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Chapitre III : Structure socioculturelle, vie politique et scolarisation au Tchad 115

3. Les valeurs politiques dominantes 144

3.2. Les valeurs politiques communes 147

3.2.2. Le discours politique 150

On entend par discours politique l’affirmation de l’attachement à ce qui a été stipulé dans la Constitution en termes de principes et de valeurs ainsi que le respect des libertés et des droits. Le discours politique présente également les orientations politiques et les options idéologiques que l’orateur veut suivre.

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Projet de constitution de la République du Tchad, édité par la Commission électorale nationale indépendante,

Le discours politique dispose de plusieurs canaux permettant de faire admettre une idée à l’auditeur : il peut prendre la forme d’une publication politique, d’un prêche religieux, d’une allocution radiophonique ou audio-visuelle.

Concernant le rapport du discours à l’idéologie, nous pouvons dire que « toute idéologie est un ensemble de textes, le texte étant un message de l’auteur. La communication entre le locuteur et l’interlocuteur se fait à travers la parole, c’est-à-dire à travers des signes sonores » (Amal, 1990, p. 48). Le discours est « tout ce qui est prononcé par l’individu en tenant compte des circonstances dans lesquelles il a été dit ainsi que le rapport avec son interlocuteur » (ibid.).

Le rôle du discours politique au Tchad est très important car il permet de clarifier les orientations politiques générales de l’État. Il est également considéré comme une source d’idéologie politique.

Nous nous contenterons ici d’analyser le discours présidentiel qui se présente généralement comme un texte écrit adressé par le Président au peuple. La caractéristique habituelle de ces discours est d’offrir l’occasion d’exprimer le sentiment national et l’attachement de l’orateur à tout ce qui contribue à concrétiser les aspirations et les ambitions du peuple. Il révèle également les lignes de politique générale ainsi que les valeurs et les orientations qui la régissent. Pour ces raisons, nous avons choisi le discours prononcé par le Président actuel, Idriss Déby, devant le Congrès national indépendant en date du 15 janvier 199351

. L’importance de ce discours tient à l’importance du Congrès lui-même, puisque c’est la première fois dans l’histoire de l’État du Tchad que se tient un Congrès regroupant l’ensemble des chefs d’organisations et de sections politiques, des fronts militaires, des chefs de tribus, des hommes et des femmes de culture, des personnalités notables de la concorde nationale en vue de l’union, du travail et du progrès.

Les principaux points de ce discours en rapport direct avec le thème de notre recherche peuvent se résumer comme suit :

« La tenue de ce Congrès survient dans le cadre de l’engagement des enfants du pays en vue de réaliser un avenir meilleur dans un cadre administratif et politique garant de l’entente, de la paix, de l’unité, de la démocratie et du développement. »

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Discours du Président de la République lors de l’ouverture du Congrès National Indépendant, 15 janvier 1993, N’djamena, Tchad.

Dans l’introduction de son discours, le Président affirme que la présence de canaux de communication, de pourparlers et de dialogue est une condition fondamentale pour un pays jeune, composé d’un peuple aux ethnies multiples. Les politiques du parti unique imposées par les régimes précédents ont étouffé l’expression du peuple afin de mettre en avant les slogans d’un chef. Le Président s’interroge ensuite sur la forme du régime à adopter en vue de garantir les libertés et les droits de l’homme.

Une autre préoccupation du Président est d’identifier les dispositions qui permettraient à chaque Tchadien d’être en sécurité dans son pays. Le Président indique que l’armée est la cause de toutes les dérives telles que le régionalisme et la dépendance. Dans le passé, l’armée a été créée pour défendre des idéologies confuses ou des intérêts de groupes, éloignant ainsi davantage la paix et empêchant l’unité.

Le Président confirme sa volonté d’ouvrir l’espace du dialogue et de la démocratie dans le cadre de la concorde nationale et de la réorganisation de l’armée. Il déclare également que l’organisation administrative héritée de la période coloniale n’est pas en mesure d’assumer ses missions, outre le faible taux de scolarisation et le désordre administratif. Il ajoute que la mauvaise planification dans la qualification et le recrutement a conduit à la multiplication des crimes comme la corruption et le détournement de fonds publics.

À la fin de son discours, il propose la création d’un cadre de réflexion qui n’est autre que la démocratie basée sur le multipartisme.

En conclusion des trois premières parties de ce chapitre, il apparaît que le Tchad est un pays où vit un peuple composé d’ethnies et de tribus différentes les unes des autres à bien des égards. Le gouvernement français a tenté de dissoudre certaines de ces différences dans une seule zone géographique dont il a délimité les frontières.

Après son indépendance, le Tchad a connu une période d’instabilité politique dont l’une des principales causes est l’absence d’un climat idéologique favorisant l’adoption d’idées politiques conformes à la nature même de la société, de même que l’absence d’institutions politiques stables. Ainsi six présidents se sont succédé en 30 ans, entre 1960 et 1990, mais l’alternance pour le pouvoir

par des voies normales n’a eu aucun espace durant cette période puisque le seul moyen d’accès au pouvoir a été la force militaire. De même, les cinquante dernières années ont été marquées par la naissance d’un grand nombre de mouvements de rébellion militaire et des guerres civiles continues, alors que parallèlement subsistaient une société civile et des partis politiques dans le cadre autorisé par la Constitution, mais de fait très marginalisés. La succession de quatre constitutions en l’espace de 50 ans est à cet égard symptomatique de l’absence d’émergence d’une option politique claire et stable pour gouverner le pays.

Ainsi, force est de constater que la référence fondamentale de ces constitutions, les sources des valeurs qu’elles incarnent et les orientations politiques générales des gouvernements successifs du Tchad se sont enfermées dans l’option d’un libéralisme français, en particulier celui de 1958, propre à la Constitution de la Cinquième République. Pourtant, l’étude des constitutions, en particulier celle de 1996, et du discours politique met en lumière une invitation à des valeurs et des principes tels que l’union nationale, la solidarité, l’égalité, la justice, le refus des propagandes territoriales ainsi que le dépassement des tendances tribales et coutumières. Le but est bien de parvenir à une seule identité nationale et à la création d’un sentiment d’appartenance à un seul État aux lois et aux institutions unifiées. Par ailleurs, le multipartisme renouvelé par la constitution de 1996 élargit la base de la pratique politique au sein des milieux sociaux.

Cette situation a fragilisé et affaibli les assises de l’État sur tous les plans : politiques, économiques, sociaux et sanitaires. Elle a également eu un impact négatif sur le système éducatif du pays comme nous allons le montrer.