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Dénutrition chez la personne âgée obèse

Dans le document UNIVERSITE PIERRE ET MARIE CURIE - PARIS VI (Page 33-40)

1. INTRODUCTION

1.2. Dénutrition chez la personne âgée obèse

1.2.1. Définition de l’obésité

Le surpoids est défini par un IMC ≥ 25 kg/m

2

; l’obésité par un IMC ≥ 30 kg/m

2

. Au sein

de l’obésité, on définit 3 stades : un IMC ≥ 30 kg/m

2

représente une obésité modérée, un IMC ≥

35 kg/m

2

une obésité sévère, et un IMC ≥ 40 kg/m

2

une obésité morbide. Cette définition est

médicale, mais est ce que tous les patients en obésité se considèrent comme tel ? L’obésité

n’est pas perçue unanimement comme maladie par les patients, tandis qu’elle l’est pour la

majorité des médecins (18).

D’après l’OMS, Le surpoids et l’obésité sont définis comme «une accumulation anormale

ou excessive de graisse qui peut nuire à la santé». L’IMC est la mesure la plus utile du surpoids

et de l’obésité dans une population car, chez l’adulte, l’échelle est la même quels que soient le

sexe ou l’âge du sujet. Il donne toutefois une indication approximative car il ne correspond pas

forcément au même degré d’adiposité d’un individu à l’autre (19).

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L’obésité favorise la survenue de maladies cardiovasculaires (principalement les

cardiopathies et les accidents vasculaires cérébraux), du diabète, des troubles

musculo-squelettiques, en particulier l’arthrose, des cancers de l’endomètre, du sein et du colon).

1.2.2. La sarcopénie

Pour comprendre le concept de dénutrition chez la personne obèse, il est utile de

s’intéresser à la sarcopénie. La définition de la dénutrition étant principalement basée sur le

poids, il est difficile de se représenter une personne obèse dénutrie. Le poids total est

faussement associé au poids de la masse grasse. Une personne obèse et dénutrie, a un excès de

masse grasse et un manque de masse maigre. La mesure de la masse maigre est donc

nécessaire pour s’imaginer une dénutrition au cours d’une obésité et donc mesurer

l’importance de la fragilité d’une personne âgée obèse.

Auparavant la définition de la sarcopénie de Baumgartner était souvent utilisée, elle

était définit seulement par la baisse de la masse musculaire (20). C’est-à-dire que le rapport de

la masse musculaire appendiculaire divisée par la taille au carré était calculé, et le patient était

considéré comme sarcopénique si ce rapport était inférieur à deux écarts-types (21).

D’après le consensus européen de 2010 (EWGSOP), la sarcopénie est définie par une

diminution de la masse musculaire et de la fonction musculaire (force et/ou performance) qui

peuvent entrainer des comorbidités, une altération de la qualité de vie, voire le décès (22). Les 2

critères sont utiles au diagnostic car la force musculaire ne dépend pas seulement de la masse

musculaire, et la relation entre la force musculaire et la masse musculaire n’est pas linéaire (22).

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Les outils de mesure de référence sont :

o L’absorptiométrie biphotonique (DEXA) pour la masse musculaire : le taux de masse

maigre est calculé par le rapport de la masse musculaire appendiculaire, divisé par la

taille au carré. La sarcopénie est définie par un seuil inférieur à deux dérivations

standards.

o Le dynamomètre mesure la force musculaire : une force musculaire inférieure à 30 kg

chez l’homme et inférieure à 20 kg chez la femme définissent la sarcopénie.

o Le test SPPB (Short Physical Performance Battery) évalue la performance musculaire : ce

test mesure le temps d’équilibre du patient pieds joints, puis pieds l’un devant l’autre ; la

vitesse de marche sur 4 mètres ; se lever d’une chaise plusieurs fois d’affilé. Un test

inférieur à 8 sur un total de 12 points signe la sarcopénie (22), (23).

Ce dernier outil est le seul accessible aisément en pratique de ville.

La prévalence de la sarcopénie varie en fonction des études du fait de l’absence de

définition consensuelle au niveau mondial. La prévalence de la sarcopénie augmente avec l’âge.

Morley estime la prévalence de la sarcopénie entre 5 à 13 % dans une population de 60 à 70

ans, et entre 11 à 50% chez les plus de 80 ans, en fonction des études (24). A partir de 50 ans, la

perte de masse musculaire est estimée à environ 1 à 2 % par an (25). Après 60 ans, l’homme

perd en moyenne 2,4 kg de masse maigre tous les 10 ans et la femme 0,6 kg alors que la masse

grasse augmente (26).

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L’origine est plurifactorielle : diminution des apports protéiques, diminution des hormones

anabolisantes, diminution de l’activité physique, augmentation de l’inflammation, diminution de

la synthèse protéique. La sarcopénie entraine une augmentation des chutes, plus

d’institutionnalisation, une perte d’autonomie, une fragilité (27).

1.2.3. Obésité sarcopénique

L’obésité sarcopénique est définit par un IMC > 30 kg/m

2

et une réduction de la masse et

de la fonction musculaire (28).

La perte de la masse et de la force musculaire liée à l’âge est souvent indépendante de la

masse corporelle (22). En règle générale, l’augmentation de la masse maigre va de pair avec

celle de la masse grasse. En revanche le sujet obèse sarcopénique a une masse maigre plus

faible que ne le voudrait son excès d’adiposité (29).

L’obésité entraine une insulinorésistance, une inflammation chronique, et une surcharge

adipocytaire. Ces 3 phénomènes sont impliqués dans la diminution de la synthèse protéique.

