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5.2 Hypothèse générale

Dans le document Des théories implicites de l'homme - RERO DOC (Page 109-115)

Pour observer les relations qui existent entre deux espèces (soit l’espèce humaine et une espèce animale non humaine) ET au sein de chaque espèce, il nous faut adopter le vocabulaire qui reflète ces deux niveaux d’analyse. Nous avons déjà relevé que pour faire référence aux com- paraisons entre espèces, nous parlerons du niveau (d’analyse) «interespèce», et que pour faire

référence aux comparaisons au sein d'une espèce - ou, en d’autres termes, entre les membres d’une même espèce -, nous parlerons du niveau (d’analyse) «intraespèce». Nous avons relevé en outre que nous utiliserons aussi désormais les termes d'endoespèce (pour désigner l’espèce humaine) et d'exoespèce (pour désigner une espèce animale). D’où notre hypothèse générale:

Un contexte de comparaison interespèce favorise: 1) au niveau interespèce, une caractérisation de l’endoespèce et de l’exoespèce à laquelle elle est comparée; 2) au niveau intraespèce, une diminution de l’homogénéité perçue de l’endoespèce (selon le principe de la covariation) et une augmentation de l’homogénéité perçue de l’exoespèce à laquelle l’espèce humaine est comparée (selon le principe du métacontraste).

Et pour revenir à notre question de départ, nous faisons donc l’hypothèse qu’une compa- raison entre l’espèce humaine et d’autres espèces animales favorise: 1) une perception plus diffé- renciée entre l’espèce humaine et ces espèces animales, et; 2) une plus perception plus différenciée des êtres humains.

5.3.

Hypothèses

L’ hypothèse 1 constitue en quelque sorte une phase préliminaire qui nous permet de tes- ter une lecture alternative - en termes de «ressemblance» intraespèce - des résultats à la base des modèles «humain» et «animal». Les hypothèses 2, 3 et 4 abordent elles la représentation de l’espèce humaine et d’une espèce animale en se référant plus explicitement à l’homogénéité per- çue intraespèce (hypothèse 2), ainsi qu’aux processus de différenciation interespèce et de diffé- renciation/assimilation intraespèce devenus centraux dans notre problématique (hypothèse 3 et 4). C’est pourquoi les expériences 1 à 4, présentées dans la deuxième partie de ce travail, seront distinguées en deux sections: une première section sera composée de l’expérience 1 - qui répon- dra à l’hypothèse 1 -, et une deuxième section sera composée des expériences 2, 3 et 4 - qui répondront respectivement aux hypothèses 2, 3 et 4.

Pour mieux saisir les liens entre ces hypothèses, il peut être utile de préciser encore que les hypothèses 1 à 3 permettent de justifier, pas à pas, l’intérêt de l’hypothèse 4, qui n’est autre que notre hypothèse générale.

Hypothèses

5.3.1 Hypothèse 1

Rappelons que sur la base de leur travaux sur les risques d’une forme de pollution indus- trielle sur l’homme et l’animal (en l’occurrence, des chevreuils), Deconchy, Housiau et Pham van (1992) proposent d’interpréter leurs résultats au travers de deux modèles: le «modèle humain» et le «modèle animal». Et ces modèles seraient l’expression d’un principe selon lequel: 1) la repré- sentation de l’individu humain à naître est déduite de la représentation de l’espèce humaine à venir, mais que; 2) la représentation de l’espèce animale à venir est induite de la représentation de l’individu animal à naître (ou du cumul de ce que l’on sait des individus animaux à naître).

L’objectif de l’hypothèse 1 consiste à tester cette interprétation à deux niveaux. Premièrement, nous suggérons de tester la pertinence des modèles «humain» et «animal» dans une situation non catastrophique. Les modèles «humain» et «animal» ont été observés dans des situations dangereuses; il s’agira ici de tester ces relations dans une situation qui sera soit poten- tiellement dangereuse, soit potentiellement bénéfique. Pour ce faire, nous demanderons à des sujets d’évaluer les risques et les bénéfices probable du clonage. Le choix de cette pratique sera expliqué en détail lors de la présentation de l’expérience 1.

Deuxièmement, cette hypothèse consiste à tester une interprétation alternative de ces mêmes résultats. L’interprétation des résultats obtenus dans les travaux sur les T.I.H au travers des modèles «humain» et «animal» met l’accent sur des comparaisons intersujets. En effet, ces modèles sont basés sur la comparaison d’évaluations menées par des sujets de conditions expéri- mentales différentes. Plutôt que de comparer la représentation d’un individu avec celle de son espèce à un niveau intersujet - et en termes de «déduction» et d’«induction» -, nous proposons de comparer la représentation d’un individu avec celle de son espèce à un niveau intrasujet. Nous observerons alors si, pour les mêmes sujets, la représentation d’un individu ressemble (ou corres- pond) à la représentation de l’espèce à laquelle il appartient. Les données que nous récolterons dans l’expérience 1 devront donc nous permettre d’effectuer les analyses nécessaires à ces deux types d’interprétation: l’une en termes de «déduction/induction», l’autre en termes de «ressem- blance».

Du fait que, dans le paradigme expérimental utilisé par Deconchy, Housiau et Pham Van, les sujets s’expriment sur des individus (humain ou animal) «à naître», et des espèces (humaine ou animale) «à venir» - et non pas sur des individus et espèces «actuels», nous pensons que les sujets auront une représentation très similaire de l’individu (humain ou animal) et de l’espèce à laquelle ce dernier appartient. Ainsi, si une analyse intersujet permettra de relever les modèles

«humain» et «animal», nous pensons qu’une analyse intrasujet permettra surtout de relever que, dans une situation qui se réfère au futur, la représentation d’un individu est similaire à celle de son espèce.

