions de l’univers politique des élèves dans le domaine du pouvoir, les modalités de développement de leurs connaissances et la valorisation des symboles politiques en fonction de facteurs tels que l’âge et le sexe. Par ailleurs, nous nous situons d’emblée au niveau de l’affectif afin de pouvoir étudier ensuite la signification sur le plan intellectuel de telle représentation ou du regroupement de tel et tel mot.