1. INTRODUCTION
1.4. Justification de l’étude
Actuellement, la majorité des sujets âgés sont à leur domicile en France. Les médecins
généralistes se trouvent concernés en première ligne pour le dépistage et la prévention, et
notamment concernant la dénutrition (8).
La personne âgée en obésité et dénutrie s’expose au double risque lié à son obésité et à sa
dénutrition. Le retard au dépistage favorise cet effet de « double peine ». D’où l’intérêt
d’envisager la possibilité d’une dénutrition chez une personne en surpoids et de dépister
précocement ce risque au même titre que chez les personnes de poids de référence.
Bien que la dénutrition est souvent associée à un poids faible, et l’obésité à un excès de
poids, pour autant l’une peu se rencontrer chez l’autre ; la dénutrition est le plus souvent
causée par un manque de masse maigre et l’obésité à un excès de masse grasse. Les deux
peuvent s’associer sans contradiction puisqu’ils procèdent de deux mécanismes différents. Les
médecins, les patients et leur entourage sous-estiment cette hypothèse. Pourtant l’association
fréquente de ces deux états pathologiques entraine une obésité sarcopénique, qui cumule les
complications de la dénutrition et de l’obésité. Lorsque s’y ajoutent les complications
physiologiques et pathologiques du vieillissement, la mortalité des patients augmente. L’excès
de masse grasse participe à un effet d’écran pour la dénutrition.
Les médecins pensent qu’une personne à forte corpulence mange en quantité trop
abondante ou avec des aliments hypercaloriques par manque d’effort et de volonté. Tout au
long de sa vie, il n’est pas exceptionnel qu’une personne obèse reçoive des conseils, ou s’inflige
des régimes, pour maigrir. A juste titre car jusqu’à la soixantaine, la perte de poids volontaire
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raisonnable diminue les complications et la mortalité de l’obésité. Un sujet en obésité présente
fréquemment d’autres comorbidités telles que l’insuffisance cardiaque, une dyslipidémie, une
HTA, diabète… Chacune de ces maladies chroniques nécessitent un régime qui lui est propre
pour éviter la progression de la maladie. Une majorité des personnes obèses adopte un régime
hypocalorique limité en sel, protéines, et graisses. En conséquence il existe une certaine
complexité quant au choix des aliments adaptés. Lorsque l’éducation diététique est faite en
consultation de médecine générale, le temps qui lui est consacré est court du fait de la durée
des consultations. Les patients retiennent des messages simples doublés de préjugés : « je ne
dois pas manger de sucres », « je ne dois pas saler mes plats ». La suppression définitive de
certains aliments pour faciliter la perte de poids conduit à des restrictions sévères susceptibles
d’engendrer la dénutrition.
Les restrictions cognitives en rapport avec les régimes drastiques, les effets de yoyo, les
croyances alimentaires contribuent à une perte de repère dans le temps pour les personnes en
obésité. Cette perte de repère quant au choix alimentaire est un facteur de risque de
déstructuration de l’équilibre nutritionnel inducteur potentiel de dénutrition.
L’ancrage dans les habitudes de privation et de restriction alimentaire, et ce pendant des
années, conduit à des difficultés croissantes de compréhension des messages diététiques.
Comment assouplir voire renoncer à la restriction alimentaire alors qu’elle a été prônée durant
si longtemps ? Et, tout comme pour les médecins, comment se représenter un risque de
dénutrition alors que l’on est en obésité ? Ce qui prévaut pour les uns est vrai pour les autres :
« le trop ne peut pas manquer ! »
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A partir de 75 ans, un sujet atteint d’obésité et son médecin doivent redoubler de vigilance
quant aux règles diététiques suivies. La perte de poids chez la personne âgée obèse ou non
entraîne une perte de masse maigre plus importante que de masse grasse. Un régime restrictif
chez une telle personne entraînerait un risque réel de dénutrition et sarcopénie et leurs
complications respectives.
L’obésité sarcopénique est souvent masquée par un poids constant. Le dépistage de la
dénutrition chez la personne obèse est mis à mal car les critères de l’HAS ne peuvent pas tous
être utilisés : le seuil de l’IMC < 21 kg/m
2n’est pas utilisable par définition chez les personnes
obèses et l’albuminémie reste controversée.
D’après les nombreuses thèses réalisées sur le dépistage de la dénutrition chez des
personnes âgées en ville, le critère clinique le plus utilisé pour la recherche de dénutrition est la
variation du poids. Le critère biologique est l’albuminémie.
Dans nos recherches, aucune thèse n’étudie l’obésité chez les personnes âgées, ni l’obésité
et les régimes restrictifs chez eux. Notre travail de thèse se centre sur le dépistage de la
dénutrition chez les personnes âgées atteintes d’obésité.
Le questionnaire proposé aux médecins généralistes est axé sur trois points majeurs
(albuminémie, variation du poids, réalisation d’un questionnaire MNA). Les conseils donnés aux
patients dans le but de perdre ou prendre du poids seront évalués. Le but de notre hypothèse
principale de recherche est que les médecins généralistes dépistent moins la dénutrition chez
les personnes âgées obèses que chez les personnes âgées maigres. Pour soutenir cette
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hypothèse de travail, l’explication serait que les médecins généralistes ne s’imaginent pas la
dénutrition chez les personnes âgées en obésité et donc la recherchent moins.
Au cours de ce travail, nous verrons progressivement la méthodologie de l’étude, puis les
résultats, les limites de l’étude, et enfin les trois principaux résultats qui nécessitent une
discussion critique, notamment les représentations des patients âgés obèses par les médecins
généralistes.
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Dans le document
UNIVERSITE PIERRE ET MARIE CURIE - PARIS VI
(Page 43-47)