Ainsi, sur la base du paradigme utilisé par Deconchy, Housiau et Pham Van, nous formu- lons notre première hypothèse de la manière suivante:

Les sujets qui évaluent les conséquences - fâcheuses ou bénéfiques - du clonage reproductif sur un individu humain à naître et l’espèce humaine à venir, ou sur un individu animal et l’espèce animale à venir à laquelle il appartient, suivent respec- tivement la logique des modèles «humain» et «animal».

En outre, si une analyse intersujet indique que les effets sont plus importants pour l’espèce humaine à venir que pour l’individu humain à naître, mais plus importants pour l’individu animal à naître que pour l’espèce animale à venir, une analyse intrasujet indique que les effets sont aussi importants pour l’individu à naître que pour l’espèce à venir, tant pour l’endoespèce que pour l’exoespèce.

Si la deuxième partie de cette hypothèse devait se vérifier, nous pourrions alors considérer que - du fait qu’un individu ressemble à son espèce -, tant l’endoespèce que l’exoespèce à venir exprime une importante ressemblance (ou homogénéité) intraespèce.

5.3.2 Hypothèse 2

Si nous envisageons que les sujets puissent percevoir tant l’espèce humaine «à venir» qu’une espèce animale «à venir» comme deux espèces homogènes, cela nous semble moins pro- bable en ce qui concerne l’espèce humaine actuelle. Nous pensons que l’importance accordée dans nos sociétés occidentales à la notion d’individu va à l’encontre d’une perception homogène de l’espèce humaine actuelle. D’où notre deuxième hypothèse:

Si l’homogénéité perçue d’une espèce animale actuelle est plus importante que celle de l'espèce humaine actuelle, l’homogénéité perçue de ces deux espèces est similaire en ce qui concerne, soit ces espèces dans 100 ans, soit ces espèces dans 1000 ans. Ceci est dû au fait que l’homogénéité perçue d’une espèce animale est stable à travers le temps (homogénéité perçue d’une espèce animale actuelle = homogénéité perçue d’une espèce animale dans 100 ans = homogénéité perçue

Hypothèses

d’une espèce animale dans 1000 ans), alors que l'homogénéité perçue de l'espèce humaine actuelle est plus basse que l’homogénéité perçue de l’espèce humaine à venir (homogénéité perçue de l’espèce humaine actuelle < homogénéité perçue de l’espèce humaine dans 100 ans < homogénéité perçue de l’espèce humaine dans 1000 ans).

L’homogénéité sera mesurée par des questions sur la ressemblance perçue au sein de cha- que espèce. Si cette hypothèse devait être vérifiée, cela nous permettrait non seulement de soute- nir notre interprétation de l’expérience 1, mais aussi de tester le postulat de notre hypothèse générale selon lequel la singularité d’un individu est un trait plus pertinent pour décrire les êtres humains actuels que les animaux actuels.

5.3.3 Hypothèse 3

Dans un premier temps - c’est-à-dire dans l’hypothèse 3 - nous nous intéresserons aux effets d’une comparaison interespèce à un niveau intraespèce uniquement. Ainsi, notre troisième hypothèse porte sur la deuxième partie de notre hypothèse générale:

Un contexte de comparaison interespèce favorise une diminution de l’homogénéité perçue de l’endoespèce (selon le principe de covariation) et une augmentation de l’homogénéité perçue de l’exoespèce à laquelle l’espèce humaine est comparée (selon le principe du métacontraste).

L’homogénéité sera mesurée par des questions sur la ressemblance perçue au sein de cha- que espèce. Et le contexte de comparaison interespèce sera engendré par un effet d’ordre: l’espèce évaluée en second lieu pouvant alors être considérée comme comparée à l’espèce éva- luée en premier lieu.

5.3.4 Hypothèse 4

Dans un deuxième temps, nous nous intéresserons aux effets d’une comparaison interes- pèce à un niveau interespèce et à un niveau intraespèce. Notre quatrième hypothèse correspond donc à notre hypothèse générale:

Un contexte de comparaison interespèce favorise: 1) au niveau interespèce: une caractérisation de l’endoespèce et de l’exoespèce à laquelle elle est comparée et; 2) au niveau intraespèce: une diminution de l’homogénéité perçue de l’endoespèce

(selon le principe de la covariation) et une augmentation de l’homogénéité perçue de l’exoespèce à laquelle l’espèce humaine est comparée (selon le principe du métacontraste).

A nouveau, le contexte de comparaison interespèce sera engendré par un effet d’ordre; l’espèce évaluée en second lieu pouvant être considérée comme comparée à l’espèce évaluée en premier lieu. La caractérisation sera mesurée par des questions sur la pertinence d’une liste de traits, dont certains auront été préalablement jugés plus caractéristiques des êtres humains ou plus caractéristiques des animaux; l’homogénéité perçue sera elle mesurée par des questions sur la ressemblance perçue sur cette même liste de traits.

Une confirmation de notre hypothèse soutiendrait alors l’idée selon laquelle: si les sujets cherchent effectivement à différencier l’espèce humaine de l’espèce animale pour souligner leur «identité» respective, les sujets expriment aussi parallèlement la particularité de l’espèce humaine par la singularité de ses membres (ce qui ne serait pas le cas pour les animaux). En d’autres termes, les sujets humains définiraient bel et bien l’être humain au travers d’une double identité: une identité que nous pourrions nommer «spécifique» et une identité personnelle, la pre- mière renforçant la seconde.

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