Notamment l’infiltration des cellules graisseuses dans le muscle est responsable d’une

lipotoxicité donc l’oxydation des acides gras est altérée. De ce fait il y a une diminution de la

masse et de la force musculaire, et la perte de la masse grasse est limitée (28). Le rapport de la

masse maigre par rapport à la masse grasse augmente et aggrave l’obésité sarcopénique.

1.2.4. Complications de l’obésité chez la personne âgée

La vieillesse aggrave les complications de l’obésité et inversement. Il existe donc une

augmentation des risques de survenue de maladie cardiovasculaire, diabète, insuffisance

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respiratoire dont un syndrome d’apnée du sommeil, arthrose, cancers, incontinence urinaire,

démence, troubles trophiques, déclin de la qualité de vie (26).

Le surpoids n’est pas associé à une augmentation du risque de mortalité chez les adultes

≥ 65 ans, mais l’obésité est associée à une augmentation modeste du risque de mortalité

d’environ 10 % (30). L’augmentation du risque de mortalité liée à l’obésité est observée jusqu’à

75 ans. Chez le sujet âgé, seuls 1,2 % des décès seraient liés à un IMC élevé (26).

Les complications de l’obésité et du vieillissement s’intriquent pour favoriser la

sarcopénie (Figure 1). La perte de masse maigre au cours des phases d’amaigrissement n’est pas

récupérée lors des phases de stabilisation ou de prise de poids. Les régimes « yoyo » pondéraux

augmentent le risque de sarcopénie (26). L’obésité favorise les maladies chroniques telles que

l’insuffisance cardiaque, respiratoire ou rénale. Mais l’association d’une de ces complications à

la dénutrition est une situation à plus haut risque de dénutrition que la présence concomitante

de l’une de ces maladies et de l’obésité (26).

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Figure 1 : impact de l’obésité et du vieillissement sur la performance physique et la sarcopénie,

intrication des facteurs physiopathologiques (d’après Quilliot et al., (26)).

1.2.5. L’amaigrissement chez la personne âgée obèse

Chez les sujets âgés obèses, la perte de poids involontaire est associée à une

augmentation du risque de mortalité, mais qui peut être liée à la pathologie sous-jacente.

Chez des patients âgés de plus de 60 ans, ayant un IMC ≥ 27 kg/m

2

, une perte de poids

intentionnelle de 3 % (ou de 2 kg) par rapport au poids initial et un suivi ≥ 6 mois, apporte des

bénéfices significatifs chez les patients souffrant d’arthrose, de maladies coronariennes et de

diabète de type 2, mais a des effets légèrement défavorables sur leur densité osseuse et leur

masse maigre (30).

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Chez les personnes âgées obèses, la perte de poids surtout quand elle touche la masse

maigre a un impact majeur sur les capacités fonctionnelles c’est-à-dire sur la performance

musculaire. Sur le plan fonctionnel, c’est l’obésité associée à une sarcopénie qui représente la

situation la plus à risque (26).

1.2.6. Effet d’un régime restrictif sur la dénutrition et les carences

Un des objectifs du « programme national nutrition santé » (PNNS) et du « plan

obésité » vise à réduire l’obésité et le surpoids dans la population (5). La perte de poids chez les

sujets obèses peut être perçue favorablement dans une maladie chronique alors qu’elle est

souvent un facteur prédictif négatif de la maladie (26). L’amaigrissement volontaire ou

involontaire entraine une perte musculaire, une diminution de la masse maigre, donc un risque

de sarcopénie (26).

Lors des prises de poids ultérieures, ou effet rebond, le patient ne récupère pas toute sa

masse maigre, mais prend de la masse grasse. Lors d’une perte de poids, deux mécanismes sont

impliqués : la lipolyse diminue le nombre d’acide gras, et la protéolyse diminue les acides

aminés musculaires.

Pour assurer la quantité de glucose nécessaire au cerveau, et surtout dans les régimes

hypoglucidiques, l’organisme utilise la néoglucogénèse à partir des acides aminés (protéolyse)

ce qui diminue la masse musculaire (31). Enfin, ce problème peut être aggravé par le

vieillissement qui s’accompagne d’une sarcopénie et qui modifie la réponse métabolique au

déficit énergétique, illustrant le danger potentiel des régimes restrictifs dans cette population.

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Les régimes restrictifs (hyposodés, diabétiques, hypocholestérolémiant ou une

association) chez les personnes âgées de plus de 75 ans entrainent un risque plus élevé d’avoir

un score inférieur à 12 au test MNA dans sa forme courte (OR =3,6), donc une augmentation du

risque de dénutrition par rapport à une population du même âge sans régime (32). Il est difficile

d’allier des règles diététiques pour prévenir l’apparition d’une pathologie chronique et le risque

de perdre de la masse maigre car ces règles sont souvent contradictoires et peuvent générer

une perte d’envie de manger. D’autant plus que les conséquences de la dénutrition augmentent

le risque de décompensation de pathologies chroniques (33). La prévention de la perte de

masse maigre doit être la préoccupation majeure du régime prescrit à un obèse âgé.

Aucun des régimes ne semble être adapté aux besoins de cette population âgée, la

promotion de l’activité physique est indispensable au maintien de la masse maigre de la

personne âgée (34). En effet la pratique d’un exercice physique contre résistance permet

l’amélioration de la masse et de la force musculaire, mais ce n’est pas toujours suffisant pour

combler la perte chez la personne âgée (35). Le traitement efficace est l’association d’un

programme d’entrainement contre résistance et d’une supplémentation protéique adaptée.

Cette association permet la prévention et le traitement de la sarcopénie (23).

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