• Aucun résultat trouvé

1.5 L’échelle de mesure des expériences 2 et

Dans le document Des théories implicites de l'homme - RERO DOC (Page 157-161)

Si les questionnaires ont porté sur l’évaluation de la «typicité» de plusieurs traits, précisons que ces traits seront nommés désormais non pas comme des traits «plus typiques des êtres humains» ou «plus typiques des animaux», mais comme des traits «plus caractéristiques des êtres humains» ou «plus caractéristiques des animaux». Cela pour insister sur le fait que ces traits dis- tinguent - ou «caractérisent», pour reprendre les termes de notre problématique - les espèces con- cernées. Cela pour se souvenir aussi plus loin dans le texte qu’ils ne correspondent pas forcément à des traits particulièrement partagés, soit par les êtres humains, soit par les animaux.

1.5.1 Choix d’une distinction entre trois types de traits

Dans un premier temps, nous avons établi un tableau récapitulatif des résultats obtenus dans les questionnaires 1, 2 et 3 (Voir Annexe 26, page 310). L’idée était alors de conserver dans notre échelle de mesure des traits qui étaient apparus comme plus caractéristiques des êtres humains, ou comme plus caractéristiques des animaux, non seulement selon le questionnaire 1, mais aussi selon les questionnaires 2 et/ou 3. Ce principe a été suivi pour sélectionner les traits que nous considérerons comme plus caractéristiques des êtres humains, soit les 9 traits: égoïste, imagina- tif, individualiste, intelligent, inventif, moral, raisonneur, rationnel et spirituel.

Il n’a par contre pas été possible de suivre ce principe pour établir une liste exhaustive de traits plus caractéristiques des animaux. Nous avions alors envisagé de limiter nos exigences pour qu’un trait soit considéré comme plus caractéristique des animaux, et choisi par conséquent de considérer comme plus caractéristiques des animaux les traits qui seraient apparus comme tels dans au moins l’un des 3 questionnaires. D’où notre choix initial de considérer les 9 traits sui- vants comme plus caractéristiques des animaux: instinctif, sauvage, intuitif, habile, combatif, impulsif, libre, malin19 et spontané. Et c’est sur cette base que notre échelle a été constituée, soit d’un total de 18 traits, dont 9 étaient considérés comme plus caractéristiques des êtres humains, et dont 9 étaient initialement considérés comme plus caractéristiques des animaux.

Toutefois, et cela une fois les questionnaires des expériences 2 et 3 administrés, il nous a finale- ment semblé plus correct (de manière à se rapprocher - en ce qui concerne les traits plus caracté- ristiques des animaux - de la démarche suivie pour sélectionner les traits plus caractéristiques des êtres humains) de ne considérer comme plus caractéristiques des animaux que les traits qui avaient été jugés comme tels (au moins) dans le questionnaire 1. C’est la raison pour laquelle nous avons décidé de distinguer - a posteriori, et parmi les traits considérés initialement comme plus caractéristiques des animaux - ceux que l’on pouvait considérer comme «communs aux êtres humains et aux animaux» - soit les traits combatif, impulsif, libre, malin et spontané - de ceux que l’on pouvait considérer comme «plus caractéristiques des animaux» - soit les traits ins- tinctif, sauvage, habile et intuitif20.

19.La caractéristique libre a été considérée comme une caractéristique plus typique des animaux que des êtres humains suite à une erreur commise lors d’une première analyse des résultats, ce qui n’aura heureusement aucune incidence sur les résultats à venir.

Construction des outils de mesure

Notre échelle avait donc été construite initialement avec 9 traits plus caractéristiques des êtres humains et 9 traits plus caractéristiques des animaux. Nous jugeons toutefois plus correct de con- sidérer qu’elle est finalement constituée de: 9 traits plus caractéristiques des êtres humains, de 4 traits plus caractéristiques des animaux et de 5 traits communs aux êtres humains et aux ani- maux. Et c’est en tenant compte de ces trois types de traits que nous effectuerons nos analyses des expériences 2 et 3.

Relevons encore à titre indicatif que, selon le questionnaire 1, les 4 traits plus caractéristiques des animaux sont tous connotés positivement; et que parmi les traits plus caractéristiques des êtres humains, 7 sont connotés positivement et 2 négativement (égoïste et individualiste).

1.5.2 La mesure de l’homogénéité intraespèce

Dans une revue de la littérature sur l’effet d’homogénéité de l’exogroupe, Ostrom et Sedikides (1992) exposent les résultats des recherches existantes à ce sujet en les distinguant de par les mesures de la variabilité intragroupe qu’elles utilisent, soit: 1) la dispersion des membres du groupe sur une dimension donnée (comme le rang21 ou la variance22); 2) le degré auquel un groupe adopte le stéréotype qui lui est associé23, et; 3) la similitude perçue.

S’il est envisageable, dans le cadre de notre travail, de demander à des sujets de se prononcer sur les deux premiers types d’échelles pour évaluer la variabilité perçue au sein de l’espèce humaine, il nous semble toutefois farfelu de demander à des sujets de s’exprimer sur ces deux types d’échelles pour évaluer la variabilité perçue au sein d’une espèce animale. En effet, cela signifie- rait, par exemple, de demander aux sujets de classer des individus non humains sur une échelle bipolaire pour former un histogramme. Si cela n’est pas impossible à envisager, il faut admettre que cela paraîtrait toutefois très probablement ridicule. Et l’on pourrait imaginer alors que les sujets ne s’investissent pas réellement dans la tâche à laquelle il leur est demandé de participer.

