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Chapitre 4 : Résultats 73

4.3 Indices de saisonnalité 112

Les indices de saisonnalités sont présents en très faible quantité sur le site de la Grotte du Bison. Deux catégories d’indices sont d’abord évaluées sur les principaux taxons de l’assemblage (éléments fœtaux et éléments juvéniles). Ensuite, le cycle des bois de cervidé, ainsi que la présence d’espèces migratrices sont abordés.

Les éléments fœtaux sont présents au nombre de 29 (NRD), dont 7 humérus d’ours des cavernes et 22 éléments d’os longs indéterminés. Tel que mentionné au point précédent, les éléments de fœtus d’oursons indiquent la présence de femelles gestantes, possiblement mortes durant leur hivernation dans la grotte. La présence des ours des cavernes durant toute la saison froide (vers la fin novembre, jusqu’à février) est donc attestée dans la Grotte du Bison. Les autres éléments fœtaux étant indéterminables, il est difficile d’en déduire la saisonnalité. Par leur taille, les éléments indéterminés pourraient correspondent à des espèces des catégories de tailles 3 ou 4. Les femelles gravides des espèces correspondant à cette taille (renne, cheval, boviné) ont possiblement été transportées dans la grotte.

Très peu d’indices sur la saisonnalité d’abattage du renne, du cheval et des bovinés sont révélés en considérant les éléments squelettiques et les dents juvéniles isolées. Les indices à partir des dents juvéniles de rennes (dP4) permettent de déterminer que trois individus ont été abattus entre les mois de juin et novembre (Figure 44). Les dents juvéniles du cheval et du boviné ne permettent pas d’inférer leur saison de mort, puisque les tranches d’âge estimées sont trop grandes (point 4.1.2). Les indices des éléments squelettiques juvéniles sont aussi très peu révélateurs, puisqu’ils sont présents en très petite quantité pour chaque taxon. Le renne est représenté par deux éléments dont les épiphyses ne sont pas fusionnées : la partie proximale d’une première phalange et la partie distale d’un métapode. Selon la table de l’âge de fusion des épiphyses de Reitz et Wing (2008, p 72), la partie proximale de phalange des cervidés fusionne entre 17 et 20 mois et la partie distale du métapode se fusionne entre 26 et 29 mois. Ces deux éléments ne pointent donc pas de saison d’abattage précise. Le cheval présente un élément squelettique non épiphysé : un tibia (parties proximales et distales). De la même façon, le moment de fusion des épiphyses du tibia est trop tardif pour révéler une saison

d’abattage. Le boviné est représenté par un métacarpe (MTC) dont les épiphyses proximale et distale ne sont pas fusionnées. Cet élément indique la mort de cet individu au printemps/début été, soit entre les mois d’avril et juin, puisque l’épiphyse proximale de la majorité des taxons herbivores se fusionne peu avant la naissance de l’animal.

Les bois de chute de renne (représentés par les médaillons) pointent vers deux saisons distinctes : la fin de l’automne et le printemps. Ces saisons sont représentées par des bois appartenant à deux rennes mâles adultes (les mâles perdent leurs bois au début de l’hiver) et des bois appartenant à deux rennes femelles ou jeunes mâles (s’il s’agit de femelles, cela indique le printemps car les femelles conservent leurs bois en hiver et dans le cas de jeunes mâles, la fin de l’hiver est indiquées) (Bergerud, 2011; Kuntz, 2011). La saison où les bois ont été rapportés dans la grotte est malheureusement inconnue, puisque les Néandertaliens ont pu les ramasser à n’importe quel moment de l’année. La présence de bois des deux sexes nous renseigne donc sur la présence du renne dans le secteur de la grotte au printemps, avant la période de mise bas, et au cours de l’hiver, après le rut. Le renne étant une espèce migratrice (point 5.1.1), cela peut indiquer que la Grotte du Bison ne se trouve pas dans le territoire estival de ce taxon. La présence d’un métacarpe non-soudée (< 26 mois d’âge, sachant que les naissances ont lieu en mai) ne contredit pas cette hypothèse.

