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Chapitre 2 : La Grotte du Bison à Arcy-sur-Cure 23

2.1 Karst d’Arcy-sur-Cure et ses grottes préhistoriques 23

Le karst d’Arcy-sur-Cure est localisé dans le quart nord-est de la France, dans le département actuel de l’Yonne (Figure 3). Il délimite le sud-est du Bassin Parisien et le nord- ouest du Plateau du Morvan.

2.1.1 Contexte géomorphologique

Le paysage karstique actuel de la vallée d’Arcy-sur-Cure s’intègre dans la région de l’extrême sud-est de la vaste unité géologique du Bassin parisien (L’Homme et al., 2004b). Il a débuté sa formation il y a 150 millions d’années, alors que la région était couverte de la mer chaude jurassique. Durant des milliers d’années, un édifice corallien s’est formé sur environ 40 km de longueur, 10 km de largeur et une centaine de mètres de hauteur (de Arcy-sur-Cure jusqu’à Entrains-sur-Nohain dans le Nièvre) (Baffier and Girard, 1997; David et al., 2006). À Arcy-sur-Cure, vers la fin du Jurassique, les formations coralliennes entrent en contact avec des formations marneuses dont les sédiments sont plus fins et infiltrent le récif. Le plateau d’Arcy/St-Moré émerge au cours du Crétacé lorsque la mer se retire vers le Bassin parisien. Avec le temps, la rivière de la Cure, dont la source se situe sur les formations granitiques du Morvan, s’est frayée un chemin dans les formations de calcaire corallien, creusant les roches marneuses et les récifs coralliens sous-jacents du plateau sur une centaine de mètres de

(Figure 3). En profitant des fissurations verticales de la roche, elle crée progressivement une série de galeries plus ou moins orientées nord-sud (Figure 3). Le karst en lui-même se prolonge sur quatre kilomètres et ses galeries se creusent sous une surface de plateau d’environ 60 hectares. Plusieurs séries de cavernes se sont formées à différents moments de la formation du karst. Des galeries s’élèvent jusqu’à 40 mètres d’altitude au-dessus du niveau de la rivière. Toutefois, seules les grottes dites basses (0 à 6 m au-dessus de la Cure) ont été occupées par des populations humaines durant la préhistoire, lorsque la Cure s’est définitivement enfoncée dans ses alluvions (Baffier and Girard, 1997).

Figure 3 : (supérieur gauche) : Situation géographique de la région de l’Yonne dans le quart nord-est de la France (Google Earth);

(inférieur gauche) : Schéma géologique de la région d’Arcy-sur-Cure (Baffier et Girard, 1997, p. 247). Les grottes préhistoriques d’Arcy sont identifiées en rouge;

(droit) : Massif d’Arcy-sur-Cure, situation des réseaux souterrains des grottes s’ouvrant au surd sur la rivière de la Cure (Baffier et Girard, 1997, p. 248).

Figure 4 : (gauche) : Localisation du site de la Grotte du Bison au sein des grottes préhistoriques du réseau karstique d’Arcy-sur-Cure (réseau souterrain représenté par les contours blancs) (Figure modifiée de Google Earth (photo satellite) et (Leroi-Gourhan and Leroi-Gourhan, 1964, p 2) (réseau des grottes); (droit) : Réseau des galeries formant le complexe RGS/Bison. Les zones noircies correspondent aux sondages

effectués dans la Grotte du Bison, la Grotte du Renne et la Galerie Schoepflin (Girard et al., 1990, p 296).

La vallée, telle que l’ont connu les populations préhistoriques, est circonscrite par plusieurs petits plateaux dont le plus imposant, le massif ancien du Morvan, forme une barrière naturelle au sud-est de la région. Les méandres de la Cure ont engendré deux récifs abrupts sur ses flancs sud : celui des Terres de Vallot et celui de la Côte de Chaux (Mégnien, 1959) (Figure 3). La Grotte du Bison, comme ses grottes préhistoriques voisines, s’ouvre sur la rive gauche de la Cure, émergeant sur le flanc sud du promontoire des Terres de Vallot. Sous ce massif calcaire jurassique d’une surface de soixante hectares, les grottes préhistoriques d’Arcy se prolongent dans un réseau complexe de galeries souterraines (Baffier and Girard, 1997) (Figure 4). Le site de la Grotte du Bison s’intègre dans un réseau de cavernes qui étaient géomorphologiquement reliées au moment des occupations moustériennes (Figure 4). La question de la contemporanéité archéologique des trois cavernes du complexe RGS/Bison (Renne, Galerie Schoepflin et Bison) est au cœur des problématiques de recherches actuelles sur la gestion de l’espace par les populations néandertaliennes d’Arcy- sur-Cure (Girard et al., 1990; Baffier and Girard, 1997; David, 2004; David et al., 2006; Hardy et al., 2013b, 2014a).

2.1.2 Contexte paléoenvironnemental

Les données paléoenvironnementales (sédimentologie, palynologie et grande faune) durant les stades MIS 4 et MIS 3 à Arcy-sur-Cure traduisent, dans l’ensemble, un climat froid et sec, ainsi qu’un environnement généralement ouvert. Ce climat rigoureux est interrompu par de brefs interstades plus cléments et une tendance générale vers un environnement plus tempéré plus on s’approche de la base des couches moustériennes (Figure 5). Les données de la palynologie, dont les échantillons proviennent des trois sites du complexe RGS/Bison, démontrent la présence de taxons typiques d’un environnement steppique comme le pin sylvestre (Pinus t. sylvestris), le genévrier (Juniperus sp.), le bouleau (Betula sp.) et le saule (Salix sp.) lors des phases glaciaires. Lors des périodes moins rigoureuses, on note l’apparition de taxons mésophiles comme le noisetier (Corylus avellana) et le chêne (Quercus) (Girard et al., 1990; David et al., 2006). Alors que le couvert arboricole semble variable, la présence des graminées dans presque toutes les séquences polliniques suggère la continuité d’un paysage caractérisé par des espaces ouverts steppiques.

Le contexte animal des couches supérieures de la Grotte du Bison (H à D) décrit par David et al. (2006) traduit un portrait global où la faune est dominée par des taxons révélateurs d’un environnement froid et ouvert : l’ours des cavernes (Ursus spelaeus), le renne (Rangifer tarandus), le cheval (Equus sp.), le bison (Bison priscus) et en plus faible quantité,; le mammouth (Mammuthus primigenius), le rhinocéros (Coelondonta antiquitatis), le cerf (Cervus elaphus), le chamois (Rupricapra rupricapra), la marmotte (Marmotta sp.), la hyène des cavernes (Crocuta crocuta spelaea), le renard (Vulpes ou Alopex) et le loup (Lupus lupus). Les données de la microfaune de ces couches sont aussi en accord avec un climat froid steppique par la présence de petits rongeurs comme le Lemmus lemmus, Arvicola terrestris, Microtus agrestis, M. gregalis, M. nivalis, M. arvalis et M. oeconomus (David et al., 2006).

Figure 5 : Séquence climatostratigraphique et chronologique du complexe RGS/Bison établie par Girard et al. (1990, p. 301).