Mais c’est surtout par souci de tester au mieux le principe du métacontraste, que nous choisis- sons d’adopter une mesure de similitude perçue. Rappelons que ce principe peut s’exprimer en

21.En demandant par exemple à des sujets de situer sur une échelle bipolaire les deux bornes entre lesquelles se répartissent 50% des membres d’un groupe (Jones, Wood et Quattrone, 1981, cités par Devos, Comby et Des- champs, 1995).

22.En demandant par exemple à des sujets d’indiquer sur une échelle bipolaire de quelle manière se répartissent 100 membres d’un groupe (Linville, Salovey et Fischer, 1986, cités par Devos, Comby et Deschamps, 1995).

23.En demandant par exemple aux sujets d’estimer, pour des caractéristiques stéréotypiques ou contre-stéréotypiques d’un groupe, la proportion des membres auxquels elles s’appliquent (Park et Rothbart ,1982, cités par Devos, Comby et Deschamps, 1995).

taux de métacontraste, ce dernier correspondant à la différence moyenne perçue entre les catégo- ries divisées par la différence moyenne perçue à l’intérieur des catégories. A noter que cette approche est aussi sensible que les deux autres pour observer l’effet d’homogénéité de l’exo- groupe (Ostrom et Sedikides, 1992). Sur la base d’une échelle de similitude, bipolaire, utilisée par Quattrone et Jones (1980, cités par Quattrone, 1986), nous proposons que les sujets évaluent la ressemblance perçue entre les membres d’une même espèce sur une échelle en 7 points24, allant de «ils sont complètement différents les uns des autres» (1) à «ils sont à peu près tous sem- blables» (7). Nous considérons que plus ce chiffre est élevé, plus l’homogénéité intraespèce est importante.

1.5.3 Choix d’un animal particulier: les singes

Dans le but de pouvoir comparer l’homogénéité de l’espèce humaine et l’homogénéité d’une espèce animale, il nous faut choisir une espèce animale particulière: sans quoi - bien sûr - l’homogénéité perçue entre les animaux pourrait refléter la diversité du monde animal.

Si nous nous référons aux trois questionnaires qui ont servi à établir notre échelle, les sujets ont dit avoir songé - en les remplissant - principalement: aux chiens (5325), aux chats (50), aux lions (34) et aux singes (23). S’il est possible d’évaluer l’homogénéité de chacune de ces 4 «espèces», la perspective de l’expérience 4 a guidé notre choix sur les singes.

Comme il s’agira dans notre travail de travailler non seulement sur l’homogénéité perçue, mais aussi sur la différenciation interespèce, il nous semble que les singes - nos cousins, précisément - sont les animaux les plus à même de susciter chez les sujets une recherche de différenciation interespèce. En effet, de nombreuses - et récentes - découvertes contribuent à relativiser toujours plus les limites existantes entre les êtres humains et certaines espèces simiesques: «Les pionniers de la primatologie (R. Yerkes, W. Köhler) ont mis en évidence l’intelligence des grands singes; G. Gallup a montré qu’ils disposaient d’une conscience de soi; avec les Gardner et leurs épigones, on apprend qu’ils pouvaient s’exprimer en langage des signes (...); les chercheurs japonais ont introduit l’idée de «culture» des primates; avec J. Goodall, on a découvert l’usage des outils. D’autres chercheurs montreront que les singes possèdent des représentations (Menzel), qu’il sont porteurs d’intentions et savent reconnaître les intentions d’autrui (D. Premack) et sont capables

24.Cela du fait que les sujets qui évalueront aussi la pertinence des traits dans l’expérience 4 le feront, sur la base d’une échelle utilisée déjà par Poeschl, sur une échelle en 7 points.

Construction des outils de mesure

de supercherie (H. Kummer)» (Dortier, 2000, p.27). La plupart des primatologues semblent sou- tenir que l’ensemble de ces connaissances contribuent à brouiller les frontières entre l’homme et l’animal. Et au fil du temps, le regard porté sur les singes s’est modifié, au point d’amener cer- tains à s’engager pour la défense des grands singes, comme par exemple Cavalieri et Singer, deux philosophes à l’origine du «Great Apes Project» (Cavalieri, 1993, citée par Dortier, 2000) qui vise à «l’extension de la communauté des égaux à tous les grands singes: êtres humains, chim- panzés, gorilles, orangs-outangs».

Partant du principe que ces découvertes sur les singes sont probablement plus populaires que d’autres travaux sur les animaux - et qu’ils ont probablement porté tout être humain (et donc tout sujet) à réfléchir, un jour ou l’autre, à ce qui distingue les êtres humains des singes (ou des ani- maux) - il nous a donc semblé pertinent de nous concentrer, dans nos expériences, sur ces ani- maux uniquement. D’autres espèces auraient pu être retenues, mais l’actualité du thème et sa popularité nous semble justifier ce choix.

Ainsi, si au début de notre travail, nous avions imaginé traiter de plusieurs espèces animales - ce qui justifiait par ailleurs la construction d’une liste de traits plus caractéristiques des «animaux» (et non pas des «singes») - nous avons finalement décidé de nous concentrer sur les singes.

Dans le document Des théories implicites de l'homme - RERO DOC (Page 157-161)