Les espèces migratrices (outre les grands mammifères grégaires) sont rares dans l’assemblage 2014 de la Grotte du Bison. Les oiseaux mis au jour sont majoritairement présents toute l’année dans la région (Cochevis huppé - Galerida cristata et lagopède – Lagopus sp.) et ne présentent aucun reste juvénile qui aurait pu indiquer leur capture au printemps. La seule espèce d’oiseau migratrice retrouvée est l’hirondelle rustique (Hirundo rustica) dont les populations actuelles se rassemblent généralement à l’automne en Europe, pour migrer vers le sud de l’Afrique où ils y passent la période hivernale (Huin and Sparks, 1998). Il est cependant difficile de spéculer sur la saison de mort des hirondelles à Arcy, puisque ses mouvements migratoires ne sont pas connus. On peut cependant penser que cette espèce est présente durant la saison chaude. En outre, l’exploitation des oiseaux par les Néandertaliens n’est pas assurée, à l’exception du grand corbeau qui présente des stigmates anthropiques (Figure 37), en raison de la présence d’autres prédateurs de faune aviaire (hyène,

loup et renard) sur le site. Le grand corbeau (Corvus corax) ne présente pas de restes juvéniles dans l’assemblage 2014, mais certains spécimens ont déjà été retrouvés dans les assemblages précédents de la couche I-J, ce qui a permis de conclure que ce grand rapace devait nicher dans les falaises non loin de la Grotte du Bison (Cécile Mourer dans David et al., 2010). Le faible échantillon d’éléments de corbeau portant des traces de désarticulation dans l’assemblage étudié ne permet cependant pas de spéculer sur une saison de capture.

Enfin, les poissons retrouvés dans l’assemblage devaient être majoritairement présents dans la Cure toute l’année (brochet - Esox lucius et lotte – Lotta lotta). L’ombre (Thymallus thymallus) est la seule espèce migratrice de poisson retrouvée dans l’assemblage. L’ombre commun actuelle est caractérisée par une mobilité moins extensive que les autres salmonidés (Parkinson et al., 1999). Les thymallidés remontent les rivières pour frayer au printemps. L’ombre n’étant représentée que par une vertèbre, il est impossible d’en déduire les comportements migratoires dans les affluents de la Cure où cette espèce a été réintroduite depuis quelques années (Baffier et al., 2006). Les poissons sont aussi à même d’avoir été exploités par les autres carnivores de la grotte (particulièrement par l’ours des cavernes). Si la majorité des espèces sont disponibles à l’année, les poissons ont possiblement été pêchés durant la saison chaude, lorsque le couvert de glace n’est plus présent. La pêche de glace n’est tout de même pas une hypothèse à rejeter pour le moment.

L’ensemble des indices de saisonnalité révélés par l’assemblage 2014, bien qu’épars, suggère la possibilité d’une occupation néandertalienne au printemps ou à l’automne (Figure 44). La période hivernale et la période estivale ne seraient pas propices à une occupation hominine en raison de la présence de tanières d’ours des cavernes et de hyène des cavernes. Toutefois il faut souligner que le niveau étudié est un palimpseste et que les occupations néandertaliennes ont pu avoir lieu à quelques années d’intervalle de l’occupation de la grotte par l’ours et/ou la hyène et donc, à la même saison.

J F M A M J J A S O N D

Éléments foetaux indéterminés

Tanière Tanière Dp4 Bois ♂♀ Bois ♂ MTC Poissons Oiseaux indéterminé Ursus spelaeus

Crocuta crocuta spelaea

Equus sp.

Bos/Bison

Figure 44 : Résumé des indices de saisonnalité révélateurs de l’assemblage faunique 2014.