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Chapitre 4 : Résultats 73

4.2 Analyse taphonomique 87

4.2.5 Accumulation de la faune 106

Les deux principaux carnivores susceptibles d’avoir perturbé la couche I-J de la Grotte du Bison sont l’ours des cavernes (Ursus spelaeus, NRD : 78, NMI : 10) et la hyène des cavernes (Crocuta crocuta spelaea, NRD : 55, NMI : 4) (Figure 40 et Tableau 12). Le diagramme ternaire des profils de mortalité des principaux carnivores de l’assemblage place la hyène des cavernes et l’ours des cavernes dans la zone de dominance des juvéniles qui, selon Stiner (1994), indique la présence de tanières (Figure 40). Une concentration particulière des éléments fœtaux et des éléments de jeunes adultes est située au nord du parvis, près de l’entrée de la galerie. Cette zone pourrait correspondre à une tanière où les ours sont venus hiverner (Figure 41).

Figure 40 : (gauche) : Diagramme en secteurs de l’abondance relative des carnivores (NRD), (droit) : Diagramme ternaire des profils de mortalité des carnivores.

La Figure 41 démontre que les éléments de hyène se répartissent sur toute la surface de la grotte avec une légère concentration d’éléments squelettiques à l’avant. Les zones d’activité du groupe de hyènes qui a occupé la Grotte du Bison sont situées sur le parvis. Ces activités sont attestées par l’étendue de la faune qui présente des traces de rongement (Figure 31) et par une grande quantité de coprolithes, particulièrement concentrés vers les parois est et ouest du parvis.

Figure 41 : (gauche) : restes squelettiques de Ursus spelaeus (puces vertes = jeune adulte, noires = fœtus). (droit) : restes squelettiques de Crocuta crocuta spelaea, couleurs : rouge = très forte densité, jaune = densité moyenne, bleu = faible densité (Hardy et al., 2014a), Schémas des squelettes en connexion : Cédric Beauval et Michel Coutureau (Inrap) – 2003 (www.archeozoo.org)

En outre, trois indices pointent vers une (ou plusieurs) occupation(s) de la grotte par les hyènes des cavernes, subséquente(s) à l’occupation (ou aux occupations) par les Néandertaliens: (1) la présence d’une épaisse couche vierge de témoins anthropiques recouvrant une couche dense en artéfacts et écofacts sur deux zones de la grotte, (2) la superposition générale des ossements rongés sur les ossements sans trace d’action des carnivores (Figure 42) et (3) la superposition directe du poli causé par l’action d’une hyène sur une trace anthropique de décharnement sur la pièce S13.19 (Figure 36).

(1) Ma participation aux fouilles des parois est et ouest (particulièrement des carrés O9, O10, P9, P10 et S9, S10) de la Grotte du Bison en 2014 m’a permis d’observer la présence d’une couche variant de 10 à 20 cm d’épaisseur totalement vierge de témoins anthropiques et dont la matrice argileuse est incrustée de nombreux coprolithes et petites esquilles osseuses,

pour la plupart polies ou digérées. Sous ces sédiments, témoignant vraisemblablement d’une ou plusieurs occupations carnivores, les ossements (pour la plupart touchés par l’action des hyènes) sont nombreux, accompagnés de coprolithes, mais aussi de petits nodules d’ocre jaune, d’outils lithiques, de nucléus (chaille et silex) et de galets. Cette observation qualitative de la superposition stratigraphique des dépôts sédimentaires et archéologiques concorde avec l’hypothèse du passage des hyènes subséquemment aux Néandertaliens. Ces dernières peuvent avoir été attirées initialement par les restes des repas des occupations hominines. Il s’agit cependant d’une observation qualitative et localisée sur les parois du parvis.

(2) La Figure 42 représente la densité des restes squelettiques altérés par les carnivores et leur altitude par rapport à ceux qui ne portent pas de traces d’action des hyènes. Cette carte de densité révèle que la forte majorité des ossements situés sur les couches inférieures du parvis ne sont pas rongées et sont superposées à des pièces rongées par les carnivores.

(3) La pièce S13.19 (Figure 35 et Figure 36) appuie l’hypothèse du passage des hyènes après une occupation néandertalienne. Elle met aussi de l’avant l’intensité des dommages que peuvent causer les prédateurs carnivores lors de leur passage sur les restes osseux laissés par une occupation hominine.

Ces trois indices ne permettent pas une interprétation précise sur la nature de l’alternance des occupations entre les hominines et les carnivores. Ils pointent cependant vers l’importance de préciser la stratigraphie de la couche I-J sur l’intégralité du site. Il est clair que les hominines n’ont pas été les seuls occupants de la grotte. En revanche, face à la rareté des stigmates anthropiques (cinq traces de boucherie) retrouvés dans cette collection, il serait nécessaire de distinguer finement l’alternance des occupations afin de déterminer l’intensité des occupations hominines dans la Grotte du Bison.

Figure 42 : Densité des restes altérés par les carnivores (vert = les pièces rongées sont situées au-dessus des pièces sans rongement, rouge = vice versa, jaune = zones de transition, élévations égales).

La présence d’une tanière de hyènes étant attestée, deux des trois critères (point 3.4.4) de distinction de la nature de l’accumulation de la faune sélectionnée par Pickering (2002) sont appliqués aux éléments squelettiques post-crâniaux des trois principaux taxons chassés :

(1) la proportion des carnivores et des ongulés (Figure 43), (2) l’altération de la surface des os (Tableau 19).

Le second critère (le type de fragmentation des os longs), ne peut être appliqué en raison de la fragmentation excessive des ossements entre autres influencée par le phénomène du Density mediated attrition. En revanche, tel qu’exposé au point précédent (4.2.4),

potentiellement révélatrices du fractionnement des os longs pour en récupérer la moelle, ainsi que de nombreuses pièces fracturées, rongées et digérées par l’action des hyènes des cavernes. Par conséquent, une analyse exhaustive des pans de fractures des os serait nécessaire afin de considérer ce critère taphonomique.

Figure 43 : Diagramme en secteurs du ratio NMI entre les hyènes des cavernes (Crocuta crocuta spelaea) et les trois principaux taxons herbivores chassés.

Tableau 19 : Comparaison du pourcentage des restes présentant des traces de rongement par taxon et comparaison avec le % de rongement dans les tanières de hyènes actuelles (Cruz-Uribe, 1991).

Proportion des éléments squelettiques rongés

Présence Absence Total/taxon %

Rangifer t. 24 51 75 32 %

Equus sp. 70 10 161 88 %

Bos/Bison 14 3 17 82 %

Total 108 145 253 43 %

Comparaison avec les hyènes actuelles

Hyène rayée Hyaena hyaena 47 %

Hyène brune Hyaena brunnea 68 %

Hyène tachetée Crocuta crocuta 80 %

10%  

90%  

Ratio Carnivores:ongulés (NMI)

Crocuta crocuta spelaea Rangifer t., Equus sp. et Bos/Bison