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Chapitre 2 : La Grotte du Bison à Arcy-sur-Cure 23

2.2 Le site de la Grotte du Bison 28

3.2.1 Critique et limite des méthodes quantitatives 54

Les méthodes quantitatives présentées ci-haut sont complémentaires et sont confrontées à l’ambitieux objectif de reconstruire les comportements associés à la chasse, la consommation et l’utilisation des animaux retrouvés archéologiquement. Les mesures d’abondance et de représentation squelettique sont cependant limitées par le contexte archéologique et par certains biais méthodologiques. Il est donc primordial d’être à l’affut de ces biais afin d’interpréter l’assemblage faunique sans avoir la prétention de reconstituer l’ensemble des processus de formation culturels et non-culturels de la couche I-J de la Grotte du Bison.

Mesures d’abondance relative des taxons NRD

Par le fait d’être un dénombrement de toutes les pièces osseuses identifiables, le NRD a l’avantage d’être une méthode reproductible et relativement contrôlable. Cependant, un dénombrement simple de tous les fragments osseux comporte aussi plusieurs biais lorsqu’on tente de mesurer l’abondance relative de chaque espèce animale sur le site. Plusieurs facteurs peuvent engendrer une mauvaise représentation des taxons présents dans la collection faunique (Grayson, 1984; Lyman, 2008).

(1) La variation inter taxinomique. Les différentes espèces animales ne possèdent pas un nombre d’éléments squelettiques identique. Cette variabilité anatomique entre les taxons a pour effet d’augmenter ou de diminuer les chances d’identifier un taxon en proportion du nombre d’ossements théoriquement identifiables pour ce taxon.

(2) L’identification à l’espèce est différentielle selon les spécimens. De façon générale, les ossements des taxons plus gros sont plus faciles à identifier précisément que ceux des petites espèces. Lorsque la collection est très fragmentée, les dents ont aussi cet avantage par rapport au reste du squelette post-crânien.

(3) Les propriétés de conservation. Certains taxons sont plus affectés par les phénomènes taphonomiques que d’autres. Les os de petites espèces dont l’os cortical est plus mince, en général, ont de plus faibles chances d’être conservés que ceux d’espèces plus robustes.

(4) L’interdépendance des spécimens. Certains stigmates présents sur un même élément squelettique sont très diagnostiques, faisant fi du degré de fragmentation. Dans la collection de la Grotte du Bison, la face crâniale des métatarses de renne ainsi que la face dorsale des tibias de cheval sont très facilement identifiables malgré une forte fragmentation en raison de sillons particulièrement diagnostiques de ces parties squelettiques. Ce phénomène provoque le décompte de plusieurs fragments osseux appartenant possiblement à un même individu et résulte dans la sur-représentation de certains éléments (NME) par rapport aux autres.

(5) Les phénomènes anthropiques de transport différentiel des carcasses et de boucherie. Les taxons de plus grande taille ne sont généralement pas rapportés entiers sur le site d’occupation, contrairement aux taxons de plus petite taille (surreprésentation des petits taxons). Certains taxons sont aussi privilégiés pour la consommation de la moelle contenue dans leurs os longs ce qui entraine représentation biaisée selon le contexte et la taille des taxons.

(6) La perturbation stratigraphique. Les écoulements d’eau, l’action des carnivores et d’autres phénomènes peuvent déplacer des éléments squelettiques de façon différentielle en fonction de leur taille ou de leur forme, ce qui entraine un biais de conservation.

NMI

La méthode du NMI est utile afin de minimiser quelques biais du NRD (fragmentation et interdépendance des spécimens). Une comparaison du NMI et du NRD permet de vérifier le degré de fragmentation et les possibles taxons et éléments squelettiques surreprésentés par le NRD. Le NMI étant calculé à partir des données du NRD, plusieurs limites de la première méthode se transfèrent sur la seconde (taphonomie, transport différentiel, perturbation

stratigraphique, etc.). Le NMI comporte aussi ses propres biais en terme d’abondance relative des taxons.

(1) Le manque d’uniformité du calcul. Par le passé, les archéozoologues ne se sont pas toujours entendus sur un protocole clair de calcul du NMI. La variabilité des méthodes la rend difficilement reproductible et comparable scientifiquement.

(2) La surreprésentation des taxons rares. Le caractère implicite du calcul de NMI, qui repose sur la présomption de l’existence de la carcasse complète a pour effet de surreprésenter les taxons qui possèdent une très faible valeur de NRD.

(3) Le NMI est une mesure minimale. Les valeurs du NMI sont donc de nature descriptive seulement. Les calculs de ratios sont impossibles.

(4) Le NMI est dépendant du NRD et de la taille de l’échantillon. Tel que mentionné plus tôt, le NMI est calculé à partir des valeurs du NRD; plus le NRD augmente, plus le NMI augmente proportionnellement. Les valeurs du NMI par taxon sont aussi variables selon les unités étudiées (c.à.d. selon les unités stratigraphiques qui affectent la définition de l’assemblage osseux). Le NMI d’une fraction d’un échantillon n’est pas nécessairement proportionnel à celui de l’échantillon complet.

Mesures de l’abondance des éléments squelettiques NME et MAU

Tout comme le NMI, le NME et le MAU sont issus des valeurs du NRD. Une certaine accumulation des biais se fait donc aussi à ce niveau de l’échantillonnage. Le MAU étant lui- même basé sur le NME, il en plagie les principaux biais concernant la représentation squelettique. Or, ces biais sont aussi des outils d’interprétation de la formation du site et des comportements de subsistance des populations étudiées (Lyman, 2008).

(1) Les propriétés de conservation des différents éléments squelettiques. Les ossements plus denses comme les tarses et les carpes se conservent plus facilement que les os longs. Ces éléments sont aussi moins touchés par les modifications anthropiques comme la fracturation

pour la moelle. En outre, les dents sont plus résistantes que les os en général par leur composition plus minéralisée.

(2) Le transport différentiel des carcasses et de boucherie. Si ces phénomènes anthropiques causent une surreprésentation de certains taxons, ils engendrent aussi une représentation différentielle des éléments squelettiques de chaque taxon. Lorsque les facteurs taphonomiques agissant sur la collection faunique étudiée sont maîtrisés par le zooarchéologue, la représentation squelettique de chaque taxon peut être interprétée en termes de comportements culturels.

Mesures d’utilité économique FUI

Le FUI est un outil d’interprétation de la conservation différentielle en fonction des stratégies économiques. Il est donc nécessaire de comprendre les principales limites spécifiques à ce calcul (Lyman, 1994).

(1) Le FUI se limite aux valeurs nutritives des carcasses. L’utilité économique considérée par le FUI tient pour acquis qu’un animal est d’abord chassé pour la nourriture qu’il apporte et non pour d’autres fins utilitaires (peau pour les vêtements et tentes, ossements pour les outils, etc.). Il s’agit d’un calcul basé sur l’apport calorique de la graisse, de la moelle et de la viande. Il ne traduit donc pas tous les choix du chasseur. D’autres indices existent. Ils prennent en compte les fins utilitaires (Whitridge, 2002).

(2) L’interprétation de la conservation différentielle des éléments en fonction du FUI est évidemment plus facile lorsqu’un assemblage faunique est issu d’un seul événement de chasse, plutôt que d’un palimpseste d’occupations humaines et carnivores.